Éris était en train de nettoyer la cuisine lorsqu'une voix résonna dans sa tête.
Corbel Éris?
Ce dernier sursauta. Il savait qui venait de lui parler. C'était la voix qu'il attendait depuis deux mois. Il se redressa et sortit de la cuisine.
- Monsieur Err? appela-t-il.
- Oui, Éris? dit le gérant de la taverne.
- Nous devons partir.
- Maintenant?
- Oui, si possible.
- Eh bien, ma foi, oui. Merci pour vos services, à toi et à Orion.
Le Corbel sourit.
- Merci à vous de nous avoir accueilli pendant si longtemps.
- Ce n'est rien! Un peu de compagnie m'a fait beaucoup de bien.
Corbel Éris. Nous sommes dans la forêt, près de la ville. Nous savons que vous êtes là. Sortez quand vous pouvez, nous vous attendons.
- Pouvez-vous aller prévenir Orion? Je vais aller prévenir notre Maître.
- Aucun problème, file!
Éris se débarassa de son tablier et courut vers la boulangerie, y entrant en trombe.
- Maître Artae! Nous devons y aller!
L'Humain se redressa, se tournant vers le nouvel arrivant avec un air étonné sur le visage.
- Maintenant?
- Oui. acquiesça-t-il.
- J'arrive. Va déjà préparer ton sac. Orion est prévenu?
- Oui. À tout de suite.
Il retourna dans sa chambre à l'auberge, se changea vite fait et entassa ses autres habits dans son sac, le jetant sur une épaule, rejoignant Orion qui était déjà prêt, il attendait en bas. Artae entra en trombe, se précipitant vers sa chambre. Orion et moi rendirent nos clés en remerciant le vieux monsieur, et après deux petites minutes, Artae nous rejoignit, tenant, lui aussi sa clé. Comme nous n'avions besoin de rien payer, Artae tendit une grosse liasse d'argent comme pourboire, et les trois amis filèrent, marchant vite, presque en courant, le sac d'Artae rempli d'eau et de nourriture pour le voyage. Ils sortirent de la ville paisible, s'enfonçant dans les sous-bois.
Vous voilà.
Une tête grise aux yeux bleu profond se montra, sortant d'entre les fourrés.
Montez. Ne perdons pas de temps.
Éris monta sur Hyo, Orion sur Eir et Artae sur Dho. Ils commencèrent à Marcher entre les branches, trouant la cime des arbres, se retrouvant bien assez vite dans les cieux. Il n'y avait que peu de nuage pour les dissimuler, et Artae ne pouvait pas monter trop haut, au risque de manquer d'oxygène.
Ok, nous en avons pour trois jours de voyage non stop. Donc installez-vous bien et profitez de la vue. j'espère que vous avez prévu de quoi manger pour l'Humain...
- Oui, aucun souci!
Vous avez bonne mine. fit remarquer Eir.
- Merci. répondit Orion.
✢✢✢
Le Soleil venait de se coucher, et les montagnes étaient de plus en plus proches. Ils Marchaient tranquillement, l'air supportant sans mal leurs poids combinés. Ils arrivèrent enfin à la fin de ce voyage. Éris était crevé, avait la dalle, et n'en pouvait juste plus. Orion était dans le même état, c'était Artae qui avait les biens en sa possession, et il était à court de nourriture, donc il se rabattait sur l'eau. Soudain, Hyo accéléra.
On arrive dans cinq minutes. annonça ce dernier.
Le prince hocha la tête et fixa le pan de montagne devant eux. Hyo accéléra encore, suivi par les autres. Il s'approcha dangereusement de la paroi, et même si Éris savait que ce n'était qu'une illusion, il mit les bras devant son visage pour se protéger, mais aucun choc ne vint. Il souffla en tentant de se détendre. Hyo se posa doucement sur la grande plate-forme et s'ébroua, satisfait.
Parfait! Nous y sommes!
Il fit un sourire à Éris alors qu'il descendait de son dos, les jambes endolories. Artae et Orion le rejoignirent et ils observèrent la ville qui s'étendait sous leurs yeux.
- Pas mal, hein? fit remarquer le Corbel.
- Impressionnant! rit Artae.
Eir s'avança vers eux et baissa la tête.
Alors? On fait quoi?
On attend que quelqu'un vienne. dit Hyo.
Toujours à faire ton Chef, toi... râla-t-elle en secouant la tête.
Hyo haussa les épaules.
Pas trop le choix, avec des abrutis pareils comme subordonnés...
Il rit, se pliant sur le côté lorsque Dho tenta de lui mettre un coup de patte dans les côtes. Éris observa au loin. Une femelle venait vers eux, lance à la main. Avec ses cheveux noirs ondulés, on aurait dit une déesse. Sa peau était aussi noire que celle d'Orion. Artae avait la bouche entrouverte.
- Ah ouais. C'est chaud chez vous...
Le Corbel ricana.
- Fais gaffe, tu vas avaler une mouche. Où une Corbel, à voir.
Il referma la bouche en foudroyant le prince du regard. La Corbel en question se posa devant eux, sa lance pointée vers eux.
- Déclinez vos identités. Immédiatement.
- Artae, Humain. dit-il, un air ridiculement respectueux peint sur la face.
- Orion, Elfe.
Ce dernier ne lui avait même pas jeté un regard.
- Éris, Corbel. se présenta-t-il, mains dans les poches.
Elle jeta un œil aux Hypodons qui accompagnaient les nouveaux venus.
Hyo, Hypodon.
Dho, Hypodon, petit être.
Eir, aussi Hypodon, que je sache, petite Corbel. À moins que tu ne sois aveugle?
Eir renifla pour montrer sa désobligeance envers la femelle. Cette dernière se renfrogna.
- J'ai compris, merci.
Je passai une main dans mes cheveux blancs lorsqu'elle se tourna vers moi.
- Excusez-moi... Vous êtes bien Éris? Je veux dire... Le frère de Mira et Zogan?
Ce dernier fronça un sourcils.
- C'est bien ça.
Elle déglutit et hocha la tête.
- J'imagine que ceux qui vous accompagnent sont dignes de confiance, et que vous êtes là pour Nawim... Malgré le fait que l'un d'eux est Human...
- Encore une fois tu as raison.
Elle s'inclina rapidement.
- Je suis Floralie, une amie de Nawim. Permettez moi de vous accompagner jusqu'à chez lui. Il est en... difficulté, en ce moment même.
Orion leva enfin la tête vers elle et écarquilla légèrement les yeux avant de vite se renfrogner. Éris hocha la tête tandis que la femelle étirait ses ailes, prête à s'envoler.
- Toi, l'Humain. dit-elle en désignant Artae. Viens.
Artae s'approcha, tout de même prudent. Floralie le retourna, dos à elle, et passa ses bras autour de son ventre. Elle battit ensuite des ailes et s'envola. Éris soupira et prit Orion de la même manière pour la suivre. Les Hypodons les talonnaient, Marchant tranquillement. La Corbel se dirigea vers la bâtisse de Nawim et se posa à l'entrée, lâchant Artae qui avait l'air content de son petit voyage. La belle femelle entra en faisant signe aux voyageurs de la suivre. Éris avait la boule au ventre. Comment est-ce que Nawim allait réagir?
- Majesté, je suppose que vous désirez prendre du repos dans la chambre de Nawim? Il y est en ce moment.
Il se tourna vers elle.
- Oui.
- Montez les escaliers, et dernière porte à gauche. Je préviendrai la Chef de votre arrivée.
- Merci beaucoup.
Il salua le reste de la troupe de la main.
- Ne faites pas trop de bêtises, je vous retrouverai demain matin. dit-il avant de filer se réfugier dans la chambre de Nawim.
Lorsqu'Éris ouvrit la porte, qui avait l'air d'avoir été malmenée, une odeur de sale attaqua ses narines. Il entra et referma la porte derrière lui. Ça sentait Nawim tout de même. Alors il ferma les yeux, respirant Nawim. Il laissa la place à un petit sourire sur ses lèvres. Il se rapprocha du lit, où une grande masse était couchée. Il s'accroupit devant le visage endormi de Nawim. Les ailes de celui-ci couvraient entièrement son corps et une partie de son visage. Sa respiration était lente et rythmée, s'écrasant sur le visage d'Éris. Sa main se leva, et son index vint caresser la joue barbue de l'Ophis, de sa pommette droite à son menton. Éris en eut la chair de poule. Ce touché lui avait tant manqué. Le souffle de Nawim se vit soudain perturbé. Il atteignait le visage d'Éris plus rapidement. Nawim entrouvrit alors les yeux. Éris sentit son cœur chavirer, entre la peur de sa réaction et la joie de le revoir.
- Bonsoir. souffla-t-il, ému de tomber sur ces yeux bleus qui lui avaient tant manqué.
- Éris... répondit-il sur un ton bas. Tu es revenu...
Il lui sourit doucement.
- Bien sûr. Je m'inquiétais pour toi...
La main de Nawim atterrit doucement sur le visage du prince, comme pour le palper, comme pour vérifier qu'il était vraiment là.
- Ça va? demanda Éris.
- Juste un peu fatigué...
Éris passa rapidement une main dans ses cheveux bouclés avant de se relever.
- J'arrive. dit le Corbel. Ça te dérange si j'ouvre une fenêtre? Il fait déjà noir dehors.
Comme Nawim ne répondit pas, même s'il s'était assis pour observer les mouvements du Corbel, ce dernier alla ouvrir la fenêtre et respira un grand coup d'air frais. Il alla ensuite ouvrir l'armoire et en sortit un pull de Nawim. Il enfila et alla rejoindre Nawim. Le lit s'affaissa sous son poids lorsqu'il s'assit à côté de l'Ophis, qui n'avait pas l'air très content.
- Tu es revenu. dit-il, comme s'il venait de réaliser.
- Oui. Je suis là, Nawim. dit-il doucement.
- Tu ne devrais pas être là, je t'ai dit que je ne voulais plus te voir.
Le grand mâle se recoucha avant de tourner le dos à Éris.
- Je peux partir de la chambre, si tu veux. proposa Éris d'un ton hésitant. Mais je n'ai nulle part d'autre où aller. J'aimerais revoir Mira et pouvoir faire la connaissance de Zogan. Je n'ai nulle part où aller. Les personnes les plus importantes pour moi sont toutes ici.
- Retourne chez tes Humains.
- Ce ne sont plus les miens. Ils m'ont enfermé dans leurs cachots avant que des amis ne me fassent échapper.
- Je m'en fous.
- Je me doute. Je suis désolé de m'imposer. Je peux m'en aller, trouver une autre chambre et faire en sorte de ne plus jamais t'adresser la parole, si tu veux.
Nawim se tourna enfin vers lui, se mettant sur le dos. Éris sentait le poids de son regard sur lui.
- Tu m'as manqué.
Sa voix était un murmure presque inaudible, même pour les oreilles d'Éris. Un bras vint soudain s'enrouler autour du ventre de ce dernier, le tirant vers Nawim. Son dos se retrouva contre le buste de Nawim, et le visage de guerrier contre la nuque du prince. Surpris, ce dernier laissa échapper un petit cri, avant de rire doucement et de fermer les yeux.
- Tu m'as manqué aussi, Nawim.
- Reste. demanda-t-il. Juste pour cette nuit.
- Une nuit d'adieu..?
- Oui. Désolé. Dors bien Éris. dit-il dans son oreille.
- Dors bien Nawim.
Éris ferma les yeux, l'esprit habité d'une profonde tristesse. Il se lova contre Nawim, profitant de ces derniers moments à ses côtés. Les bras de Nawim semblaient s'accrocher au prince, sans vouloir le lâcher ne serait-ce qu'une seconde. Éris s'endormit rapidement, sentant la respiration de Nawim ralentir et redevenir stable. Le seul bruit ambiant était celui de leurs cœurs scarifiés battant à l'unisson.
✢✢✢
On toquait à la porte, ce qui réveilla les deux mâles. Nawim grommela et serra Éris plus fort.
- N'y va pas...
Éris sourit doucement, se laissant fondre contre lui.
- Je reviens après, promis. Même si tu ne veux pas.
- Si, reviens... murmura le Général.
Nawim relacha sa prise sur Éris à contre cœur. Ce dernier se leva et alla ouvrir la porte, encore tout imprégné de sommeil. Il passa sa main sous son t-shirt pour gratter son ventre tout en ouvrant la porte.
- Oui?
Une femelle d'âge mûr se présenta devant lui. C'était celle de la dernière fois qu'il était venu, la Chef.
- Bonjour. Éris, je présume?
Il acquiesça sans répondre.
- Il faut que tu dises à Nawim de bouger son cul. Cahira est revenue il y a trois jours déjà. On vous attend tous les deux dans la salle du conseil d'ici une heure. Désolée de vous réveiller si tôt, mais Cahira n'est pas sortie de chez elle depuis qu'elle est revenue de mission seule. Mira et Zogan ont disparu.
- Oh... Je vois, d'accord.
- Rendez-vous dans une heure, Nawim sait où est la salle de conseil.
Éris hocha la tête encore une fois, avant de refermer la porte. Il s'accroupit devant le lit, faisant face à Nawim.
- Nawim? Je suis désolé, mais il va falloir te lever...
Éris s'approcha de lui.
- Je ne veux pas...
- Je sais, mais il faut faire un effort. Je resterai avec toi si tu veux, d'accord? Je peux t'aider à te préparer. Mais il faut que tu te bouges le cul, Nawim. Je sais pas ce que tu fous, ni combien de temps t'es resté enfermé ici, mais va falloir te lever un jour ou l'autre. Mira et Zogan ont disparu, on doit aller les aider.
Nawim leva les yeux vers lui d'un coup, une expression choquée sur le visage.
- Allume la lumière. dit-il en tentant de s'asseoir.
Éris alla appuyer sur l'interrupteur, la lumière jaillit de l'ampoule accrochée au plafond et Nawim plissa les yeux sous le coup de la lumière soudaine. Le prince lui lança un regard légèrement inquiet.
- Tu peux le faire. Tu penses pouvoir y arriver seul? Ou bien tu veux mon aide?
Les ailes noires de Nawim disparurent, et son corps affaibli apparut. Il réussit à s'asseoir doucement mais sûrement. Son regard croisa celui d'Éris. Il avait l'air si fatigué, tellement épuisé. Ses cheveux étaient presque trop longs, ses boucles s'étaient déclarées la guerre et sa barbe lui rongeait le visage. Ses yeux ressemblaient à deux puits bleu foncé sans éclat aucun. Son nez légèrement bossu semblait affaissé, tout comme sa grande stature.
- Un peu d'aide ne me fera surement pas de mal. Merci Éris.
Ce dernier sourit légèrement et lui tendit la main. Nawim hésita à la prendre, son regard semblait partagé, comme si le guerrier était indécis, mais Éris ne sembla pas le remarquer.
- Aucun problème.
Nawim prit finalement la main du prince et tira dessus pour se mettre sur ses pieds, et une fois debout, il happa Éris dans ses bras, le serrant fort contre lui, la tête dans le creux de son cou.
- Je suis désolé, Éris. Tellement désolé. Tu ne méritais pas d'être traité comme ça.
- Ne t'inquiète pas, Nawim. répondit le Corbel en le serrant contre lui. Je suis là maintenant. C'est du passé.
- Je n'aurais pas dû te dire que je ne voulais plus jamais te revoir. Ce n'était pas vrai.
La voix du Général tremblait légèrement tandis qu'Éris caressait ses cheveux emmêlés.
- Tout ce que je voulais, c'était de te serrer contre moi et ne jamais te laisser partir. Parce que je savais que si je te laissais partir, je ne te reverrais plus jamais.
Éris rit doucement avant d'embrasser les cheveux de l'Ophis.
- Alors fais ça. Ne me lâche plus jamais.
- Mais Mira...
- Ma soeur? En quoi elle poserait problème?
- Tu te rappelles de ce que je t'ai dit? Votre mère m'a fait promettre de la marier lorsqu'elle sera en âge de monter sur le trône, d'ici deux années.
- Seulement si vous tombez amoureux l'un de l'autre, non?
- C'est vrai, mais... C'étaient ses dernières paroles.
- Je suis sûre qu'elle voudrait que tu te maries avec Mira, mais elle voudrait surtout que sa fille soit heureuse, et que toi aussi, tu sois heureux.
Nawim se redressa tout en restant tout contre Éris. Ce dernier leva la tête en suivant le mouvement de Nawim. Leurs yeux se rencontrèrent. Ils s'étaient capturés l'un l'autre. Plus rien d'autre n'existait. Juste Nawim et Éris. Juste eux et rien d'autre. Juste leurs nuances de bleu au milieu d'un monde grisonnant. Le guerrier prit une grande inspiration, son regard troublé devint vif, sûr de lui.
- Ce n'est pas ta sœur que j'aime. Ça n'a jamais été elle.
Nawim sourit doucement avant de poser son front contre celui du prince.
- C'est toi, Éris, ça a toujours été toi. Depuis le début, sans cesse. Partout où j'allais je te cherchais du regard, partout où j'allais j'espérais que tu serais là, d'une manière ou d'une autre. Que nos regards se croisent et que tu m'offres un grand sourire. Que je puisse te tenir à nouveau dans mes bras, que je puisse à nouveau sentir ton odeur. Je n'ai jamais cessé de t'aimer, Éris Wyten. Jamais. Je n'ai pas passé un jour sans penser à toi.
- Nawim...
- Je ne m'attends pas à ce que mes sentiments soient réciproques, et je ne te demande rien. Tu peux partir quand tu veux, je ne te retiendrai pas. Pas après ce que je t'ai fait subir.
- Nawim. Toutes ces années je t'ai cru mort. Je pensais que je ne te reverrais plus, que mon premier et unique amour avait disparu pour de bon. Et puis... J'ai entendu ton nom. Je t'ai revu le jour même. C'était comme si on m'avait réveillé d'un mauvais cauchemar. Comme si ce manque qui s'était creusé un peu plus chaque jour dans ma poitrine s'était rebouché d'un coup.
Éris posa ses mains sur les joues de Nawim, le regardant droit dans les yeux. Le jeune prince avait les larmes aux yeux sous le coup de l'émotion.
- Alors, Nawim, je refuse de te perdre encore une fois. Je refuse de revivre ce que j'ai vécu pendant près de douze ans. Je refuse de te laisser me dégager. Je refuse de te quitter.
L'Ophis le serra plus fort contre lui et approcha son visage de celui du Corbel, presque timidement. Éris sourit doucement et posa délicatement ses lèvres sur celles de son bien-aimé. Leur tendre étreinte se resserra et le baiser s'approfondit. Éris avait l'impression de respirer pour la première fois depuis une dizaine d'années. Ses bras s'enroulèrent autour de la nuque de Nawim. Les bras de ce dernier l'étouffaient presque, mais Éris s'en foutait. Il avait retrouvé celui pour qui il avait continué à vivre toutes ses années malgré son absence pesante... Les ailes de Nawim les entourèrent, les enfermant dans une petite bulle d'amour. Éris se recula juste assez pour pouvoir parler.
- On devrait se préparer... Les autres-
Il se fit interrompre par les lèvres de Nawim sur les siennes. Il rit doucement et lui rendit son baiser, amusé par son comportement. Nawim finit par briser leur doux contact en douceur, tout en restant contre Éris.
- Je n'aurais jamais dû te repousser...
Le prince Corbellique rit doucement.
- J'aurais fait la même chose, Nawim. Tu étais choqué et en colère... Je comprends, je n'aurais pas dû me ramener comme une fleur, comme si j'en avais le droit.
- Sur moi, tu as le droit de tout... murmura l'Ophis d'une voix presque inaudible.
Ses mains remontèrent dans le dos d'Éris, sous son t-shirt, laissant une traînée de frissons sur son passage.
- Tout tout tout? demanda-t-il d'un ton malicieux.
- Éris...
- Nawim.
Le Corbel trouvait ce petit jeu extrêmement drôle. Se foutre de la gueule de Nawim avait toujours été son occupation favorite.
- Ce n'est pas drôle.
Nawim rit doucement et une de ses mains vint trouver la fesse gauche de son amoureux.
- Ça c'est très drôle, avoue.
- À peine on se retrouve après douze ans et t'es déjà comme ça... Je ne vais jamais survivre en couple avec toi, c'est dommage... ricana Éris.
- Pff, t'es vraiment pas sympa.
Il posa brièvement ses lèvres sur celles du prince.
- Putain je crois que je ne m'en lasserai jamais.
Éris rit doucement.
- Aller, ne les faisons pas trop attendre, ils risqueraient de se fâcher tout rouge.
Le Corbel se détacha de l'Ophis à contre-cœur.
- Ris, attends... Juste pour être sûr... Que sommes-nous?
Éris lui sourit.
- Que veux-tu être? Sex friends? Coup d'un soir? Ma maîtresse? Mon concubin? Ou peut-être... Mon amoureux? Mon compagnon? Mon petit ami?
- Ris tu m'énerve déjà. dit Nawim sur un ton faussement désespéré. Je te veux toi, en entier. Je veux être avec toi pour le reste de ma vie.
- Ah! Va falloir parler avec ma secrétaire, pour qu'elle te mette sur la liste des prétendants. Je ne veux pas être prétentieux, mais la file est plutôt longue...
Nawim le regarda d'un air ahuri avant de le pousser sur le lit pour s'allonger sur lui de tout son long.
- Voilà, emprisonné. Comme ca personne d'autre ne peut t'avoir et la file ne te sert plus à rien.
Éris rit en essayant de se libérer. Nawim, fier de lui-même, ne le laissa pas faire. Soudain, Éris vit une lueur étrange dans les yeux de l'Ophis. Des doigts fins trouvèrent les côtes du prince, qui se tortilla soudain dans tous les sens, des larmes de rire aux yeux. Il tenta vainement de se soustraire à l'emprise de l'Ophis, qui ne le laissa pas faire.
- Nawim! cria-t-il entre deux rires.
- Oui Éris? Tu as quelque chose à me dire? Quelque chose comme... Il n'y a pas de liste, ça a toujours été toi le seul et unique candidat?
Il le laissa respirer un peu tout en appliquant son poids sur le corps du prince pour éviter qu'il ne se barre.
- En fait... Il y en avait un autre quand t'était pas là... Mais maintenant c'est toi à nouveau, hein! Ne le prends pas mal!
Nawim rit doucement.
- Du moment que maintenant c'est moi.
- Tu peux me lâcher, maintenant?
Nawim embrassa Éris avant de se relever. Une fois debout, Éris fondit sur les lèvres du Général, le prenant par surprise. Ce dernier rit légèrement et serra délicatement Éris contre lui.
- Aller, faut arrêter de traîner. On nous attend...
Nawim se renfrogna mais consentit à lâcher Éris. Le Corbel le prit par l'avant bras et le tira vers la salle de bain. Éris prit un tabouret qui était près de la porte et l'installa face du miroir, invitant Nawim à s'y installer. Il ouvrit les volets et l'unique fenêtre pour aérer la pièce. Tant de lumière d'un coup fit plisser les yeux de Nawim, mais il ne s'en plaignit pas. Le guerrier s'observait dans le miroir comme s'il ne se reconnaissait pas tout à fait. Il avait un air qui faisait vraiment pitié. Ce que montrait le miroir n'était pas le grand guerrier que tout le monde connaissait et craignait. En ce moment même, il était dur de croire que seul son nom donnait des frissons d'effroi aux Humains. Ce que montrait le miroir était tout l'inverse. Juste un mâle brisé par la vie, fatigué de se battre, avec les épaules affaissées. Il n'avait miraculeusement perdu aucun muscle, seulement sa forme habituelle. Éris ouvrit le meuble de bois qui trônait en dessous du miroir, et se saisit d'une paire de ciseaux, une brosse à cheveux et un peigne.
- J'aimerais te couper un peu les cheveux, sauf si tu ne veux pas. Juste les pointes pour rafraîchir tes cheveux. Ça te va?
- Oui, c'est bien. J'aimerais les laisser pousser, mais en prenant soin d'eux.
Éris hocha la tête et déposa les ciseaux sur le lavabo, à côté du peigne et de la brosse à cheveux. Il se saisit de cette dernière et la fit tourner dans l'air, la réceptionnant par le manche. Il se positionna ensuite derrière Nawim et commença à démêler ses cheveux en silence.
- Au fait, Éris... Tu ne dois plus partir, si tu ne veux pas... murmura le guerrier après une petite minute. Mais tu peux rester. J'aimerais que tu restes.
Éris sourit, touché par ses mots.
- Merci Nawim. J'aimerais bien rester avec toi, si tu veux bien.
Il hocha la tête, son regard croisant celui du prince au travers du miroir. Soudain, quelqu'un toqua à la porte, les sortant de leur petite bulle. Un boulet de canon rentra dans la salle de bain, se précipitant sur Nawim. Une petite boule noire sanglotante s'était collée à lui. Le guerrier prit une petite femelle aux longs cheveux noirs dans ses bras en la berçant doucement. Il caressa les cheveux de la petite femelle.
- Bonjour Astrid...
- Nawiiiim! J'ai pensé que tu avais mourruuuuu! sanglota-t-elle dans le cou du grand mâle.
- Hé, c'est tout... Regarde moi, mon Astre... Je ne partirai plus jamais, d'accord?
Elle hocha la tête, avant que ses yeux ne se posent enfin sur Éris. Ses yeux avaient la même teinte que ceux de Nawim.
- C'est qui le monsieur? demanda-t-elle.
- Tu te souviens d'Éris? Je t'ai déjà parlé de lui.
- C'est toi Éris?
Elle descendit des genoux de Nawim pour venir près du Corbel afin de l'examiner sous toutes ses coutures. Elle finit par hocher la tête en souriant.
- Je t'aime bien! déclara-t-elle avec un grand sourire malgré les traces de larmes sur ses joues rougies. Ta peau ressemble beaucoup à Mira!
Éris rit doucement en se mettant à sa hauteur.
- Tu sais que tu as le même prénom que ma maman?
- Oui! Elle était belle. Mais ma maman l'est encore plus! dit-elle fièrement.
- Astrid, on arrive bientôt, d'accord? Je dois parler avec Éris encore un peu. En attendant, tu vas dans la salle du conseil avec les autres? On vous rejoint d'ici une vingtaine de minutes, tu leur dis?
- Oui!
Elle sourit, embrassa sa joue et fila. Éris referma la porte derrière elle et continua de démêler les cheveux noirs de Nawim, avant d'attraper les ciseaux.
- Elle lui ressemble beaucoup.
Nawim hocha la tête.
- Je ne sais pas trop quoi en penser. Elle ressemble beaucoup trop à notre mère. Elle veut croire qu'elle est toujours vivante, mais j'en doute. Elle n'a jamais connu nos parents. Ils sont partis peu après sa naissance.
- J'espère qu'un jour ils reviendront...
- S'ils sont toujours vivants.
Éris prit une mèche et en coupa l'extrémité morte, continuant tout autour, mèche après mèche. Il termina de couper et passa un dernier coup de brosse dans ses cheveux bouclés. Il déposa la brosse sur le lavabo et embrassa le crâne de Nawim.
- Allez, une douche ne te ferait pas de mal. Je ne pense pas que ce soit le bon moment pour penser à tout ça. Il faudra aussi raser ta barbe, par la même occasion.
- Tu dis ça mais tu ne sens pas bien mieux. D'ailleurs, faudra que tu me dise comment t'es arrivé ici.
Éris rit doucement.
- Tu vas être très surpris. Comme les autres, d'ailleurs. Nous expliquerons tout ça lors de la réunion.
Nawim hocha la tête et enleva ses habits sales. Il alluma le jet d'eau avant de se mettre sous l'eau chaude de la douche qui se réchauffait assez vite.
Éris le regardait avec sa mâchoire proche du sol. Nawim rit, amusé.
- Un problème Ris? demanda-t-il avec un sourire narquois sur son beau visage.
Il baissa la tête en rougissant, détournant le regard.
- Non, aucun...
- Alors tu peux me rejoindre, non? Il y a assez de place pour deux.
Éris secoua la tête sans oser lever le regard sur lui.
- Aller Ris, ce n'est ni la première fois que tu me vois à poil, ni la dernière. Je ne vais pas te manger. En plus on dormait tout le temps nus ensemble, tu te souviens?
- Oui mais là c'est différent... On est adultes, plus des enfants de huit ou neuf ans.
- Alors quoi? demanda Nawim en passant sa tête en dehors de la douche. Tu as une érection? Ne t'inquiète pas, moi aussi. Et elle commence à s'impatienter.
Éris s'empourpra immédiatement, sentant effectivement une tension dans son pantalon. Il finit par enlever lentement ses vêtements avant de rejoindre timidement Nawim, sans pour autant oser le regarder. Nawim tendit le bras vers la tête d'Éris, effleurant son oreille gauche. Éris frissonna.
- Arrête de faire ça...
Nawim s'était rapproché de lui. Éris le trouvait proche, trop proche. Trop nu. Car son regard était toujours baissé, et à présent posé sur la légère érection de Nawim.
- Aller, ne sois pas si timide.
Nawim le prit doucement dans ses bras, et Éris releva la tête. Il sentait le pénis de Nawim contre lui, près du sien.
- C'est embarrassant...
- De quoi?
- Du fait que j'ai fait l'amour avec quelqu'un d'autre que toi. C'était plus de la baise, mais bon...
Nawin s'étouffa avec sa salive et s'écarta de lui pour tousser.
- Avec qui?
- Orion... Il est venu avec moi ici.
- Pourquoi?
- Parce que j'étais connu comme ouvertement gay, je ne me cachais pas, mais je devais l'assumer. Sinon je n'aurais pas été pris au sérieux. Au début je voulais juste le présenter comme mon concubin, mais... disons que ça a un peu dérapé. Pour ma défense, je n'aurais rien fait si j'avais su que tu étais encore en vie.
Nawim rit doucement et ébouriffa les cheveux d'Éris.
- Je ne t'en veux pas, Ris. Tu as fait ce que tu devais. Mais il t'approche plus comme ça! fit-il avec une mine boudeuse.
- Bien sûr que non. rit-il doucement. Tu es le seul que j'aime. Il n'est que mon ami.
- Quelle race?
- Elfe. Il m'a dit qu'il était un Corbel avant.
Nawin hocha la tête avant de prendre le shampoing. Éris prit le savon et en étala sur tout son corps avant de rincer. Lorsqu'il allait prendre le shampoing des mains de Nawim, quelqu'un toqua à nouveau à la porte principale de la chambre.
- Éris! appela une voix bien connue de celui-ci.
Éris sortit de la douche en courant, laissant la porte de la salle de bain grande ouverte.
- Salut Orion! sourit-il en ouvrant la porte, toujours complètement nu. Tu t'es bien intégré?
Un jeune mâle massif à la peau chocolat noir aux cheveux noir lui rendit son sourire.
- Oui, très bien, même si je partage une chambre avec Artae. dit-il avant de poser ses yeux sur Nawim, qui le fixait d'un air mécontent.
- Orion. se présenta-t-il avec un regard froid. Le mari d'Éris. T'es qui pour te doucher nu avec lui? De quel droit tu touches à mon mari?
Nawim sortit de la salle douche pour se mettre à côté d'Éris avec un air pas content, lui aussi, totalement nu. Le regard du prince passait de l'un à l'autre, la tension entre les deux était palpable.
- Ah oui? Flash info, Orion le mari d'Éris, plus jamais tu ne l'approches. dit-il d'un ton glacial en passant un bras autour des épaules d'Éris, l'attirant contre lui.
Orion fixa Nawim quelques secondes avant d'exploser de rire. Sauf que le guerrier ne trouvait pas ça drôle du tout. Éris soupira silencieusement, ses muscles raidis se décontractant immédiatement. La situation aurait pu vite partir en cacahuète entre les deux.
- Nawim, c'est ça? Il rigole pas ton copain, Riri.
Éris pouffa en jetant un petit regard à Nawim.
- Fais attention à ce que tu dis, Orion, il est pas content, mon petit Ophis.
Il sourit innocemment et tendit le bras pour taper le bout du nez de Nawim de son index. Ce dernier se renfrogna, les joues légèrement rouges.
- Arrête Éris, il est gêné. ricanna Orion.
- Bon, laisse-nous prendre une douche tranquille, Orion. On arrive d'ici dix minutes. dit le prince en serrant légèrement Nawim contre lui.
- Oui Chef... Je rejoins Artae avant qu'il ne se jette sur une certaine Corbel. Évitez peut-être d'arriver nus à la réunion... D'ailleurs, il est pas mal, ton Ophis. dit-il avec un clin d'œil.
Éris lui tira la langue, un léger sourire aux lèvres, avant qu'Orion ne reparte d'où il était venu.
Le prince ferma la porte de la chambre avant de pousser Nawim vers la salle de bain.
- T'es jaloux, Nawim?
Oui, ça se lisait sur son visage, et Éris en était amusé. Il n'avait aucune raison d'être jaloux.
- Non. Tu fais ce que tu veux.
Éris rit doucement en rentrant dans la douche.
- Je dois finir de me doucher, tu te débrouilles pour te raser seul?
- Oui, ça devrait aller, merci.
Nawim lui fit un sourire en coin, le regardant avec tendresse. Tandis qu'Éris laissait couler l'eau à nouveau, Nawim prit un rasoir et le porta à sa barbe. Éris se lava les cheveux rapidement et avant de prendre un essui pour se sécher. Nawim passa le rasoir sur ses pommettes, ses joues, puis son menton, jusqu'à sa gorge, alors qu'Éris l'observait en frottant ses cheveux. Il l'aida ensuite à rincer son visage et à mettre les poils à la poubelle. La fenêtre étant déjà ouverte, ils sortirent pour s'habiller.
- Qu'est-ce-que je peux mettre? demanda Éris.
- Prends ce que tu veux, j'ai assez d'habits pour deux.
Nawim lui sourit en ouvrant fièrement son armoire. Éris rit doucement et piocha un pull gris clair, un caleçon bleu à motifs dorés assez discret, légèrement trop grand pour lui, et un pantalon noir, basic. Nawim opta pour du noir et du violet. Ce dernier alla fermer les fenêtres de la chambre en gardant les volets ouverts pour avoir de la lumière, et un peu de la douce chaleur que le Soleil leur offrait. Après ça, ils sortirent rejoindre les autres dans la salle du conseil, main dans la main, heureux d'être à nouveau ensemble et inquiets pour Mira et Zogan. Poussant la grande porte de la salle, les regards se tournèrent vers eux. Floralie portait Astrid dans ses bras, Artae et Orion étaient sur le côté, ensemble, un jeune mâle Humain blond était près de la femelle noire aux longs cheveux tressés, qui, elle-même se trouvait près de la Chef, et Aramis était près de Floralie. Nawim les salua d'un petit signe de la main, alors qu'ils s'avançaient pour prendre place autour de la table.