Le réveil fut dur, mais la nuit que je venais de passer en valait grandement le coup. Il était sept heures du matin, j'avais dormi trois heures. Une femelle de chambre toqua à la porte avant d'entrer.
- Bonjour Princesse. Je vous apporte de quoi vous habiller et vous coiffer.
Je me redressai en souriant légèrement. Heureusement que j'avais caché mes vêtements de cette nuit pour les laver moi-même.
- Bonjour. Je souhaite prendre ma douche et m'habiller seule aujourd'hui. Vous m'aiderez seulement à fermer les habits.
- Comme vous le souhaitez, Princesse. dit la femelle en inclinant la tête. Je vous attendrai devant votre chambre.
- Je vous appellerai. Votre nom? demandai-je en sortant de mon lit.
- Fleur, Princesse. Je suis dans la même classe que vous.
- Ah, c'est donc vous, la servante qui avait demandé à s'instruire.
- Oui Princesse.
Je l'observai, elle n'avait pas l'air bien plus âgée que moi. Elle était très mignonne, cela dit. Personne aux alentours, nous étions seules.
- T'as quel âge?
Elle releva la tête en sursautant, surprise de mon tutoiement soudain.
- Relax, il n'y a personne ici à cette heure-ci, et tu le sais. Tu peux m'appeler Mira et me tutoyer, quand on est seules.
- Ce n'est pas très professionnel... hésita-t-elle.
- S'il te plaît, Fleur.
Elle soupira en posant ses yeux dans les miens, un air mécontent sur le visage, mais j'y voyais aussi de la résignation.
- Très bien. Déjà, bon anniversaire, je n'ai pas pu vo... te le souhaiter hier. J'ai dix-sept ans, mais dans deux mois j'en aurai dix-huit. Pourrais-tu te dépêcher pour la douche? Je dois aussi aller m'habiller pour notre première classe.
- Tu pourrais aller récupérer tes habits de ta chambre et venir te changer ici le temps que je prenne ma douche, non? Ce sera plus simple pour toi.
Elle hocha la tête en souriant légèrement. Elle s'approcha de moi et tendit timidement sa main vers moi, comme pour serrer la mienne. Je lui lançai un regard d'incompréhension rempli de curiosité.
- Amies?
Je souris, un léger rire sortant de mes lèvres. Je lui serrai donc la main, amusée. Elle souriait aussi, ses yeux étaient jolis, et brillaient comme deux pierres précieuses. Cette couleur violette me rappelait les tendres lilas qui recouvraient nos jardins lorsque le printemps pointait son nez.
- Amies. affirmai-je.
Elle me fit un grand sourire et partit de la chambre avec entrain en fermant la porte derrière elle. Je pris les habits qu'elle m'avait apportés et me dirigeai vers la salle de bain. Je posai mes habits propres au sol et pris les habits sales de la veille. Rapidement, je les lavai à l'eau froide et au savon, ne laissant aucune trace du sang versé la veille. Je les séchai grâce à la chaleur des flammes que je pouvais générer et mis les habits dans le bac à linge sale. J'entrai dans la douche, le jet d'eau froide ne me faisant rien. Comme d'habitude, je me lavai les cheveux puis le corps. Je ne pouvais pas me sécher avec mon pouvoir car j'entendais déjà Fleur revenir.
- Mira?
- Je suis à la salle de bain, je m'habille.
- Je t'attends, alors.
Je séchai néanmoins mon corps et un peu mes cheveux, jusqu'à ce que l'eau ne perle plus. J'enfilai la robe que ma nouvelle amie m'avait apportée et tentai de serrer le corset par moi-même mais je n'y parvint pas. Je sortis donc avec le dos de ma robe ouverte après avoir ouvert une fenêtre pour aérer la pièce. Fleur avait déjà enfilé ses pantalons et enfilait son haut par dessus le bandage qui soutenait sa poitrine. Elle me vit et sourit en boutonnant son haut.
- Viens par ici, je vais t'aider à attacher ton corset.
Je m'approchai d'elle et lui montrai mon dos, soulevant mes longs cheveux. Elle ferma le corset, le laçant jusqu'au dessus. Elle le serra fort, comme d'habitude, et je dû prendre quelques secondes pour m'habituer.
- Va t'asseoir, je vais te faire tes cheveux. Tu veux quelque chose en particulier?
- Pas vraiment, fais quelque chose de pratique. Une tresse, par exemple.
- D'accord, je fais ça.
Je m'assis dans la chaise face au miroir et elle s'activa derrière moi, manipulant mes cheveux avec douceur et patience. Elle commença par les brosser pour les sécher un peu, puis commença à composer la tresse que j'avais demandé. Lorsqu'elle eut fini, elle attacha mes cheveux et sourit.
- Parfait, tu es prête à aller en cours!
- Merci Fleur. souriai-je en me levant. Allons-y?
Elle hocha la tête et se dirigea avec moi en dehors de ma chambre. Ma tresse tapait le bas de mon dos à chaque pas que j'effectuais, dans un rythme que je trouvais apaisant. Fleur était derrière moi, je menais donc la marche vers notre classe de cours. Eden y était déjà. Il semblait être un peu perdu. Zogan avait l'air d'être en retard. Encore. Trois autres nobles attendaient de l'autre côté du couloir. Ces derniers inclinèrent le buste en baissant la tête en signe de respect.
- Princesse Mira.
Je ne pris pas la peine de répondre. Ce n'est pas comme s'ils attendaient une réponse de ma part. Ils ne le faisaient que par devoir, ces gens là ne faisaient que m'envier. Ils étaient tous jaloux. Et bien sûr, jamais ils ne salueraient Fleur. Ils ne connaissaient probablement même pas son nom.
- Salut Mira... me salua Eden avec un air malaisé sur le visage.
- Salut Eden.
Les autres nous jetèrent des œillades avec un air jaloux sur le visage. Je me mis à côté d'Eden, Fleur me suivit, probablement intriguée par Eden comme elle ne l'avait jamais rencontré.
- Bien dormi? nous demanda-t-il.
- Oui, plutôt bien. Et toi?
- Bien, le lit est très confortable.
- Contente qu'il vous plaise, Monsieur Curran-Katz. Votre chambre est juste à côté de celle de la Princesse Mira.
- C'est bon à savoir. lui sourit Eden. Merci.
Je soupirai légèrement en croisant le regard de mon futur mari, je lui lançai un air agacé, aucun il répondit par un regard qui me demandait quel était le problème. Je secouai la tête, abandonnant pour le moment.
- Princesse Mira?
Je me tournai vers une femelle un peu plus jeune que moi, de notre classe qui se trouvait de l'autre côté du couloir. Elle devait avoir quelque chose comme quinze ans. Je ne l'aimais pas du tout, elle arborait toujours son air perfide et supérieur, comme si elle était la prochaine reine sur le trône à ma place. Je ne connaissais même pas son nom. Elle était insignifiante. Juste un pion sur un échiquier. Je posai mes yeux noirs dans les siens. Ils étaient de couleur miel. On aurait dit qu'ils brillaient un peu. D'une couleur si similaire au miel, qu'on pourrait les confondre. Peut-être que ça goûterait aussi bon? Je ricanai dans ma tête, me demandant vraiment quel goût avaient les yeux. Quelle pensée bizarre. Je souris à la femelle, elle baissa la tête.
- Oui? dis-je enfin.
Elle redressa la tête. Elle n'avait plus l'air aussi sûre d'elle, d'un seul coup. Ce qui agrandit mon sourire.
- Bah alors, il est passé où, ton air supérieur? Mademoiselle ne se prend plus pour une reine, maintenant que la future reine est en sa présence? ricanai-je.
Je n'aurais peut-être pas dû, mais l'expression de son visage valait son lot en or. Ses yeux évitaient les miens. Je sentais les regards d'Eden, de Fleur et des amis de la femelle aux yeux de miel sur moi, qu'ils voient qui était vraiment la future reine. Je jubilais, l'extase courait dans mes veines, j'aimais ma supériorité. Cette discussion était un combat, et j'avais très clairement le dessus. J'aimais cette sensation d'exaltation.
- Je... Je voulais juste vous dire que je trouvais votre robe très belle...
- Que de mieux que me flatter pour avoir ma sympathie? me moquai-je en riant avec mépris.
Son visage rougit et elle baissa la tête d'embarras. Elle s'inclina ensuite et recula. Je détournai les yeux, j'avais gagné. Eden me fixait d'un drôle d'air. Un silence inconfortable dont j'étais maître planait sur le petit groupe. La tension était palpable. Soudain, Zogan arriva presque en courant, brisant l'atmosphère qui avait commencé à se faire lourde. Je souris en me tournant vers lui.
- Je suis en retard??
- Bonjour Zogan, je vais bien et toi? riai-je. Tu es pile à l'heure.
- Ah ouf! Je me suis réveillé un peu tard.
- Comme d'habitude!
- Prince Zogan. le saluèrent les autres en s'inclinant légèrement.
Notre professeur s'avança dans le couloir sans même nous regarder. Il entra dans la salle, laissant la porte ouverte pour nous inviter à entrer. J'entrai en première, suivie de mon frère, Eden, du groupe des insupportables et de Fleur, qui entra en dernière au vu de son rang bas. Nous nous assîmes à nos places, mais Fleur piqua la place de Zogan, pour se mettre à côté de moi.
- Désolée, Prince Zogan.
- Aucun problème, je vais aller me mettre à côté d'Eden.
Fleur hocha la tête et s'installa sans m'adresser un mot. Ce n'est que lorsque le cours commença qu'elle me fit don de son attention en se tournant discrètement vers moi. Mes oreilles se dressèrent légèrement, lui notifiant qu'elle avait mon attention.
- Tout à l'heure, ton regard, il faisait peur, Mira. me chuchota Fleur. Tu avais l'air effrayante, on aurait dit que tu étais prête à la tuer... Qui es-tu vraiment?
Mes yeux se plantèrent dans les siens. L'angoisse me bouffait le ventre mais je n'en montrais rien.
- La future reine d'Angélique. Je me dois de montrer ma supériorité, sinon le peuple ne me respectera jamais, et les nobles ignoreront ma voix. C'est tout.
- Il y a d'autres moyens que la peur...
- Et si on échangeait nos places, pour voir un peu comment tu ferais, à ma place?!
- Silence, mesdemoiselles! nous rappela à l'ordre notre professeur. Sinon c'est dehors.
Je me retournai vers le tableau, sentant malgré tout le regard de Fleur posé sur moi. Je lâchai un petit soupir de soulagement lorsqu'elle se détourna enfin. Le cours continua donc, ennuyant à mourir. Le prof blablatait sur les Hypodons, sur les Dragons, ou une histoire comme ça.

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- Ce cours était hyper intéressant! s'exclama Eden lorsque nous sortîmes de la salle de classe. Ah, Mira, ta mère m'a dit qu'on devait passer nos après-midis ensemble, pour faire connaissance, ça te va?
- Si ma mère le dit, c'est qu'on n'a pas le choix, Eden.
Je souris devant son air gêné. Fleur nous fit un signe de la main en s'éloignant, elle devait travailler à la cuisine pour le repas de ce midi. Je me dirigeai vers le couloir des chambres, suivie d'Eden, et entrai dans la mienne. Mon futur mari marqua un temps d'arrêt, hésitant.
- Je peux entrer?
- T'es timide ou quoi? En plus, tu es déjà venu ici. Et puis, ce n'est que la chambre de la future Reine et de ta future femelle. Allez, entre, fais pas ton timide avec moi.
Il entra donc tandis que je m'asseyais sur mon lit en enlevant mes chaussures. Il ferma la porte avant de porter un regard sérieux sur moi. Je fronçai les sourcils, intriguée.
- On pourrait se faire tuer. dit-il d'un coup.
- Mais non, si on se marie, même si j'aime les femelles et toi les mâles, on aura aucun problème. Suffit de faire une descendance.
- Mais je ne veux pas avoir de descendance avec toi!
Je me levai d'un coup, me rapprochant de lui rapidement, le regard empli de colère et d'amertume.
- Parce que tu crois que moi j'ai envie d'enfants? Parce que tu crois que j'ai choisi cette vie, que j'ai choisi d'aimer les femelles juste pour me faire tuer et souffrir inutilement parce que je suis mariée à un mâle que je ne désirerai jamais? Je ne pourrai jamais trouver l'amour, enfermée dans ce château, il me sera imposé, et ce ne sera jamais de l'amour, jamais! Je ne t'ai pas choisi, ce n'est pas de ma faute que tu es ici, alors va te plaindre à mes parents si t'en viens l'envie, mais ne reporte plus jamais ton malheur sur moi! Je suis autant victime des décisions de mes parents que toi! On est à deux dans cette merde, mets toi bien ça dans le crâne.
- Je l'ai dit à ta mère. Elle veut qu'on parte d'ici pour être heureux.
- Bien sûr que non. Où tu veux qu'on aille??
- C'est le Général Thra. Il va bientôt venir avec un soldat. On devra partir avec eux. La Reine fera ce qu'il faut pour qu'on parte.
Un frisson me parcouru. Nawim Thra. Ma cible. Ma mission la plus importante. La mission de ma vie, que je ne pouvais absolument pas rater. Celle à mettre en marche le plus tôt possible.
- Ils arrivent quand?
- Ce soir.
Plus tôt que prévu. Le timing était parfait. Je commençais à en avoir marre d'être enfermée. J'eus un petit sourire, qui se transforma en pouffement jusqu'à ce que j'éclate de rire devant l'air surpris d'Eden.
- Putain t'as pas fait ça! T'as osé le dire à ma mère alors qu'elle pourrait nous buter tous les deux?? J'espère que tu lui as rien dit sur moi!
- Si...
- Je vais te défoncer. Sors d'ici. Maintenant!!
J'étais déseperée, ce n'était pas comme ça que je voulais finir ma vie, putain... Mon ton empli de colère le fit sursauter et il sortit plus vite que nécessaire, sa peur se lisait sur son visage comme si elle était gravée au fer rouge.