"Les cœurs brisés ont parfois besoin d'un autre cœur pour apprendre à battre à nouveau."

                         - Guillaume Musso 

Les néons du supermarché clignotent faiblement au-dessus de moi, projetant une lumière blafarde sur les rayons presque vides à cette heure tardive. J’attrape un balai et passe machinalement entre les caisses, le dos courbé par la fatigue. Ma journée a été longue : les cours, les devoirs, et maintenant ce job que je n’aurais jamais imaginé prendre. Mais je n’ai pas le choix.

Chaque soir, je note chaque centime gagné dans un tableau Excel sur mon ordinateur. Une somme dérisoire face aux milliers de dollars nécessaires pour l’opération de Lila. Mais c’est un début.

Je ne peux pas rester là, les bras croisés. Je refuse de me résigner.

Alors, je cherche d’autres solutions : des associations, des collectes, des demandes d’aide. Aujourd’hui encore, j’ai passé ma pause déjeuner à rédiger un e-mail à une fondation spécialisée dans les maladies cardiaques. Mes doigts tremblaient sur le clavier. J’ai raconté l’histoire de Lila sans dire son nom, expliquant qu’une personne que j’aime est en danger et que je suis prêt à tout pour la sauver.

J’attends une réponse.

En attendant, je continue de balayer. Cela fait maintenant un moment que je travaille ici, mais j’ai toujours l’impression d’avancer d’un pas pour en faire trois en arrière. Lila est de plus en plus faible, et je suis de plus en plus inquiet. Combien de temps va-t-elle encore tenir ?

La sonnerie du magasin me sort de mes pensées. Je lève la tête et aperçois mon père.

-Chris, j’ai fini pour aujourd’hui. À demain !

À peine ai-je prononcé ces mots que mon patron s’approche et me tend un billet en guise de récompense pour mon travail. Je le remercie brièvement avant de suivre mon père jusqu’à la voiture.

Une fois installé à l’intérieur, il me jette un regard en coin.

-Comment s’est passée ta journée ? Pas trop dur ? Tu as l’air épuisé.

-Tout va bien, papa, t’inquiète pas. J’ai encore envoyé trois mails aujourd’hui… J’espère bien obtenir une réponse. Je ferai tout pour la sauver.

Un silence s’installe. Puis il demande, d’une voix douce :

-Tu l’aimes ?

Je laisse ces mots tourner dans ma tête. Je l’aime ?

Je hoche lentement la tête avant de murmurer :

-Oui. Plus que tout. Elle a changé ma vision de la vie. Elle m’a changé, moi. Oui… Je l’aime.

Une larme roule lentement sur ma joue avant de s’écraser sur mon col.

Mon père ne dit rien. Il garde les yeux fixés sur la route, mais je vois ses doigts se crisper légèrement sur le volant. Il inspire profondément avant de souffler :

-Tu fais tout ce que tu peux, Aaron. Mais n’oublie pas que tu n’es pas seul.

Je baisse la tête. Pourtant, c’est bien ce que je ressens : seul face à cette bataille.

La voiture roule en silence. Seule la radio murmure une chanson que je n’écoute pas vraiment. Mes pensées sont ailleurs. Je repense à Lila, à son sourire fatigué, à la manière dont elle cache sa douleur derrière des plaisanteries. Chaque jour, elle s’affaiblit un peu plus. Et moi, malgré tout ce que je fais, j’ai l’impression d’être impuissant.

Le trajet me semble plus court que d’habitude. Une fois arrivé, je remercie mon père d’une voix basse avant de sortir. Le froid de la nuit me frappe, me réveillant un peu. Je lève les yeux vers le ciel dégagé. Des étoiles, des milliers, et quelque part, l’une d’elles porte peut-être le nom de Lila.

Avant d’entrer, je sors mon téléphone et consulte ma boîte mail. Rien. Aucune réponse.

Je serre les dents et range mon téléphone dans ma poche. Demain, je recommencerai. J’écrirai encore et encore. Parce que renoncer, ce n’est pas une option.

Puis, avec un dernier regard vers le ciel, j’entre dans la maison.

Dans ma chambre, j’allume mon ordinateur et ouvre mon fichier. Mes yeux se posent sur la somme affichée en bas du tableau. C’est dérisoire. Même en travaillant jour et nuit, je n’y arriverai pas seul.

Je pousse un soupir et m’appuie contre le dossier de ma chaise. Il faut que je trouve une solution plus rapide. Peut-être une cagnotte en ligne ? Mais comment la rendre visible ? Qui voudrait aider une inconnue sans visage, sans histoire ?

Mon regard se perd sur une photo accrochée près de mon bureau. Lila et moi, devant le lac, un jour où elle allait encore bien. Son rire résonne dans ma mémoire, et une boule se forme dans ma gorge.

Je ne peux pas la perdre.

Je rouvre ma boîte mail. Toujours rien. Un élan de frustration me traverse, et avant même de réfléchir, j’ouvre un nouvel onglet et tape : 

*Comment organiser une collecte de fonds efficace ?*

Peu d'idées me viennent en tête. Seule l'image d'elle allongée dans ce lit d'hôpital me ramène à la réalité : elle est en danger. Sa vie est en jeu. Je dois l’aider. Je ne la laisserai pas tomber.

Je ferme mon ordinateur et prends un bloc-notes et des crayons. Je commence à griffonner des idées, mais aucune ne me semble réalisable.

Je me lève et fais les cent pas dans ma chambre, cherchant une solution. Soudain, une idée me traverse l’esprit : organiser un événement caritatif pour récolter des fonds. Peut-être un concert ou une vente aux enchères. Mais comment faire ? Je n’ai ni les contacts ni l’expérience pour organiser un tel événement.

Je m’arrête devant la fenêtre et regarde les lumières de la ville. Il doit y avoir un moyen. Je ne peux pas abandonner. Pour Lila.

Je descends. Mon père étant parti travailler, je regarde dans le frigo, puis réchauffe les restes de la veille. 20:47 s'affiche sur l'horloge dans la salle à manger. Seul à cette table, toujours autant perdu dans mes pensées, et une seule personne en est la responsable. Après avoir débarrassé, je monte d

ans ma chambre, mets un réveil avant de m’endormir.