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Hiurda
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18 - Ego

Surplombée par la masse noire du vaisseau, Charlotte observait, intimidée, l’entrée béante du hangar que Touruk avait ouvert. Si l’engin paraissait gros de loin, à son pied, il en devenait titanesque.

— Il nous reste vingt-sept hommes valides sans compter le taëkh’to, disait un soldat derrière elle. 

Charlotte eut un haut-le-cœur. Beaucoup de blessés… Et combien de morts ?

— On rassemble encore les survivants. Les civils se chargent des soins pendant que les gars armés surveillent le périmètre. 

— Parfait, répondit Thomas. Vous avez trouvé Hugo ? 

— Non… Mais le recensement des corps n’est pas terminé, avec un peu de chance…

Charlotte s’approcha de Touruk pour se couper de la conversation. Elle ne voulait pas savoir, pas pour le moment…

Il l’accueillit d’un sourire tendre qu’elle reçut avec soulagement. Dans un état second depuis la fin de l’affrontement, une sensation irréelle s’était emparée d’elle et Touruk était son point d’ancrage pour ne pas s’effondrer.

Devant un terminal à l’écran jaune, il s’était tout d’abord assuré que le bâtiment était vide avant de vérifier les systèmes de sécurité. 

Desh’ka aman tok boh nah ?

« Vous choisi qui entre avec moi ? »

Elle acquiesça distraitement puis, devant son regard inquisiteur, désigna les hommes.

— Thomas, Alex et une dizaine de militaires. Les réfugiés préfèrent rester avec les civils et les blessés. 

Il parut satisfait et retourna vers la console. Tout ce qu’elle avait pu voir du vaisseau semblait de la même matière que les armures alien, si ce n’est que les pulsations rouges étaient émises de bien plus profond dans la matière. Rien d’étonnant au vu de l’épaisseur de la coque. 

Il pianota encore un peu avant de faire signe à Thomas et, quelques instants plus tard, ils pénétraient dans le hangar. 

Quatre heures et trente-sept minutes. 

Ouvrir le vaisseau et s’assurer qu’il soit vide ne lui avait pas pris longtemps, heureusement. Il était à peine fonctionnel et sur le point d’exploser, l’escouade n’avait pas vu la nécessité d’engager les systèmes de sécurité autres que ceux entourant le décompte de l’auto-destruction. Et ceux-là ne pourraient être contrés que depuis la Salle de Gouvernance dans laquelle ils s’apprêtaient à pénétrer, si la sentience artificielle du vaisseau voulait bien les laisser passer. 

Comme il s’y attendait, présenter son amash’atak ne servit à rien, son code génétique avait été radié de la base des officiers. Il sortit l’amash’atak volé du sac de son ayatsë. Sur un coup de chance, ça pourrait largement valoir les quelques secondes de plus.

À sa grande surprise, l’opercule de l’entrée s’ouvrit dans un doux chuintement alors que la pression d’air s’équilibrait et la sentience artificielle annonçait dans tout le vaisseau :

« Navigateur au contrôle. »

Voilà qui allait grandement leur faciliter la tâche. Il avait senti, plus qu’il n’avait vu, les humains se tendre derrière lui au bruit de la voix désincarnée et Shaarlot lui lança un regard interrogateur. 

— Le brassard volé appartenait au Navigateur de ce vaisseau. 

La Salle de Gouvernance d’un vaisseau en dit toujours long sur son officier en chef. La plupart se ressemblaient, l’amesh se développait avec efficience et il n’y avait pas mille manières de construire un vaisseau. Mais parfois, l’extravagance d’un officier y apportait des modifications. 

La chaise de navigation massive qui trônait en son centre en était une. 

Faisant face à l’immense projection reflétant les abords du vaisseau, il dominait les différents postes de travail des subordonnés. S’il n’était pas si pressé par le temps, Turük en aurait ri. Soit le mâle avait un ego surdimensionné, soit il avait quelque chose à compenser. 

Touruk s’était tout de suite penché sur le panneau de contrôle qui dépassait de l’imposant fauteuil au cœur de la pièce et il y pianotait désormais avec une intense concentration que personne n’osa briser. 

Dans une bulle hors du temps, Charlotte regardait les soldats se disperser dans la salle. Précautionneux quant à ne rien toucher, leur curiosité les amenait tout de même à observer avec attention chaque détail. L’un d’entre eux ne put s’empêcher de passer sa main à travers ce qui semblait être un écran géant intangible. Les rides ainsi créées à sa surface lui donnèrent un aspect étrangement aqueux. 

La projection, épaisse, tenait plus d’un hologramme en 3D que d’une image. Elle prenait les deux tiers du mur de la salle ronde et représentait l’extérieur à la manière d’une fenêtre. Charlotte n’était pas certaine que sa position soit tout à fait exacte, quelque chose lui disait que la pièce était plus tournée vers le nord que vers l’ouest.

— C’est vrai quand on y pense, murmura Thomas, c’est débile de mettre la salle de contrôle devant une vitre fragile exposée à tous les missiles ennemis… 

Elle ne l’avait pas vu approcher et il l’avait fait sursauter. Il interpréta sa surprise pour de l’incompréhension et s’expliqua : 

— Dans tous les films de SF, la salle de contrôle est visible de l’extérieur. Ici, au cœur du vaisseau, elle est quand même vachement mieux protégée. Tant qu’ils voient ce qu’il se passe aux alentours, osef du paysage… 

Qu’il puisse avoir des pensées aussi simples au vu de la situation parut incroyable à Charlotte et elle l’envia. Elle détailla un à un les hommes autour d’elle, ils semblaient tous sereins. Aucun ne donnait l’impression de se trouver à bord d’un vaisseau alien sur le point d’exploser après un conflit armé de plusieurs heures qui avait emporté les trois quarts de leurs effectifs. 

Thomas posa une main ferme sur son épaule et la pressa avec affection. 

— Je sais que c’est dur, dit-il doucement. Mais c’est pas fini. Si tu t’effondres maintenant, c’est lui qui tombe.

Et il désigna Touruk. 

Thomas avait raison. Le taëkh’to ne le montrait pas, mais Charlotte pouvait ressentir la tension qui le parcourait, cette angoisse latente qu’il refoulait pour ne pas perdre le contrôle. Plus le temps passait, plus elle se sentait proche de lui et de ses émotions. S’il en était de même pour Touruk, qu’elle se laisse aller ne pourrait que l’impacter de la pire des façons.

Après une grande inspiration, sa tête s’éclaircit et elle remercia Thomas d’un sourire avant de rejoindre Touruk.

Il ne savait pas ce que le mâle avait dit à son ayatsë, mais sa proximité lui fit du bien. 

Un coup d’œil à son interface lui apprit qu’il leur restait trois heures et cinquante-sept minutes avant l’explosion.

Turük avait lancé plusieurs protocoles de contournement des directives de la Horde grâce à l’amash’atak du Navigateur, mais celui-ci était encore plus abîmé que le sien et l’opération s’était avérée plus longue que prévu. 

Il profita du travail de la sentience artificielle pour examiner l’état des cellules de survie. Sur les cinq, deux étaient hors d’état de fonctionnement, et deux ne répondaient pas. La dernière ne montrait aucun souci. 

Mais les réfugiés étaient trop nombreux pour n’en utiliser qu’une et aller vérifier l’état des deux cellules muettes lui prendrait trop de temps…

La main sur son épaule, Charlotte regardait Touruk s’affairer, quand son armure se réchauffa sous ses doigts. Il y avait un problème et il ne savait pas comment le résoudre. 

— Tu n’es pas tout seul, lui rappela-t-elle doucement.

Il se redressa dans un soupir. 

Arhk man okto tuk manto pak mah.

« Je besoin que soldats inspecte cellule pour survie. »

Il n’avait pas fini sa phrase que les hommes s’étaient rassemblée autour de lui, attendant les instructions. 

Touruk partit farfouiller autour des autres postes de contrôle et en revint avec divers objets. Il présenta à Charlotte un petit disque noir qui pulsait d’une pâle lueur jaune. L’objet ressemblait étrangement au dispositif qui se trouvait sur la tempe du taëkh’to, en plus simplifié.

— Dokh assam apuk’har to man ayatsë nok. Tokh marh nam tso.

« Je mettre à côté oreille de toi Mon Choix si tu d’accord. Ça pas agréable. »

Elle aurait aimé savoir pourquoi, mais donner l’impression de douter de lui en face des soldats n’aiderait personne. Aussi acquiesça-t-elle. 

Elle sentit comme une morsure alors qu’il plaçait l’objet sur sa peau et se dit que ce n’était pas si terrible. Puis une brûlure glaciale se répandit à l’intérieur de son crâne et un flash de lumière blanche lui brouilla la vue. Le bras de Touruk l’empêcha de tomber, puis la douleur disparut aussi vite qu’elle était venue. Elle rassura d’un geste les soldats inquiets et le taëkh’to s’éloigna à l’autre bout de la salle sous le regard médusé de tout le monde. Il prononça quelques mots à voix bien trop basse pour être entendu.

« Toi entendre moi bien ? »

La voix désincarnée de la sentience artificielle s’éleva directement dans son crâne sans passer par ses oreilles et elle ne put retenir une exclamation de surprise avant de hocher la tête. Au loin, Touruk lui fit signe de parler. 

— Oui, j’entends très bien. 

Il eut un sourire satisfait avant de revenir leur fournir deux puces supplémentaires. Charlotte se demandait si elles étaient aussi définitives que l’armure amesh de l’enfant tandis qu’il les plaçait sur la tempe de Thomas et d’Alex. Bien que « définitif » puisse être assez court au vu des circonstances actuelles. 

— Dash portman pak toh. Poss pak toh mah, bark ath sam va. Dash arbak mass portpass to man. Dash tokh marh nam tso, reprit Touruk en leur présentant deux anneaux ronds,

« Ça, c’est autorisation pour opercule des ouvertures. Si pas ça, vous pas peux entre et sort. Ça pour poignet. Comme méchaparasite, pas agréable. »

Trois heures et trente-deux minutes. 

Depuis le poste de contrôle qu’il lui avait allumé, Shaarlot guidait les soldats dans le dédale du vaisseau. Il y avait eu quelques erreurs, mais dans l’ensemble il était impressionné par la capacité de son Ayatsë à lire la carte qui y était affichée. 

Il reporta son attention sur le combat que ses protocoles menaient contre la sécurité du vaisseau. Celle-ci était d’ordinaire gérée par une branche ouverte de l’ordre des t’sarogg. Au vu des circonstances, rien de ce qui avait été mis en place n’était insurmontable pour Turük, l’une après l’autre les barrières instaurées par le chef de la Horde tombaient. Avec un peu de chance…

Pour calmer son angoisse, Turük utilisa ce temps pour fouiller un peu les archives du vaisseau. Il voulait en apprendre plus sur la situation et la destitution de Simük, à commencer par le lancement du protocole d’autopréservation. 

Il ne découvrit pas grand-chose qu’il n’avait pas déjà déduit. Faisant preuve d’une résilience hors norme et d’une organisation militaire hautement efficace, les humains ayant désormais accès aux t’hark’ma’tük s’étaient montrés encore plus belliqueux. Ils avaient entamé tout un processus de guérilla pour repousser et exterminer l’envahisseur. À armes égales, ou presque, leur premier réflexe avait été de répliquer plutôt que de rechercher la paix. Comportement loin des attentes du Consortium. La Horde, n’ayant pas la possibilité de rester pour rétablir la situation et les éduquer, avait lancé le protocole réglementaire de protection des esprits sentiants. 

Pas plus avancé, il se tourna vers le registre de l’équipage. 

Son sang se glaça alors que le nom du Navigateur s’affichait en grosses lettres, tout en haut de l’écran.

« Arbuk Da’Hebtük — Navigateur — Troisième fils de la famille Unsa’nah »

Turük se sentit perdre pied alors que la Rage de la Divine prenait possession de son corps. Comment avait-il pu être aussi stupide ? Toutes les informations l’avaient conduit dans cette vallée perdue au milieu de nulle part. Persuadé de s’être laissé mener sur une fausse piste, il avait décidé de prendre le temps de réfléchir à la situation et c’est là que son ayatsë avait tout chamboulé. 

— Touruk ? demanda Shaarlot, inquiète. 

Mais il était bien incapable de lui répondre. La réalisation qu’il possédait l’amash’atak de ce dabtah de kashuk depuis tout ce temps venait de le frapper. Frénétique, il le sortit à nouveau du sac pour le placer sur son propre poignet. 

— Tassoum nassa melivanah son, l’informa Shaarlot.

« Soldats eux sont arrive couloir. »

Fébrile, il éloigna le message du traducteur avant que les mots n’aient pu atteindre son cerveau et patienta nerveusement que son amesh, aidé par la Rage Divine, brise la résistance des anticorps de l’amash’atak de Da’Hebtük. Heureusement, il l’avait bien entraîné et l’opération ne dépendait pas de son propre amash’atak abîmé. Presque aussitôt, le bloqueur génétique était anéanti et Turük put utiliser le brassard pour accéder aux dossiers personnel du kashuk. 

— Touruk, assim tassoum nassa melivanah son, dit Shaarlot. 

Il ne prit pas la peine de lire la traduction alors qu’il parcourait le premier fichier à sa disposition. 

Un rapport de vente d’esclave durant la dernière campagne, mais les dates ne correspondaient pas. L’esclavage n’était permis par le consortium qu’en des cas très précis et les Assam’tash nah’va n’avait fait partie des races autorisées à la commercialisation que plusieurs ulaks après la date affichée sur ce document. 

 Il pouvait sentir le regard de son ayatsë peser sur lui autant que l’inquiétude qui s’emparait d’elle, très certainement causée par la sienne. Seulement, il n’avait pas le temps de s’en soucier. Que le Consortium apprenne que la Déesse ait laissé passer une infraction de cette ampleur et toute leur race en subirait le ban. Tout leur empire s’écroulerait en l’espace d’un instant.

Les documents se succédèrent l’un après l’autre et chacun augmentait un peu plus la rage de Turük. Le réseau de vente datait pratiquement du début de la campagne et il ne comprenait pas que Da’Hebtük ait pris un tel risque. Il était le pire dabtah de kashuk que l’univers ait jamais porté, mais il n’en était pas moins prudent et terriblement intelligent. Comment avait-il pu prédire que la guerre sur cette planète trois fois maudite durerait si longtemps ? 

Comment avait-il pu savoir que le conflit allait tirer assez en longueur pour rentabiliser son entreprise hasardeuse ?

— Touruk, ils sont arrivés et attendent que tu déverrouilles la porte.

Il l’ignora encore. Charlotte avait essayé à plusieurs reprises d’attirer son attention et elle se décida enfin à parcourir la distance qui les séparait pour poser sa main sur son bras. À peine avait-elle effleuré son armure qu’elle se retrouva envahie par le flot d’émotion intense qui bouillonnait en lui. Colère, rage, trahison… Incompréhension. 

L’esprit du taëkh’to s’y noyait et elle voulut le ramener à elle d’une parole douce. Elle n’avait pas encore trouvé ses mots que l’armure s’activa sous ses doigts. 

Surpris, Turük sentit son amesh réagir à l’inquiétude de son ayatsë et une dose d’endorphine se répandit dans ses veines. Dans l’instant, l’apaisement induit par la drogue libéra ses pensées et sa respiration se fit plus lente, les battements de son cœur aussi. Il savait qu’elle aurait un jour autant de pouvoir que lui sur son amesh, mais il ne s’attendait pas à voir le changement opérer si tôt. Une part de lui s’en réjouit, une autre espéra qu’elle n’en ait pas encore conscience…

Tassoum nassa abiss sovapalem el bassim.

« Soldat attend que tu ouvres l’entrée pour eux. »

Trois heures et six minutes.

Par les cornes de la Déesse ! Sa colère lui avait fait perdre un temps bien trop précieux. 

Tout en surveillant l’avancée des protocoles sur les systèmes de sécurité, les barrières tombaient toujours et il aurait bientôt accès au cœur du problème. Enfin quelque chose qui glissait comme du samsh’ah en saison froide… 

Puis il déverrouilla l’opercule des deux cellules pour l’inspection des soldats, plusieurs sections plus haut.

« Chef, vous doit venir voir ce que trouve-nous, » s’éleva la voix désincarnée du traducteur directement dans son crâne.

Il leva les yeux sur Shaarlot qui parut tout aussi surprise. Il ne pouvait pas se déplacer. 

— L’aller-retour jusqu’à vous me prendra presque… dit-il en faisant une conversion temporelle rapide. Presque une heure. On n’a pas le temps, décris-moi le problème. 

Il attendit la traduction, se demandant ce que les soldats avaient bien pu découvrir. 

« La cellule de fuite pleine de boîtes, dedans que arme alien pour tuer qui pas de visage, beaucoup. »

Les informations s’imbriquèrent malgré lui dans son cerveau embrumé par la confusion. Son ordre accusé de conspirer avec les Assam’tash nah’va. Simük calomnié puis destitué. Jamais le vieil Oltar n’aurait autorisé le lancement du protocole d’autopréservation… 

Il se refusait à comprendre, et pourtant tout concordait. 

Da’Hebtük savait que la campagne allait s’éterniser parce qu’il était celui qui alimentait le conflit. Il était celui qui avait fourni les informations nécessaires à la construction de ses armes. Par avidité, il avait condamné des milliers de taëkh’to dans un affrontement inutilement long. Il avait risqué la vie de leur Déesse et la paix de leur peuple pour commettre un crime de guerre des plus abjectes.

Turük perdit pied alors que l’implication profonde de cette réalisation prenait place dans son esprit : les humains aussi tenaient ces armes du kashuk. 

Le conflit ici n’était pas plus réel, pas plus légitime que la campagne ne l’était.

Da’Hebtük avait forcé la main d’Oltar Simük pour s’arrêter sur cette planète. Il avait accusé les t’sarogg pour couvrir ses propres crimes. Il était prêt à annihiler une civilisation entière pour sauver son cul infâme et faire littéralement exploser toute preuve de sa responsabilité dans ce crime de guerre qu’était le trafic d’esclave !

La Rage Divine brisa les barrières que l’endorphine avait créées autour de son esprit et investit chaque cellule de son corps. La réalité s’effaça de sa perception et tout disparut. Le vaisseau, le trône, la main de Shaarlot, sa présence, son odeur… Ne restait plus que la haine. 

La béatitude de la Déesse le baignait de toute part et il ne rêvait que de sang. Il n’aspirait qu’à trouver un exutoire pour déchaîner le jugement divin qui labourait son âme et hurlait sa furie au sein même de sa chair. Il devait se contrôler pour ne pas blesser son ayatsë, le peu de volonté qui subsistait encore se battait sauvagement contre ses instincts. Sa Déesse n’appréciait pas qu’on lui refuse son dû. S’il ne relâchait pas bientôt cette rage, la violence qu’elle retenait le détruirait. Égaré dans le vide solitaire de sa lutte, il se sentait perdre pied. Qu’il meurt en se contenant et il ne pourrait sauver son ayatsë ! Qu’il relâche son courroux et elle en serait la première victime… 

Et la paix l’envahit… 

La colère que Touruk dégageait lui brûlait les mains, mais Charlotte se refusait à le lâcher. 

Ses yeux illuminés de jaunes ne semblaient plus percevoir quoique ce soit, ses oreilles rabattues sur son crâne ne paraissaient pas entendre le son de sa voix qui le suppliait. L’aura effrayante qui émanait de lui dépassait de loin celle déployée le jour où il avait détruit l’amesh de l’autre sans-visage. Une peur irrationnelle lui disait de fuir et elle devait lutter contre son propre corps pour ne pas lui obéir.

Bien incapable de mettre des mots sur ce qu’il se passait, Charlotte était perdue. Les hommes attendaient des instructions et Touruk ne pouvait les leur donner. Serait-il à même de stopper l’explosion ? 

Déplacer les civils prendrait bien une heure au bas mot. Ils ne mourront pas moins vite à l’extérieur du vaisseau qu’à l’intérieur, autant qu’ils soient prêts le cas échéant.

— Thomas, appela-t-elle, videz une des capsules de sauvetage et rapatriez les civils à l’intérieur. 

Après un instant de silence, elle entendit sa voix grave résonner à l’intérieur de sa tête. 

— Qu’est-ce qu’il se passe ? 

« Quand la survie de quelqu’un dépend de toi, princesse, lui rappela son père, peu importe l’ampleur de ton angoisse, reste calme pour ne pas déclencher un mouvement de panique. Quelqu’un qui disjoncte prendra toujours une mauvaise décision. »

— Probablement rien, assura-t-elle d’un ton serein. Je veux juste qu’on soit préparé au pire. 

— Et on ne peut pas être plus mort que mort… répondit Thomas, faisant écho aux paroles fatidiques qu’Hugo avait prononcé en acceptant leur plan. 

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