La nuit fut agitée, peuplée de rêves confus où la pluie, la clef, le regard de Kylie se mêlaient en un tourbillon angoissant.
Quand mon réveil sonna, j’avais l’impression de n’avoir dormi que quelques minutes.

Pourtant, l’excitation me fit bondir du lit.

Aujourd’hui, je chercherai la clef.
Le symbole que Kylie semblait avoir semé comme des cailloux sur son chemin.

Je pris une douche rapide, enfilai un jean et une veste à capuche, puis descendis prendre un café brûlant.
Mon "père" lisait le journal, comme d’habitude, indifférent à mon agitation intérieure.

Je sortis sans attendre, le cœur battant, mes écouteurs vissés dans les oreilles pour me donner contenance.

Le ciel était d’un gris métallique, oppressant.

En entrant dans le lycée, je savais que la journée serait différente.
Quelque chose flottait dans l’air.
Un changement.
Une tension palpable.

Je me dirigeai vers mon casier, mon sac serré contre moi.

Pas de nouveaux messages cette fois.
Pas de notes.
Mais des regards.

Des regards appuyés.
Des chuchotements.

Je n’étais plus invisible.

Il était temps de faire attention.

Je passai la matinée à surveiller les murs, les coins, les recoins.
À la recherche du symbole.

Rien dans les couloirs principaux.

Rien dans les salles de classe.

À la pause de midi, je décidai de tenter ma chance dans les endroits oubliés.

Le vieux gymnase désaffecté, par exemple.

Je contournai discrètement le bâtiment principal, le cœur battant, et atteignis la porte rouillée du gymnase.
Verrouillée, bien sûr.

Je cherchai autour, trouvai une fenêtre cassée, assez large pour passer.

J'hésitai un instant.

Puis je pris appui sur une vieille benne et me hissai à l’intérieur.

L'odeur de poussière et de bois moisi me prit à la gorge.
La lumière filtrait à peine à travers les vitres sales.

Je sortis mon téléphone et activai la lampe torche.

Le faisceau tremblotant dansait sur les murs délabrés.

Je fis le tour lentement, scrutant chaque surface.

Rien.

Rien.

Puis...
Un éclat blanc, à moitié caché derrière une étagère.

Je m'approchai.

C'était une porte.
Une vieille porte en bois, couverte de graffitis.

Et là, gravé discrètement sous la poignée, presque invisible :

Le symbole de la clef.

Je sentis une vague d'émotion me submerger.

Kylie était venue ici.

Elle avait marqué cet endroit.

Je posai la main sur la poignée.

Elle tourna.

La porte s'ouvrit sur un escalier en colimaçon, descendant dans l'obscurité.

Je déglutis difficilement.

Chaque fibre de mon corps me criait de fuir.

Mais je descendis.

Une marche après l’autre.

Le sol était glissant. L’air, plus froid.

En bas, une pièce vide.

Un ancien vestiaire, probablement.

Et au centre, posé sur un vieux banc rouillé :

Un cahier.

Je m’approchai, chaque pas résonnant contre les murs nus.

Je tendis la main et saisis le cahier.

Il était recouvert de poussière, mais intact.

Je l’ouvris.

Des pages, couvertes d'une écriture rapide.

Pas la mienne.

Celle de Kylie.

Mon cœur bondit dans ma poitrine.

Elle avait tenu un journal secret.

Je tournai les pages, fébrile.

Des mots griffonnés à la hâte.
Des dates.
Des noms.

Des descriptions de soirées.
Des avertissements.
Des peurs.

Je lus :

"Je ne peux plus leur faire confiance. Même Jayden semble mentir. Il sait quelque chose."

Et plus loin :

"Il y a des choses qu'on ne peut pas dire à voix haute ici. Le club... ils le cachent au dernier étage, derrière la salle de musique."

Le club.

Le fameux club dont on m’avait parlé à demi-mot.

Un cercle fermé, réservé aux élèves influents, où des choses terribles semblaient se passer.

Je rangeai le cahier sous ma veste, décidée à l’étudier plus tard, en sécurité.

Je fis demi-tour.

Mais en remontant l’escalier, je perçus un bruit.

Un grincement.

Quelqu’un.

Je me plaquai contre le mur, retenant mon souffle.

Une ombre passa devant la porte ouverte.

Puis des pas précipités s’éloignèrent.

Je sortis en courant, le cœur battant à m’en faire exploser la poitrine.

Quelqu’un m’avait vue.

Quelqu’un savait que j’avais trouvé le cahier.

Je contournai le gymnase en courant, regagnai la foule des élèves sans me retourner.

Je devais rentrer.
Vite.

Je passai le reste de l’après-midi en apnée.

Chaque bruit me faisait sursauter.
Chaque regard me semblait menaçant.

Enfin, la sonnerie de fin de journée retentit.

Je fonçai dehors, scrutant chaque visage.

Mon "père" était là, m'attendant comme d'habitude dans la vieille voiture.

Je montai en vitesse.

Le trajet jusqu’à la maison me sembla interminable.

À peine la porte fermée derrière moi, je montai dans ma chambre et verrouillai à double tour.

Je sortis le cahier de ma veste, soufflai la poussière.

Puis je m'assis sur mon lit et commençai à lire, ligne après ligne.

Kylie parlait de soirées où des gages humiliants étaient imposés.
De jeux dangereux.
De menaces.

Et, surtout, d'un certain "M.", qui semblait tirer les ficelles.

Pas Jayden.
Pas directement.

Un autre.

Peut-être un adulte.
Un professeur.
Un surveillant.

Je frémis.

Kylie avait eu peur pour sa vie.

Et elle savait qu’elle devait cacher ses découvertes.

Je continuai à lire jusqu’à ce que mes yeux me brûlent.

Puis je m’arrêtai sur une date.

Deux jours avant sa disparition.

"K. a découvert le passage. Il mène directement aux archives du lycée. C’est là qu’ils cachent leurs secrets."

Le passage.

Les archives.

Tout s’emboîtait.

Kylie n’avait pas disparu au hasard.

Elle avait découvert quelque chose qu’elle n’aurait pas dû voir.

Je refermai le cahier avec précaution.

Demain, j’irai voir ce passage.

Demain, je franchirai la dernière porte.

Et je découvrirai enfin ce qu’ils avaiaient à cacher.

Même si cela devait me coûter cher.

Très cher.