Pendant ce temps, à l’autre bout du royaume, là où plus aucun pas ne résonnait depuis des siècles, s’étendent les vestiges d’un palais oublié. Jadis, ses murs abritaient une grande lignée de rois et de reines. 

Aujourd’hui, il n’en reste que des ruines, sculptées par les vents, sifflant à travers les pierres usées par le temps. La lumière pâle de la lune découpe les contours effrités des anciennes colonnes, projetant des ombres sur le sol craquelé.

Soudain, quelque chose bougea.

D’abord, ce fut un murmure indistinct, une vibration ténue qui fit trembler la poussière accumulée. Puis, l’air lui-même sembla se tordre. Au centre de la place oubliée, l’espace s’ondula, et une lueur spectrale se mit à danser entre les vestiges.

Une scène prit forme, d’abord floue, comme vue à travers un voile. Des silhouettes éthérées émergèrent du néant. Leurs gestes étaient précis, mais irréels, comme l’écho d’un souvenir imprimé dans la pierre elle-même. Des voix s’élevèrent, distordues, fragmentées, récitant des paroles qu’aucune oreille humaine ne pouvait comprendre entièrement. 

Un homme s’avança, revêtu d’une longue cape aux motifs indiscernables, brodée de fils d’argent qui captaient la lumière. Sous sa cape, il portait une tunique richement ornée, aux teintes profondes et mystérieuses, comme si elles avaient été imprégnées d’étoiles éteintes. Il tendit la main vers une femme qui se tenait face à lui, une amulette scintillant à son cou.

Elle portait une robe beige d’une élégance intemporelle, sa taille soulignée par un délicat ruban bleu clair. Le tissu ondulait avec grâce alors qu’elle approchait, semblable à l’écume d’une mer oubliée, tandis que des constellations dorées brodées sur l’étoffe captaient la lumière de ses mouvements. Ses cheveux, relevés en un chignon soigné, étaient ornés d’un fin nœud assorti, tandis qu’un couronne légère reposait sur sa tête.

Leurs regards se croisèrent, et lorsque leurs doigts se frôlèrent, une onde de lumière se déploya autour d’eux, et soudain, le décor changea.

Autour d’eux, des murs invisibles semblèrent se dresser, dessinant la silhouette d’une vaste salle de bal. Des lustres fantomatiques se mirent à scintiller, illuminant le marbre poli d’un sol qui n’existait plus. Tout autour, d’autres figures apparurent, esquissant des pas de danse harmonieux. Une musique lointaine résonna, douce et envoûtante, comme l’écho d’un temps révolu.

L’homme et la femme furent emportés dans le mouvement. Ils dansaient, portés par une force qui dépassait leur propre volonté, leurs pas en parfaite synchronie avec les ombres mouvantes autour d’eux. Les vêtements brillaient d’une lueur pâle, se confondant avec la lumière spectrale qui baignait la scène.

Puis, la danse s’accéléra. Les contours des silhouettes devinrent flous, les visages se dissolvant dans l’éther. La musique virevolta sur elle-même avant de s’éteindre brusquement. Le vent s’engouffra de nouveau dans les ruines, balayant les dernières traces de cette illusion fragile.

Seule subsistait une étrange impression, comme si le passé venait de frôler le présent, cherchant à raconter une histoire que personne ne devait entendre.

La nuit retrouva son calme. Mais quelque part, dans l’oubli des âges, quelque chose venait de se réveiller.