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MirandaFlanders
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Chapitre 7

Je marchai sans but précis sur les petites routes étroites de Muirbahn. La mer, derrière moi, semblait chuchoter des réponses que je n’avais pas encore entendues, et le vent de l’après-midi, froid et mordant, soufflait sur mes pensées tumultueuses.

Je me sentais éparpillée, comme les vagues qui frappaient les rochers à quelques mètres. Chaque rencontre, chaque révélation me laissait plus perdue que la précédente. Malvina, avec ses propos énigmatiques. Eoghan, ce regard aiguisé, lourd de secrets. 

Je m'arrêtai un instant, le regard perdu sur l’horizon, les épaules tendues. Un café, pensai-je Un vrai café. Une tasse chaude, un latte crémeux. Un endroit calme, un fauteuil douillet, une couverture, peut-être même un peu de tricot. Voilà ce dont je rêvais. Un moment de tranquillité, un petit coin de normalité dans cet endroit où chaque regard semblait poser une question, où chaque phrase semblait cacher plus qu’elle ne révélait.

Je cherchai du regard un café, une terrasse, une boutique qui offrirait l’illusion de la routine. Mais Muirbahn ne répondait pas à mes attentes. Ici, il n’y avait que des maisons de pierres grises, des ruelles désertes, des chemins de terre qui menaient à la mer. Rien qui ne ressemblait à un coin cosy où je pourrais me réfugier, loin de ces mystères qui me rattrapaient à chaque coin de rue.

J'haussai les épaules et repris la marche en direction d’Ardnamairne. Pas d’option, pas de solutions immédiates. Il fallait revenir à la réalité, remettre de l’ordre dans tout ça, une étape à la fois. Le froid s’insinuait peu à peu dans mes os, mais j'avançais sans m'arrêter, absorbée par mes pensées.

Il me fallut presque une heure pour rejoindre le petit village, personne ne me prenant en stop au retour. Le corps engourdi par la marche, j'entrai dans le hall de l’hôtel, presque démunie. La chaleur de l’intérieur me frappa, mais ce n’était qu’un léger soulagement. Le café soluble était tout ce qui m’attendait, la gérante ne préparant pas une cafetière de café durant la journée. Rien de plus simple, rien de plus banal. Je m'assis sur une chaise en bois usée, pris la tasse entre mes mains, et soufflai dessus pour en accélérer le refroidissement. Les arômes, une fois dissous dans l’eau chaude, n’avaient rien à voir avec ce que j'espérais. Mais c’était suffisant pour m'aider à souffler, ne serait-ce que quelques instants.

Le hall était calme, trop calme. La lumière, tamisée, baignait l’endroit d’une lueur douce. La réception était vide, il n’y avait que quelques chaises au fond, près de la cheminée éteinte, et des papiers traînant sur un bureau. L’odeur de vieux bois et de mousse se mêlait à celle du café, et moi, le regard perdu dans la vapeur qui s’échappait de ma tasse, je laissai le silence m’envahir.

Que devais-je faire ? « Je vous propose de déjà vous familiariser avec les lieux, avec les gens, avec moi », que m'avait dit Malvina. Peut-être était-ce en effet un début, mais les gens en question ne semblaient pas très ouverts à faire connaissance. Mais une chose était sûre, je n’aurais pas de réponses en restant à l’hôtel. Je devais comprendre. Je n'étais pas venue à Muirbahn pour fuir. J'étais venue pour découvrir.

Je me levai tôt le lendemain matin, déterminée à ne pas laisser la mer et les mystères de Muirbahn me submerger à nouveau. Après une nuit réparatrice, le corps et l’esprit plus frais, je me rendis à la salle de petit-déjeuner. Ce matin-là, le ciel était clair, presque en contraste avec la lourdeur de la veille, et je me sentis étrangement apaisée, prête à faire face à tout ce qui m'attendait.

Le petit déjeuner, encore une fois, était copieux : bacon, saucisses, oeufs brouillés et tomates grillées, mais cette fois-ci, je mangeais avec moins de réticence. Je me forçais à savourer chaque bouchée, comme si chaque détail de cette journée devait être minutieusement préparé, chaque élément du décor de Muirbahn intégré à mon enquête.

Quand j'eus fini, je retournai dans ma chambre, pris mon sac et me rendis à l’arrêt de bus, jetant un coup d’œil à l’horloge pour être sûre de ne pas le manquer. Et lorsqu’il arriva, je grimpai à bord, saluant le conducteur avant de partir m’asseoir. Le bus roula silencieusement à travers les collines, surplombant les côtes déchiquetées, et je sentis l’isolement du village se rapprocher peu à peu, comme un voile de brume qui se levait doucement sur mon esprit. Il y avait un air de mystère qui flottait autour de Muirbahn, et je savais que si je voulais percer les secrets des habitants, je devais en savoir plus, me fondre parmi eux, comprendre leur langage, leurs silences.

Quand le bus s’arrêta devant la petite halte de Muirbahn, je descendis avec une ferme résolution. Il était temps. Il était temps de cesser de me cacher derrière des questions. Je devais confronter les gens, comprendre ce qu’ils me cachaient, et si Malvina ne voulait pas tout me dire, je trouverais quelqu'un d'autre qui pourrait m'aider. Je n’avais pas peur des réponses, je n’avais pas peur de ce que je découvrirais.

Je marchai d’un pas déterminé, les pensées en tourments, mais avec cette même intention de me confronter aux habitants, de comprendre ce que j'avais raté jusque-là. J'arrivai devant la porte de Malvina et, après un instant de réflexion, je frappai.

La vieille femme apparut presque instantanément, son regard perçant toujours aussi insondable. Elle m'observa un moment avant de parler.

—Bonjour, Brune, dit-elle avec une légère inclinaison de la tête. Je pense qu’on peut se tutoyer … Te voilà de retour. Comment ça va, à Ardnamairne ?

Je ne perdis pas de temps et plongeai dans le vif du sujet.

—Je suis venue pour comprendre, Malvina, dis-je d’une voix claire, sans hésitation. Comprendre ce que vous me cachez ici, pourquoi tout semble si… secret. Je ne veux pas fuir, je veux savoir. Comment je peux faire pour mieux comprendre les gens d'ici, ce que vous me cachez tous ?

Malvina me fixa silencieusement pendant un long moment, presque comme si elle évaluait ma sincérité. Puis, dans un léger sourire, elle me laissa entrer sans un mot.

—Tu veux vraiment comprendre ? Alors, il faut que tu participes, que tu t’intègres. Parce qu’ici, on ne donne pas les réponses comme ça, en un éclair. Ici, les gens ne parlent pas beaucoup, mais ils agissent. Alors, dis-moi, Brune, quel est ton talent ?

J'étais un peu prise au dépourvu par cette question directe. Je n’avais pas réfléchi à ce que je pourrais offrir en retour pour comprendre mieux les habitants. Mais une pensée traversa mon esprit.

—Je… je sais tricoter et crocheter, dis-je un peu hésitante, comme si la réponse était trop banale. C’est quelque chose que je fais souvent quand j’ai besoin de réfléchir.

Malvina me regarda avec intérêt. Un sourire discrètement amusé se dessina sur ses lèvres.

—Le tricot et le crochet, hein ? répondit-elle en hochant la tête. Tu sais, ce n’est pas si éloigné de ce que nous faisons ici. Beaucoup de travail manuel, beaucoup de patience. On répare des filets de pêche, on tisse des liens invisibles avec la mer. C’est une manière de rester en équilibre avec ce qui nous entoure.

Elle se dirigea vers une grande table en bois, où étaient étalés des filets de pêche usés. Je remarquai les mailles larges, usées par le sel et les vagues, et la quantité de travail nécessaire pour les réparer. Malvina me regarda de nouveau, comme pour confirmer sa décision.

—Si tu veux comprendre Muirbahn, commence par aider la communauté. Répare les filets avec les pêcheurs, parle aux jeunes, écoute-les. C’est comme ça qu’on tisse des liens ici. Si tu fais ça, peut-être qu’après… tu seras prête pour entendre ce qu’on ne dit pas à tout le monde.

Plus j'y pensais, plus l’idée de m'intégrer à la communauté me paraissait être le seul moyen de comprendre. J'hochai la tête.

—Je vais réparer les filets, alors, affirmai-je avec détermination. Je vais essayer de comprendre.

—Bonne décision. Allez, viens, tu peux commencer, qu’elle me répondit avec un sourire approbateur.

Malvina se dirigea vers l'une des tables de travail, où des filets de pêche étaient soigneusement étalés, prêts à être réparés. Je la suivis, mon regard curieux, mais aussi un peu nerveux. Je n’avais pas l’habitude de travailler de mes mains de cette manière, mais la tâche semblait simple à première vue.

—Tu vois, dit Malvina en désignant les mailles usées du filet, les filets, c’est comme la vie ici. Ils se tissent, se reforment, se défont parfois, mais ils sont toujours réparables. La mer est généreuse, mais elle ne pardonne pas. Il faut être patient, comme elle. Elle me tendit une grosse aiguille en bois, presque imposante, et une bobine de fil épais. Tu prends l’aiguille et tu la passes dans la maille en croisant bien les fils. Les gestes doivent être précis, mais naturels. Le plus important, c’est de ne pas précipiter les choses. Chaque maillon doit être solide pour que le filet tienne.

Malvina m'observa, son regard tranquille, et avant même que je ne commence à réparer les mailles du filet, elle m'expliqua les premières étapes essentielles pour assurer une réparation efficace et durable.

—Mais avant même de penser à réparer, il faut d'abord préparer correctement le filet et l'espace de travail. C'est la base. Sans cela, tu risques de ne pas être précise, et la réparation ne tiendra pas.

J'écoutai attentivement, consciente que je devais maîtriser ces premières étapes avant d’attaquer les déchirures du filet. Malvina me montra un large tableau en bois où des filets de pêche étaient étalés en désordre. 

—Étends le filet sur une surface plane et propre, expliqua Malvina en le disposant soigneusement sur la table. Ça te permettra de visualiser les dégâts et de travailler sans gêne.

Un peu novice mais déterminée, j'acquiesçai et m’installai près de la table. Malvina me guida dans la procédure suivante, celle du nettoyage.

—Il est crucial de nettoyer la zone autour de la déchirure ou du trou. Si tu ne fais pas ça correctement, la réparation ne tiendra pas bien. On utilise un chiffon humide pour ça.

J'attrapai le seau d'eau tiède posé près d’elle et me mis à essuyer les bords de la déchirure du filet. Le tissu était imprégné de sel, de sable, et des résidus de l’océan. Cela rendait la zone rugueuse, et la saleté risquait de compromettre l’adhérence du fil de réparation.

–Et si jamais il y a de l’huile ou de la graisse sur le filet, tu peux utiliser un peu de savon doux, ajouta Malvina en me tendant un savon liquide. Mais attention, ne surcharge pas le tissu. Une petite quantité suffira.

J'appliquai le savon avec soin sur les taches persistantes, puis rinçai abondamment pour enlever tout résidu de savon. Je remarquai que le filet semblait plus propre, plus flexible, une fois débarrassé des impuretés.

–Là, il faut laisser sécher complètement avant de passer à l’étape suivante, continua Malvina, en m'observant avec ce que je pensais être de la bienveillance.

Pendant que le filet séchait lentement, Malvina m’incita à faire une inspection minutieuse du reste du filet.

—Regarde bien, une fois que tu l'as nettoyé. Les dommages ne se limitent pas toujours à ce qu’on voit au premier coup d’œil. 

J'examinai les mailles usées, observant les zones de faiblesse. Je repérai alors d’autres petits trous et des mailles qui se tendaient trop, prêtes à céder sous peu.

– Tu peux commencer à réparer. N'oublie pas : chaque réparation compte. Si tu ne répares pas une petite déchirure maintenant, elle deviendra un trou bien plus grand.

 Chaque détail avait son importance, chaque maille réparée représentait un pas vers la compréhension des habitants de Muirbahn et de leur lien avec la mer. Les gestes simples, mais essentiels, de la réparation étaient comme un rituel, un moyen de renouer avec quelque chose de plus grand, quelque chose qui échappait encore à ma compréhension.

—Bien, dit Malvina, après avoir observé mon travail pendant un moment. C’est un bon début. Tu as compris l’essentiel. Maintenant, il faut juste être patiente. C’est comme ça que l’on fait ici. Rien ne se fait en hâte. Et tout doit être solide.

Je souris, un peu fière d’avoir commencé à réparer le filet correctement, et en même temps, un peu perplexe face à l’immensité du travail à accomplir. Mais, à mesure que je m’enfonçais dans cette tâche, le fil glissant entre mes doigts, je me sentais plus à l’aise. Chaque maille que je réparais semblait m’ancrer davantage à l’endroit, comme si, au-delà du geste technique, je tissais moi-même un lien avec Muirbahn et ses habitants. 

— Le plus difficile, c’est quand le filet est vieux, poursuivit Malvina, qui m'observait travailler en silence. Les mailles s’usent, le fil se casse, et tu as l’impression que rien ne tient. Mais c’est là que tu apprends la patience. Chaque filet peut être réparé, tout comme chaque personne peut se reconstruire si elle accepte de le faire.

J'observais ses mains qui travaillaient avec application, chaque mouvement de l’aiguille glissant entre les mailles du filet, tirant le fil pour reformer les brèches. La comparaison de Malvina résonnait en moi de manière inattendue. Réparer les filets comme on répare des vies. C’était un acte simple, presque humble, mais cela portait en soi quelque chose de profond, de puissant. Peut-être que, comme les filets, les gens pouvaient aussi être réparés, pour peu qu’on s’y attarde, qu’on prenne le temps de tordre les fils, de reformer les mailles, de reconstruire ce qui semblait cassé.

Je me sentis un instant suspendue dans ce fil invisible qui reliait la réparation des filets à la réparation de soi. Une partie de moi se demandait si, moi aussi, au fond, pouvait se réparer. J'y avais toujours pensé. Ces brèches dans mon être, ces fissures que je portais en moi depuis si longtemps, depuis l’enfance, ne s’étaient jamais vraiment refermées. Parfois, il me semblait que plus j'essayais de les guérir, plus elles s'élargissaient, comme un vide intérieur qui engloutissait tout.

Je me souvenais de cette sensation omniprésente de mélancolie, comme un poids lourd posé sur mon cœur, m'empêchant de respirer normalement. Une tristesse insidieuse qui, quand j'étais plus jeune, avait pris toute la place. J'avais d’abord cru que c’était juste une phase, que tout le monde traversait ce genre de sentiment. Mais plus les années passaient, plus je me rendais compte que ce vide était là pour rester. Un sentiment d’être déconnectée, détachée de tout ce qui m'entourait, comme si je flottaits sans jamais vraiment toucher terre.

Et puis il y avait eu le diagnostic. La dépression. Pas juste une mélancolie passagère. Pas seulement un battement d’ailes de tristesse. Mais un état, une maladie qui s’était insinuée dans mes veines, qui avait obscurci ma vision du monde. Les thérapies, les antidépresseurs, les conseils des uns et des autres… Rien ne semblait vraiment changer. La douleur ne s’atténuait jamais. Je portais en moi des pièces éparses, comme un puzzle dont les morceaux ne semblaient jamais s’ajuster parfaitement. Et plus j'essayais de trouver un sens, plus je me sentais fragmentée, brisée, hors de portée.

Si un filet peut être réparé, me dis-je dans l’intimité de mon crâne, presque sans s’en rendre compte, alors peut-être que… moi aussi.

La pensée effleura mon esprit comme une caresse douce, mais je la repoussai aussitôt, comme on écarte une idée trop fragile. Pourtant, je sentis que quelque chose en moi s’éveillait. Un espoir minuscule, tout juste perceptible, mais suffisamment fort pour faire naître une lueur de chaleur dans mon cœur froid.

Les gens aussi peuvent se réparer, pensais-je en repassant l’aiguille entre les mailles. C’était une idée nouvelle, mais qui avait du sens. Peut-être que la réparation n'était pas une solution immédiate. Peut-être qu'elle ne viendrait pas d'un jour à l'autre. Mais comme pour les filets, il suffisait de recommencer. De prendre chaque jour une petite étape. De regarder ce qui était cassé, et de commencer à réparer. Petit à petit.

Je regardai à nouveau la maille que je venais de fixer. Chaque mouvement était une façon de reconstruire. Reprendre les morceaux éparpillés. Réassembler. Ce n'était pas rapide. Ce n'était pas parfait. Mais ça avançait. Comme je pourrais, moi aussi, avancer, même si je n’avais pas encore toutes les réponses.

Je me surpris à sourire, un sourire léger, comme une fleur fragile qui perce la terre encore froide de l’hiver. Je ne savais pas si la réparation de soi était une tâche facile ou impossible, mais je commençais à comprendre que l’espoir se trouvait dans les petits gestes, dans les pas discrets mais constants qui, à terme, pouvaient ramener la lumière là où il n'y en avait plus.

Malvina, qui m'observait sans dire un mot, sembla lire dans me pensées. Elle se tourna lentement vers moi, un léger sourire en coin.

—N’oublie pas, dit-elle doucement, les réparations ne sont jamais parfaites. Mais tant que tu continues à les faire, elles tiennent.

Je me concentrai sur ma tâche, les gestes devenant presque automatiques maintenant que j'avais bien pris la mesure de la réparation. Le fil passait avec aisance entre les mailles, serrant un peu plus chaque point, comme un petit geste d'espoir qui s'inscrivait dans la trame de mon quotidien. À mesure que j'avançais, je sentais une sorte de calme m’envahir, une forme de sérénité dans la lente répétition de l'acte.

C’est à ce moment-là que j'entendis des voix s’élever à l’extérieur. Des bruits de pas lourds, de paroles échangées avec une certaine bonne humeur. En levant les yeux, j'aperçus un groupe d’hommes qui arrivaient en direction de la table de travail, traînant derrière eux plusieurs sacs de pêche et des filets à demi roulés. Ils parlaient de la mer, du vent, de la pêche de la journée. Puis, parmi eux, je distinguai une silhouette que je reconnaissais

Eoghan, qui s’avançait vers moi, semblait être le leader du groupe, sa posture droite, son regard tranquille mais perçant. Il sourit en me voyant, un sourire franc, presque comme une reconnaissance silencieuse de mes efforts. Il s'arrêta à quelques pas de moi, et ses yeux anthracites se posèrent sur les filets que j'avais réparés.

—Alors, tu t’en es bien sortie ?

Surprise par l'intensité de son regard, je baissai les yeux sur les réparations que je venais de terminer. Je n'étais pas sûre d'avoir bien fait, mais tout semblait tenir.

—Je crois, oui, répondis-je, un peu gênée, tout en essayant de dissimuler mon malaise. C’était… apaisant, en fait.

Eoghan hocha la tête, un léger sourire en coin.

—Il y a quelque chose de paisible à travailler de ses mains, non ? Ça te permet de réfléchir à d’autres choses, de remettre de l’ordre dans ta tête.

Je le regardai, intriguée par ses mots. Je me demandai si, en parlant ainsi, il faisait écho à quelque chose de plus profond dans sa propre vie, tout comme moi. Mais je n’eus pas le temps de poser la question.

—Les gars, on va récupérer ces filets pour les remettre à l’eau avant que le temps ne tourne, dit-il en se retournant vers les autres pêcheurs qui commençaient à déployer les filets réparés pour les emporter. Il me jeta un dernier regard complice.

—T’as bien travaillé, Brune. Ça fait plaisir de voir que quelqu’un qui n'est pas d'ici s’intéresse vraiment à ce qu’on fait.

Je sentis une chaleur étrange me parcourir à ses mots. Un sentiment de reconnaissance, mais aussi un peu de gêne, comme si je n’étais pas certaine de mériter cette approbation. Cependant, quelque chose en moi s’en trouva apaisé, comme si, pour la première fois depuis mon arrivée, je faisais partie de quelque chose. Ces gestes simples, ces efforts quotidiens, ces réparations — tout semblait prendre un sens. C’était aussi très agréable de se rendre compte qu’il se souvenait de mon prénom.

Les pêcheurs s’éloignèrent en parlant de la mer et du vent, emportant avec eux les filets réparés, tandis qu'Eoghan restait un moment en retrait. Son regard se posa une dernière fois sur moi.

—Si tu veux apprendre davantage, on sera là, dit-il en s'éloignant, une dernière fois.

Je restais là, les mains encore imprégnées de l’odeur salée de la mer, mon cœur battant un peu plus fort. Ce geste, ce sourire, ces mots d’Eoghan… C'était comme une clef qu’il me tendait sans vraiment s’en rendre compte. Un moyen de me rapprocher de ce monde étrange où j'avais atterri, d’approcher un peu plus de l’histoire de ce village, et peut-être, un peu plus de mon propre chemin de réparation.

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