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Chapitre 12 : Manzanilla

Il était grand. Si grand que j’avais l’impression de me tenir face à un géant de bronze,  Talos, le protecteur de l’île du soleil. Pourtant, en réalité, il ne dépassait ma taille que de quelques centimètres. Ce qui le rendait si imposant, c’était l’aura qu’il dégageait.

Une lumière pure, éclatante, presque divine. On aurait dit que l’un des Nephilims, ces êtres mi-anges, mi-humains, se tenait devant moi. Ses cheveux étaient épais, denses, semblables à du velours, avec une teinte qui rappelait le bronze poli. Ses lunettes dissimulaient un regard sombre, des yeux d’un marron si profond qu’ils en paraissaient presque noirs.

Il portait des vêtements impeccables, comme à son habitude : un costume élégant surmonté d’une surveste en peau animale, probablement de la biche. Les couleurs de sa tenue étaient claires sur le dessus, mais sombres vers le bas. Comme s’il hésitait, incapable de choisir entre deux styles opposés. Comme si deux hommes vivaient en lui, cohabitant dans un seul corps.

— “Nous ne nous sommes jamais rencontrés, cher fantôme. Je suis Héphalion, frère du terrible Arès. C’est à la fois une joie et un honneur de te rencontrer, fils du ciel.”

Sa voix fit courir un frisson glacé dans mon dos. Grave et écrasante, elle portait pourtant une certaine douceur, une sympathie latente. Chaque mot semblait choisi avec soin. Ses yeux, bien que neutres, renvoyaient une bienveillance teintée de mystère.

— “ Tu te dis sûrement que je suis à la fois l’ange et le démon. Le dieu et le titan ? Rassure-toi, notre rencontre aujourd’hui est à la fois le fruit du hasard et l’éclosion d’un espoir : celui que j’avais, depuis longtemps, de t’aborder. “

Il ajusta ses lunettes d’un geste précis de l’index droit, tandis que sa main gauche tenait un livre sur l’esp……

— “ L’espace… Oui, un ouvrage sublime. J’ai beaucoup appris sur toi, fils du ciel. Tu guides les marins dans la nuit sombre, n’est-ce pas ? Mon père était marin, autrefois, sur un bateau en forme de vache.” Il marqua une pause, un sourire amusé effleurant ses lèvres, puis ajouta :
— “ Que dis-je ? J’essaie désespérément d’acquérir de l’humour, mais je n’y arrive pas… AHAHA !”

Son rire résonna, étrange, presque forcé, comme retenu. Le silence du couloir, en contraste, me rendait nerveux… ou peut-être était-ce simplement sa présence.

—  “Héphalion,” dis-je,
—  “je suis honoré de rencontrer le champion d’échecs de la région, cinq fois d’affilée, le chef d’orchestre de la cathédrale d’Arrasphora, sans oublier tes innombrables exploits. L’espoir dont tu parlais vient de se réaliser. Je te souhaite une agréable journée.”

Je commença à m’éloigner, mais il m’arrêta. J’aurais dû prévoir ce geste, deviner ses intentions. Après tout, il était l’affliction de bien des tourments.

— “Orion, voyons. Nous avons le temps. Il n’y a personne autour. Tu es en sécurité, rassure-toi. Laisse-moi donc amener mon fou… et mon cavalier.” Un sourire énigmatique apparut sur ses lèvres.
— “ Je t’en prie, parle donc.”

Il se dirigea vers une fenêtre, contemplant le vol des hirondelles, la chute des feuilles. Le vent s’était calmé, et le vêtement des arbres  traversaient le bleu du ciel et les quelques nuages blancs sans une seule vrille, juste une ligne droite, comme si elles-mêmes étaient influencées par son charisme écrasant.
De la buée apparut sur la vitre, tant son souffle semblait étais aride, il soufflé le Mexique, le Sonora. Son dos restait droit, ses mains croisées derrière lui.
À cet instant, son profil me rappela ces grands conquérants que l’Histoire chérit : Napoléon, Jules César, Arthur Wellesley, Gengis Khan… Et pourtant, une différence fondamentale le séparait d’eux. Là où ces hommes regardaient le monde avec désir et fascination, Héphalion le contemplait avec horreur et dégoût.

Son regard était le tout et l’unique, froid et chaleureux, livide et accueillant, dur et doux. Un homme séparée en deux…..

Quel homme était-il ? Je me posais la question aussi souvent que je me la posais sur moi-même. Qui étaient-ils ? Qui était-il ? Qui était Vénus ? Qu’était ce monde ?

La seule chose dont j’étais certain, c’est qu’Héphalion, lui, savait exactement qui il était. Il savait ce qu’il voulait… et ce qu’il ne voulait pas.
Et en cet instant précis, en observant son ombre se découper sur la fenêtre, une pensée me frappa : il me rappelait Vénus.

[BOOM, BOOM]

Même  détermination, même savoir, et dans le fond même regards pourtant… Lui voyait la vie comme un champ de bataille ; elle, comme un champ de fleurs. Des tulipes, toutes différentes par leur taille, leur couleur, le nombre de pétales. Certaines fraîches, d’autres défraîchies. Pourtant
Je savais une chose avec certitude que. Vénus cueillerait chaque petite fleur, même la plus abîmée, et l’arroserait de son sourire et de sa douceur. Héphalion, lui, la brûlerait, un sourire en coin, regardant les cendres s’élever dans le vent.

— “ Vieux frère, Orion, fils du ciel. Peu importe le nom que je te donne, j’aimerais que tu m’accordes une chose : ton pardon.” Il s’interrompit, un moment, comme pour choisir avec soin ses mots.
— “ Je sais ce que mon frère a osé te faire. Comme toujours, il a essayé de dominer par la force, sans la moindre intelligence. Il n’a jamais lu L’Art de la Guerre, alors forcément, il manque d’un grain.” Un sourire amer effleura ses lèvres avant qu’il ne continue :
— « Je sais qu’il ne viendra jamais te demander pardon. Mais moi, j’ai un honneur familial à respecter, et lui l’a entaché de sa salive. Alors aujourd’hui, je te demande pardon… Vieux frère. »

Il détourna son regard de la fenêtre, décroisa ses mains, et s’avança vers moi. Lentement, il mit un genou à terre, baissa la tête, et répéta dans un souffle :

— « Pardonne-moi, vieux frère. »

Vénus réapparut dans mon esprit, s’imposant comme une vision obsédante. Je la voyais partout, dans chaque recoin du couloir, derrière la porte, dans l’escalier, près de la fenêtre, même sur le bord du toit. Et là, à mes genoux.

Héphalion, dans son inclinaison, me montrait sa faiblesse. Mais derrière cet acte, que se cachait-il ? Un piège ? Une ruse ? La perte de ma dame ?

— « Tu ne m’as rien fait, ni dit. Pourquoi te pardonner ? Ta famille ne m’a rien fait. Ton frère reste ton frère, et même si je te pardonne, rien ne l’empêchera de recommencer. Je ne suis personne. Je ne veux être personne. Alors, je t’en prie, oublie-moi… Vieux frère. Tu l’as parfaitement dit, je suis vieux jeu, mais je ne suis pas ton frère. Laisse-moi tranquille, et tu feras de moi l’homme le plus heureux. »

Il releva la tête, un sourire grandissant sur ses lèvres, et répondit :

— « J’aime la façon dont tu apportes tes mots. On dirait que tu rédiges, comme les aèdes de mon temps, comme les grands noms de ce monde. »
— « Merci… vieux frère. AHAHA ! »

Ce rire avait le timbre apaisant de Vénus, une douceur qui me déstabilisait. Il se redressa, me fit un grand signe de la main, puis inclina la tête, comme le ferait un Japonais. Je m’éloigna, mais en me retournant une dernière fois, il avait disparu. Comme une plume emportée par le vent.

À mon tour, je pris le temps d’observer le monde. Le petit vent qui s’était échappé face à mon vieux frère faisait maintenant danser les rideaux, les feuilles, et tout autre petit artifice. Le monde vivait.

Je crois que c’est cette réflexion qui m’a le plus marqué ce jour-là.

Les enfants jouaient, dansaient. Les mères souriaient. Les pères aussi. Même les vieilles personnes semblaient savourer leur vie.

Et moi… Moi, à peine majeur, je me disais que j’avais tout vécu, que je ne voulais plus vivre.

J’aurais voulu que Vénus regarde le monde avec moi. Elle aurait su me dire comment ne plus avoir peur de lui.

Je baissa les yeux et aperçus un pommier. Un arbre que je n’avais jamais vu auparavant. Au pied de celui-ci, la terre était sombre, humide, presque noire.
Le pommier était jeune, mais déjà grand. Pas un bourgeon, pas même une fleur blanche à ses branches. Pourtant, à son sommet, trônait une pomme. Rouge. Très rouge.
Elle semblait si parfaite que j’en étais certain : elle devait être sucrée, presque acidulée. Je m’imaginais déjà son jus dégoulinant le long de mon menton, le plaisir de sentir mes dents mordre dans sa chair fraîche et croquante, d’être envoûté par son goût, trompé par son apparence.
Le rouge velours… Voilà ce qui attirait mon regard. Voilà ce qui me pousserait un jour à grimper dans cet arbre.

Cueillir cette pomme.

La déguster.

Et tomber à la renverse, car chaque pomme n’est pas forcément celle d’un pommier.

L’élan que j’aurais pris pour l’attraper sera le même qui me fera chuter.

.

.

.

Mais qu'est-ce qu’une pomme faisait sur cet arbre à cette époque ?

— « Encore un coup du réchauffement climatique, ça. » dis-je tout haut, comme pour justifier l’anomalie.

Je n’avais pas le temps de m’attarder davantage. La SVT m’attendait. Bien que je n’en aie plus vraiment besoin avec toutes mes connaissances dans cette matière, je l’appréciais encore parfois. Elle faisait remonter quelques souvenirs enfouis de mes parents… Les balades en forêt où mon père m’apprenait à reconnaître les champignons dangereux, ma mère qui me montrait les herbes médicinales avec patience.
Quand j’entra dans la salle, elle était plus pleine qu’à l’accoutumée. Je reconnus les jumeaux, meilleurs amis d’Arès, qui baissèrent les yeux, évitant même de croiser mon regard. Yuki était là aussi, elle me fit de grands signes. Mais… pas Vénus.

Je m’installai près de Yuki sans un mot, jetant un coup d’œil autour de moi. Rien d’anormal, tout semblait ordinaire…

.

.

— « Je suis sortie de la cage dorée, Orion… »
— « Je… »
— « Tu sais, Orion… Quand j’étais petite, j’aimais la mer. J’en rêvais constamment. Je voulais sentir l’écume blanche caresser ma peau, plonger dans ses eaux, avoir les cheveux mouillés par l’eau salée, granuleux par le sable perdu entre mes mèches.

Mais je n’y suis jamais allée. Jamais. Alors, un jour, j’ai abandonné la mer. Elle a disparu de mes pensées. J’ai effacé son visage de mon esprit.

Et ce matin… un raz-de-marée, un raz-de-marée de tes mots, m’a rappelé qu’elle existe toujours. Il m'a rappelé que je veux encore me baigner dans cette mer. Que je veux vivre ce que j’ai toujours voulu être.

Et ce que je veux être… »

Elle se tourna vers moi, les yeux brillants d’une nouvelle lumière.

— « Ce n’est pas ce que ma mère veut pour moi. Mais ce que veut ma mère, ce n’est pas ce que je veux, moi. Alors, grâce au raz-de-marée que tu es, je suis une nouvelle femme.
Je ne suis plus dans le passé ni dans le futur. Je suis Yuki Saki. Et un jour… j’ouvrirai un orphelinat. Il s’appellera Happy, car leur bonheur sera si grand qu’ils oublieront tous leurs malheurs. »

Elle ponctua son discours d’un sourire éclatant, rayonnant comme un soleil. Même la blancheur de sa peau semblait moins forte…

Yuki…

[CLAC]

Un grand bruit sec interrompit cet instant . Tous les regards se tournèrent vers l’entrée.

Le mythe entra dans la salle.

Il regardé avec tristesse la tragédie qu’il porte en lui. 

Cette tragédie…Elle porter le nom d’Orion


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