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MirandaFlanders
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Chapitre 12

La douche me fit un bien fou.

Je ne m’étais pas rendu compte à quel point le froid s’était cramponné à ma peau malgré la présence chaleureuse du phoque. Heureusement qu’il avait été là, j’aurais certainement crevé de froid sinon. Avec un soupir, je m’enroulai dans une serviette épaisse, fermant un instant les yeux. Quelle aventure… Il se passait décidément beaucoup de choses depuis mon arrivée sur Ardnamairne ; je n’avais jamais été autant chamboulée dans mon quotidien, que ce soit par les gens ou les événements. Et ce phoque, qui était venu m'aider ? Plus j'y repensais plus je me disais qu'il ressemblait à celui qui m'avait déjà sauvée de la mer. Il était vraiment exceptionnel, mais en même temps ... ça me laissait pensive. Pourquoi un animal faisait-il autant pour moi, comment savait-il que j'étais dans le pétrin ? Et pour se rapprocher autant de moi, être si peu craintif pour un être sauvage ? C'était des considérations à garder en tête. 

Regardant mes vêtements laissés en boule par terre, je me dis que j’enfilerais bien quelque chose d’autre, qu’il me faudrait laisser des affaires à Muirbahn précisément pour ce genre de situations. Ou alors toujours avoir des rechanges sur moi ? C’était dingue de devoir en arriver là, mais ce n’était pas la première fois que je me retrouvais avec ces pensées en tête, à vouloir des vêtements propres et chauds. Et vu ma carrure, aucune chance que Malvina puisse me prêter quoi que ce soit...

J’enfilai mes vêtements de la veille en poussant un autre soupir. Ils sentaient la mer et le sable, avec un petit soupçon plus piquant, animal, que je me dis venir du phoque. J’essuyai ensuite mes cheveux humides, les frictionnant gentiment jusqu’à ce qu’ils ne gouttent plus désagréablement sur mes épaules. Et une fois plus ou moins prête, la serviette autour de la nuque, je descendis rejoindre Malvina. La vieille femme m’attendait avec un thé – une tisane pomme cannelle d’après l’odeur –, et un sourire se dessina sur mes lèvres. Malvina était décidément adorable avec moi.

— Brune, viens donc t’asseoir et raconte-moi tout depuis le début, dans les détails.

M’installant en face d’elle, je l’observai verser le thé dans deux grandes tasses colorées. J'hochai doucement la tête et m’apprêtai à parler lorsque des coups à la porte se firent entendre. Se relevant non sans mal, Malvina partit ouvrir, le battant dévoilant la figure carrée d’Eoghan.

— On m’a raconté ce qu’il s’est passé, expliqua-t-il de manière évasive alors qu’il entrait à l’intérieur, essuyant ses pieds sur le paillasson. À en voir ses traits tirés, il avait l’air fatigué.

Malvina se tourna alors vers moi :

— Ça t’embête qu’il soit présent pendant que tu m’expliques ton histoire ?

— Non, pas de problème.

— Et de toute façon, il y a assez de thé pour tout le monde ! Viens t’asseoir, Eoghan.

Lorsqu’il se rapprocha de moi pour se poser sur un siège non loin, je reçus une bouffée de son odeur. Je fus aussitôt assaillie par le doux parfum du cèdre et de l’ambre, avec une petite touche d’embruns. Je me surpris à inspirer plus fortement.

— Qu’est-ce qu’il s’est passé, alors ? Tu m’as parlé des villageois, commença Malvina en servant du thé au nouveau venu.

— Oui… Comme je vous disais, quelques personnes m’attendaient devant votre porte quand je suis sortie. Je ne saurais pas vous dire qui, je ne connais pas encore les noms des gens ici. Ils m’ont rapidement dit que je n’étais pas la bienvenue ici, à Muirbahn, et que je devais rentrer chez moi. Que j’étais une intruse. J’ai essayé de me défendre en leur demandant ce que je pouvais bien faire pour être acceptée… et ils m’ont parlé d’un jeu d’adolescents ? D’une manière de rentrer dans la bande, en gros, et d’être mieux perçue. Ils m’ont demandé d’aller dans la grotte que la marée recouvre en montant, celle un peu plus loin dans les rochers. J’y suis allée… mais la mer est remontée beaucoup plus vite que prévu, m’enfermant dans la grotte.

— Et tu n’en es ressortie que ce matin, se hâta de poursuivre Malvina. J'hochai la tête en prenant une gorgée de thé.

— Oui. Mais heureusement, je ne suis pas morte de froid. Un phoque m’a étonnament tenu compagnie toute la nuit et m’a tenu chaud.

— Un phoque, dis-tu ? Comment était-il ?

— … Pas particulier ? Il semblait juste plus grand que les autres que j’ai pu apercevoir, avec une peau tirant sur le gris clair. 

Malvina lança un regard à Eoghan, qui s’était momentanément perdu dans sa tasse de thé, avant de reposer les yeux sur moi.

— Je suis navrée que ce soit arrivé, Brune.

— J’en dirai un mot aux autres, intervint alors Eoghan en relevant son regard anthracite sur moi, très sérieux.

L’idée me faisait plaisir, mais je savais que je n’allais pas améliorer les choses en me cachant derrière Eoghan. Je refusai donc :

— Non, s’il te plaît. J’aimerais réussir à m’intégrer ici, en tout cas pour le temps que je vais passer parmi vous. Et je sais que ce n’est pas en me cachant derrière toi que je vais y arriver.

Eoghan m’observa avec un petit sourire, hochant la tête.

— Très bien. Mais s’ils vont trop loin, dis-le-moi.

Je lui rendis son sourire, avant de bâiller longuement.

— Veux-tu rester te reposer un peu ? demanda Malvina, son regard usuellement si sérieux s’adoucissant.

— Non merci, je n’ai aucune affaire pour me changer et je ne veux pas abuser de votre gentillesse.

— Si ce n’est que ça, répondit Eoghan, je peux te ramener un jogging. Mais je pense que tu ferais mieux de te reposer un peu avant de rentrer. La nuit n’a pas dû être de tout repos…

— D’accord, alors. Je veux bien… Merci beaucoup.

J’attendis qu’Eoghan fasse l’aller-retour, me ramenant des habits propres, puis je partis me changer dans la chambre après l’avoir remercié. Le jogging était un peu grand, mais il m’apporta une chaleur réconfortante. Je humai l’odeur imprégnée dans le tissu, étonnamment apaisante, avant de me glisser sous la couverture du lit, l’esprit encore empli des images de la mer, du phoque et de la grotte. Le sommeil me prit bientôt, lourd et réparateur. Mes pensées se brouillèrent alors, et je m’endormis profondément, comme si mon corps avait attendu ce moment pour enfin se relâcher après tant d’épuisement.

Lorsque la lumière du jour commença à se fondre dans les teintes plus chaudes du crépuscule, je me réveillai en sursaut, mes yeux s’adaptant lentement à l’obscurité de la pièce. Je m’étirai, le corps engourdi, puis j’entendis frapper à la porte. C’était Malvina, la silhouette de la vieille femme se découpant dans l’encadrement de la porte.

— Le dîner est prêt, me dit-elle d’une voix douce.

Je me levai, quittant non sans mal la chaleur de la couverture, puis je suivis Malvina dans la salle à manger. La vieille femme me regarda, un regard intense mais bienveillant.

— La pleine lune est pour ce soir, dit-elle sans préambule, en disposant les plats sur la table. C’est une nuit particulière, où la nature reprend ses droits, et il vaudrait mieux que tu restes ici.

J'hochai la tête, un peu surprise par la gravité dans la voix de Malvina. Je n’avais pas l’intention de sortir de toute façon. La fatigue accumulée, les événements de la mer, tout cela m’avait laissée vidée, et l’idée de retourner dehors, dans la fraîcheur nocturne, ne m’attirait guère.

— Je vais rester ici, ne vous en faites pas. Je lui souris faiblement, touchée par l’attention de la vieille femme. Merci pour tout.

Malvina me rendit mon sourire et s’assit, en silence, avant de commencer à manger.

Nous dînâmes tranquillement, échangeant peu de mots, mais la chaleur de la pièce et le parfum du ragoût donnaient une sensation de paix très agréable. La conversation tourna autour des mystères de l’île, mais tout cela me semblait lointain et irréel ; je n’avais qu’une envie : repartir dans les bras de Morphée.

Quand je me levai pour aller me coucher, la vieille femme me regarda un instant.

— Repose-toi bien, ma chère. Si tu as besoin de quoi que ce soit, appelle-moi.

Je hochai la tête et me rendis dans ma chambre, épuisée. Je me glissai sous les couvertures, mais mon esprit refusait de se calmer. Les événements de la veille, les visions de la mer et la mystérieuse présence du phoque me hantaient encore. Je tournais et retournais dans le lit, essayant de trouver un sommeil qui ne venait pas.

Vers minuit, je me levai silencieusement, me glissant hors de la chambre avec précaution pour ne pas réveiller Malvina. Un besoin irrépressible d’air frais, de solitude, de réflexion, me poussa à sortir. J’enfilai mes chaussures en hâte, et sans réfléchir davantage, je me dirigeai vers la plage.

Le vent soufflait plus fort maintenant, mais il n’y avait pas de pluie. La mer, loin derrière moi, brillait d’une lumière argentée, baignée par la clarté de la pleine lune. Alors que je m’approchais du rivage, un son étrange parvint à mes oreilles : un rythme de tambours, presque envoûtant, accompagné par un violon qui semblait flotter dans l’air. Intriguée, je m’approchai, mon cœur battant un peu plus vite. Arrivée au bout de la lande, j’aperçus des lumières dansantes au loin. Un grand feu de joie brûlait au centre, et autour, des silhouettes se mouvaient dans une danse sauvage, tournoyant et riant. Des chants d’une langue que je ne comprenais pas – du gaélique écossais, je supposai – se mêlaient à la musique, et les rires résonnaient dans la nuit comme une invitation.

Je les observai un moment, fascinée et un peu troublée. Je repérai alors Eoghan, un sourire sur les lèvres, qui tournait en rond, tenant la main de Sorcha. Sa chevelure de feu virevoltait derrière elle alors qu’il la faisait doucement tournoyer. Ils étaient proches, leurs gestes fluides, complices dans leur danse.

Je sentis une bouffée de solitude m’envahir, comme une vague glacée venant effleurer mon cœur. Je n’appartenais pas à ce monde-là. L’isolement de la mer, la solitude de la grotte, tout cela prenait un sens nouveau dans la lumière de cette fête à laquelle Malvina ne m’avait pas conviée. Je me sentis exclue, comme si j’étais une intruse dans un monde auquel je n’avais pas accès. Le tambour se fit plus fort, et je reculai, ne voulant pas perturber la scène devant moi. Je fis demi-tour et, d’un pas pressé, je me dirigeai vers la maison de Malvina. Lorsque je refermai la porte derrière moi, la chaleur du foyer sembla presque me réconforter. Mais les bruits de la fête, loin dans la nuit, restèrent gravés dans mon esprit.

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