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Mademoiselle_Didi
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Chapitre 2

La voiture avançait lentement ,ses phares glissant sur les haies taillées avec une rigueur presque chirurgicale.

Le silence était plus dense que l’air de la nuit. Lucas tenait le volant d’une main, les jointures blanchies pendant que Clara fixait l’écran de son téléphone, le visage impassible.

- On arrive, dit-il simplement.

Elle leva brièvement les yeux, puis les rebaissa.

- Parfait Il est 19h58, deux minutes d’avance il aimera ça.

Il ne répondit pas.  À peine arrêtés James Lancaster, l’oncle de Lucas apparut sur le perron.

Grand, sec, vêtu d’un costume sombre, le regard plus évaluateur qu’accueillant,  aucun sourire Il n’était pas du genre à gaspiller une expression pour une salutation.

- Ponctuels, c’est appréciable surtout de la part de mon héritier.

Sa voix grave dénuée de chaleur tombait comme une sentence.

Lucas descendit, fit le tour de la voiture et ouvrit la portière à Clara. Elle en sortit avec une élégance maîtrisée, drapée d’une robe bleu nuit qui contrastait avec la pâleur de sa peau et la distance dans son regard.

- Bonsoir James. dit-elle avec le ton parfaitement ajusté.

- Clara toujours aussi raffinée.

Lucas tiqua mais ne rajouta rien. 

L’intérieur de la demeure baignait dans une lumière dorée, trop chaleureuse pour être sincère. Le personnel évoluait en silence, silhouettes discrètes et bien habillées. Ce dîner à trois avait tout d’un examen déguisé.

Ils furent aussitôt conduits à la salle à manger; La table interminable, dressée avec une symétrie militaire.

Clara s’installa à la droite de James, Lucas en face. Une disposition stratégique, rien n’était laissé au hasard.

- Le domaine se porte bien ? lança James en faisant signe à la gouvernante de servir le vin.

- Les résultats du trimestre sont satisfaisants, répondit Lucas d’un ton mécanique. Les pertes dans l’automobile ont été compensées par les investissements immobiliers. On projette un bénéfice net de 4,7 % si…

- Inutile de me réciter les chiffres, je les connais déjà. Ce que j’attends Lucas c’est autre chose.

Le silence tomba, lourd et brutal.

Clara croisa les jambes avec discrétion, elle savait ce qui suivrait et Lucas aussi. Il serra les lèvres mais James reprit

- Le nom Lancaster n’a pas besoin que d’un bon gestionnaire Il lui faut une suite, j’ai porté ce groupe pendant trente ans, tu es intelligent je te l’accorde mais il faut penser à l’avenir à une descendance. Trois ans de mariage et toujours rien, que cherchez-vous à prouver ?

Lucas sentit une tension lui traverser la poitrine, il avala une gorgée de vin.

- On a le temps oncle, les projets professionnels sont prenants et…

- Des prétextes, coupa James sèchement. Toujours des prétextes, tu sais ce qui a tué ton père ? Le doute. Il pensait avoir l’éternité devant lui et Il s’est trompé. Il est parti sans avoir assuré la relève, je refuse de revivre ça.

La mention de son pere le heurta comme une lame froide. Clara posa calmement sa serviette sur ses genoux.

- Nous avons eu cette discussion James, dit-elle avec un sourire parfaitement poli. Nous attendions simplement le bon moment mais soyez rassuré c’est désormais une priorité.

Sa voix maîtrisée était une arme diplomatique. James la scruta en plissa les yeux.

- Vous êtes des Lancaster, vous n’avez pas le privilège de l’attente et ce nom ne se transmet pas avec des promesses, il doit circuler dans les veines.

Lucas sentit ses tempes pulser, ce repas n’avait rien de familial. C’était un ultimatum déguisé et il le savait. Même Clara désormais,ne voyait plus cela comme un choix mais comme une obligation.

Ils finirent le dîner en silence, les bouchées fades, les regards fuyants. Lucas fixait la flamme vacillante d’une bougie fasciné par sa fragilité, elle semblait sur le point de s’éteindre comme lui.

En partant, James leur serra la main puis se pencha vers Lucas pour murmurer 

- Je t’ai tout transmis, je veux juste m’assurer que tu ne sois pas le dernier.

Sur le chemin du retour, Clara posa la tête contre la vitre silencieuse et Lucas conduisait, les phares fendillant la nuit.

- Il n’a pas tout à fait tort, murmura-t-elle.

Il serra les dents.

- On n’est pas obligés de lui ressembler.

Elle tourna le visage vers lui, le regard inexpressif.

- Tu lui ressembles déjà plus que tu ne veux l’admettre.

Il ne répondit pas.

Et dans le silence revenu, Lucas comprit que le vrai poids qu’il portait n’était ni celui de l’entreprise ni celui du mariage. C’était celui de tous ces choix qu’il n’avait jamais faits, d’une vie qu’on lui avait bâtie sans qu’il y consente.

La porte d’entrée claqua derrière eux et le silence qui s’installa dans l’appartement était glacé.

Lucas déposa les clés sur la console, défaisant lentement sa veste. Clara retira ses escarpins d’un geste mécanique, prisonnière d’une routine vidée de sens.

Ils se croisèrent dans le couloir sans échanger un mot, deux inconnus partageant un même espace.

Lucas rejoignit la cuisine, se servit un verre d’eau glacée qu’il but d’un trait. Sa gorge restait nouée depuis le dîner et l’air semblait plus lourd que jamais.

- Il faudra y réfléchir sérieusement Lucas. lança Clara depuis le couloir.

Sa voix était vide presque robotique.

- Penser à quelque chose ne le rend pas plus vrai. répondit-il sans se retourner.

Elle ne dit rien.

Dans la chambre, elle s’allongea?dos tourné vers lui mais éveillée.

Lui resta debout près de la fenêtre contemplant les lumières de la ville comme on regarde une promesse oubliée.

Le temps passa puis Clara murmura sans bouger

- Viens te coucher.

Il hésita.

- Lucas…

Sa voix avait changé, elle vibrait d’un doute, d’une douceur inhabituelle. Il se retourna, elle était là, immobile, la couverture tirée jusqu’à la poitrine, les yeux qui tentaient encore de croire à quelque chose.

Elle tendit la main mais Il ne bougea pas.

- On pourrait essayer… Peut-être que… ça viendrait tout seul.

Il secoua lentement la tête.

- Ce n’est pas comme ça que ça devrait se passer.

Elle ferma brièvement les yeux.

- Alors quoi ? comment on va faire pour satisfaire tout le monde ?

Il détourna le regard.

- Je vais dormir au salon.

Elle ne protesta pas. Il prit un oreiller, une couverture et quitta la chambre comme on quitte un lieu en flammes.

Installé sur le canapé l’esprit vide mais agité, Lucas attrapa son téléphone. Il scrollait sans vraiment lire jusqu’à ce qu’une publication l’arrête.

Un lien vers un groupe : Stanford Promo 2015: Génération Excellence. Il cliqua poussé par une curiosité sans enthousiasme.

Des visages familiers, des souvenirs de jeunesse puis un nom capta son attention.

Nora Benette.

Juste en dessous, un post signé Dana Sommer :

C’est avec une immense tristesse que nous annonçons le décès de notre chère Nora Benette, une lumière de notre promotion, une âme rare. Elle nous a quittés cette semaine. Toutes nos pensées accompagnent sa famille.

Le monde s’immobilisa.

Lucas resta pétrifié, son cœur ralentit… puis s’emballa.

Nora.

Il ouvrit la photo, un cliché récent, son sourire intact, son regard lumineux, inchangé.

Nora vivante.

Nora présente.

Et maintenant… morte ?

Il reposa le téléphone avec précaution comme s’il pouvait encore effacer la nouvelle.

Un vertige l’envahit, les souvenirs s’imposèrent violemment : son rire, les bancs de Stanford, ses carnets…

- Non… murmura-t-il à peine audible.

Clara dormait à l’autre bout de l’appartement et la ville poursuivait sa course indifférente mais pour Lucas quelque chose s’était brisé d’une manière silencieuse et profonde.

Quelque chose qu’il avait toujours fui mais qui lui tenait pourtant coeur.

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2 Comments

17 days
On arrive bientôt au retour vers le passé ! J'ai hâte de voir ça et de connaître Nora :)
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17 days
Cette manière de nous faire ressentir les choses est parfaite. Il ne manquait plus que l’annonce de Nora pour que son monde lui semble encore plus dérisoire. Il me tarde à présent de découvrir le retour en arrière.
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