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Pythonisse
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Chapitre 9

Nous subsistâmes immobiles durant de longues secondes, en attente d’un mouvement de la cabine, d’un bruit de rotor qui nous avertirait de sa remise en marche, mais le silence gagna le combat haut la main. Les seuls points de lumière qu’ils nous restaient étaient les petites ampoules de sécurité, suffisantes pour se repérer, mais pas pour y voir en détail.

— C’est pas vrai !

Exaspéré, je donnais un violent coup de pied dans la paroi la plus proche de moi.

— Fais gaffe, tu vas nous faire tomber, dit Beryl d’un ton détaché.

— Quoi ? T’es sérieux ? m’informai-je d’une voix crispée par une légère angoisse.

Il rit à mon air désespéré.

— Mais non, je rigole. T’inquiète pas, c’est juste une panne. On va contacter le service de secours et ils vont nous envoyer quelqu’un.

Tandis que je commençais à me ronger les ongles, il rejoignit le panneau de contrôle des étages et appuya sur le bouton d’aide. Une sonnerie stridente résonna autour de nous, puis une voix grésillante nous répondit.

— Bonsoir, je suis Alexia de la Société TECHNA. Nous avons bien reçu votre appel. Pouvez-vous me dire ce qu’il se passe ?

— L’ascenseur s’est stoppé, expliqua Beryl. Il n’y a plus de lumière et aucun bruit.

— D’accord. Combien êtes-vous ?

— Seulement deux.

— L’une des personnes présente-t-elle des signes d’angoisse ou des blessures suite à l’arrêt de la cabine ?

Mon collègue regarda vers moi et ricana.

— Je crois que mon boss stress un peu, mais ça va aller, je vais m’occuper de lui.

Je m’approchai pour lui frapper l’arrière de la tête, fronçant les sourcils, ce qui le fit rire une nouvelle fois.

— Très bien. Je suis en train d’envoyer une demande aux services d’intervention. Avez-vous besoin que quelqu’un reste en ligne avec vous ?

— Non. Vous savez combien de temps nous allons devoir patienter ?

— Généralement, l’attente varie entre une et trois heures. Avez-vous d’autres questions ?

— Avez-vous des caméras ? S’il se passe quelque chose, pourrez-vous voir que nous avons un problème ?

— Je suis désolée, Monsieur, les ascenseurs de notre société n’ont pas de caméras intégrées. Mais votre entreprise en a peut-être fait installer. Vérifiez les angles du plafond pour vous en assurer et si le moindre doute persiste quant à votre sécurité, contactez votre employeur afin de vous prémunir que les objectifs sont bien en marche. Les techniciens sont prévenus. Si vous avez un problème, n’hésitez pas à nous rappeler.

— Merci. Au revoir.

Le grésillement s’interrompit en même temps que l’appel. Entre-temps, j’avais allumé la lampe torche de mon portable et scrutai les coins de notre cage. Pas de caméras. Je grognai, décidément, c’était vraiment une semaine de merde !

Beryl se plaça contre le mur du fond et s’assit. Il m’incita à faire de même et j’acceptais, me laissant glisser au sol à mon tour.

— Du coup, vu qu’on a le temps, on peut parler ? me demanda-t-il d’un ton enjoué.

Je posai mon téléphone à côté de moi, écran vers le bas afin que nous ayons un minimum de lumière et m’adossai de nouveau au métal froid.

— On peut.

— OK. Je commence. Je suis désolé. Je pensais vraiment pas que tu aurais cette réaction quand je t’ai dit que c’était moi ton « stalker potentiellement dangereux ». Je m’étais imaginé que tu serais content.

— Que je serais heureux et que je te sauterais dessus parce que je ne peux tellement pas te résister ! clamai-je, cynique.

— Un truc dans ce goût-là, ouais, plaisanta-t-il.

Je soufflai avec force. Décidément, il ne comprenait rien.

— Est-ce que tu te rends compte du choc que ça m’a fait ? Même si tu ne pensais pas à mal, ce genre de comportement me met vraiment mal à l’aise. Ce que… Ce que tu sais sur moi, peu de personnes en ont connaissance. À vrai dire, il n’y a que ma sœur. J’ai toujours eu honte de ces « goûts » spéciaux que j’ai. J’ai eu peur. Tu m’as fait peur.

Il soupira à son tour.

— Je suis désolé. Ce n’était pas ce que je souhaitais. Je voulais seulement pouvoir partager quelque chose avec toi. Tu n’as pas à avoir honte de tes préférences. Ils font partie de toi et… moi, je trouve qu’ils te vont très bien tes « goûts ».

Mes joues chauffèrent, signe que je rougissais. Je reportai mon attention sur la porte de l’ascenseur, me soustrayant à son regard. Un silence gênant s’installa entre nous. Je me perdis dans la contemplation de mes chaussures. Je ne redressai la tête que plusieurs minutes plus tard, attiré par la lumière qui sortait de son portable. Du coin de l’œil, je lorgnai sur son écran, me rendant compte avec horreur qu’il parcourait mes photos Instagram.

— Non, mais ! Tu penses vraiment que c’est le moment ?

— C’est tout le temps le moment ! me répondit-il d’un air choqué que j’ai pu poser la question.

— Éteins ça, s’il te plaît.

— Non. J’ai encore le droit de faire ce que je veux sur mon téléphone.

Je le fixai, suspicieux.

— Je te jure que si tu commences à faire des trucs crades, ça va mal se passer !

Il se tourna vers moi avec un sourire en coin et le regard taquin.

— Je serais bien bête de faire des trucs crades sur des photos alors que j’ai le modèle à côté de moi, tu ne crois pas ? Autant les faire sur le modèle en question, non ?

D’un sursaut, je m’éloignai de lui. Ce gars était un malade. Un gros pervers ! En plus, je trouvais son discours particulièrement repoussant.

— Y’a que ça qui t’intéresse, pas vrai ? grognai-je, mauvais.

— Comment ça ?

— La lingerie que je porte. Tu sais, des pervers dans ton genre qui n’en avaient qu’après mes dessous, j’en ai connu et vous êtes répugnants.

Son regard étonné croisa le mien colérique.

— Quoi ? Mais je…

— À croire qu’il n’y a que ça de remarquable chez moi ; mon cul et les culottes qui le couvrent. Putain. Vous êtes tous des porcs, prêts à vous branler sur la moindre photo sur internet sans jamais penser à la personne sur qui vous vous faites du bien. Vous en avez rien à foutre qu’on soit mal dans notre peau, qu’on crève de trouille quand qu’on sort, qu’on doive faire attention à chaque fois qu’on s’habille pour être sûrs que les coutures ne se repèrent pas à travers notre pantalon ou que la ceinture ne dépassera pas lorsqu’on se baissera. Nan, vous tout ce que vous voyez, c’est une paire de fesses sur laquelle éjaculer. Des putains d’objets sexuels, voilà ce qu’on est. Vous êtes dégueulasses ! Abjectes !

Je serrai les mâchoires, honteux et irrité. Ça, des connards qui n’en avait que pour mon cul, j’en avais connu. Des gars perfides, prêts à tout pour étendre leur collection de photos porno.

— Boss, pourquoi tu t’énerves ?

D’un geste furieux, je me jetai sur lui. Son portable fut projeté plus loin alors que ses épaules retombaient lourdement sous mon poids.

— Je m’appelle Ethan ! Pas boss ! Répète ! Ethan ! hurlai-je.

Ses paupières s’écarquillèrent de surprise.

— Répète !

— Ethan, dit-il d’une petite voix. Tu t’appelles Ethan.

Des larmes de rage perlaient au coin de mes yeux. J’étais tellement en colère. Contre lui, contre moi, contre tous ceux qui m’avaient déjà traité en objet. À quatre pattes au-dessus de lui, je me mis à lui crier dessus.

— Tu dis que tu veux me draguer, que tu as envie qu’on partage des choses et pourtant t’es comme tous les autres ! Tu ne m’écoutes pas ! Tu n’en fais qu’à ta tête sans jamais te demander comment moi je vis la situation, si je l’accepte, si ça me plaît. T’es tellement insistant que ça en devient irritant ! Je souhaitais m’entendre avec toi au début. J’ai vraiment essayé ! Mais t’es trop bizarre, trop intrusif ! T’es dangereux pour mon secret et moi ! Et à côté de ça, tu m’offres des cadeaux que j’apprécie. Tu me touches et j’ai la bêtise de te laisser faire et d’aimer ça ! Et quand tu me regardes avec tes yeux de chien battu, je me sens mal. Je devrais pas ! Parce que je te déteste !

Sans que je leur en aie donné l’ordre, mes larmes roulèrent sur mes joues et s’écrasèrent sur son visage. Je m’accrochai aux épaulettes de sa veste jusqu’à m’en faire mal aux mains, gêné de craquer ici, maintenant et devant lui. Le pire dans tout ça était peut-être que je ne parvenais pas à faire se tarir mes pleurs. J’étais au bout de mes résistances.

— Ethan…

— La ferme, le coupai-je d’une voix sombre. Tu la fermes. Je veux plus t’entendre.

Je me redressai, à genoux à côté de lui et essuyai mes joues d’un geste rageur. Il se releva aussi, ôta sa veste sans un mot, puis récupéra son portable.

— Tu sais, je suis prêt à…

— Je t’ai dit de te taire ! hurlai-je une nouvelle fois. J’ai pas l’intention de discuter de mes états d’âme avec toi ! Je veux juste que tu me laisses tranquille, que tu arrêtes de me toucher, de me parler, de m’envoyer des textos et des cadeaux. Je veux pas de toi ! C’est clair ?

— Nan, c’est pas clair ! s’énerva-t-il. Tu m’as dit que tu me trouvais sexy ! Tu m’as autorisé à te toucher ici la dernière fois, tu m’as laissé t’embrasser au bar, alors non ! C’est pas clair ! Je pensais qu’on se rapprochait, mais à chaque fois que tu finis par faire un pas vers moi, tu recules aussitôt ! Tu crois que c’est simple pour moi ? T’es mon supérieur et pourtant, j’arrive pas à avoir autre chose en tête que l’envie de te toucher et te garder pour moi ! Je veux t’aider, te soutenir, mais t’es tellement enfoncé dans ta peur que tu ne parviens même pas à imaginer que je pourrais te vouloir du bien ! Sois honnête ; si je t’avais abordé sans passer par ce stratagème débile du stalker, tu m’aurais accordé la moindre attention ? Ou tu aurais fui immédiatement à cause de tes dessous sexy ?

Je fronçai les sourcils avant de soupirer face à son air déterminé.

— Je t’aurais repoussé, avouai-je.

— Tu sais, quand j’ai découvert ton compte, j’étais même pas employé ici, m’apprit-il d’un ton plus calme. C’est par pur hasard que j’ai compris que c’était toi. Alors oui, au début ma réflexion n’a pas été plus loin que « ouah, il est grave sexy mon boss ». Mais depuis, j’ai essayé de m’intéresser à toi. J’ai tenté de faire ne sorte qu’on se rapproche, mais tu m’as tout le temps repoussé ! Tu m’as pas laissé la moindre occasion de te côtoyer.

— Je croyais que tu m’aimais pas donc j’ai toujours maintenu une distance entre nous.

Il siffla entre ses dents.

— J’aurais dû faire comme Anna. Te sucer la bite. Au moins, j’aurais eu une chance avec toi.

Son attaque me blessa.

— Elle n’a jamais fait ça. On s’entend bien c’est tout. Et puis pourquoi tu parles d’Anna ?

— Pourquoi ? Je parle d’elle parce que tu l’as baisée et que ça me rend malade ! Je suis jaloux ! Elle a eu droit à une soirée avec toi, à une nuit avec toi et moi, je galère rien que pour t’arracher un sourire ! T’es tellement gentil avec elle, tellement avenant ! Et moi, j’suis là comme le dernier des connards à ramper derrière toi pour, au final, me faire gueuler dessus, tout ça parce que tu es mort de peur ! C’est terminé, j’en ai marre. T’inquiète pas, je vais te laisser tranquille. Vu à quel point tu t’évertues à me repousser, j’vais arrêter d’espérer.

Il me tourna le dos et je l’imitai, le cœur serré. Soudain, mon portable sonna et je décrochai.

— Alors ? Comment ça s’est passé avec Beryl ? C’est bon ? C’est ton chéri d’amour ? me demanda ma sœur.

— Je peux te rappeler plus tard ? répondis-je à la hâte, sachant pertinemment qu’il avait entendu ce que Fanny avait dit étant donné le silence qui régnait autour de nous.

— Ah non ! Je veux tout savoir !

— Fanny, je peux discuter, là. C’est pas le bon moment.

Mon potable me fut arraché des mains. Beryl le colla contre son oreille, se leva et parla à ma sœur. Je tentai de le récupérer, mais il m’en empêcha, me tenant éloigné d’un bras.

— Ça s’est pas bien passé. Il m’a jeté… Oui, je suis Beryl… On est bloqués dans l’ascenseur du boulot là… Ouais, ah ah, très drôle. Je suis mort de rire… Ouais… Ouais… Exactement, déclara-t-il avant de me tendre le téléphone. Tiens, elle veut te parler.

Je soupirai et lui repris l’appareil.

— Ouais ?

— Mais pourquoi tu l’as jeté ? On avait dit que tu lui laissais une chance !

— C’est compliqué Fanny. J’ai pas envie d’en bavarder ici.

Je relevai le regard vers lui. Le sien était braqué sur moi.

— Mais je comprends pas, il te plaît, non ? me demanda-t-elle en chuchotant.

— Ouais.

— Et tu sais qu’il accepte ton fétiche, qu’il l’aime. Alors, il est où le problème ?

— Ça me fout la trouille, avouai-je

Je l’entendis clairement lever les yeux au ciel, j’allais me prendre un savon.

— P’tit frère… tu crois pas que ça suffit tes conneries ? Tu penses que c’est une bonne idée d’énerver une femme enceinte ?

Je ne pus m’empêcher de rire, ce qui la détendit par la même occasion.

— Allez, invite-le à boire un coup chez toi quand vous serez sortis de là.

— Je suis pas sûr qu’il accepte.

— Ça te ferait les pieds qu’il te jette. Mais je crois qu’il y a peu de possibilités que ça se déroule comme ça. Alors pour une fois, sois courageux. Tu sais, tous les mecs sont pas de sombres connards. Il y en a des biens et des gentils, mais si tu leur laisses pas la chance de te le prouver, tu vas finir tout seul.

Je jetai un coup d’œil à Beryl qui faisait les cent pas, tapotant sur son portable.

— Je sais…

— Alors go ! Au mieux, ça réglera le problème et au pire, ben vous comprendrez que vous êtes pas faits l’un pour l’autre. Mais la situation restera pas dans cet état. J’entends que c’est difficile pour toi, t’as toujours eu honte de ça, mais t’as pas à te sentir mal. Allez, j’te laisse. Essaie de pas le trucider et propose-lui de boire un coup.

— OK, bye sœurette !

Elle rit et raccrocha, m’abandonnant avec le silence gênant de cette situation. Je m’adossai de nouveau à la paroi et mon collègue fit de même.

— Désolé de t’avoir crié dessus, marmonnai-je.

— Ouais.

— Pour me faire pardonner, je t’invite à boire un verre chez moi, dès qu’on sera sortis de là. Si t’as envie ?

— Je suis plutôt un mauvais buveur. Je tiens pas bien l’alcool.

— Si c’est que ça, j’ai les apéros sans alcool de ma sœur.

— Elle boit pas ?

— Elle est enceinte.

— Ah merde !

Son ton, mi-surpris, mi-affolé, me fit rigoler.

— Elle est contente d’être enceinte, tu sais, ris-je. Alors, c’est oui ?

— À une condition ; je veux rester dormir.

— T’abuses un peu, là.

Il soupira.

— Franchement, il est presque vingt-trois heures. Si je dois venir chez toi, boire puis reprendre la moto pour rentrer après, j’ai une chance sur deux de m’endormir au volant. J’te demande pas qu’on partage le même lit. Laisse-moi ton canapé, ça ira très bien. J’veux juste pas mourir en repartant chez moi.

J’acquiesçai, convaincu par son argumentation. Après tout, il avait raison.

— D’accord.

Le silence se réinstalla et aucun de nous ne fit l’effort de le briser. Durant la demi-heure suivante, nous tapotions sur nos téléphones quand enfin, nous entendîmes du bruit. En quelques minutes, les portes furent écartées. Nous étions arrêtés entre deux étages et il n’y avait que peu d’espace afin de nous extirper. Zone localisée en haut des battants, de notre point de vue. Nous nous avançâmes vers l’ouverture où la tête d’un technicien apparut.

— On va vous aider à sortir, hissez-vous.

Avant que je ne puisse esquisser le moindre mouvement, Beryl me saisit par les cuisses et me propulsa vers l’interstice. Mes mains agrippèrent celle de l’homme et il me tira tandis que mon collègue plaqua les siennes sur mes fesses pour me pousser. Je me sentis rougir de la tête aux pieds, mais quelques secondes plus tard, je pus enfin me retrouver dans le hall du premier étage, libéré de cette maudite machine. Ma mallette fut projetée vers moi et je la ramassai le temps que Beryl soit délivré à son tour.

Après avoir remercié les techniciens venus à notre secours, leur avoir raconté une nouvelle fois l’incident, nous avons, au bout du compte, eu l’autorisation de partir. Incapable d’attendre plus longtemps, j’allumai une cigarette à peine un pied posé à l’extérieur et il fit de même.

— Je t’emmène en voiture ? proposai-je, l’air de rien.

Il accepta avec un petit sourire et nous avançâmes jusqu’à mon auto. Durant le trajet, nous ne parlâmes pas et lorsque nous fûmes finalement chez moi, je lâchai un gros soupir. Mine de rien, j’étais crevé.

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