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Chapitre 12 : Une question épineuse - Partie 1

— Tout va bien, ce n'est pas cassé, les rassura Toriel. L'os s'est fissuré, mais j'ai arrangé ça. Les fractures sont courantes chez les squelettes. Pendant la guerre, il y a longtemps, je passais mon temps à réparer des os brisés. Votre espèce est plus fragile que la moyenne, mais j'ai entendu dire qu'on pouvait arranger ça en buvant beaucoup de lait.

Papyrus grimaça pour toute réponse. Couché sur le dos à même le sol, il serrait la main de Sans pendant que la reine terminait de le soigner. La douleur s'était estompée, mais le traumatisme de voir sa jambe retournée ne disparaîtrait pas avant longtemps. Comme le squelette l'avait pressenti, Flowey avait fui. Papyrus avait essayé de gagner du temps dans l'espoir que Sans se rende compte de ce qui se passait, mais ça n'avait pas suffi à l'arrêter.

Maintenant, son frère était de nouveau sur les nerfs et Lady Toriel avait dû le soigner pour la deuxième fois en trois jours. Sans n'avait vraiment pas aimé que Flowey lui brise la jambe. Il avait attaqué la fleur sans même prévenir, précipitant sa fuite. Papyrus ne lui en voulait pas. Il savait que son frère avait des instincts de protection plus poussés que la normale. Il avait l'habitude.

— Je suis désolé de retarder tout le monde, Lady Toriel, s'excusa le squelette d'une petite voix. Ce n'est pas dans mes habitudes de me blesser aussi stupidement dans un laps de temps aussi court.

— Oh, ne t'en fais pas pour ça, Papyrus. Tu n'y es pour rien. Ce sont les gens qui sont en train de perdre la tête. Est-ce que tu penses pouvoir te relever maintenant ?

La reine le contourna. Elle détacha gentiment les mains de Sans de sa poitrine et le saisit sous les bras. Papyrus appuya sur sa jambe valide pour se remettre debout, sous le regard soucieux de son grand frère. Il poussa une plainte sourde lorsqu'il posa sa deuxième jambe à terre.

— Doucement, étape par étape. Ta jambe risque de faire mal pendant quelques jours, mais ce ne sera bientôt plus qu'un mauvais souvenir. Sans, est-ce que tu peux le soutenir une minute ? Je vais aller chercher des anti-douleurs.

Sans prit la place de Toriel sans se faire prier. Papyrus baissa la tête vers lui. Il semblait toujours nerveux, même si la situation s'était apaisée depuis plusieurs minutes désormais. Il continuait de regarder autour de lui comme un animal traqué, et son œil brillait toujours, signe que sa magie restait active.

— Sans, je vais bien maintenant. Tu peux arrêter. Tu vas te fatiguer pour rien. Il est parti et il ne reviendra pas.

— Qu'est-ce que tu en sais ? Jusqu'à il y a un quart d'heure, cette chose prétendait être ton ami.

— C'est justement parce que je le connais que je sais qu'il ne reviendra pas. Il n'est pas en bonne forme et je pense que tu lui as fait assez peur comme ça. Je ne vais pas tomber en poussières et j'ai toujours mes deux jambes. Je t'assure que tout va bien.

Il grogna, mais finit pas obtempérer. Ses yeux reprirent une allure plus normale, et il tenta un sourire pour rassurer son frère. Toriel ne tarda pas à revenir avec des béquilles, des cachets et un verre d'eau. Papyrus avala les médicaments d'une traite, accompagnés par une grimace éloquente, puis il saisit les béquilles. Il mit quelques minutes à s'y ajuster, mais cela le soulagea énormément de ne plus avoir à poser la jambe à terre.

La reine s'assura qu'il était toujours capable de les suivre à la réunion, ce à quoi Papyrus approuva vigoureusement de la tête. Les réunions nécessitaient de la voix, pas des jambes. Et puis il refusait de laisser son frère seul dans cette épreuve. Le groupe se dirigea vers le sous-sol de Toriel et ils regagnèrent le palais royal où le conseil aurait dû démarrer quinze minutes plus tôt.

Comme ils s'y attendaient, tout le monde était déjà présent. Un silence lourd se fit sentir lorsque la reine entra, suivie des deux squelettes. Papyrus fit de son mieux pour éviter le regard d'Undyne, mais c'était bien trop tard pour ça. La guerrière avait bondi de son siège et c'était jeté sur lui, le regard fou d'inquiétude.

— Qu'est-ce qui s'est passé ? Tu t'es fait ça en rentrant ?

— N... Non. Je me suis fait attaquer dans le jardin de Lady Asgore.

— Je pensais que vous deviez les garder en sécurité ! cracha Undyne à Toriel. C'est comme ça que vous protégez ceux qu'on laisse sous votre garde ?

— Gamine, tu surréagis encore une fois, appela Gerson. On n'a même pas encore commencé. Viens donc t'asseoir.

La capitaine prit sur elle. Elle souffla, puis fit demi-tour pour retourner s'asseoir à côté d'Alphys. Papyrus se sentit coupable. Il n'était là que depuis quelques minutes et il avait déjà causé un conflit. Il passait décidément une très mauvaise journée. Les deux frères squelettes s'installèrent à côté de la reine. Le plus grand des deux rougit en découvrant Mettaton juste à côté de lui. Le robot lui adressa un clin d'œil et un baiser silencieux, qui le fit déglutir. Quand il retourna la tête, Sans le regardait, les yeux plissés, suspicieux. Il regarda le robot, lui adressa un regard qui signifiait clairement « Fais du mal à mon frère et je te transforme en ouvre-boîte », avant de faire comme si rien ne s'était passé.

— Bien, commençons, dit Toriel calmement. J'aimerais commencer par vous remercier tous et toutes pour votre confiance. J'essaierais d'être une reine juste pour tous. Comme vous le savez, nous traversons actuellement une période troublée. Un attentat a eu lieu à Snowdin hier, et des scènes de violence se sont répétées dans les heures qui ont suivies dans tous les Souterrains. Des accidents ont été reportés à Waterfall, à Hotlands, et au MTT Resort pas plus tard qu'il y a quelques heures. Nous devons arrêter ces agissements rapidement. La liberté politique a toujours fait partie de nos valeurs, et je respecte les divergences d'opinion qui ont pu avoir lieu quant à mon élection. En revanche, nous ne pouvons pas accepter aveuglément cette violence sans rien faire, ou nous risquons une guerre civile que, je suis sûre, personne ne veut.

Plusieurs personnes hochèrent de la tête dans l'assemblée, y compris Undyne, qui détourna le regard.

— Je vais être honnête, reprit Toriel. Je souhaitais démembrer la garde royale en tant que première mesure. Mais je ne pense pas que cela ferait du bien actuellement. Capitaine Undyne, je souhaite que vous concentriez vos ressources et vos soldats à la remise en ordre des Souterrains. Nous discuterons ensuite de ce que nous ferons. Nous en parlerons en privé tout à l'heure. Je pense que nous avons des choses à nous dire. Notamment à propos de l'attaque qui vient d'avoir lieu à Nouvelle Maison. Je souhaite organiser une traque de l'individu concerné le plus vite possible.

— Très bien, répliqua Undyne. Je ferai au mieux... Votre Majesté.

Toriel sourit. Les deux derniers mots semblaient lui avoir coûté beaucoup, mais elle apprécia l'effort.

— Nous devons parler également du conseil. J'aimerais que Sans m'épaule dans les décisions à venir. Je sais que les tensions actuelles feront que certains ne comprendront pas ce choix, mais j'ai une aveugle confiance en ses jugements, et je sais qu'il honorera ce rôle. C'est pourquoi j'ai décidé d'apporter un peu de nouveau sang en fractionnant certains de vos rôles pour créer de nouveaux postes à pourvoir. Commençons par Sans. En tant que conseiller, sa charge de travail va beaucoup augmenter ces prochains jours. À sa demande, je lui laisse toujours le rôle de tenant de la justice, mais j'ai décidé de placer tout ce qui concerne le social entre les mains d'une personne que je sais empathique et qui, j'en suis sûre, fera tout ce qui est en son pouvoir pour rendre les choses meilleures. Papyrus, est-ce que tu accepterais de remplir ce rôle ? Tu seras formé, bien évidemment, mais je ne vois pas de meilleur candidat pour cela.

Papyrus pointa sa poitrine du doigt lorsqu'il réalisa qu'on parlait de lui. Il lança un regard à Sans, qui sourit malicieusement, déjà au courant de la décision de la reine. Undyne aussi souriait, même si elle essayait de le cacher.

— Je... Je serais à la hauteur ! clama-t-il. Merci, Miss Toriel.

— J'en suis certaine. Nous en reparlerons plus tard. J'aimerais ensuite introduire un deuxième nouveau membre.

Elle se tourna vers l'entrée de la pièce. Grillby se tenait-là, mal à l'aise. Il finit par avancer et alla s'asseoir à côté de la reine, nerveux. Sans lui lança un regard interrogatif, tout comme la plupart des personnes présentes.

— Je ne comprends pas, dit Angstablook, le maire de Waterfall. Je ne doute pas de votre choix. Mais n'est-il pas aubergiste à Snowdin ? En quoi va-t-il nous aider ?

— J'aimerais placer la question des humains à part, expliqua Toriel. Hors de la garde royale et des sentinelles. Pour cela, je souhaitais un révérend de la Grande Guerre. Bien sûr, Gerson était mon premier choix, mais il m'a fait comprendre que sa tâche lui suffisait pour le moment. J'ai donc pensé à la seule deuxième personne que je connaisse qui est toujours en vie pour ce poste. Monsieur Grillby.

— Il a fait la guerre ? demanda Undyne, choquée. Mais je pensais qu'il avait le même âge que Sans. Il ne peut pas avoir plus de deux cents ans, si ?

— J'ai sept cent ans, répliqua Grillby d'une voix calme.

Même Sans parut accuser le coup. Il se tourna vers le barman. Il l'avait côtoyé une grande partie de sa vie, et il ne lui avait jamais dit qu'il avait combattu.

— Les monstres élémentaires ont une durée de vie équivalente à celle des monstres de haut niveau, expliqua Toriel. Grillby était notre négociateur entre humains et monstres pendant la guerre. Il a choisi de se retirer des activités politiques et militaires lorsque nous avons emménagé ici, comme beaucoup, pour s'occuper de sa famille. Il a toujours été très humble, et c'est pour cette raison que je lui ai demandé s'il accepterait de reprendre ce rôle avec les humains qui tomberaient dans les Souterrains dans les mois et années à venir. Je souhaite que nous arrêtions les frais ici et maintenant. Plus aucun humain ne sera tué pour briser cette maudite barrière. La guerre, comme l'a souligné notre capitaine, est terminée depuis plus de deux cents ans. Il est temps de passer à autre chose et à d'autres moyens de réflexion.

La décision ne fit pas l'unanimité. Undyne se crispa sur son siège, et plusieurs monstres se lancèrent des regards consternés face à cette annonce qui remettait beaucoup de choses en question. Toriel les ignora et poursuivit son discours, préférant terminer avant de répondre à leurs réactions. Elle se tourna vers Alphys. La femme-lézard se redressa sur sa chaise.

— Docteur Alphys, je souhaite que le département scientifique reprenne l'importance qu'il avait dans le passé. Je vais allouer une partie de nos fonds pour former de nouveaux scientifiques, mais aussi pour éduquer nos jeunes de manière plus efficaces aux différentes carrières de Souterrains. Ce sera le rôle des maires de nos villes. Je souhaite que l'école soit rendue obligatoire pour tous les enfants, et qu'elle soit modernisée, par l'approche de la justice, de la culture, du social. Ces axes de travail seront nos objectifs principaux pour le moment. Je souhaite pouvoir compter sur chacun d'entre vous à l'avenir, de manière plus active que ce que vous avez pu être avec mon mari.

Elle baissa la tête. Son ton se fit plus doux.

— À propos d'Asgore... J'ai décidé qu'une période de deuil de trois jours sera organisée dès demain. Ses cendres seront exposées ici-même et pour deux jours, pour que ceux qui le souhaitent puissent se recueillir, puis une cérémonie aura lieu pour ses proches et sa famille au troisième jour. Vous êtes bien évidemment tous conviés à cette cérémonie. Je sais à quel point il comptait pour vous et, même si nos intérêts ont divergé sur la fin, j'ai été mariée à cet homme pendant plus de quatre cents années, et nous avons élevé deux enfants ensemble. Son urne reposera dans le tombeau familial, aux côtés de celle d'Asriel, et du sarcophage de Chara.

Plusieurs personnes hochèrent gravement de la tête. Toriel prit une inspiration. Le plus dur restait à venir.

— J'en ai terminé avec mes premières mesures. Avez-vous des questions ? Des remarques ?

Un silence gêné tomba parmi les participants du conseil. Undyne regarda autour d'elle, avant de remarquer que Toriel la dévisageait déjà. La guerrière se dandina sur sa chaise, puis décida de prendre la parole.

— Je n'ai pas de remarques particulières, du moins aucune qui valent la peine d'être parlée devant tout le monde. Je... Je voulais simplement m'excuser de mon comportement lors de l'élection. J'ai conscience que ce que j'ai dit a eu des répercussions qui m'ont dépassée, dit-elle à l'attention de Sans et Papyrus. J'aimerais qu'on reparte sur de meilleures bases, si ça vous convient. Je ne cacherai pas que certaines choses ne me plaisent pas, mais je promets d'être un peu plus modérée à l'avenir.

— Merci, Capitaine, répliqua la reine. Je pense que nous sommes en effet parties sur de mauvaises bases. Je vous promets de faire de mon mieux pour que la passation soit la moins douloureuse possible pour tout le monde.

La jeune femme sourit timidement. À côté de la reine, Papyrus leva les deux pouces de manière peu discrète pour la féliciter. Il se tourna ensuite vers Sans. Les orbites sombres, il semblait beaucoup moins apte à accepter le repenti de la guerrière. Le squelette savait que cela prendrait du temps.

Quelques autres questions génériques fusèrent, notamment pour parler de budget pour les écoles, ce à quoi Toriel expliqua qu'elle enverrait sous peu les fonds nécessaires. Tout le monde évita soigneusement les questions sur les humains pour l'instant, afin de ne pas remettre de l'huile sur le feu.

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