Sans entrouvrit les yeux difficilement. Les bras et les jambes encore secoués de tremblements incontrôlables, il mit du temps à comprendre qu'il se trouvait dans les bras de son frère. Papyrus serra la prise sur lui en le sentant se réveiller et lui offrit un sourire timide. Le squelette regarda autour de lui, complètement perdu. Toriel marchait quelques pas devant eux. Ils traversaient le MTT Resort. Comment était-il arrivé là ?
— Pap' ? On... Qu'est-ce qui se passe ?
— Tu ne te souviens pas ?
Il essaya de se rappeler quelque chose, mais les souvenirs restaient flous. Du moins dans un premier temps. Très vite, les images de l'explosion lui revinrent en mémoire. Comment avait-il pu oublier ? Son poing se serra sur l'écharpe de son frère. Il releva la tête vers son frère avec inquiétude.
— Tu vas bien ? Tu as pris toute l'explosion de plein fouet. Tu...
— Je vais bien, ne t'inquiète pas. Tu nous as tous fait éviter le pire. Enfin, presque tout le monde. Ce n'est pas de ta faute.
— Les... Les autres ? Grillby ?
— Monsieur Grillby va bien, il est resté à Snowdin. Madame Lapin mère s'en est aussi sortie indemne, mais... Pas sa sœur. Seuls deux des enfants ont survécu, en plus de Monster Kid. Mais pas... Pas ses parents. Grillby l'a gardé chez lui pour l'instant, en attendant que l'on trouve quelqu'un pour s'occuper de lui. Il est sous le choc, mais... Mais ça ira. L'important c'est que l'on va tous les deux bien, tant pis pour la maison.
— Il ne reste plus rien ?
— Je ne sais pas. Je ne suis pas rentré une deuxième fois. Des voisins vont nous apporter nos affaires à Nouvelle Maison. On va s'y installer là-bas avec Lady Toriel.
Sans resta silencieux et tourna la tête vers Toriel. La reine lui offrit un sourire rassurant avant de se reconcentrer sur la route. Plusieurs gardes les escortaient devant et derrière, l'air nerveux. Les monstres qu'ils croisaient les suivaient du regard avec insistance, certains amicaux ou curieux, mais la plupart hostiles et presque haineux. Ils entraient en terrain conquis et acquis à Undyne.
Papyrus serra la prise sur son frère.
— Ne... Ne leur accorde pas trop d'attention, d'accord ? Je suis certain qu'avec un peu de temps, tout va rentrer dans l'ordre. Même Undyne m'a dit qu'elle voulait calmer le jeu.
— Après avoir provoqué tout ça en premier lieu, cracha le squelette, l'âme emplie de rancœur. Elle peut être désolée.
— Ne sois pas trop dur envers elle. Elle ne pensait pas tout ce qu'elle a dit à la télé, et je sais bien qu'elle ne voulait pas vraiment me faire de mal. Elle est sous le choc, tu sais bien à quel point Asgore était important pour elle. Quand elle sera plus calme, elle reviendra d'elle-même pour s'excuser, tu verras.
— Je ne sais pas comment tu fais ça.
— Faire quoi ?
— Pardonner aussi facilement. Tu es trop gentil, Papyrus.
— Nyeh eh eh. C'est toi qui m'as éduqué comme ça, si je me souviens bien.
— C'est vrai, c'est vrai...
Sans poussa un soupir et se tortilla pour trouver une position plus confortable.
— J'espère que le gamin va bien.
— Tu t'inquiètes déjà ? se moqua Papyrus. Et dire que Frisk pense que je suis celui qui ne peut pas s'empêcher de materner mes amis.
— Je m'inquiète aussi pour lui, répondit Toriel. J'espère qu'il a pu atteindre la ville sans trop de problèmes. Comment... Comment était-il sur la fin de son voyage ? Fatigué ?
— Eh, c'est le moins qu'on puisse dire, ricana Sans. Il a eu du mal à se remettre de sa course contre Undyne, elle a fait quelques trous dans son pull. Il n'avait pas envie de combattre Asgore, dit-il, plus sérieux. Je m'en suis rendu compte trop tard. J'ai été idiot. J'aurais dû le retenir. On n'en serait pas là.
— Je ne pense pas qu'il t'aurait écouté de toute manière, répondit Papyrus.
— Peut-être que tu as raison, eh. Après tout, il ne nous connaît que depuis quelques heures.
— Je pense que tu es trop dur avec toi-même, répondit Toriel. La lettre qu'il a laissée t'était adressée personnellement, et elle révèle des informations... inquiétantes. Je pense au contraire qu'il a confiance en toi et qu'il savait que tu ne le laisserais pas tomber.
Sans ne répondit pas. Peu importe où il était, Frisk serait bientôt de retour et tout s'arrangerait de lui-même. Même s'ils n'atteignaient pas tout de suite la Surface, il y avait encore le laboratoire. Le squelette était même prêt à reprendre sa blouse pour aider alors qu'il s'était promis de ne plus jamais remettre les pieds là-bas. Peut-être que Frisk avait vraiment réussi à lui faire reprendre espoir, après tout.
Il cacha son visage contre l'écharpe de son frère et se rendormit.
Quand il se réveilla, il se trouvait dans une pièce qu'il ne connaissait pas. Sans était à peu près certain qu'il s'agissait d'une chambre d'enfant. Le lit était assez petit et plusieurs jouets reposaient ici et là sur les étagères et l'armoire entrouverte. Il se redressa et s'étira comme un chat, avant d'explorer son nouvel espace vital, incertain. Il entrouvrit la penderie : des pulls verts et jaunes y étaient accrochés, avec quelques autres jouets et une robe rose. Il avait déjà vu ces vêtements, sur les photographies de la maison de Toriel, ceux du premier humain tombé. Il était donc chez Toriel, non, à Nouvelle Maison, remarqua-t-il lorsque son regard se posa sur un bouquet de fleurs jaunes. Toriel n'avait aucune fleur chez elle, contrairement à Asgore qui les disposait en grand nombre n'importe où.
Il ouvrit la porte et resta quelques secondes à observer le long couloir blanc. Quelle heure était-il ? Depuis ce qui était arrivé à Snowdin, il avait l'impression d'avoir été déconnecté de la réalité. Des éclats de voix provenaient de plus loin. Il n'eut pas besoin d'aller voir pour savoir qu'il s'agissait de Papyrus. Il avait l'air excité et enthousiaste à propos de quelque chose. Cela suffit à rendre Sans curieux. Il suivit les voix jusqu'à à un grand salon, puis jusqu'à la cuisine.
Toriel était debout à côté de Papyrus, tous les deux en tablier. Son frère avait un couteau à la main et était très concentré sur la découpe de ses tomates. Sans en perdit presque sa mâchoire. Ce jour était-il venu ? Toriel apprenait-elle enfin Papyrus à cuisiner de vrais spaghettis ? Quoi qu'il en fût, son petit frère semblait heureux. Cependant, Papyrus était un cas difficile, tout comme lui, et il savait qu'il ne fallait pas se fier à son apparente jovialité. Papyrus ne montrait jamais quand il se sentait triste ou en colère, sauf s'il se retrouvait blessé physiquement. Sans savait que c'était de sa faute. Papyrus n'avait fait que prendre exemple sur lui.
Il se sentit de trop et décida de ne pas les interrompre. Il recula doucement et descendit les marches du sous-sol de la maison. Il ne marcha que quelques mètres avant d'entrer dans le hall du jugement. Il aimait cet endroit. Lorsqu'il s'y était téléporté pour la première fois il y avait bien des années, après s'être pris la tête avec Grillby sur sa condition de vie désastreuse alors que son frère et lui habitaient encore dehors, les bruits calmes de la nature avaient immédiatement réussi à apaiser ses esprits. Il se dirigea derrière le quatrième pilier sur sa droite et se glissa dans l'énorme trou qui l'ouvrait en deux. Il y avait sa réserve de ketchup ici, ainsi qu'un coussin pour les siestes improvisées. Le pilier donnait vue sur la partie la plus proche de la Surface. Les arbres étaient visibles au-dessus de la vieille ville et, parfois, quand le vent balayait leurs branches, on pouvait y voir les étoiles. Les vraies étoiles. Celles des livres qu'il lisait quand il était plus jeune.
Plusieurs monstres avaient tenté de s'échapper par ici, mais même ceux qui volaient ne pouvaient l'atteindre sans se fatiguer avant. Un paradis si proche et si lointain qui n'était là que pour les narguer. C'était bien là toute la dureté de leur condition. Il poussa un soupir, et s'installa plus confortablement. Il sortit son téléphone, et par instinct, tapa le numéro de Frisk. Il y eut une sonnerie, puis une deuxième.
— Votre correspondant se trouve hors de portée du CORE. Veuillez vous rapprocher d'une tour-antenne et réessayer.
Il raccrocha et jeta le téléphone au sol. Il glissa jusqu'à la fenêtre. Bien sûr que le gamin ne pouvait pas appeler. Il l'aurait déjà fait dans le cas contraire. Si seulement il pouvait réussir à amplifier son signal pour le faire passer hors de la montagne... Son regard se perdit de nouveau sur la petite parcelle de lumière dorée qui illuminait une partie de la ville. Et si... Et si c'était possible à partir de là-bas ? Avec quelques bidules du laboratoire et ce qu'il y avait dans la cave, ça pourrait fonctionner, n'est-ce pas ?