Loading...
Link copied
Loading...
Loading...
Mark all as read
You have no notification
Original
Fanfiction
Trending tags

Log In

or
@
Myfanwi
Share the book

Chapitre 14 : Moment de répit - Partie 1

Un frisson désagréable secoua le corps de l'enfant. Frisk serra les mains sur son torse pour essayer de conserver le peu de chaleur qu'il avait réussi à accumuler, en vain. Sa tête se redressa lentement et il se força à ouvrir les yeux. Il tenta de bouger un bras, mais son dos douloureux le rappela à l'ordre et il préféra rester immobile.

Il faisait sombre. Frisk n'aimait pas l'obscurité. Trop de mauvais souvenirs. Il peinait à distinguer les étagères et les balais devant lui.

— F... Frisk ?

Il releva les yeux. Blottie dans les bras d'Asgore, Chara avait remarqué ses mouvements. Elle se dégagea doucement et s'approcha de lui. L'enfant regretta de ne pas pouvoir la toucher. De longs sillons noirs avaient tracé leur route sur son visage, signe qu'elle avait beaucoup pleuré. Frisk ne savait pas que les fantômes pouvaient pleurer.

— Hey, chuchota l'enfant d'une voix triste.

— Tu m'as fait peur. Tu as dormi pendant deux jours. J'ai cru que...

Elle inspira et détourna le regard. Asgore observait leur échange depuis le mur, un sourire bienveillant sur le visage. Il paraissait encore plus triste que la première fois que Frisk l'avait vu.

L'enfant se força à s'asseoir. Un gémissement franchit la barrière de ses lèvres sous l'effort, mais l'action lui permit d'échapper au sol bétonné froid et humide. Il frictionna ses membres endoloris jusqu'à retrouver un semblant de chaleur, vaine illusion alors que la température ne devait pas dépasser les dix degrés dans la pièce.

— Je suis désolé, mon garçon, marmonna Asgore. J'aurais aimé faire plus. J'ignorais que de telles pratiques avaient encore lieu ici. Si j'avais su, jamais je ne t'aurais poussé à revenir.

— Personne ne sait ce qui se passe ici, répondit Frisk sombrement. Ou ils le savent et ils s'en fichent. Personne ne vient jamais nous adopter. Personne.

Il passa une main sur son visage pour effacer les larmes qui menaçaient de couler. Il ne méritait pas ça. Aucun d'eux ne méritait ce traitement. Mais personne ne faisait jamais rien pour les défendre, pour rendre leur vie un tant soi peu meilleure. Ils n'étaient que les pièces cassées d'un vieux jeu de société qu'on remplaçait dès qu'on n'en avait plus l'utilité.

— Qu'est-ce qu'on va faire maintenant ? demanda Chara.

— Je vais être envoyé à l'asile, répondit Frisk d'une voix morne. Je... Je ne veux pas y aller. Personne ne revient jamais de là-bas. Ils font... Des choses aux gens. Je ne sais pas quoi, mais je sais qu'on n'en ressort jamais.

— Ce n'est pas un vrai asile, alors, remarqua Chara.

— N... Non. C'est plus... Je ne sais pas. On l'appelle l'asile parce que les gens qui y vont finissent tous mal. On les voit... Dans les journaux. Dans les rubriques des morts. On les retrouve dans les bois, dans les rivières, dans...

— N'y pense pas, le coupa Asgore. Nous aviserons le moment venu, d'accord ? Une chose à la fois.

Des pas résonnèrent dans le couloir. Frisk frémit et recula contre le mur le plus éloigné de l'entrée, terrifié. La porte s'ouvrit, déversant un peu de lumière dans le lieu humide. Frisk était entouré de balais et de produits chimiques qu'il n'avait pas vu dans l'obscurité. Mais son regard fuyant finit par se poser sur la personne qui venait d'entrer.

— Bonjour, Marianne, dit l'une des assistantes de Miss Vonichelle. Bien dormi ? demanda-t-elle, une pointe de sarcasme dans la voix.

L'enfant ne répondit pas et serra ses genoux davantage contre lui, effrayé. Ils avaient tous regardé lorsqu'on l'avait fouetté. Aucun n'avait bougé. Ils étaient tous coupables.

— Tu es encore puni jusqu'à demain, l'informa-t-elle. Je venais t'annoncer ton transfert à l'asile la semaine prochaine. Jusqu'à ton départ, tu seras attaché dans ta chambre. Profite-bien. Tu verras bientôt qu'ici, ce n'était pas aussi terrible que ce que tu penses.

La femme jeta un vieux morceaux de pain à ses pieds. Avant que la porte ne claque, Frisk avait clairement pu voir sa couleur verdâtre aux extrémités. Il avait envie de vomir. Chara s'assit à côté de lui, clairement dégoûtée par la nourriture qui prenait déjà l'humidité du sol.

— Laisse-moi le contrôle, demanda-t-elle. Je vais manger ça.

— Non, tu n'es pas obligée de... Je n'ai pas faim.

— Frisk, tu dois manger... Laisse-moi t'aider, supplia-t-elle.

L'enfant hésita, puis abandonna. Il échangea sa place avec Chara.

Les deux enfants avaient découvert qu'ils pouvaient faire ça dans les Souterrains. Pratique pour éviter les lances d'Undyne ou mieux connaître les points faibles d'Asgore lorsqu'on avait vécu avec lui tant d'années. Ils ignoraient d'où provenait ce don, mais ce n'était pas la chose la plus étrange de leur voyage jusqu'à présent.

Frisk patienta dans un coin de son esprit le temps que Chara mangeait le morceau de pain rassis. Il pouvait toujours en sentir le goût - horrible -, mais c'était comme s'il n'était pas celui qui le mangeait, ce qui atténuait la souffrance du moment. Cette expérience était déplaisante et aucun des deux enfants n'aimait prendre la place de l'autre, mais dans les cas d'urgence, elle les avait sorti de sacré pétrins.

Chara lui rendit immédiatement son corps après le repas, et lui adressa une grimace écoeurée qui en disait long sur ce qu'elle avait pensé de ce casse-croûte improvisé. Frisk retint difficilement un sourire pour ne pas l'offenser, à l'inverse d'Asgore, qui ricana dans sa barbe, à la fois amusé et dégoûté.

Néanmoins, la jeune fille avait raison. Avec le ventre un peu plus rempli, Frisk se sentit mieux presque immédiatement. Ils avaient encore une longue journée à attendre dans le noir, alors autant s'échapper de son quotidien tant qu'il le pouvait encore.

Sans redressa lentement la tête, un peu perdu. Il n'était pas chez Toriel, et pas chez Grillby, et il n'arrivait pas à se souvenir comment il était arrivé ici. L'esprit embrumé, il eut un mal fou à se concentrer sur ce qui l'entourait. Tout tanguait. Les murs, le sol, les meubles. Il n'aimait pas la sensation. Il avait l'impression d'avoir abusé de l'alcool, tout en ayant la certitude de ne pas avoir consommé une seule goutte.

— ... Rus ?

Sa propre voix l'étonna. On aurait dit un vieux corbeau mourant. Il savait qu'il avait des sonorités graves et langoureuses, mais à ce point-là, il pourrait bientôt faire de la lecture orale de romans érotiques, comme Mettaton.

Très vite, il chercha à remettre en route ses vieux réflexes de scientifiques. La pièce ressemblait à une chambre d'hôpital, sauf qu'il n'y avait pas de murs pour le séparer des autres... Et personne d'autre que lui par ailleurs dans la pièce. Il ne voyait que du blanc et du gris, partout où il posait les yeux. Il n'y avait aucun son perceptible non plus, à l'exception de sa propre respiration rauque. Il n'aimait pas ça.

Mal à l'aise, il conclut avec brio qu'il n'avait rien à faire là et qu'il allait rentrer à la maison le plus vite possible et faire comme s'il n'avait pas oublié les dernières heures de sa vie. Heures ? Jours ? Il n'en savait rien. Motivé par l'idée de quitter les lieux, il se redressa. Une vague de douleur dans la poitrine lui arracha un cri et il retomba sur le dos.

— Bon, plan B, croassa-t-il. Retourner 'ormir, et quand 'me réveillerai, tout s'ra normal.

— S-Sans ?

Il tourna la tête vers la voix qui venait de l'appeler. Il dut cligner plusieurs fois des yeux pour que sa vision cesse de flouter le visage familier qui s'avançait vers lui. Il fronça des sourcils inexistants et produit un grand effort de concentration pour se rappeler de son nom.

— Alphys ? Où ?

— Ah, t-tu es enfin réveillé !

Elle s'affaira autour de lui. Quelque chose lui serra brièvement le bras, puis elle plaça une tablette au-dessus de sa poitrine, avant d'aller palper quelque chose derrière sa tête. Sans essaya vainement de la suivre du regard, mais elle allait bien trop vite pour lui. Il sursauta quand une lumière apparut brutalement devant ses yeux. Il grogna et tenta de repousser la main de la scientifique.

— D-désolée, s'excusa-t-elle. C'est la p-procédure. Je vais te poser quelques q-questions, d'accord ? Tu p-peux me rappeler ton prénom ?

— Sans, j'ai vingt-neuf ans et on est lundi.

— M-mercredi, en vérité. Tu as dormi d-deux jours. T-tu te rappelles de ce qui s'est p-passé ?

Sans secoua la tête. Cette question, on la posait quand il s'était passé quelque chose de grave. Il fouilla au fond de son esprit, il n'arriva pas à se rappeler. Tout était embrumé.

— C'est n-normal, le rassura la scientifique. Tu étais en é-état de choc, ça va m-mettre un peu de t-temps à te revenir. Tu as été a-attaqué chez G-Grillby, par un groupe de m-monstres. Ils t'ont blessé à la t-tête et aux c-côtes, mais avant qu'on ne te s-soigne tu t'es évanoui d-dans la nature. Undyne t'a r-retrouvé et on t'a r-ramené au laboratoire pour te s-soigner.

Maintenant qu'elle le disait, cette histoire lui paraissait vaguement familière, comme si quelqu'un d'autre l'avait vécu. Il était encore trop épuisé pour lui donner du sens. Tout ce qu'il retenait était qu'il était toujours en vie, et que, par conséquent, ça ne pouvait pas être pire que l'explosion de Snowdin. Un autre problème à ajouter sur la pile déjà haute de ce qui n'allait plus dans les Souterrains.

— Je vais t-te laisser te r-reposer, dit-elle. Je vais appeler P-Papyrus, il s'inquiète b-beaucoup. Je t'examinerai t-tout à l'heure, je viens j-juste de changer tes b-bandages.

Sans glissa un regard vers son torse, entièrement enveloppé de bandelettes. Son crâne avait subi le même sort. Il n'avait pas l'air d'être capable de sortir pour le moment, alors autant obéir. Il laissa Alphys retourner à ses affaires et ferma les yeux. Il sombra en quelques secondes.

— Est-ce ce papier ?

— Oui, merci.

Undyne récupéra le document que Toriel lui tendait et le rangea dans un des classeurs étalé sur la table du salon. Elle tendit ensuite l'objet à Papyrus, qui l'empila sur l'une des piles destinée à la garde royale, avant de retourner à son propre tas de papiers.

Tous les trois faisaient un gigantesque tri dans le bureau d'Asgore, et surtout dans ses papiers. Le roi semblait avoir eu quelques soucis d'organisation ces derniers mois, et Toriel ne supportait plus de ne pas retrouver ce dont elle avait besoin. Elle avait réquisitionné Papyrus et Undyne pour l'aider. La capitaine de la garde royale était elle-même arrivée avec un tas important de papiers qu'elle n'avait pas eu le temps de confier à Asgore, trop occupé ces derniers mois pour la recevoir. Ils classaient ainsi les documents selon leur usage et leur conseiller attitré, afin que chacun d'entre eux puisse les récupérer.

Papyrus commençait à angoisser. Sa pile était de loin l'une des plus hautes, et il n'avait toujours aucune idée de ce qu'il allait devoir faire. Être choisi conseiller était une chose, mais savoir en quoi le métier consistait en était une autre. De plus, avec Sans dans les vapes depuis deux jours, il peinait à rester concentré sur ses tâches. Il n'avait qu'une hâte : en terminer au plus vite pour retourner à son chevet. Il savait que cette mission de rangement n'était qu'une grande mascarade pour le distraire, mais ça ne fonctionnait pas vraiment. Au moins permettait-elle d'ouvrir le dialogue entre Undyne et Toriel après le dîner catastrophique qui avait eu lieu avant l'accident de Sans.

— Je ne comprends pas, grogna Toriel. Asgore n'avait-il pas de secrétaire pour s'occuper des papiers ? Je viens de retrouver un acte de naissance datant de plus de cinquante ans dans un rapport de la garde royale obsolète. Pourquoi conserver tout ça ?

— Le vieux bonhomme n'aimait pas jeter, répondit Undyne, une pointe de nostalgie dans la voix. Il pensait être capable de tout gérer tout seul et il ne voulait pas ennuyer les autres. C'est pour ça que je suis rentrée dans la garde. Je ne voulais plus qu'il soit seul. Il me faisait de la peine. J'ai gravi tous les échelons un à un pour en arriver où je suis aujourd'hui et venir l'aider.

— Depuis combien de temps êtes-vous capitaine ? demanda Toriel, souriante.

— Un peu plus de vingt ans maintenant. Nous étions quatre quand on a commencé. Il ne reste plus que moi aujourd'hui.

La reine fronça les sourcils, soucieuse. Undyne répondit à sa question silencieuse.

— Il y en a un qui a perdu une jambe en cherchant à sauver un gamin après un éboulement, un a été tué en s'opposant au dernier humain, et le dernier... Il a juste abandonné un matin. Je n'ai retrouvé que ses cendres, personne ne sait vraiment s'il est mort de maladie ou s'il s'est donné la mort. Ce sont des choses qui arrivent. On les voit souvent parmi le peuple, mais côtoyer la misère au quotidien peut faire de drôles de choses à la tête.

— Je le sais fort bien, murmura Toriel.

— Si vous le dites, grogna la capitaine, amère.

— Vous avez dit hier que vous étiez là lorsque le dernier humain a...

— Ą tiré sur Papyrus à vue ? Oui. C'était mon deuxième jour en tant que capitaine, confia-t-elle. J'étais toute seule à gérer, et ça a été un fiasco. Des soldats sont morts pour arrêter ce monstre, plusieurs civils ont été touchés, et il y avait tellement de cendre, partout. Il n'aurait jamais dû passer le premier barrage. Et dans tout ce chaos, c'est un gamin qui l'a tué. Ça aurait dû être moi. J'étais responsable d'eux.

Papyrus fit de son mieux pour ignorer leur conversation. Il se sentait très mal à l'aise et la tension grandissante l'incommodait fortement. Pourquoi dès que ces deux-là s'adressaient la parole, on en revenait toujours au sujet des humains ? Le squelette se retourna et essaya de dévier le conflit à venir.

— Eh bien, je suis toujours vivant, donc ce n'était pas entièrement raté ! C'est du passé, de toute manière, et nos défenses ont beaucoup évolué depuis. J'ai contribué à construire tous les puzzles de Snowdin et aucun humain n'a tué de monstre depuis, ce qui doit vouloir dire que je suis vraiment exceptionnel.

La capitaine et la reine éclatèrent de rire à son petit coup d'éclat. Papyrus souffla discrètement de soulagement. La tension se calma et chacun replongea le nez dans ses papiers. Le squelette sentit le regard d'Undyne se poser longuement sur sa nuque, mais il ne se retourna pas.

La sonnerie de son téléphone le fit sursauter. Papyrus jongla avec un dossier jusqu'à réussir à atteindre sa poche, et décrocha sans même un regard au numéro de téléphone.

— Allô ?

— P-Papyrus ? C'est Alphys. S-Sans est réveillé. Un peu c-confus, mais il semble aller b-bien. Il te r-réclame.

— Vraiment ? J'arrive immédiatement ! Merci beaucoup ! cria-t-il, peinant à dissimuler son excitation.

Alphys raccrocha. Papyrus se tourna vers ses deux amies, qui l'observaient déjà, sourire aux lèvres.

— Va le retrouver, lui ordonna Toriel. N'oublie pas son sac et le gâteau dans le réfrigérateur !

— Oui, Miss Asgore ! répondit-il, déjà loin.

La porte claque derrière lui seulement quelques secondes plus tard. La reine sourit timidement à Undyne, qui l'observait.

— C'est une seconde nature de materner les autres ? demanda la capitaine. Vous faites ça... Beaucoup.

— On verra lorsque tu auras mon âge, se moqua gentiment Toriel. Pour moi, vous êtes tous des enfants.

— Vous ne pouvez pas être si vieille que ça. C'est une légende urbaine.

Toriel sourit, malicieuse.

— Si tu le dis.

Comment this paragraph

Comment

No comment yet