— Lycair le repas est prêt !

— J'arrive cheffe !

Un bruit sourd se fit entendre dans la salle de bain, avant que l'elfe n'en sorte en train de s'attacher les cheveux, trempée de sueur.

— Alooors, il y a quoi au menu aujour-

Sa phrase resta en suspens quand elle vit Hucral en nuisette assise sur la table les jambes croisées, qui la fixa de son regard séducteur. Sans voix, la couturière la reluqua sans gêne avant de remarquer que la sorcière pressa ses lèvres pour garder son air sérieux.

Un sourire incontrôlable se dessina sur leur visage et après une longue bataille intérieure... Elles explosèrent de rire. La divinatrice glissa de la table et hurla de peur avant de se rétamer sur le sol.

— AÏE MES FESSES !

L'enseignante se cogna dans sa chaise avant de s'affaler dessus en se tenant le ventre. L'émanatrice toussota et elles soupirèrent, épuisées.

— Rassure-moi Hucral, tu nous as quand même fait quelque chose ? S'assura-t-elle en la regardant se relever.

La sorcière lui décocha un petit sourire fier et claqua des doigts, faisant apparaître...

— Une cascade lavandière ! S'exclama l'elfe avec des étoiles dans les yeux. Quelle femme, c'est pour ça que je t'ai épousé.

La joaillière pouffa et elles s'installèrent, en profitant de la brise fraîche que leur offrit leur fenêtre ouverte.

— Comment avancent les travaux de notre salle de bain, Votre Altesse la maçonne ? La taquina-t-elle en étouffant son rire.

— J'ai terminé depuis une bonne heure miss grasse matinée, lui apprit-elle en la toisant du regard.

— Alors de un je t'emmerde, commença-t-elle en arquant un sourcil. Et de deux... Mhm, en fait j'ai rien pour ma défense.

— Pff, ça ne m'étonne pas, s'esclaffa-t-elle en souriant. Sinon, on va voir quelle planète aujourd'hui.

Trois siècles s'étaient écoulés depuis leur mariage, et pour leur lune de miel, Hucral lui avait offert des fleurs en cristal et lui avait fait visiter l'une de leur planète favorite. Depuis, quand l'envie leur prenait, elles explorèrent le cosmos à leurs heures perdues.

— Et si on allait à Ilarias ? Proposa-t-elle en terminant son plat. Le ciel est très particulier tu verras.

— Adjugé vendus ! Conclut-elle en se levant. On débarrasse et va voir ta sœur ?

— Ehh attends mon amour, la calma-t-elle en boudant. J'ai pas pris mon deuxième dessert.

La protectrice de la mémoire se rassit et s'adossa sa chaise en la fixant blasée, se retenant de rire.

— Sérieusement ?

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— Il t'a trompé ?! Cria la sorcière outrée.

— Après la remise des diplômes ?! Enchaîna la couturière en écarquillant les yeux.

Elerinna hocha la tête blasée avant de soupirer, et de racketter un morceau de gâteau à Olmar.

— Eh voleuse ! Rouspéta-t-il en fronçant les sourcils.

— La ferme c'est moi qui l'ai fait je te rappelle !

— Ah ouais merde..

Peu après avoir validé son année avec excellence, leur ancienne élève avait appris que son petit ami l'avait trompé le soir de la remise des diplômes avec la copine d'Olmar. Dévastée, elle avait passé les mois suivants en pleurant comme une madeleine nuit et jour, en se ramassant mutuellement à la petite cuillère. Après s'en être remise, ils ont décidé d'habiter ensemble car aucun d'eux ne supportait plus la solitude.

— Quel enfoiré, maugréa Hucral en colère. Il ne te mérite pas Elé.

— Et toi tu ne perds rien Olmar, continua Lycair désolée.

— Et si vous sortiez ensemble ? Proposa Heiric en sortant de la cuisine.

— Heurk jamais de la vie ! S'exclamèrent les élèves en chœur.

— Au lieu de dire des conneries Heiric, tu ferais mieux de retourner chez toi, lui reprocha Elerinna en le toisant du regard. Tu devais juste passer dire bonjour à Hucral et Lycair espèce de rat.

— Et toi Heiric comment ça se passe avec ta copine ? Lui demanda Hucral en le voyant s'installer.

— Honnêtement je sais pas vraiment, leur avoua-t-il en faisant un doigt à Elerinna. Elle voudrait qu'on ait un enfant, mais je suis pas prêt à être père maintenant, et je sais pas comment lui dire.

— Fait lui simplement part de ton ressenti, lui conseilla Olmar en haussant les épaules. Je suis sûr qu'elle comprendra.

Quand la couturière reprit une autre part de gâteau, les deux garçons écarquillèrent les yeux, avant de croiser le regard intrigué du couple.

— Comme on dit, apparence de princesse estomac de maçon, commenta Olmar ahurit.

Alors que l'émanatrice explosa de rire, une lettre apparue devant la protectrice de la mémoire, qui l'attrapa avec appréhension.

— C'est Elros, l'informa-t-elle à l'attention d'Hucral. Il a besoin de notre aide avec quelque chose qui lui prend... toute son énergie ?

— J'espère que c'est pas ce que je pense... pria-t-elle désemparée.

— De quoi vous parlez ? S'enquirent leurs hôtes.

— ... Du bébé.

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— Je déteste les enfants, maugréa la sorcière en prenant le bébé dans ses bras.

Alors que la petite hurla en étant baignée de larmes, elle s'arrêta miraculeusement quand Hucral l'enlaça.

— Ça alors... S'étonna la reine des fées.

— Tu ne les aimes pas pourtant ils viennent tout le temps vers toi, remarqua Lycair en prenant les mains de l'enfant. Tu es vraiment une sorcière mon amour, pas de doute là-dessus.

Il y a une dizaine d'années, le chef des armées a pris la décision de se redonner une chance et d'adopter une autre enfant, sous les encouragements du couple et de ses amis. Après de longues démarches, dû au fait qu'ils seraient une famille monoparentale, il a finalement réussi à recueillir Mery, qui était aussi une fée.

— Tata Hucraaaaal... Tu veux bien jouer avec moi s'il te plaît ? Lui demanda-t-elle en jouant avec son chapeau.

— Bien sûr ma chérie, à quoi veux-tu jouer ? S'enquit-elle déjà fatiguée.

— Cache-cache !

Ainsi, elles partirent dans le village pour commencer leurs parties, tandis que le chef des armées s'affala contre son tronc d'arbre coupé.

— Elle a déjà dix ans, marmonna-t-il préoccupé.

— Tu as peur qu'il lui arrive la même chose qu'a Miyu ? S'enquit Othara en s'installant à ses côtés.

Il soupira pour acquiescer et l'elfe s'assied en tailleur face à eux, bientôt rejointe par le stratège et la reine.

— Ne t'en fais pas Elros, le rassura la couturière en posant sa main sur la sienne. Tu es plus vigilant qu'autrefois, et maintenant il y a Hucral. Elle saura si elle est en danger.

— Oui tu as raison, admit-il en craquant sa nuque.

Il s'étira et bailla comme un ogre, avant de fermer ses yeux cernés et de s'assoupir. Othara gloussa et se mit à côté de l'annihilatrice céleste, qui récoltait des plantes aux couleurs chaudes.

— Tu fais une couronne de fleurs ? Chuchota la guerrière en prenant une de ces dernières.

L'elfe hocha la tête en souriant et elles entamèrent leur couronne dans le calme. Tandis qu'elles tressèrent leurs tiges, la sorcière réapparut devant elles, l'enfant sur ses épaules.

— Je. Déteste. Les. Enfants, répéta-t-elle épuisée.

Mery s'amusa avec ses cheveux écarlates en rigolant, avant de s'assoupir sur la tête de la divinatrice en ronflant.

— (Par l'origine elle s'endort plus vite que moi !)

L'apothicaire la prit délicatement et lui fit un bisou sur la joue, avant de la caler sur les bras croisés de son père, qui dormait à poings fermés. Hucral soupira et s'allongea sur ses jambes de Lycair, qui avait terminé sa couronne.

— Je peux te tresser les cheveux ? Lui demanda-t-elle en les brossant avec ses doigts. Après on y va ?

— Tout ce que tu voudras mon amour, sourit-elle en se redressant.

Alors que l'elfe sépara sa chevelure en trois sections, Tania et Othara récoltèrent des fleurs qu'elles pourraient lui mettre dans ses cheveux, tandis que Lomion continua d'écrire son livre.

— Vous avez déjà pensé à avoir des enfants ? Leur demanda la guerrière curieuse.

— C'est vrai que très doué avec eux, vous feriez des parents formidables, ajouta la reine en ricanant.

Le couple secoua la tête en silence, avant que l'elfe n'attrape une fleur orange.

— Contrairement à ce qu'on pourrait croire, je n'ai pas la fibre maternelle, leur avoua Lycair détachée. L'idée ne m'a jamais traversé l'esprit dans presque toutes mes vies. Et pour celles où j'en désirais, je dirigeais des orphelinats, donc c'est comme s'ils étaient tous mes enfants, termina-t-elle nostalgique. Avoir Hucral dans ma vie me suffit amplement.

— Même si j'affirme les détester, c'est seulement quand ils pleurent, crient ou vomissent partout, continua Hucral d'une voix monotone. Avoir un enfant représente trop de responsabilités pour moi, je suis trop égoïste pour faire passer les besoins de quelqu'un d'autre avant les miens, leur confia-t-elle tristement. J'ai toujours pensé aux autres au cours de ma vie, au point de m'oublier moi-même. Et ça, il est hors de question que ça se reproduise.

Sa femme gloussa pour acquiescer, tout en continuant sa coiffure.

— Et puis je sais qu'après la mort de Lycair, s'il est encore en vie, je n'aurais pas la force pour le garder, rajouta-t-elle tout bas. (Ses oreilles commencent à s'allonger...)

— Oui je comprends, répondit Titania en souriant.

— C'est une sage décision, intervint Lomion toujours dans son livre.

— J'ai fini ! S'exclama l'elfe en tapant dans ses mains.

Les quatre femmes et Lomion se levèrent, avant que la couturière ne mette sa couronne sur la tête de la faux du silence.

— Une reine pour une reine, ricana Hucral faussement orgueilleuse.

Sa femme leva les yeux au ciel en souriant et entrelaça leurs doigts, avant qu'elles ne posent leurs pieds sur une planète faites d'un cristal aux couleurs bleu-violet de l'espace qui les entourèrent. Un ciel constellé d'étoiles les surplomba, illuminant les yeux émeraude de la protectrice de la mémoire, désormais semblables à des joyaux d'une extrême rareté.

— Toute cette planète est constituée de cristal ! S'émerveilla-t-elle en tournoyant. Comment c'est possible !

— Je me le demande mon amour, ricana-t-elle en étouffant son rire.

— Ohh arrête, la pria-t-elle en souriant. Je sais que tu connais la réponse, tu veux juste me faire poiroter.

Les lèvres de la faux du silence s'étirèrent et elles s'allongèrent pour admirer les étoiles, main dans la main.

— Pourquoi il n'y a personne ici ? Lui demanda Lycair curieuse. Elle est inhabitable à cause d'une raison particulière ?

— La première fois que je suis "venue ici", j'ai détruit les étoiles qu'on voit, lui contextualisa-t-elle monotone. Puis je suis revenue et j'ai remarqué que les habitant avaient au moins une partie de leur corps fait de cristal, et qu'ils les peignaient. Ces mêmes cristaux que tu observes s'étendre à l'horizon capturent la lumière des étoiles, pour la transformer en une puissance qui alimentait leur vie quotidienne.

— Mon petit doigt me dit que tu t'es déjà servi de ces cristaux pour tes bijoux, supposa-t-elle malicieuse.

— Quelle intuition, la taquina-t-elle en matérialisant sa baguette magique. Serais-tu une sorcière ?

— Mince je suis démasquée, gloussa-t-elle d'un sourire en coin.

Elles ricanèrent et l'émanatrice admira sa baguette aux mêmes couleurs que la planète, avant de sourire discrètement.

— Sauf qu'un jour les cristaux ont emmagasiné trop de lumières stellaires et tout a explosé, reprit-elle en fixant les astres. Les cristaux ont fusionné et c'est pour ça que cette planète possède une forme si irrégulière.

— Mais dans ce cas, elle ne continue pas d'absorber la lumière ? Percuta-t-elle préoccupée.

— Non ne t'en fais pas, la rassura-t-elle impassible. Quand j'y suis retournée pour la dernière fois, j'ai annihilé leurs pouvoirs, ainsi ce ne sont que des pierres lambda. Mais c'est dommage, constata-t-elle avec regrets. Quand Ilarias fut prospère, les fileurs astraux réalisaient un travail remarquable lors des cérémonies royales.

— Qu'est-ce qu'ils faisaient ? S'enquit-elle innocemment.

— Ça.

La sorcière agita sa baguette vers le ciel et après un instant de suspens... Les constellations se mirent à danser. L'elfe hoqueta et ses yeux s'écarquillèrent face à ce spectacle époustouflant, qui la laissa sans voix. Des phénix, des œillets d'Inde, des danseuses étoiles... Les astres bougèrent gracieusement, se fondant dans le cosmos infini qui s'étendit devant elles, calme et apaisant. La faux du silence entrelaça leurs doigts et admira dans un silence réconfortant le ciel avec sa femme, dont la poitrine se souleva devant tant de beauté. Alors qu'elles assistèrent au spectacle, le souffle de l'annihilatrice céleste se coupa quand elle aperçut...

— Regarde c'est nous quand on dansait au bal ! S'exclama-t-elle en les pointant du doigt.

Derrière les deux femmes qui se déplacèrent dans une tension nostalgique, une pluie d'étoiles filantes accompagna leur performance romantique.

— C'est magnifique Hucral, la remercia-t-elle en regardant les astres les larmes aux yeux. Je ne me passerais jamais de nos voyages.

La sorcière tourna sa tête vers elle et son attention se dirigea automatiquement sur les oreilles de sa petite amie, qu'elle scruta depuis maintenant quelques mois.

— Je suis ravie de l'entendre, parce que c'est loin d'être le dernier, lui assura-t-elle en souriant tendrement. (Elles n'ont pas bougé depuis tout à l'heure, il faut vraiment que j'arrête avec ma paranoïa.)

L'apothicaire détourna son regard attristé et admira les étoiles qui retracèrent leurs moments de rire, avant de soupirer pour évacuer ses pensées négatives.

— Si je pouvais emprisonner le temps dans une bouteille, la première chose que j'aimerais faire serait de garder chaque jour jusqu'à l'éternité pour les passer avec toi, marmonna-t-elle d'une voix frêle.

La protectrice de la mémoire tourna la tête pour la fixer avec étonnement, avant de ricaner en souriant.

— Mhh... Emprisonner quelque chose qui n'existe pas... Je suis sûre que tu en es capable mon amour, gloussa-t-elle enjouée.

— Tu sais à la base j'aime être seule, lui confia-t-elle dans ses pensées. Mais c'est pour ça que j'ai su que tu étais différente.

Sa petite amie ancra ses yeux dans les siens et caressa sa main avec son pouce, avant de reporter son regard écarlate sur les étoiles.

— Parce que pour la première fois depuis toujours, j'ai souhaité la compagnie de quelqu'un plus que la mienne.