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Chapitre 3 : La vieille dame des ruines - Partie 2

Le souffle court, Papyrus ne se rappelait pas avoir jamais couru autant que ce jour-là. Le recalibrage de ses puzzles, le combat contre l'humain, l'entraînement avec Undyne, sa course après elle lorsqu'elle avait décidé de retourner au palais : cela commençait à faire beaucoup pour un seul squelette, aussi grand et athlétique soit-il. Sa longue écharpe rouge volait derrière lui à mesure que la température se réchauffait à l'approche des Hotlands. Undyne ne se trouvait plus qu'à quelques mètres devant lui, il pouvait apercevoir sa couette de cheveux roux qui dodelinait sur le rythme de ses pas rageurs.

— Undyne, attends ! appela le squelette, à bout de souffle.

Elle se retourna, roula des yeux et reprit son avancée d'un pas plus rapide. Le peu que Papyrus avait aperçu de son visage ne présageait rien de bon. Les larmes avaient tracé de grands sillons dans ses joues d'un bleu profond et son visage affichait une douleur qu'il ne lui avait encore jamais connu. Pendant un moment, il se figea. Undyne avait toujours été celle avec le plus d'assurance dans leur duo de choc. Il ne l'avait jamais vu aussi fragile qu'à cet instant et il se doutait bien que l'approcher ne serait pas simple. Après tout, elle était un peu comme Sans d'une certaine manière : elle se donnait l'illusion d'être forte pour mieux cacher ses faiblesses. Cependant, si Sans noyait sa colère et son chagrin dans un silence absolu, Undyne se laissait très rapidement débordée par ses émotions et pouvait céder à la colère en une fraction de secondes.

Le squelette hésita sur la manière de l'aborder. S'il y allait de manière trop franche, elle le rejetterait immédiatement. S'il jouait la carte de la compassion, elle lui hurlerait qu'elle n'avait pas besoin de sa pitié. Il eut beau retourner ce puzzle dans sa tête, il ne voyait pas de bonne façon de la retenir sans la blesser plus qu'elle ne l'était déjà. Pour autant, il ne voulait pas décevoir Sans. Pour une fois qu'il l'impliquait dans des affaires importantes, il voulait se montrer à la hauteur, dans l'espoir que cela l'encourage à lui en confier d'autres. Il souhaitait également lui prouver par ce biais qu'il pouvait lui faire confiance et qu'il n'y avait donc pas besoin de garder les secrets qui le pesaient pour lui. Mais cela relevait d'un problème moins urgent. Une chose à la fois, un élément logique après l'autre.

— Je voulais simplement te dire que je suis désolé, l'approcha prudemment Papyrus. Je sais que tu tenais beaucoup à Asgore, mais... Je pense que tu juges la situation avec un peu trop... avec...

Undyne s'était rapprochée dangereusement de lui. Même si elle était techniquement plus petite que lui, elle ne se laissa pas démonter et se mit sur la pointe des pieds pour l'avoir yeux dans les yeux. Le squelette, décontenancé, retint son souffle, mal à l'aise. Jusqu'à aujourd'hui, il avait toujours considéré Undyne comme une amie plus que sa supérieure hiérarchique. Mais son regard dur, son visage déformé par la colère le figea sur place.

— Que je juge la situation comment, Papyrus ? l'agressa-t-elle d'un ton glacial. Que je suréagis ? Que je suis en colère ? Oui, je le suis ! Bien sûr que je le suis ! Si j'avais tué cet humain comme il était prévu de le faire, on n'en serait pas là aujourd'hui ! On ne parle pas juste d'une fenêtre cassée, Papyrus ! Le roi est mort et sans lui, on risque de tous crever ici.

— Undyne...

— Non. La ferme. Je pensais avoir réussi à t'apprendre quelque chose à force de te côtoyer, mais regarde-toi. Ton frère est supposé être un juge, il n'a rien fait pour l'arrêter, et toi... Toi, rugit-elle, tu en as fais un ami !

Elle le repoussa violemment en arrière. Papyrus perdit l'équilibre et s'écrasa contre la roche, surpris. Il sentit les battements de son âme s'accélérer alors qu'elle se rapprochait dangereusement de lui, le regard aussi noir que la nuit et sa lance à la main.

— Tu veux que je te dise, Papyrus ? Tu ne seras jamais un garde royal. Tu n'en as jamais eu l'étoffe et tu te ferais buter à la moindre difficulté. Je ne veux plus te revoir.

— Undyne, arrête... déglutit-il douloureusement, les larmes aux yeux. Tu ne sais plus ce que tu dis, tu es en colère. Mais te lâcher sur moi ne t'apportera rien.

— Tais-toi ! hurla-t-elle.

Elle leva son bras et écrasa son poing dans son visage. Papyrus roula au sol, la main sur la joue. Ses mains tremblaient et il ne parvenait plus à contenir la peur qui grimpait en lui. En un seul coup, elle avait déjà arraché la moitié de sa force vitale. Si elle continuait comme ça, elle allait le tuer. Undyne sembla brutalement réaliser ce qu'elle venait de faire. Elle bascula en arrière, comme frappée par foudre et baissa les yeux sur lui. Son regard alla de ses poings au visage de Papyrus. Elle lâcha un sanglot d'horreur et s'éloigna en courant.

Le squelette ne fit rien pour la retenir. Il savait que ça ne servait à rien. Il se redressa difficilement en grimaçant. Tout le côté droit de son visage le faisait souffrir et, en récupérant son téléphone tombé au sol, il poussa un cri de surprise en apercevant une longue zébrure le long de son crâne. Son estomac invisible se retourna à la simple pensée que Sans s'en rende compte. Il allait forcément s'en rendre compte. Il devait trouver une excuse rapidement. Il tenta de se remettre sur ses jambes, mais une douleur lancinante le força à se recoucher immédiatement. Peut-être que le coup avait fait plus de dégâts qu'il ne l'avait cru.

Il poussa une plainte et tapa difficilement le numéro de téléphone de son frère. Il tenta de se convaincre qu'il valait mieux qu'il l'apprenne maintenant. S'il le découvrait par lui-même, Asgore seul savait ce qu'il pourrait faire à Undyne. Il n'avait pas tellement le choix, il ne pouvait pas rester couché ici éternellement. Il porta le téléphone à son crâne, en essayant de s'appuyer contre un poteau pour se mettre au moins en position assise, mais le sol tanguait dangereusement au moindre mouvement.

— Pap' ? entendit-il à l'appareil.

— Hey... S...

Un vertige le força à s'interrompre. Il posa sa tête entre ses bras et éclata en sanglots, incapable de se contenir plus longtemps.

— Pap' ? Papyrus ? s'affola Sans. Qu'est-ce qui se passe ? Tu es où ?

— J'ai mal, Sans, dit-il d'une petite voix. Je... Hotlands.

— J'arrive, ne bouge pas !

Il raccrocha. Papyrus attrapa ses genoux et se mit en position fœtale, haletant. Ce n'était pas normal. Comment un simple coup de poing avait pu le mettre dans cet état ? La voix de Sans résonna quelque part derrière lui. Il releva faiblement la tête, Sans se trouvait au bout du pont qu'il venait de traverser, une grande forme blanche qui ressemblait étrangement à Asgore derrière lui. Dès qu'il l'aperçut, Sans sprinta dans sa direction et se jeta à côté de lui, complètement paniqué.

— Qu'est-ce qui s'est passé ? Tu es blessé ? Tu...

Il se figea net lorsque sa main passa sur le côté droit de son visage. Dès qu'il passa le doigt dessus, Papyrus gémit de douleur. La grande dame blanche en robe violette s'accroupit à côté de lui et écarta gentiment mais fermement la main de Sans. Elle posa une main experte sur sa tête, une autre sur son torse, et une douce magie régénératrice traversa son âme, calmant immédiatement la douleur. La cicatrice s'effaça peu à peu et Papyrus se sentit tout de suite mieux.

— Il... Il va bien ? demanda Sans à la nouvelle arrivée.

— Oui. Je ne sais pas ce qui est arrivé, mais ce qui a causé cette fissure lui a causé un violent traumatisme crânien. Il est stabilisé et pourra se relever dans quelques minutes.

— Sans ? appela Papyrus d'une voix pitoyable. C'est madame Asgore ?

— Toriel, répondit-il en riant légèrement. Pap', qu'est-ce qui s'est passé ? demanda-t-il d'une voix plus sombre.

Papyrus baissa les yeux pour ne pas répondre, mais Sans lui attrapa la mâchoire et le força à le regarder dans les yeux.

— C'est Undyne, c'est ça ?

— Elle... Elle ne voulait pas... Je sais qu'elle ne voulait pas... Elle était juste en colère et j'ai dû la blesser plus qu'elle ne l'était déjà. Ne lui en veux pas.

— Elle t'as gravement blessé, Papyrus ! Et pire, elle est partie en te laissant comme ça ! Qu'est-ce qui se serait passé si tu n'avais pas eu la force de m'appeler ? cria-t-il, la voix brisée.

Toriel posa une main sur l'épaule de Sans. Essoufflé, il releva la tête vers elle.

— Rien ne sert de se mettre dans des états pareils pour le moment. Nous la confronterons en temps et en heure. Je sais que tu es inquiet pour ton frère, mais l'urgence est au conseil. Nous pourrons tous nous reposer après ça, d'accord ?

— D'accord, soupira Sans à contrecœur. Viens, Pap'.

Soutenu par son frère et Toriel, Papyrus se remit sur ses jambes encore tremblantes. Tous les trois prirent la direction du laboratoire d'Alphys.

— Enchanté, Lady Toriel, dit soudain le squelette sur le chemin. Je suis le grand Papyrus. Je m'excuse de me présenter comme ça à la future reine.

— Je suis ravie de te rencontrer également, dit-elle en souriant. J'ai beaucoup entendu parler de toi, ton frère est intarissable lorsqu'il s'agit de vanter tes exploits. On pourrait même dire qu'il est...

— Oh non... s'alarma Papyrus. Pitié, tout sauf ça.

— ...Gagarus ! acheva-t-elle en éclatant de rire, accompagnée de Sans.

— Nyeh ! J'ai changé d'avis, abandonnez-moi là ! s'offusqua-t-il.

Les esprits plus calmes, le trio vit apparaître à l'horizon le laboratoire d'Alphys. Autant en profiter tant qu'ils le pouvaient. Tôt ou tard, les choses deviendraient compliquées ici-bas.

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