“Parfois, la vie te vole tes rêves pour t'offrir une réalité plus grande que ce que tu avais imaginé.“
- Anonyme
Le soleil baignait la cour de l’établissement alors que les élèves montaient dans le car. Une sortie scolaire , c’était un événement rare, presque festif. Tout le monde était excité, parlant fort, riant, échangeant des blagues à moitié entendues.
Lila, elle, semblait différente. Elle était là, parmi les autres, mais son sourire était plus discret, presque effacé. Assise près de la fenêtre, elle regardait le paysage défiler sans prêter attention à l’agitation autour d’elle.
De loin, je l’observais, perplexe. Depuis que je la connaissais, Lila avait toujours eu cette façon particulière de paraître présente et absente à la fois, comme si une partie d’elle se trouvait dans un autre monde. Mais aujourd’hui, c’était plus marqué, plus… inquiétant.
-Aaron, tu rêves ou quoi ? Allez, viens, on va s’installer à l’arrière ! s’exclama Julien, un de mes camarades.
-Je vous rejoins, répondis-je distraitement, mon regard toujours fixé sur Lila.
Je m’approchai, hésitant.
-Salut, dis-je doucement en me penchant vers elle. Ça va ?
Elle tourna la tête, me gratifiant de ce sourire léger qui faisait toujours battre mon cœur un peu plus vite.
-Oui, ça va. Prête pour une journée pleine d’aventures.
Mais quelque chose dans son ton sonnait faux.
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La journée passa et je me baladait avec Julien au loin je la remarqua, assise sur un des fauteuils situé dans le coin je la salle. Que fait elle toute seul ? N'est-elle pas avec Clara ?
-vas rejoindre les autres j'arrive dans 5 min. Julien me regarda mais je n'y prêter point attention.
Ses yeux fixaient un point invisible, perdus dans le vide, et sa peau était plus pâle que d'habitude, presque translucide sous la lumière froide. Mon cœur se serra, et je me dépêchai de la rejoindre.
-Lila, est-ce que ça va ? demandai-je, incertain, presque hésitant.
Elle leva son regard vers moi, un sourire fragile accroché à ses lèvres.
-Oui, ne t’inquiète pas, Aaron. Viens, on va se chercher quelque chose à grignoter.
Elle se leva, mais je remarquai la lenteur de ses gestes, comme si le moindre mouvement lui coûtait une force qu’elle n’avait pas.
-Aaron… murmura-t-elle faiblement avant que ses jambes ne cèdent sous elle.
Je la rattrapai juste à temps, mon cœur battant à tout rompre. Ses paupières tremblaient, et sa tête retomba mollement contre mon épaule. Sans réfléchir, je passai un bras sous ses jambes et la soulevai. Elle était si légère que cela me terrifia davantage. Je l’emmenai dans les toilettes juste a côté avant de fermer à clé afin de ne pas être dérangé, un endroit où personne ne viendrait nous déranger.
-Lila, murmurai-je en la posant doucement sur le canapé.
Ses yeux s’entrouvrirent, et sa voix, faible comme un souffle, atteignit mes oreilles.
-Aaron…
-Oui, je suis là, Lila. Tout va bien. Tu veux que j'appelle quelqu’un ? Un médecin ?
Elle secoua doucement la tête, une main portée à sa poitrine, comme si elle voulait attraper son cœur.
-Non… Non, c’est rien. Je n’ai pas eu le temps de déjeuner, c’est sûrement ça. Désolée de t’avoir fait peur.
Je la regardai, scrutant son visage pour y déceler la vérité, mais elle me répondit avec ce sourire-ce sourire si beau, si constant, et pourtant si fragile. Elle se redressa lentement, une main pressée contre sa poitrine, puis attrapa son collier, comme si c’était son ancre.
Je savais qu’elle me cachait quelque chose. Et plus elle essayait de me rassurer, plus mon inquiétude grandissait.
Alors que Lila tentait de minimiser ce qui venait de se passer, un tourbillon de pensées me traversait l'esprit. Je savais qu'elle ne me disait pas tout, mais je n'osais pas insister, pas encore. Pourtant, ce malaise ne ressemblait pas à un simple coup de fatigue ou à un oubli de repas.
Je restai près d'elle, incapable de détacher mon regard de son visage. Chaque détail, chaque ombre sur sa peau, chaque soupir retenu, me hurlait qu'elle portait un poids bien plus lourd qu’elle ne voulait l’avouer.
-Lila, tu es sûre que tu ne veux pas qu’on parle à quelqu’un ? Clara?insistai-je doucement, essayant de ne pas paraître trop intrusif.
Elle secoua la tête, ses cheveux effleurant son visage pâle.
-Ça va aller, Aaron. Je te promets. Juste… ne dis rien à personne, s’il te plaît.
Son regard me transperça. C’était à la fois une demande et une supplique. Elle ne voulait pas de pitié, pas de questions, pas d’attention qu’elle ne pourrait gérer.
-D’accord, murmurai-je, bien que chaque fibre de mon être voulait faire le contraire.
-Mais si ça se reproduit, Lila, tu dois me le dire. Promets-le-moi.
Elle acquiesça faiblement, le regard fuyant.
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La sortie scolaire reprit son cours, mais rien ne fut pareil après cet instant. Je restais constamment sur le qui-vive, surveillant Lila discrètement, prêt à intervenir au moindre signe de faiblesse. Elle, de son côté, faisait de son mieux pour agir normalement, riant avec les autres et se forçant à participer aux activités. Mais moi, je voyais au-delà de son masque.
À la fin de la journée, alors que nous étions dans le bus du retour, elle s’assit à côté de moi sans un mot. Le silence entre nous n’était pas gênant, mais chargé d’une tension invisible. Après un moment, elle sortit son carnet, celui qu’elle gardait toujours près d’elle.
-Qu’est-ce que tu écris tout le temps là-dedans ? demandai-je doucement, essayant d’alléger l’atmosphère.
Elle hésita, puis finit par me tendre le carnet. Surpris, je l’ouvris avec précaution. À l’intérieur, des listes. Beaucoup de listes. Des rêves griffonnés, des pensées éparses, des choses à faire, à dire, à ressentir.
-C’est… magnifique, soufflai-je en lisant les mots pleins de vie et de vulnérabilité.
Elle détourna les yeux, jouant nerveusement avec son collier.
-Ce sont juste des idées, des envies… Je les note pour ne pas les oublier.
Je souris, touché par la simplicité et la sincérité de ses écrits.
-Alors, on devrait les réaliser, non ?
Elle releva la tête, surprise.
-Réaliser quoi ?
-Tout ça, dis-je en pointant le carnet. Tes rêves, tes idées. Pourquoi pas ?
Elle sembla réfléchir un instant, puis un éclat timide illumina ses yeux.
-Peut-être, répondit-elle doucement.
Ce fut un moment simple, mais pour moi, il signifiait tout. Parce que derrière ce carnet, derrière ses sourires et ses silences, je commençais à voir une part de Lila qu’elle essayait de cacher. Une part fragile, mais incroyablement forte, et que j’étais déterminé à protéger.