La porte de sa chambre s'ouvrit brutalement, le sortant violemment de ses pensées sombres. Il se tourna vers la silhouette qui se dressait devant lui, tandis qu'il était couché dans son lit, sur son dos.
- T'as l'air en colère. constata-t-il d'un ton neutre.
Il avait pleuré il y a de ça une heure, et il sentait les larmes séchées sur ses joues.
- Putain Éris! Va gérer tes Humains, ils essayent de pénétrer le palais! Ils attendent néanmoins certaines explications et sont sous ton balcon... Ils ont dit que si tu ne sortais pas d'ici dix minutes ils forceraient l'entrée et lanceraient une attaque sur la Tour.
- Ne me dis pas ce que j'ai à faire, Orion.
Il soupira. Il n'avait plus la force de gérer toutes ces merdes... Il se leva malgré tout, rejoignit son bureau, prenant son masque au passage. Il plaça celui-ci sur son visage et descendit sur le balcon, les ailes grandes ouvertes, marquant son mécontentement. Le silence se fit instantanément, les yeux de tous les soldats présents se rivant sur Éris.
- Alors déjà, je ne vois pas ce que vous faites là. dit-il haut et fort. Ensuite, vous me dérangez, j'ai pas le temps pour vos broutilles, j'ai d'autres choses à faire.
- Seigneur! appela une voix en colère qui ne n'était pas totalement inconnue à Éris. Nous avons perdu beaucoup trop de monde à cause du Général! Je refuse de sacrifier d'autres de mes camarades pour une cause perdue!!
Ledit Seigneur fixa le jeune mâle Humain qui venait de parler, ce dernier se taisant directement. Il semblait mal à l'aise, comme extrêmement gêné par le regard vide d'Éris posé sur sa personne.
- Ton nom?
- Artae, Seigneur.
Il parvint à garder sa voix stable malgré la légère peur qui se ressentait.
- Bien. Soldat Artae, tu es convoqué dans mon bureau. Immédiatement. Vous autres, arrêtez de me faire chier et dégagez. ordonna-t-il d'un ton sec. J'en ai plus que marre de vous.
Il vit un mâle taper l'épaule d'Artae en guise d'encouragement tandis qu'Éris quittait le balcon. Personne n'avait jamais encore été convoqué. Artae semblait abattu, mais se dirigea vers les escaliers. Une fois hors de la vue du Seigneur, malgré la foule qui restait sur place, ce dernier ferma la porte-fenêtre derrière lui, ainsi que les rideaux d'un bleu opaque. Comme ses yeux... Éris s'assit derrière son bureau, enlevant son masque pour passer une main lasse sur son visage. Il en avait plus que marre de toute cette merde, cela devait se terminer, et au plus vite.
- Tu vas faire quoi avec ce soldat, Éris?
- Sors d'ici. ordonna-t-il. Cela ne te concerne pas. Reviens seulement si les Humains décident de n'en faire qu'à leur tête à nouveau.
Trois coups retentirent une minute après que l'esclave soit parti.
- Entre. dit-il en me redressant, remettant son masque sur son visage.
Artae entra timidement dans la pièce, visiblement perturbé.
- Seigneur... le salua-t-il.
- Bon, Artae.
Éris se pencha en avant, menton posé sur ses mains jointes. Il planta ses yeux dans ceux du soldat. Ce dernier déglutit, visiblement mal à l'aise. Malgré la pression, Artae ne détourna pas le regard, et Éris le respectait pour sa bravoure.
- Oui Seigneur?
- Comète, ça te dit quelque chose?
Artae fronça imperceptiblement ses sourcils fins mais broussailleux.
- Heu... Oui...
Le Seigneur sourit légèrement. Le pauvre.
- J'ai besoin de ton aide, Artae.
Il se leva, sa chaise reculant en même temps, raclant le sol de bois. Le vaste bureau en bois était éclairé uniquement grâce à la lumière du Soleil ou de la Lune, et là, la lumière du Soleil couchant enveloppait la pièce d'une aura orangée.
- Co... Comète. C'était vous?
Éris grogna légèrement, retirant son masque, le posant sur son bureau, avant de se rapprocher du soldat.
- Arrête de me vouvoyer, ça devient soûlant.
- Mais v.. t'es mort! Tué par le Général Thra!
- Le corps de Comète, pas le mien.
Il secoua légèrement ses ailes, comme pour chasser ses appréhensions. Il passa une main tremblante dans ses cheveux en bataille.
- Je comprends pas... C'est ta faculté? De Corbel?
- Oui, si tu veux. Je suis un métamorphe.
Artae tira une chaise de devant le bureau et s'assit lourdement dessus, passant une main sur son visage, sans quitter Éris des yeux une seule seconde.
- Bon... Tu veux que je t'aide pour quoi?
- Je ne sais pas. Mais je sens qu'à un moment j'aurai besoin de ton aide... Alors sois prêt, Artae. Ce moment arrive à grand pas.
- Ok..?
- Et appelle moi Éris. dit-il en souriant doucement.
Il appréciait ce mâle. Ce dernier hocha la tête. Peut-être pourrait-il remplacer Nawim... Non qu'est-ce que je raconte? Ce n'est qu'un humain. Et puis... Je sais que jamais personne ne me fera jamais oublier Nawim.
- Merci Artae. Tu peux disposer.
- Oui. Comète.
Son sourire s'agrandit et ses yeux roulèrent dans leurs orbites.
- Aller, dégage, imbécile va.
Artae lâcha un petit rire avant de sortir. Orion le croisa sans se préoccuper de lui. Il courrait vers Éris, il avait l'air pressé.
- Les Humains se rebellent!
- Encore!?
Il se tourna précipitamment en jurant, regardant à sa fenêtre pour voir ce qu'il se passait. Merde ils attaquaient vraiment sa Tour... Le prince se retourna vers Orion, le regard dur, mais confiant.
- Orion! Évacue tous les serviteurs par les passages secrets. Fais en sorte qu'ils restent secrets aux yeux des Humains qui attaquent, compris?
- Mais, et toi?
- Moi? Je me fais capturer. Pas tellement d'autre choix. Ils sont bien trop nombreux, et même si je me crée un autre personnage ils prendront le trône. Ça ne sert à rien. Si je m'envole, ils me tireront dessus. Si je m'échappe avec vous, je risque vos vies... Et c'est hors de question. Je trouverai un moyen de m'échapper.
- Très bien...
- Libère les autres, Orion, ils ont besoin de liberté. Je te libère aussi, tu es libre. Vous êtes tous libres.
Orion le fixa d'un air farouche, surpris.
- Très bien. Dans ce cas je t'attendrai dans le village à côté.
Éris hocha la tête. Il n'était plus le Chef, après tout. Une occasion pour le voir, peut-être... C'est ce que lui souffla une voix, qu'il mit rapidement de côté. Pas question d'aller lui demander de l'aide, ni d'aller le voir tout court. Il le lui avait bien fait comprendre. Il ne voulait plus jamais voir la gueule du prince, et ce dernier en était profondément touché.
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Attaché comme un vulgaire prisonnier sans importance dans sa cellule, habillé seulement du strict nécessaire, Éris envisageait les possibilités. Mais toutes revenaient à la même trajectoire. Artae venait le libérer, et ils se barraient pour aller voir Nawim, passant par le village d'à côté pour aller voir Orion. Ça faisait chier Éris, pourquoi devait-il toujours être sur son chemin? Il souffla, l'ancien Chef des armées Humaines en avait déjà marre de croupir ici. Il repensa à l'attaque. Ils avaient facilement pris le dessus sur lui. Trop facilement, à son goût, malgré leur nombre...
J'attendais dans mon bureau, assis derrière, mon masque sur le visage. La porte soudain avait éclaté en morceaux. Je m'étais donc levé, les manches relevées sur les avants-bras musclés de ce corps. La bande de dégénérés était entrée en me hurlant toutes sortes d'insultes. J'avais alors froncé les sourcils et écarté mes ailes. Ils étaient tous armés. Je fonçai vers eux à toute vitesse, prêt à en découdre. Je propulsais mes poings un peu partout autour de moi, tout comme mes jambes. Des Mâles et Femelles valsaient partout dans la pièce. Ils étaient de plus en plus nombreux. Soudain, un coude atterrit dans ma nuque. Je tombai au sol. Inconscient.
Éris soupira et attendit.
Attendit.
Attendit.
Il savait qu'Artae viendrait le chercher, il lui avait demandé. Mais bons dieux, il lui fallait combien de temps pour se ramener? Les oreilles pointues d'Éris étaient tendues, analysant tout bruit pouvant être intéressant. Mais rien. Toujours rien. Il soupira et tenta vainement d'étirer mes muscles endoloris. Putain Artae grouille toi... Sa tête tournait et lançait de partout. Il avait du mal à garder les yeux ouverts... Un bruit attira son attention. La porte de sa cellule froide et sombre s'ouvrait. Malheureusement, il ne voyait qu'une ombre floue le dominer.