Ma mère avait décidé de passer la nuit à l'hôpital avec ma petite sœur, et je devais avouer que ça m'arrangeait. Il était minuit, et, habillée de noir, je me faufilai hors de chez moi. Je ne pris pas la peine de m'envoler, mes ailes ne feraient que réveiller mes voisins, et je ne voulais pas alerter toute la ville que je quittais mon chez moi. Je rentrai dans l'arène, qui n'était qu'à deux minutes en course à pieds de chez moi, et me cachai derrière un pilier. Mira n'était pas encore là. Aramis non plus. Soudain, une main se plaque sur ma bouche, et avant que l'autre n'ait pu réagir, j'étais à genoux au-dessus de la personne, la menaçant de ma longue lame, prête à tuer.
- Du calme! souffla Aramis, les yeux grand ouverts à cause de la peur.
Je la libérai de mon étau et me relevai, un peu gênée.
- Désolée...
- Pas grave.
Nous nous cachâmes derrière le pilier lorsqu'une ombre tomba sur le sable. Mira était magnifique, illuminée par la lumière des deux Lunes. Je ne sais comment, elle alluma une torche et la plaça au mur, pour avoir un peu plus de lumière.
- Cahira, je dois te dire un truc...
- Mmh?
Mon ton était absent, j'avais les yeux rivés sur les étirements de Mira. Elle ne portait qu'un bandage pour soutenir sa poitrine et un short. Son corps m'était presque entièrement révélé. Et putain que ses tâches étaient belles.
- Je ne t'ai jamais détestée. Ni pour aimer les femelles, ni pour être Ophis. Ce n'est pas toi que je détestais, c'était moi. Ou plutôt, mes sentiments...
Putain qu'elle était souple. Rapide, forte, et souple. Aramis avait raison, elle avait toutes les caractéristiques d'une tueuse.
- Et je sais que tu ne m'as jamais vraiment aimée, mais j'espérais, et en attendant, je faisais mine de te détester. Mais je ne t'ai jamais détestée.
Mais l'était-elle? Je ne le savais pas. Pourtant, son style de combat... Elle ne visait que les points vitaux. Elle portait une tresse. Elle était encore plus belle, avec une tresse. La voir virevolter avec elle était tout un art d'une beauté inégalable. Soudain, elle s'arrêta. Ses bras retournèrent près de son corps, elle tomba à genoux, presque en nous faisant face. Ses yeux étaient perdus dans le vide. Dans un monde qu'elle seule connaissait. J'eus tout juste le temps de voir une larme couler, qu'on me prit par la nuque. Les lèvres d'Aramis se retrouvèrent sur les miennes en un clin d'œil, sans que je ne puisse rien dire. Les yeux écarquillés, je la repoussai brusquement.
- Aramis, non.
- Cahira...
- Ça ne marchera jamais. Arrête.
- Ce n'est pas moi que tu veux, c'est ça? dit-elle en lançant un coup d'œil à Mira. C'est elle.
Je restai une seconde à l'observai avant de hocher doucement la tête.
- Très bien. Ainsi soit-il. Si jamais tu changes d'avis, tu sais où me trouver. En attendant, amies? demanda-t-elle en me tendant sa main droite.
Je la lui serrai avec un petit sourire.
- Amies.
- Je vais te laisser. Fais quand même attention, elle est dangereuse.
- Ne t'en fais pas.
- Ok. À demain, Cahira.
- À demain, Aramis.
Et elle partit. Le son de ses chuchotements se fut remplacé par le silence. Et puis des sanglots. Légers, mais audibles. Je regardai Mira avec une énorme douleur au cœur. Qui avait donc fait pleurer tes beaux yeux? Tes magnifiques yeux noirs... Je pourrais me perdre dedans pour toujours. Leur beauté pourrait tenter de me noyer, que j'ouvrirais les bras, accueillant cette douce mort avec plaisir. Mon cœur criait sa peine, ses sanglots me déchiraient de l'intérieur. Je ressentais sa peine comme si elle était mienne. Je comprenais un peu mieux, maintenant. Elle s'était enfoncée dans mes os, dans mes poumons, dans mon cœur. Elle s'est logée en moi. Ce spectacle m'était insupportable. Je voudrais tellement pouvoir la prendre dans mes bras, et ne jamais, au grand jamais, la lâcher... Son visage était tordu de douleur, et si je pouvais, je tuerais tous ses cauchemars... Sa douleur faisait écho à la mienne. Si bien que je sentis les larmes me monter aux yeux. Je me tenais à présent bien droite, juste à l'extrémité de la colonne de pierre qui me cachait encore quelques secondes auparavant. La voir comme ça m'avait fait l'effet d'un coup de poing dans le plexus, je peinais à respirer. Le regard de Mira trouva le mien, et sa détresse me frappa. Ses yeux criaient la mort, son être tout entier priait pour que la mort vienne la chercher. Lorsqu'elle me vit, elle se releva. C'était à présent la colère, qui déformait ses traits.
- Tu m'espionnes, Cahira? dit-elle d'un ton doucereux, s'avançant vers moi dans une démarche féline.
- Non... Je venais juste m'entraîner un peu.
Je parvins à lui mentir malgré le choc du spectacle qu'elle m'avait offert.
- Menteuse! cracha-t-elle. Tu t'entraîne uniquement très tôt le matin.
- Je ne suis pas ici pour t'espionner. lui assurai-je.
Même si ce n'était qu'une demi vérité. Elle était maintenant juste en face de moi, elle ne pleurait plus, mais moi si. Son visage se figea avant de se radoucir.
- Ça va? me demanda-t-elle, un air un peu inquiet sur son joli minois rougit par les larmes.
- Ce serait plutôt à moi de te poser la question, tu ne penses pas? fis-je remarquer d'une voix douce, portant ma main à son visage pour essuyer une larme sur sa joue.
Elle haussa les épaules, mais ne me repoussa pas.
- Je vais bien. Et j'irais encore mieux si tu m'embrassais. murmura-t-elle.
Je rougis violemment, je ne m'y attendais vraiment pas. Je ne suis pas sûre qu'elle ait voulu le dire à voix haute non plus, au vu de la tête qu'elle faisait, similaire à la mienne.
- Oublie que j'ai dit ça.
- Difficile d'oublier...
Elle me fixa, je la fixai, et éclatai de rire.
- T'es un peu con sur les bords, princesse.
- Ta gueule, espèce d'idiote. Et arrête de m'appeler comme ça!
- Mais c'est pourtant ce que tu es, une princesse... Princesse. dis-je d'un ton provocateur avec un sourire en coin.
- Je t'ai dit de la fermer.
- Je n'ai toujours pas oublié ce que tu as dit. Et je ne te crois pas.
- Quoi? Tu ne crois pas que j'ai envie de t'embrasser?
- Oh, non, je te crois pour ça. dis-je en redevenant sérieuse. Mais je ne te crois pas quand tu dis que tu vas bien. C'est écrit en grand sur ton front, que quelque chose te tracasse.
Par réflexe, elle tenta de s'essuyer le front, ce qui me fit rire.
- C'était une expression. précisai-je. Pas besoin de t'essuyer.
- Je le sais bien! Idiote...
- Je dis ça je dis rien, mais ce serait plutôt toi, l'idiote, ici.
- Je dis ce que je veux, déjà, et je suis la princesse héritière du royaume Corbelique, donc si je dis que j'ai raison, j'ai raison. dit-elle avec un air supérieur mi-sérieux mi-amusé.
Je m'appuyai contre la colonne de pierre en croisant les bras, un sourire aux lèvres.
- Tu oublies un détail important, princesse. Je suis une Ophis, pas une Corbel. Je ne tombe donc pas sous ton commandement.
- Ici, nous sommes tous juste des Ailés, non? Tu es soldate, je suis princesse.
- Générale, serait plus précis.
- Tu joues avec les mots, c'est pareil. J'ai un rang plus haut que le tien.
- C'est vrai. Mais ce qui est aussi vrai, c'est que moi aussi, j'ai bien envie de t'embrasser.
Elle rougit d'un coup, se couvrant le visage.
- Je t'ai dit d'oublier!
- Et je t'ai dit que je ne pouvais pas.
- Et pourquoi pas??
Seuls ses beaux yeux noirs étaient visibles.
- Parce que j'aimerais bien t'embrasser aussi.
- Va au diable, Cahira.
- Si le diable a un visage aussi mignon que le tien, j'y vais tout de suite.
- Écoute moi bien, ma belle, tu vas redescendre de tes grands chevaux et oublier ce que je t'ai dit! Je ne veux pas t'embrasser, un point c'est tout.
Elle avait découvert son visage et me fixait avec un air sérieux. Je ris doucement, me rapprochant d'elle. Putain qu'elle était petite, comparée à moi. J'étais à moins de vingt centimètres d'elle, et sa tête bascula en arrière pour me regarder dans les yeux. Je devais baisser la mienne pour lui faire face. Elle était décontenancée par ma proximité, ses yeux ne savaient plus où se poser. Je gardais les miens dans les siens, amusée par l'expresionalité de son beau visage. Je rapprochai ma tête de la sienne, elle ne bougea pas. Mon visage en face du sien, je peinais à me retenir de briser la distance, c'était comme si ses lèvres appelaient les miennes, et je voulais désespérément combler ce vide entre nous. Peut-être qu'elle aussi? Elle s'était légèrement rapprochée, presque imperceptiblement, mais je le remarquai lorsque son nez toucha le mien.
- On ne devrait vraiment pas. murmura-t-elle.
Son souffle chaud s'écrasa sur mon visage, envoyant un long frisson le long de ma colonne vertébrale.
- Peut-être qu'on devrait.
- Ça changera quelque chose entre nous?
- Non, sauf si c'est ce que tu veux.
- Je ne sais pas.
- Tu pourrais y réfléchir après?
- Peut-être..?
- Peut-être oui ou peut-être non, Princesse? J'ai besoin d'une réponse, et maintenant.
- Je ne veux pas que ça change quelque chose. Pour l'instant. Mais j'ai très envie de t'embrasser.
- Ah, je sens que l'égo est mis de côté. dis-je en riant légèrement.
- Ta gueule.
Elle saisit mes joues et se mit sur la pointe des pieds. Nos lèvres étaient proches. Si proches que ça me faisait physiquement mal de rester loin d'elle. Ce fut elle qui initia le mouvement. Elle posa ses lèvres sur les miennes, je fermai les yeux, l'entourant de mes bras. Ses lèvres étaient incroyablement douces, effaçant tout ce qui se trouvait autour de nous. C'était... addictif. Je mis une main sur sa nuque, glissant l'autre autour de sa taille, la rapprochant de moi. Elle se colla à moi sans hésiter une seule seconde, m'envoyant au paradis. Je pourrais mourir là, ici et maintenant, que je ne regretterai rien de ma vie. Le baiser était timide, de la part des deux, mais je savourais chaque seconde. Je ne voulais jamais la lâcher. Et elle non plus, ne semblait pas vouloir me lâcher, comme elle venait de passer ses bras autour de ma nuque. Je la serrai un peu plus fort contre moi, comme si je voulais ancrer ses lèvres dans ma mémoire, comme si je ne pourrai plus jamais y goûter après ce baiser. Ce qui serait peut-être le cas. Je m'éloignai légèrement, je devais lui demander.
- Non! murmura-t-elle en se ressaisissant de mes lèvres.
Je ris doucement, et me perdis dans ses courbes. Je la soulevai de terre par dessous ses fesses, aux airs parfaits, elle passa ses jambes autour de mes hanches. Mon sang bouillonnait dans mes veines, je ne savais pas comment j'allais réussir à quitter ses bras. Sa peau était chaude contre la mienne, je l'adorais, j'adorais Mira. Je ne savais pas encore si je l'aimais, mais je savais déjà que je ne pourrai jamais me passer d'elle.
- Cahira... dit-elle dans un souffle.
Putain, sa voix était tellement sexy. La manière dont elle venait de prononcer mon nom était divine.
- Mira? lui répondis-je contre ses lèvres.
Elle ne répondit pas tout de suite, accaparant mes lèvres pendant une petite minute, avant de se reculer un peu.
- Tu vas briser le cœur d'Aramis.
- Qui en a quelque chose à foutre, d'Aramis?
- Je l'ai entendue parler avec Floralie. Elle a dit qu'elle t'aimait.
- Je sais. murmurai-je. Mais ce n'est pas mon cas. Aramis n'est pas ma petite amie, et je fais ce que je veux. Donc si je veux t'embrasser jusqu'à en mourir, je le ferai sans hésiter.
Mira rit doucement.
- Autant j'adorerais rester ici, avec toi, je crains que je vais devoir rentrer bientôt.
- Bientôt, ce n'est pas maintenant. dis-je avec une moue déçue.
Cette fois, c'est moi qui l'embrassai. Il s'avèrerait que je ne pouvais pas rester loin d'elle pendant très longtemps. Elle rit doucement, passant une main dans mes cheveux, me rendant mon baiser. Son geste me fit fondre. Si on continuait comme ça, elle allait atterrir dans mon lit. J'avais bien trop de respect pour elle que pour la baiser sur un coup de tête. Elle ne méritait pas ça. Je détachai donc mes lèvres des siennes, un grand sourire aux lèvres. Je posai mon front contre le sien, fermant les yeux, inspirant profondément.
- Hé! Reviens..! protesta-t-elle.
- Si je reviens, je te jure que tu atterriras dans mon lit, Princesse. Et ce n'est pas ce que je veux.
- Qu'est-ce que tu veux, alors?
- Toi, en entier. Je ne sais pas si je vais pouvoir me passer de toi.
- Serait-ce là une déclaration d'amour? dit-elle d'un ton joueur.
- Mes dieux, non. riai-je. Que le diable me prenne, si j'osais prétendre à l'amour que pourrait m'offrir une princesse.
- Je n'ai jamais dit que je t'aimais.
- Tes lèvres en ont dit beaucoup pour toi.
- Je ne suis pas amoureuse de toi, idiote. Et puis, j'ai peut-être envie d'atterrir dans ton lit ce soir, qui sait?
- Tu veux?
- Dormir dans une chambre avec deux mâles peut s'avérer très fatiguant, au bout du compte.
Je la reposai sur le sable à contre cœur, elle s'éloigna légèrement de moi, mais prit mes mains dans les siennes.
- Laisse-moi dormir chez toi. demanda-t-elle. Je peux prendre le canapé, si tu veux.
- Parce que tu crois vraiment que je vais te laisser dormir autre part que dans mon lit après t'avoir embrassée? Jamais de la vie, Princesse, tu rêves. déclarai-je avec un demi-sourire.
Elle leva les yeux, amusée.
- Ça veut dire que je peux?
- Mais bien sûr.
Elle m'offrit le plus adorable des sourires.
- Merci!!
- Rentrons, princesse, il se fait tard. Et demain je dois aller donner cours tôt le matin. Mais tu pourras rester chez moi sans problème, même si ma mère risque peut-être de débarquer.
- T'inquiète, je me réveillerai en même temps que toi. Je vais aller secouer Nawim, j'en ai marre qu'il fasse grève.
Je ris doucement, moi aussi je m'inquiétais pour mon ami, mais je n'avais pas du tout le temps d'aller lui parler, et depuis qu'il avait décidé de s'enfermer chez lui, c'était la cata.
- J'aurais aimé pouvoir t'accompagner. dis-je en m'avançant vers le sable, l'endroit de l'arène qui n'avait pas de toit.
- C'est mieux si je suis seule de toute manière. répondit-elle en me suivant. Il n'a pas l'air de vouloir voir du monde.
- C'est vrai. Mais il me manque.
Je savais pourquoi il allait mal, mais ce n'était pas mon secret à partager. Éris avait fait des ravages chez Nawim. Douze ans et il en portait encore la trace aujourd'hui. Surtout après l'avoir revu. Ils n'étaient pas le couple -si on peut encore les qualifier ainsi- le plus heureux du monde. De ce que j'en ai compris, ni l'un ni l'autre n'avait jamais su que l'autre était vivant, se pensant mutuellement morts. La main de Mira se glissa timidement dans la mienne, la serrant légèrement. Nous déployâmes nos ailes, rejoignant les cieux, main dans la main.
- Je suis désolée pour Nawim. me dit-elle. Je sais que ce n'est pas de ma faute, mais quand même.
J'hochai la tête, me dirigeant vers ma petite maison. Nous nous posâmes sur le perron, je déverrouillai la porte avant de m'effacer pour la laisser entrer. Elle est passée devant moi, en inspectant les lieux. J'entrai à sa suite, allumant la lumière après avoir fermé et verrouillé la porte.
- Bienvenue chez moi. souriai-je.
Elle se tourna vers moi, souriant.
- Merci Cahira.
- Aucun problème. Si tu veux prendre une douche, c'est la première porte à gauche en haut des escaliers.
- Es-tu en train d'insinuer que je pue?
- C'est toi qui l'a dit, pas moi. ricanai-je.
- Hé! J'ai pris une douche avant d'aller m'entraîner!
J'éclatai d'un petit rire.
- Je sais, tu sens très bon. me moquai-je en prenant une grande inspiration dans ses cheveux.
Jamais je ne me lasserai de son odeur. Ses bras s'enroulèrent autour de moi, m'attirant dans une étreinte timide. Je l'enfermai contre moi, sa tête contre mon épaule.
- J'aimerais bien t'embrasser encore. avoua-t-elle dans un souffle. Mais je ne suis pas sûre qu'on devrait.
- Tu as entièrement raison. Si je t'embrasse encore, je ne te laisserai jamais partir.
Elle rit silencieusement.
- Idiote.
- Mais j'ai très envie de t'embrasser. Tes lèvres me manquent déjà.
Ses yeux noirs se posèrent dans les miens, ses joues étaient rouges et elle arborait un petit sourire. Elle se mit ensuite sur la pointe des pieds et posa ses lèvres sur les miennes furtivement. Un petit cri de surprise résonna soudain dans l'entrée, et nous nous retournâmes vers la source du bruit, nous séparant rapidement. Ma mère se tenait devant la porte d'entrée avec un air plus que surpris sur son visage. La tension montait en moi, ce qui faisait monter la pression en Mira, je le sentais d'ici. Beaucoup de monde détestait les gens qui aimaient le même sexe, et si ma mère était l'un d'eux, ça comliquerait tout.
- Ah bah ça... Si on m'avait dit qu'un jour je rentrerai chez ma fille pour la voir embrasser une femelle, jamais je n'y aurais cru. rit-elle.
La tension descendit d'un coup, et ma mère se rapprocha de nous avec un sourire.
- Je m'appelle Morwen, je suis la mère de Cahira. se présenta-t-elle à Mira, lui tendant la main.
- Je m'appelle Mira... Enchantée. répondit-elle en lui serrant la main, un petit sourire gêné aux lèvres.
- Tu es très jolie!
- Maman, arrête de l'embêter, tu vas la mettre mal à l'aise.
Je posai mes mains sur les épaules de Mira, me mettant légèrement derrière elle.
- Mais c'est vrai. Sa peau est une œuvre d'art! Ça me fait un peu penser à la Princesse Cobelique, elle a la même chose que toi, de ce que j'ai entendu. Je t'avoue que je n'ai jamais vu sa tête.
Mira me lança un petit regard amusé, qui voulait dire "On lui dit ou pas?". J'hochai discrètement la tête.
- C'est elle, maman.
- Mon nom de famille, c'est Wyten.
- Mais tu ne devrais pas fricoter avec des mâles? Tu cherches un roi, quand même?
Mira grimaça légèrement.
- Je n'aime pas les mâles.
- Ça, j'ai cru le comprendre... Ma pauvre enfant, les lois t'interdisent d'avoir une reine à tes côtés, n'est-ce pas?
Mira hocha la tête.
- C'est juste. Je dois trouver un roi.
Ma mère prit les joues de Mira entre ses mains, la regardant avec un air triste.
- Rester avec Cahira ne te fera donc rien de bon...
- J'en suis consciente.
- Tu l'aimes à ce point?
- Je... Je ne sais pas encore. Mais j'ai déjà trouvé un roi, je pense. Je me suis déjà faite à l'idée que ça ne durera pas, avec Cahira. affirma-t-elle avec un petit sourire.
- Je suis tellement désolée.
- Il n'y a pas à l'être, vraiment. Je sais que ça arriverait à un moment où un autre, depuis que mon grand frère a été porté disparu.
Ma mère hocha la tête, lâchant les joues de Mira.
- J'aime ta manière de penser.
- Maman, il est tard.
- Oui, pardon. Je suis fatiguée aussi.
- Je vais t'apporter de quoi dormir.
Je repris la main de Mira, la tirant avec moi vers l'étage.
- Bonne nuit, Morwen! dit Mira en la saluant de la main, me suivant.
Je nous guidai vers ma chambre, leur conversation m'avait un peu bouleversée. Et j'avais enfin réalisé pourquoi elle avait été réticente à m'embrasser, malgré son envie. Un "nous" ne pourrait jamais arriver. Elle était obligée de se marier avec quelqu'un d'autre que moi, et pire encore, un mâle. Nous entrâmes dans ma chambre sans un mot, et je piochai un coussin dans mon armoire, ainsi qu'une couverture.
- Tu peux prendre un de mes t-shirts pour la nuit, si tu veux. Et un pantalon ou un short.
Elle hocha la tête en souriant légèrement tandis que je me dirigeais vers le salon. Je tendis les affaires que je portais à ma mère, en lui souhaitant bonne nuit.
- Ah, et Cahira?
- Oui?
Je me retournai vers ma mère.
- Elara va beaucoup mieux. Merci.
- Je suis heureuse de l'entendre!
Je montai ensuite rejoindre Mira, qui était nue, à l'exception de sa culotte, dos à moi. Elle se retourna vers l'armoire, qui était juste à côté de moi, et se couvrit directement, cachant sa poitrine.
- Apprends à toquer à la porte!
Je souris doucement, avec un air malicieux sur le visage.
- Je savais que tu étais particulièrement belle, mais là... Ça dépasse toutes mes espérances.
- Ta gueule, idiote.
Elle mit rapidement un t-shirt, et alla s'allonger dans mon lit, dos à moi. Je ris doucement, attendrie, avant d'aller, moi aussi, me changer. Je fis comme elle, je ne mis qu'un t-shirt. Je mis mes habits de côté avant d'aller allumer la lampe de chevet, et d'éteindre la grande lumière. Je me glissai à côté d'elle.
- T'es gênée?
- Pas du tout. Tu n'es pas la seule à avoir profité du spectacle. dit-elle d'un ton légèrement amer, si légèrement que j'aurais pu tout aussi bien ne pas le percevoir.
Je passai doucement mes bras autour d'elle, pour qu'elle ait le temps de me repousser si elle ne voulait pas de moi, et la tirai vers moi, la serrant doucement. Je blottis mon visage dans son cou, inspirant à fond.
- Je suis heureuse que tu sois là. Je suis désolée.
- Pourquoi es-tu désolée?
- Ce n'est pas juste pour toi. De devoir te marier avec un mâle. Je vois bien que tu es inconfortable quand tu es en présence d'un mâle.
Elle hocha doucement la tête.
- Ce n'est rien. Je me suis faite à l'idée.
J'embrassai délicatement son cou, je la sentis frissonner tout contre moi. J'éteignis la lumière avant de la reprendre dans mes bras. Je fermai les yeux, prête à passer la meilleure nuit de ma vie.
- J'aimerais pouvoir t'aimer... murmura-t-elle dans un souffle, alors que le sommeil me prenait dans ses bras, m'avalant toute entière.