La journée s'étira lentement, les heures se dérobant sous mes yeux comme du sable entre mes doigts. Mon esprit était envahi par l'adresse griffonnée sur ce petit bout de papier, par l'incertitude, par la promesse d'une vérité qui risquait de tout changer.
La nuit approchait, et avec elle, le poids du secret. Paul et moi restions silencieux pendant le trajet retour, l'un concentré sur la route, l'autre perdu dans ses pensées. Chaque virage, chaque éclairage qui défilait, me semblait comme un prélude à l'inconnu.
À l'intérieur de la maison, l'atmosphère était lourde. L'heure de la confrontation était proche. Je n'avais pas mangé, ni dormi convenablement. Mais il n'y avait pas de place pour la fatigue. Le temps de la curiosité passait, et celui de la vérité approchait à grands pas.
Je m'installai sur le canapé, regardant le mur comme si je pouvais y lire la suite de l'histoire. Paul préparait des papiers sur la table, ses gestes mécaniques mais décidés.
- Ali, tu es prête ? dit-il, sa voix brisant le silence. Il se tenait là, son regard scrutant le mien, comme pour s'assurer que je n'allais pas hésiter.
Je hochai la tête, même si mon estomac se serrait.
- Il n'y a pas de retour en arrière, ajouta-t-il calmement, mais l'avertissement était clair.
Je n'avais jamais été aussi consciente de cette vérité. Depuis que j'étais entrée dans ce monde de secrets et de mensonges, je savais que chaque pas me conduisait plus près de quelque chose de bien plus grand que ce que j'avais imaginé.
La voiture ronronna sous nous alors que nous prenions la direction de l'adresse que Luke nous avait donnée. Le silence était devenu insupportable.
La ville semblait différente la nuit. Les ombres s'étiraient, les néons criaient leur éclat irréel dans l'obscurité, mais tout avait un air déconnecté, comme si le monde s'arrêtait pour écouter ce que nous allions découvrir. Chaque coin de rue, chaque pas semblait peser des tonnes.
Finalement, nous arrivâmes devant un bâtiment délabré, presque invisible dans la pénombre. La lumière de la lune faisait ressortir les fissures dans les murs, et je me demandai, un instant, si ce genre d'endroit avait jamais eu une raison d'exister, ou si c'était juste une cicatrice laissée par des événements oubliés.
Paul éteignit le moteur sans un mot. Je l'observai alors qu'il sortait de la voiture. Il était tendu, mais son expression restait implacable. Le genre d’homme qui n’avait jamais peur, ou du moins qui savait dissimuler sa peur.
Nous marchâmes en silence jusqu'à l'entrée. La porte était en métal, rouillée par le temps. Paul la poussa d’un coup sec, et elle s'ouvrit dans un grincement aigu, comme si l’endroit était tout sauf heureux de nous voir.
À l'intérieur, l’air était lourd et poussiéreux. Le silence régnait, seulement brisé par le bruit de nos pas qui résonnaient sur le sol en béton. Nous avançâmes prudemment, chaque son amplifié, chaque ombre menaçante.
Au bout du couloir, une lumière tremblotante filtrait sous une porte entrouverte. Paul s'arrêta avant de la pousser complètement. Il tourna son regard vers moi.
- Tu sais ce que tu risques ? demanda-t-il.
Je lui lançai un regard déterminé, serrant les poings dans mes poches.
- Oui, et je suis prête, répondis-je, sans détourner les yeux.
Il soupira, puis ouvrit la porte.
L’intérieur était un laboratoire. Des étagères remplis de vieux dossiers, des papiers éparpillés sur le sol, et une vieille table de travail. L’endroit semblait avoir été abandonné depuis des années.
Mais ce qui me frappa, ce n’était pas l’état des lieux, c’était l’homme assis au fond, dans l’ombre, un air de calcul dans les yeux. Luke. Il n’avait pas l’air surpris de nous voir.
- Vous êtes venus, dit-il d'une voix qui n’était ni accueillante, ni hostile, juste froide.
Paul s’avança, mais je restai figée dans l’encadrement de la porte. Luke avait quelque chose de dangereux. Quelque chose qui ne se laissait pas saisir facilement.
- Kylie... murmurai-je.
Luke blêmit légèrement. Il ne semblait pas vouloir prononcer ce nom, mais il savait qu'il n’avait pas d’autre choix.
- Que savez-vous ? répétai-je, plus fort cette fois.
Il soupira profondément, son regard glissant entre nous.
- Elle a découvert des choses que ni vous, ni moi, ne devrions savoir, dit-il d’une voix faible, mais nette.
Je m'avançai alors que Paul prenait une profonde inspiration. Il savait que Luke disait la vérité. Kylie avait mis en lumière quelque chose de plus grand, quelque chose qui nous échappait encore.
Luke se leva lentement, son regard maintenant rivé sur nous.
- Vous croyez que vous pouvez manipuler la vérité comme vous le voulez ? dit-il, un sourire amer s’étirant sur ses lèvres. Kylie a voulu jouer à ce jeu, et vous allez suivre ses traces, mais soyez prêts à en payer le prix.
Un frisson glacial traversa mon dos. Une partie de moi savait qu'il parlait de quelque chose de bien plus dangereux que ce que nous avions imaginé.
- Que voulez-vous dire ? demandai-je, ma voix tremblant malgré moi.
Luke se tourna, presque comme s’il avait anticipé notre prochaine question. Il fouilla dans un tiroir et en sortit un petit paquet enveloppé dans du tissu.
- Ce que Kylie a découvert... c’était bien plus qu’un simple secret, dit-il, posant le paquet sur la table avec une lenteur calculée. C’est la clé.
Le silence s’abattit. Et, en y pensant, la clé était plus lourde que tout ce que j'avais pu imaginer.