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Mademoiselle_Didi
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Chapitre 5

- Tu étais où ? lança Matteo en s’écroulant dans un fauteuil du petit salon étudiant qu’ils fréquentaient depuis leur deuxième année.

Lucas haussa les épaules le regard perdu dans le vide.

- Bibliothèque… j’avais besoin de vérifier quelque chose.

Matteo le regarda perplexe.

- Non mais sérieux Lucas… Tu es bizarre depuis ce matin, plus bizarre que d’habitude.

Lucas sourit doucement.

- Je réfléchis, c’est tout.

- Ouh  mauvais signe, je préfère quand tu critiques le café ou que tu planifies comment reprendre l’entreprise de ton oncle sans mourir d’ennui.

Il y eut un silence, Matteo le fixa avec un demi-sourire.

- Tu veux en parler ?

Lucas secoua la tête.

- Pas maintenant.

Matteo soupira mais n’insista pas, Il connaissait Lucas et savait que certaines portes prenaient du temps à s’ouvrir, parfois des années, parfois jamais.

Quelques minutes plus tard ils virent Nora en compagnie de son amie Lucy. Pas de grand effet, ni de musique dramatique, elle marchait simplement concentrée sur sa conversation, elle ne les regarda même pas.

Mais Lucas lui, sentit une pointe dans la poitrine comme une douleur douce lancinante. Il la connaissait aujourd’hui plus qu’elle ne l’avait jamais su et pourtant à cette époque, il n’était qu’un inconnu de plus dans la foule.

- Tu la regardes comme si elle allait s’envoler, commenta Matteo, moqueur. C’est presque flippant.

Lucas détourna vite les yeux.

- Tu es con.

- Peut-être mais je suis aussi ton meilleur ami donc j’ai le droit de te dire que tu as l’air d’un gars qui stalke sa crush depuis trois ans sans jamais bouger son cul.

Lucas éclata d’un petit rire.

- C’est pas… aussi simple.

- Tu veux que je t’écrive une intro ? “Salut, je suis Lucas.” Je crois que c’est largement suffisant pour un début.

Lucas secoua la tête, le rire devenu amer.

- Elle ne me remarquerait même pas.

- Et ça te suffit hein ? Juste l’avoir à portée de regard comme un tableau dans un musée, tu t’en contentes depuis toutes ces années…

- J’ai peur que la réalité soit moins belle que ce que j’imagine.

Matteo devint un instant plus sérieux.

- Et si la réalité était mieux ?

Lucas ne répondit pas.

Le lendemain, Lucas avait vite compris que s’il devait changer les choses ça devait commencer plus tôt que possible.

Ils approchaient déjà de la fin de l’année et dans ses souvenirs, il avait directement commencé à travailler chez son oncle après l’obtention de son diplôme, l’obligeant ainsi à se concentrer sur ses futures responsabilités.

Il savait qu’il devait vite se rapprocher de Nora mais ne savait pas comment s’y prendre sans passer pour un stalker. Elle ne devait pas avoir peur de lui s’il espérait quelque chose de concret avec elle.

Il n’avait fait que 24 heures dans le passé et avait du mal à se réhabituer au rythme des cours, à ces visages jeunes qu’il connaissait, à ces lieux familiers devenus presque étrangers mais il eut l’impression que ce matin-là, quelque chose allait changer.

Dans l’amphithéâtre principal, le professeur Davis chargé du séminaire d’innovation et d’éthique des affaires tapota sur le micro un sourire carnassier aux lèvres.

- Bon, pour cette fin d’année vous allez bosser sur un projet concrets en binôme…Oui je sais, c’est cruel mais le monde de l’entreprise est encore pire que moi.

Il eut quelques rires nerveux, Lucas sentit son estomac se nouer, il avait deja vecu cette scène dans le passée et avait peur que les choses ne se passent de la même maniere qu’il y’a dix ans.

- Les binômes seront tirés au sort et une présentation finale aura lieu dans deux semaines devant un jury d’anciens diplômés dont certains sont aujourd’hui investisseurs ou patrons. Alors… amusez-vous bien.

Matteo se pencha vers lui.

- Tu veux parier que je vais encore tomber avec un type chelou ?

Lucas esquissa un sourire distrait, Il savait que ça n’allait pas etre le cas parce que dans le passé c’est lui qui était son binome et pourtant, Il avait un autre pressentiment.

Davis déroula la liste des binômes.

- Nathan Ross et Gabrielle Portman… Louis Thomson et Cecilia Jones… Bob Duran et Ryan Scott…

Et puis la phrase tomba

- Lucas Lancaster… et Nora Benette.

Un blanc.

Le monde sembla se figer, Lucas sentit la chaleur lui monter au visage et  son cœur battait de plus en plus vite .

Matteo se tourna lentement vers lui, incrédule, les yeux ronds.

- Tu viens d’activer un arc narratif entier là.

Lucas n’entendit pas la suite du discours, il ne voyait que Nora quelques rangs devant lui qui se retournait lentement, leurs regards se croisèrent.

Elle le fixa brièvement sans sourire, pas hostile, ni amicale non plus juste neutre.

Après le cours Matteo le poussa vers elle avec l’enthousiasme d’un coach olympique.

- Vas-y. Tu vas pas laisser passer cette chance, c’est littéralement le destin et je te rappelle que tu as attendu trois ans.

Lucas s’avança lentement.

- Salut… dit-il enfin, une fois proche d’elle.

Nora releva la tête polie.

- Salut.

Il se sentit stupide. Était-ce la première fois qu’ils échangeaient réellement une parole ?

- On est… dans le même binôme.

Elle hocha la tête.

- Oui ça t’ennuie ?

- Pas du tout, répondit-il trop vite.

Un silence.

- Tu veux qu’on échange nos coordonnées pour qu’on s’organise ?

Il sortit son téléphone, ses mains tremblaient légèrement. Elle saisit le sien et ils échangèrent leurs numéros.

- Tu préfères bosser le week-end ou le soir ?

- Le soir ça m’irait mieux… Si tu veux, on peut commencer ce soir, je n’ai rien de prévu et si on commence tôt on peut finir dans les temps étant donné qu’on n’a que deux semaines.

Elle parlait calmement, presque distante mais sans froideur.

- Moi aussi, dit-il sans réfléchir.

- Toi aussi ?

Elle fixa Lucas d’un regard interrogateur et un peu perdu. Il se reprit comprenant la situation gênante.

- Je veux dire que moi aussi je suis libre.

Elle le regarda enfin plus longuement, un léger sourire effleura ses lèvres.

- Parfait alors.

Et elle tourna les talons. Lucas resta planté là comme un adolescent mal réveillé, Matteo arriva derrière lui hilare.

- Tu as survécu ! Je suis fier de toi, mec mais  le “Moi aussi”,  c’était bizarre, heureusement tu t’es bien rattrapé… Après trois ans d’observation ce que tu viens de faire c’est presque une déclaration dans ton langage.

Lucas passa une main dans ses cheveux, encore troublé.

- Je n’arrive pas à croire à cette coïncidence

- Je crois que tu es sur le point de vivre quelque chose d’énorme et si tu fais gaffe… tu pourras peut-être changer la fin.

La bibliothèque du bâtiment nord était calme, baignée par une lumière douce filtrée par les grandes baies vitrées.

C’était l’un des rares lieux encore épargnés par l’agitation du campus. Lucas était arrivé en avance bien sûr.

Il avait choisi une table dans un coin légèrement isolé avec une vue dégagée sur le reste de la salle, ses notes étaient déjà sorties, parfaitement alignées et son ordinateur était ouvert mais il ne faisait rien dessus.

Il attendait ou plutôt il se préparait mentalement à ne pas trop paraître nerveux.

Puis Nora arriva. Elle portait un pull bordeaux ample, un jean brut, ses cheveux relevés à la va-vite pas d’artifice juste elle.

Elle marcha d’un pas calme, presque silencieux comme si elle flottait. Lucas sentit son cœur accélérer alors qu’elle approchait.

- Salut dit-elle doucement en posant son sac.

- Salut.

Elle sortit son ordinateur, ses stylos, un carnet dont les pages étaient déjà annotées de notes denses et nettes. Il observa fasciné, sa manière méthodique de s’installer. Tout avait une place précise.

Il se força à détourner le regard.

- Tu as eu le temps de réfléchir à l’approche ? demanda-t-elle en ouvrant un document sur son écran.

- Oui… Il déglutit, J’ai esquissé quelques pistes mais j’aimerais avoir ton avis avant d’aller trop loin.

Elle hocha la tête et se pencha légèrement vers lui pour voir son écran, Lucas perdit le fil.

Son parfum discret mais présent flottait entre eux, pas sucré mais un mélange de cèdre et d’encre, quelque chose de sérieux comme elle.

Il se reprit, commença à lui expliquer sa vision du projet : une application éthique de micro-financement, mêlant transparence algorithmique et approche solidaire. Il avait bien travaillé mais ce n’étaient pas vraiment ses idées qu’il surveillait… c’étaient ses réactions à elle.

Elle hochait parfois la tête, prenait des notes, ne disait pas grand-chose mais elle écoutait. Et Lucas pendant ce temps-là l’observait du coin de l’œil sa manière de froncer les sourcils quand elle se concentrait, de tapoter légèrement le bout de son stylo sur la table, Il trouvait tout ça… magnétique.

- C’est cohérent, dit-elle enfin. On pourrait renforcer l’aspect éducatif. Intégrer une plateforme de conseils pour les bénéficiaires.

- Excellente idée.

Elle leva les yeux vers lui, son regard était stable, droit, sans détour.

- Tu regardes souvent les gens comme ça ?

Lucas sentit une chaleur lui monter au visage.

- Comment ça ?

- Non rien. dit-elle simplement.

Il tenta un sourire.

- Je suis juste… attentif.

Elle haussa une épaule sans sourire mais pas désagréablement.

- C’est pas un défaut.

Et elle replongea dans ses notes comme si elle venait d’ouvrir une fenêtre… puis de la refermer aussitôt.

Le reste de la séance se déroula dans un calme studieux. Nora parlait peu mais chaque intervention était précise, pertinente. Lucas la laissait souvent mener la réflexion non pas par manque d’idées mais parce qu’il aimait la façon dont elle construisait les siennes.

À un moment alors qu’elle tapait sur son clavier une mèche de cheveux échappa à son chignon. Elle ne sembla pas le remarquer mais lui, si.

Il se mordit la langue pour ne pas la lui remettre. Quand la séance toucha à sa fin Nora referma doucement son ordinateur.

- On a bien avancé. On peut se revoir jeudi, donc après-demain ?

- Oui. Même heure ?

- Même endroit.

Elle le regarda brièvement comme pour confirmer un accord tacite puis se leva et remit son sac sur l’épaule.

- Bonne soirée Lucas.

Il mit un moment à répondre.

- Toi aussi Nora.

Et elle s’en alla comme elle était venue.

Lucas resta là, seul, son regard suivant la silhouette qui s’éloignait.

- Matteo avait raison si je fais gaffe tout se passera très bien.

Seulement que le simple fait d’être près d’elle suffisait à rendre le monde un peu plus… silencieux mais vivant.

Lucas retrouva Matteo à leur café habituel, un petit coin vintage où les serveurs les connaissaient par leurs prénoms et où les muffins sortaient encore tièdes du four.

Matteo l’attendait déjà à leur table, deux cafés devant lui, une moitié de croissant dans la bouche les yeux rivés sur son téléphone.

- Tu es en retard, marmonna-t-il sans lever les yeux. J’ai failli me faire kidnapper par la serveuse qui me drague depuis deux semaines.

Lucas sourit à peine et tira sa chaise comme quoi même dans ce passé la serveuse est toujours attiré par Matteo.

- Je croyais que tu aimais bien être kidnappé.

- Je suis un homme à principes, pas avant le troisième muffin.

Il déposa son téléphone et le dévisagea avec un faux air sérieux.

- Alors ? Tu as vue la mystérieuse Nora ? Elle est en carton ou en chair ?

Lucas soupira, attrapa son café.

- On a bossé.

- Wouah ton enthousiasme me transperce, c’était si ennuyeux que ça ?

Lucas secoua la tête, regardant la mousse de son café comme si elle contenait la réponse à des questions qu’il n’osait pas poser.

- Non c’était…

Il s’interrompit, Matteo se pencha en avant un air curieux.

- C’était quoi ?

- Silencieux mais merveilleux…Concentré mais passionant… Elle est... impressionnante. Elle capte tout, elle parle peu mais quand elle le fait c’est juste… Je sais pas… Elle dégage quelque chose…

Matteo hocha lentement la tête un sourire en coin.

- Tu sais que tu parles d’elle comme un poète hein… Lucas est amoureux

Lucas leva les yeux l’air blasé.

- Arrête.

- Non mais sérieusement mec, ça fait des années que tu la regardes comme si elle détenait les plans de ton bonheur et tu veux que je croie que tu n’es pas amoureux ?

Lucas pinça les lèvres.

-  Mais je veux juste me contrôler face à elle.

- Ouais, ouais et moi je suis bouddhiste depuis ce matin.

Il croqua un bout de croissant et reprit

- Tu l’as regardée combien de fois sans qu’elle le voie ?

- ...

- Voilà… Mec elle va jamais le savoir ce que tu ressens pour elle si tu restes planqué derrière ton écran à analyser son angle de frappe au clavier.

Lucas laissa échapper un rire discret.

- Tu n’as pas changé.

- Toi non plus, toujours aussi chiantement romantique. Tu sais que je t’adore hein mais parfois je voudrais te secouer jusqu’à ce que tu sois un peu plus impulsif.

Lucas but une gorgée de son café, un sourire discret aux lèvres.

- Elle me calme quand je suis avec elle, j’ai envie de faire les choses bien cette-fois… Ce n’est pas  un jeu ni pour le plaisir alors j’aimerai faire les choses bien.

Matteo hocha la tête cette fois sans ironie.

- Ouais tu as l’air sérieux.

Silence et il reprit 

- Bon c’est quoi le plan alors ?

- Apprendre à la connaître et faire tout correctement.

- Tu veux dire : la regarder intensément pendant des semaines et espérer qu’elle devine que tu es amoureux d’elle depuis trois ans ?

Lucas soupira.

- Je veux dire : faire les choses bien.

Matteo leva les mains faussement dramatique.

- Seigneur donne-lui du courage ou une claque ferme pour qu’il bouge.

Ils éclatèrent de rire.

La porte claqua doucement derrière eux, Matteo fatigué après le dîner s’affala sur son lit, ses paupières lourdes cédant rapidement au sommeil.

Lucas resta debout regardant par la fenêtre la lumière orangée de la ville s’estomper doucement.

Le silence de la chambre pesait lourd pourtant il était paradoxalement apaisant, un moment suspendu hors du temps.

Lucas s’assit au bord de son lit, les mains jointes, le regard perdu dans le vague. Il repensa à ce qu’il avait vécu, ce qu’il savait, ce qu’il avait laissé derrière lui dans ce futur qui lui brisait le cœur.

Il pensa à Nora, à sa lumière éteinte trop tôt et à douleur de son absence.

A ce vide qui l’avait rongé pendant toutes ces années, le mariage sans amour, les nuits froides et les jours sans joi

A L’héritage, aux attentes écrasantes de son oncle, à l’entreprise familiale qui attendait qu’il soit à la hauteur, qu’il succède à un géant, qu’il porte le nom Lancaster avec grandeur, qu’il fasse honneur à cette dynastie où il n’y a pas de place pour les rêves ou les temps pour les faiblesses.

Lucas ferma les yeux cherchant la force dans ses souvenirs.

- Matteo a raison, je dois oser, je dois vivre pour moi… mais surtout pour elle.

La peur le tenaillait, peur de ne pas y arriver, peur de la perdre à nouveau, peur que le poids du passé et des obligations écrase ses chances mais au fond une lueur d’espoir brûlait plus fort que tout.

Lucas se tourna lentement vers le lit où Matteo dormait, un sourire triste aux lèvres.

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2 Comments

14 days
Tous les caractères sont si marqués que les personnalités sont parfaites. Matteo aussi a un rôle important et je suis fan de ses petites répliques 🥰
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10 days
Moi aussi, pour le moment matteo est mon personnage préféré
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