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10 . Ce qui ne devrait pas être conté

Eugène referma doucement l’ouvrage. Le battement de son cœur s’était transformé en grondement sourd. Il resta un instant immobile, les doigts toujours posés sur les bords du texte, comme s’il redoutait de briser un équilibre fragile. Puis il releva lentement les yeux vers Aldénor, assise face à lui, qui l’observait en silence, comme si elle devinait déjà les questions qui se bousculaient dans son esprit.

— C’est impossible, souffla-t-il. Cette histoire… Myra l’a racontée presque mot pour mot. 

Aldénor inclina légèrement la tête.

— Elle ne pouvait pas la connaître. Personne ne connaît cette version-là. Même moi, je n’en avais trouvé qu’un fragment, il y a des années. C’est ici que se cache le reste.

La reine ne répondit pas tout de suite. Elle prit le temps de refermer son propre livre, puis se leva pour venir s’installer au côté d’Eugène. Ses gestes étaient mesurés, presque solennels, elle l’écoutait en silence.

— Je me suis toujours demandé d’où lui venaient ses récits, murmura-t-elle. Elle a toujours eu cette capacité à trouver le ton juste, les mots qui marquent. Mais ces dernières semaines, quelque chose à changé. Ses histoires ont gagné en intensité. C’est là que j’ai commencé à faire le lien avec cette amulette.

Aldénor posa son regard sur la table, comme si elle visualisait l'objet en question.

— Je ne l’ai jamais vue sans, mais je me rends compte que dernièrement, quand elle raconte ses histoires, il y a comme une tension en elle, une vibration subtile, mais réelle, dit-il en fronçant les sourcils. Tu penses qu’elle lui transmet ces histoires ?

— Je pense que cette amulette n’est pas un bijou ordinaire. Pas un simple vestige. Dans l’Ancien Monde, on croyait que chaque événement marquant laissait une trace invisible, une résonance qui ne disparaît jamais vraiment. Une empreinte dans la trame du vivant. La magie s’est éteinte, mais les plus anciens objets du monde, appelés “artefacts” conservent encore des fragments de souvenirs de ce qui fut autrefois.. Une arme, un vase… une amulette.

— Des échos… murmura Eugène.

— Exactement. Et parfois, certaines personnes peuvent les percevoir, les canaliser. Myra n’est peut être pas consciente de ce qu’elle fait, mais elle réveille quelque chose. L’amulette à l’air d’agir comme une passerelle.

Eugène hocha la tête, sans parvenir à calmer l’inquiétude qui s’insinuait en lui.

— La magie est consciente, elle a sa volonté propre. Elle laisse sûrement Myra l’utiliser, et lui donne accès à des savoirs anciens. C’est peut être de là que viennent les histoires qu’elle raconte.

— Est ce que tu penses qu’elle est en danger ? demanda-t-il enfin.

— Rien ne prouve que cette connexion soit néfaste. L’amulette sert juste de passerelle, mais elle ne provoque rien de mal. Mais on ne joue pas avec ce genre de choses sans conséquences. Surtout quand on ne sait pas ce qu’on touche.

Elle tourna légèrement la tête vers lui.

— Veille à ce qu’elle ne puise pas trop dans quelque chose qui la dépasse Eugène. Tant qu’on ne comprend pas ce que cette amulette contient vraiment, il vaut mieux qu’elle l’ignore.

Il hocha lentement la tête. Il ne savait pas encore s’il pouvait protéger Myra de ce qui s’éveillait autour d’elle. Mais il était prêt à essayer.

Quelques jours plus tard, à la nuit tombée, Eugène retrouva sa place habituelle au fond de la taverne. Il avait passé la journée dans un demi-silence, hanté par ce qu’il avait lu et compris aux Fondations. L’encre à peine sèche du dernier récit de Myra dormait chez l’imprimeur. Et déjà, elle s’apprêtait à en raconter un autre.

Il cala son carnet sur ses genoux, observant le petit cercle d’habitués dispersés autour des tables, déjà suspendue à sa voix avant même qu’elle ne parle. Elle était là, assise sur le bord de sa chaise, la cape tombée sur ses épaules. L’amulette battait doucement contre sa poitrine, comme un second cœur. 

Myra entama sans histoire, une légende ancienne dont Eugène n’avait jamais entendu parler auparavant. 

Ce soir, elle ne racontait pas une guerre. Elle parlait d’un palais effacé des cartes, d’un roi qui dansait chaque nuit seul dans la grande salle de bal, persuadé que la femme qu’il aimait le rejoindrait un jour. On raconte qu’il avait fait bâtir ce palais, dans un lieu reculé pour qu’aucune guerre ne vienne l’atteindre. Un lieu hors du temps, hors du monde. Un jour, elle serait là, disait-il. Et ils danseraient, jusqu'à ce que l’écho du dernier pas résonne dans la pierre.

Alors qu’elle parlait, l’amulette se mit à luire doucement. Subtilement d’abord, presque imperceptible. Puis la lueur gagna en intensité, projetant sur son visage des reflets mouvants.


Myra sentit une chaleur contre sa peau. Au début, une simple caresse. Puis une brûlure douce, continue, qui semblait suivre le rythme de ses mots.


Eugène, qui l’observait dans les moindres détails, remarqua que la lumière de l'amulette semblait réagir à certains passages précis du récit. A l’évocation d’une main tendue, d’un serment perdu dans la mémoire du lieu. Elle pulsait plus fort, plus vite.

Une sensation étrange l’envahit soudain. Comme s’il pouvait voir ce que Myra décrivait, non plus comme une simple histoire, mais comme une scène réelle qui se superpose à la réalité. Il crut voir la taverne s’effacer un instant, remplacée par une vaste salle. Le bois des murs prit des reflets de marbre, des colonnes floutées par la poussière du temps semblèrent surgir entre les tables. Au plafond, un lustre invisible dessina une lumière spectrale.. Comme si les contours de l’Ancien Monde cherchaient à percer la surface du présent.

Myra sentit sa gorge se serrer. Le récit semblait se dérouler sans elle, comme si les mots lui étaient arrachés plutôt que dictés.

Un souffle glacé s’engouffra dans la pièce. Les bougies vacillèrent d’un coup. Le courant d’air tordit l’espace. Plusieurs spectateurs froncèrent les sourcils, frissonnant sans raison apparente, comme effleurés par quelque chose qu’ils ne voyaient pas.


Myra prononça la dernière phrase de son histoire d’une voix tremblante. L’amulette, elle, perdit doucement de son éclat, la chaleur s’évaporant comme si rien ne s’était produit.

Un silence étrange s’abattit sur la taverne, dense, chargé. Comme si les gens présents avaient ressenti le frisson d’un monde trop proche.

Eugène serra son carnet entre ses mains. Il savait que quelque chose venait de changer. Que la légende racontée ce soir-là n’avait pas seulement touché les esprits… 

Elle avait réveillé quelque chose.

Jusque-là, l’amulette n’avait été qu’un simple transmetteur, une passerelle vers les vestiges de l’Ancien Monde. 

Mais cette fois, elle semblait s’éveiller.


L’Antre de l’Ours s’était vidée peu à peu, discrètement, comme si chacun avait senti qu’il valait mieux laisser l’air se décharger de ce qu’il portait.

Myra et Eugène s’étaient installés dans leur alcôve habituelle, à l’écart. L’ombre des poutres veillait sur eux, et la lumière douce du feu vacillait contre les murs en pierre.

Marcus arriva avec un plateau qu’il posa sans un mot devant eux. Pas d’alcool cette fois, juste trois grandes tasses en terre cuite, encore fumantes. Une odeur douce de cannelle et d’épices s’en échappait, mêlée à celle du lait chaud.

Il s’assit en face d’eux, bras posés sur la table, le regard tendre.

— Allez, buvez. Ça tient l'âme au chaud ces trucs-là, ajouta-t-il en posant doucement les tasses vers eux, l’air de rien.

Eugène hocha vaguement la tête, ses doigts se refermant sur la tasse brûlante, sans la porter à ses lèvres. Il fixait un point au-delà du feu, ailleurs.

Myra, elle, jetait des coups d'œil vers lui, attentive, inquiète sans en avoir l’air.

— Ça va ? murmura-t-elle finalement, sa voix plus douce qu’a l’accoutumée.

Un haussement d’épaules, un soupir à peine audible.

— Je pense que je vais rentrer, finit-il par lâcher, d’une voix un peu absente.

Marcus redressa la tête.

— On te raccompagne ? proposa-t-il, mais déjà son regard glissait vers Myra, un petit signe du menton pour l’inviter à s’en charger.

Myra commença à se lever, mais Eugène leva une main.

— Ça ira. J’ai besoin de marcher un peu seul.

Marcus le fixa une seconde, jaugeant le visage tendu du scribe, puis haussa un sourcil et esquissa un sourire bienveillant.

— Comme tu veux mon p’tit, va t’aérer les idées. Te perds pas en ch’min.

Eugène hocha la tête, il se leva, serra brièvement l’épaule massive de Marcus en guise de remerciement. Myra glissa vers Eugène un regard plus tendre qu’elle ne l’aurait voulue, et murmura simplement : 

— A plus tard.

Eugène sortit, laissant derrière lui une taverne vidée, et l’inquiétude muette de ses deux amis.

Eugène arpentait les couloirs du palais d’un pas vif, l’esprit en ébullition. L’image de l’amulette de Myra s’illuminant au rythme de sa voix ne le quittait pas. Il devait réfléchir, regrouper les faits… et peut-être, en parler avec elle.

Les torches ouvragées fixées aux murs diffusaient une lumière vacillante, projetant des ombres mouvantes sur la pierre polie. Il aimait ces couloirs silencieux, leur froideur apaisante, et le souffle du vent qui glissait à travers les arches ouvertes donnant sur la cour intérieure.

Passé l’encadrement d’arches massives, il déboucha dans un cloître paisible, carré, aux proportions presques parfaites. Le sol dallé cédait la place à un jardin soigneusement entretenu. Des fontaines laissaient couler un filet d'eau discret, tandis que les odeurs de jasmin et de terre humide flottaient dans l’air, rendant l’atmosphère presque irréelle en contraste avec le tumulte du palais. 

Autour de lui, les galeries couvertes formaient en un quadrilatère harmonieux, portées par des colonnes de pierre claire. Ici et là, des alcôves profondes ou des passages menaient aux ailes du palais.

Comme à chaque fois qu’il revenait de la taverne, Eugène avait volontairement emprunté ce détour. Ce n'était pas le chemin le plus court jusqu’à ses appartements, mais l’endroit lui offrait quelques minutes de calme volé.

Habituellement, il ralentissait ici. Il respirait plus profondément, il s’imprégnait. Mais ce soir, il marchait sans ralentir, les pensées trop lourdes.

Alors qu’il allait s’engager sous une arche menant à une autre aile du palais, une silhouette immobile attira son attention. Le Roi Kardam se tenait là, appuyé contre une colonne sculptée, bras croisés, le regard perdu dans ses pensées.. Loin du souverain imposant des réunions officielles, il semblait… fatigué.

— Votre Altesse, fit Eugène en s’inclinant légèrement.

Kardam releva les yeux vers lui, comme s’il sortait d’un rêve. Puis il esquissa un sourire un peu las.

— Bonsoir Eugène. Nous avons eu peu d'occasion de nous croiser depuis votre arrivée, j’en suis navré. J’espère que votre séjour parmi nous se passe au mieux. 

Son ton se voulait léger, mais Eugène nota la tension discrète dans sa posture, la manière dont ses doigts tambourinaient légèrement contre son brassard en cuir. Il n’eut cependant pas le temps d’y réfléchir que Kardam reprit avec une pointe d’amusement dans la voix.

— J’ai cru comprendre que Myra avait trouvé en vous un assistant redoutablement efficace. Mais ne vous laissez pas faire, vous n’êtes pas là pour ça ! Si elle vous surcharge, prévenez-moi. C’est moi qui serai tenu de vous verser une solde supplémentaire pour ce poste non déclaré !

Il rit un peu trop fort, comme s’il essayait d’alléger l'atmosphère.

— Rassurez-vous, votre Altesse, répondit Eugène avec un sourire, Myra ne me force à rien, je l’aide avec le plus grand plaisir, et sans attendre de rétribution, c’est une démarche… entièrement à but non lucratif ! J’apprends beaucoup en sa présence. C’est quelqu'un de remarquable.

Kardam hocha lentement la tête, son sourire se faisant plus sincère.

— Oui, nous avons tous beaucoup de chance de l’avoir. Le royaume se serait écroulé dix fois cette année si je ne l’avais pas eue à mes côtés…

Il passa une main dans sa barbe, songeur.

— Mais ne lui dites jamais que j’ai dit ça ! Ce serait terrible si elle savait, dit-il d’un air grave.

Il releva les yeux vers Eugène, une lueur joueuse au fond du regard.

Son ton se voulait léger, mais Eugène ne manqua pas l’ombre furtive qui passa dans ses yeux. Quelque chose le préoccupait, de toute évidence.

Avant qu’il ne puisse poser la moindre question, Kardam lui donna une tape amicale sur l’épaule.

— Sur ce, je vous laisse à vos occupations nocturnes. Essayez tout de même de dormir, Eugène. Vous avez l’air de quelqu’un qui pense trop.

Eugène inclina la tête respectueusement tandis que le roi s’éloignait d’un pas mesuré. Quand Kardam disparut sous l’ombre du porche, Eugène resta un instant immobile. Il leva les yeux vers le ciel dégagé au-dessus du cloître, où les étoiles brillaient, indifférentes à ses tourments. 

Pourtant, le poids de ses préoccupations, lui, restait bien ancré. Kardam cachait ses inquiétudes sous des rires et des plaisanteries, mais elles étaient bien là.

Eugène n’était pas seul, cette nuit, à être hanté par ce qu’il ignorait encore.


Encore plongé dans ses pensées, Eugène atteignit enfin ses appartements. Alors qu’il s’apprêtait à ouvrir la porte, Eugène s’arrêta net.

Un morceau de papier dépassait légèrement sous le battant. Pas un pli officiel, ni une lettre marquée d’un sceau. Juste un simple parchemin roulé, glissé à la hâte.

Il le ramassa, intrigué, et le déroula.

“Ces histoires doivent rester dans l'oubli. La magie ne peut pas revenir sans conséquence. Vous ne comprenez pas ce que vous êtes en train de provoquer.”

Aucune signature, aucune indication sur l’expéditeur, rien. Mais ces mots suffisaient à lui glacer le sang.

Un frisson lui parcourt l’échine. Un bruissement léger, au détour du couloir. Une ombre fuyante, là où la torche ne portait plus.

Quelqu’un avait déposé ce message, et il n’était peut-être pas loin.

D’un geste brusque, Eugène ouvrit la porte, entra, et referma derrière lui.

Il resta un instant debout dans l’ombre, le parchemin encore dans la main.

Assis au bord du lit, il relut les mots encore et encore… Son esprit cherchant à en décrypter chaque nuance.

Une menace. Ce n’était pas une simple mise en garde, ni un appel à la prudence. C’était un avertissement, un ordre d’arrêter.

Il serra le message dans sa paume. Son esprit bouillonnait. Ce n’était pas un hasard. Pas après ce qu’il avait vu ce soir.

Il repensa à cette femme dans la taverne. Sa réaction glaciale aux mots de Myra, son départ précipité. Un mauvais pressentiment lui tordit l’estomac.

Il se leva d’un bond. Il ne pouvait rester là, seul avec ces questions. Il devait obtenir des réponses. Et il ne connaissait qu’une seule personne capable de l’aider, la seule en qui il avait pleinement confiance.

Le cœur battant, il quitta ses appartements.

Lorsque Eugène pénétra dans le salon de lecture de la Reine, il la trouva installée sur le grand canapé blanc, un livre ouvert sur les genoux.

Aldénor releva la tête, surprise de le voir arriver d’un pas si vif, les traits tirés.

— Eugène ? Qu’est ce que…

Il referma la porte derrière lui, traversa la pièce sans un mot, et posa brusquement le message froissé sur la table basse.


— On me surveille, dit-il d’une voix plus dure qu’il ne l’aurait voulu. Quelqu’un a glissé ça sous ma porte.

Aldénor baissa les yeux. Dès qu’elle lut les premiers mots, son visage perdit un peu de sa couleur. Elle lut le parchemin en silence, son regard se durcissant à mesure qu’elle en lisait les lignes.

Eugène, toujours debout, sentit son estomac se nouer. Son silence parlait plus fort que tout.

— Aldénor, tu sais de qui ça vient ?...

Elle ne répondit pas tout de suite. Elle reposa lentement le papier sur la table devant elle, les doigts toujours posés dessus.

— Je pense, oui, murmura-t-elle. Et si j’ai raison… Tu ne devrais pas le prendre à la légère.

Son ton prudent ne fit qu’attiser la méfiance d’Eugène.

— Je t’écoute.

Elle soupira longuement. Son regard glissa un instant vers la fenêtre, comme si elle cherchait ses mots.

— Tu te souviens de la nuit où nous sommes descendus dans les Fondations ?

Il hocha la tête.

— Juste après… Il m’a contacté, reprit-elle. Comme il l’avait fait, il y a des années. Lorsque j’ai commencé à rassembler les premiers ouvrages.

Eugène se redressa, un frisson glacé courant le long de sa nuque. 

— “Il” ? De qui tu parles ?

Aldénor le regarda droit dans les yeux, et prononça simplement : 

— Le Gardien.

Il cligna des yeux.

— Le quoi ?..

— Celui qui veille sur les derniers fragments de magie encore présents dans ce monde. Qui surveille ceux qui, comme nous, tentent d’exhumer ce qui a été scellé autrefois.

Un silence épais s’installa entre eux.

— Tu le connais ? demanda Eugène désignant du menton le message froissé sur la table.

— Je ne sais pas si “connaître” est le mot juste. Mais oui… je lui ai parlé, une fois, il y a plusieurs années.

Elle se pencha légèrement, le ton plus grave.

— Quand j’ai commencé à réunir les premiers écrits liés à l’Ancien Monde, juste après mon couronnement, il m’a contactée. Une lettre, puis une rencontre. Il m’a demandé de faire attention à ce que je cherchais. Il s’inquiétait de me voir rassembler tant de 

textes anciens, il craignait que certains renferment encore des traces de magie. 

Eugène fronça les sourcils. Elle continua : 

— Ce que je ne comprenais pas, c’est comment il savait ce que j’avais en ma possession. Il a cité des titres très précis. Des volumes rares, certains que je venais à peine d’obtenir, d’autres que je n’avais même pas encore eu le temps d'ouvrir.

Elle marqua un silence.

— Au début, je l’ai pris pour un illuminé, un érudit trop zélé, ou un conservateur jaloux. Mais… il savait des choses. Sur les textes, sur les Fondations, sur moi.

Eugène gardait les yeux rivés sur elle, l’esprit en désordre. Elle marqua une pause avant d’ajouter d’un ton plus grave : 

— Il a des agents, précisa-t-elle. Des gens qui l'informent, où qu’ils soient. Dès qu’un événement étrange se produit.

Eugène sentit ses pensées s’entrechoquer. Il pensa à la femme dans la taverne. A l’amulette. A cette impression de voir le monde se fissurer autour de lui.

— La femme à la taverne l’autre soir, murmura-t-il… Elle est partie avant la fin du récit. Elle a vu ce qui s’est passé. Elle a compris que Myra accède à des savoirs perdus.

Aldénor acquiesça lentement.

— Alors il sait. 

Elle posa les yeux sur lui.

— Et il veut que vous arrêtiez.

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