Je repris une connaissance vaseuse quand la sonnerie tonitruante de mon réveil se mit violemment en marche. L’esprit encore embrumé des souvenirs de mon rêve qui se mélangeait aux images de la nuit que je venais de passer. Je n’avais pas rêvé de ce connard depuis plusieurs mois. Je me demandais pourquoi mon stupide cerveau avait décidé de me l’imposer cette nuit. Je grognai, blasé, décidément, je n’avais vraiment pas envie de me lever. Allongé sur le dos, la tête de Beryl vint bientôt s’allonger sur mon torse.
— Viens, on dit qu’on est malade et on va pas bosser, me murmura-t-il d’une voix encore endormie, passant ses bras autour de mon corps pour me comprimer contre lui, enfonçant mon visage dans son torse.
Je me délectai de sa présence et de sa chaleur. Finalement, je ne regrettais pas mon élan de courage suicidaire d’hier soir, se réveiller accompagné était la meilleure sensation au monde. Je m’écartai pourtant de lui, bâillant à m’en décrocher la mâchoire.
— Non, on va au travail. On doit encore finir les rapports qu’on a commencés hier. On peut pas se permettre de sécher le travail.
Il soupira, me transmettant sa déception, sentiment que je partageais, car je serais bien resté au lit moi aussi. Pourtant, une seconde plus tard j’étais assis entre les draps, tentant de décrocher Beryl de ma taille qui ne cessait de déposer des baisers dans le bas de mon dos et massant mes reins endoloris.
Une bonne heure plus tard, après un petit déjeuner partagé entre bâillements et bonne humeur, nous prîmes la route pour nous rendre au bureau. J’avais découvert avec un amusement non dissimulé que Beryl n’était pas du tout un humain du matin. Il avait eu un mal fou à sortir du lit et s’était péniblement traîné jusqu’à la cafetière. Ce n’était qu’après deux cafés noirs que son visage avait semblé enfin être éveillé et qu’il avait été apte à parler un peu de nos entretiens d’hier. Dans la voiture, il avait tout de même piqué du nez une nouvelle fois et je ne l’avais réveillé qu’une fois arrivés dans le parking souterrain de l’entreprise.
Devant l’ascenseur, je tournai les talons. Il était hors de question que je remette un pied dans cette cage des enfers ! Beryl me suivit dans les escaliers en ricanant, se moquant légèrement de mon début de panique la veille au soir et promettant qu’à partir de maintenant, il serait « mon protecteur », « mon chevalier en amure ». Je levai les yeux au ciel en pouffant et quand nous entrâmes dans l’open space, chacun se dirigea naturellement vers son bureau.
Je dédiai ma mâtinée aux premiers rapports que je transmis un à un à mon supérieur, étirant régulièrement mon dos, encore sensible aux restes des violents assauts subits la nuit dernière et quand l’heure de la pause déjeuner arriva, mon ventre criait famine depuis une bonne heure. Je vis mon équipe se diriger vers l’ascenseur et alors que je tentai d’emprunter un autre chemin, Beryl me rattrapa et m’entraîna avec eux. Une nouvelle fois, nous dûmes nous serrer afin d’accueillir d’autres employés affamés qui souhaitaient rejoindre l’espace de repas et dans la confusion de la surpopulation, mon jeune collègue attrapa ma main du bout des doigts.
Je me retirai de sa prise et m’éloignai un peu de lui, gêné. Son regard glissa sur moi et je l’évitai aussi. Une fois assis, il s’installa à mes côtés et durant tout le repas, je dus repousser sa main qui s’attardait l’air de rien sur le côté de ma cuisse, caressant distraitement mon pantalon. En conséquence, je mangeai peu, la gorge serrée par l’embarras. En remontant vers l’espace fumeurs, il recommença. Profitant du nombre important de personnes présentes, son bras glissa dans mon dos et il me tint contre lui. Une nouvelle fois, je m’écartai, croisant son regard peiné.
Dehors, j’allumai une cigarette et avalai la nicotine avec soulagement. Il s’accouda à la rambarde à côté de moi.
— Y a un problème ? me demanda-t-il d’un ton calme.
— On est au travail.
— Certes, ricana-t-il. Mais je n’ai rien fait de répréhensible.
Ma bouche se pinça. Je savais que je devais lui expliquer, mais je ne voulais pas le rejeter. Mon cœur accéléra significativement ses battements, rendant mes sensations inconfortables. Je ne voulais pas me disputer avec lui et surtout pas le faire souffrir pour rien, mais il ne semblait pas se souvenir de notre discussion d’hier et de ma volonté de rester célibataire.
— Écoute, hier je t’ai prévenu. Je ne veux pas me mettre en couple et ce n’est pas parce qu’on a couché ensemble une fois…
— Trois fois, me coupa-t-il.
Je grognai intérieurement. Sérieusement ?
— Ce n’est pas parce qu’on a couché ensemble trois fois hier soir qu’on est ensemble, repris-je, insistant bien sur le nombre. J’aimerais que tu me laisses un peu d’espace.
Son regard s’attrista une nouvelle fois et l’inconfort enfla dans mon corps. Mon cœur battit plus vite dans ma cage thoracique, rendant ma respiration inconfortable.
— Désolé boss. J’ai du mal, dit-il d’un ton bas pour que les autres accros au goudron ne nous entendent pas. J’ai vraiment passé une nuit super avec toi et j’aimerais beaucoup recommencer ce soir et demain et après-demain et après après-demain. J’aimerais recommencer tous les jours.
Mon cœur se serra douloureusement. Quelque part, j’avais la même envie. Mais les spectres du rejet et de la honte flottaient toujours au-dessus de ma tête. Les voix dans mon esprit m’accablaient. Elles s’insinuaient en premier plan de ma réflexion, cassantes, blessantes. Elles hurlaient mes peurs et une vérité trop dure à accepter. Et à chaque phrase qui m’apparaissait comme une réalité inéluctable, j’avais la sensation d’être transpercé par une longue lame qui ouvrait mon corps.
Un puissant haut-le-cœur souleva mon buste et je laissai tomber ma cigarette qui dégringola le long du bâtiment pour s’écraser au sol, où je ne pus la voir. Je plaquai ma main sur ma bouche puis fermai les yeux pour me concentrer et ne pas vomir. Je sentais mon équilibre se désagréger lentement, me raccrochant à la rambarde avec force.
— Ethan ? Ça va ?
La voix de Beryl se fit plus lointaine, friable et son bras me rattrapa alors que je basculai en arrière. Il me fit asseoir sur un banc non loin et redressa ma tête vers lui, posant un genou à terre. Son regard inquiet rencontra le mien, mi-clos et maladif.
— Désolé, parvins-je difficilement à articuler tant chacune de mes inspirations était faible.
Ma respiration saccadée fut bientôt agrémentée d’une sensation de froid intense qui me fit tressaillir tout entier. Un sentiment de peur viscérale grandit en moi, je tremblai tant que je dus m’accrocher aux épaules de mon collègue pour ne pas défaillir une nouvelle fois. Je me sentais brûler de l’intérieur, trop pour que ce soit naturel et bientôt, une goutte de sueur roula sur mon front. J’avais l’impression de mourir.
Je compris enfin ce qui m’arrivait. Je faisais une crise de panique.
Je me revis deux ans auparavant, seul, en proie aux démons de mon psychique, incapable de me dépêtrer de leur ascendant sur moi. Je m’enlisais dans une terreur meurtrière, solitaire et profondément ancrée en moi. Je me sentis couler dans la pâte épaisse et visqueuse de mon désespoir, révélant mes angoisses les plus profondes. Elle m’étouffait, bloquait mon souffle, ma vue et m’enfermait dans un monde sombre et vide.
— Boss, je suis là, tout va bien.
La voix de Beryl me parvint difficilement. Je mis quelques secondes à percevoir la chaleur de sa main sur ma joue, de son bras autour de ma taille, de son front collé au mien. Mes doigts étaient si étroitement agrippés à sa chemise que leurs jointures avaient blanchi. Il me fallut un temps interminable pour me calmer, pour me sortir de cette torpeur insupportable. De longues minutes durant lesquelles il conserva un lien physique avec moi sans jamais trop éloigner son corps du mien.
Quand je fus apte à comprendre où j’étais et avec qui, il essuya mes larmes et me sourit tendrement.
— Je vais te raccompagner chez toi, OK ? T’es pas en état de rester au travail.
Je hochai mollement la tête, vidé de toute énergie. Il m’aida ensuite à me lever, puis m’escorta jusqu’à mon bureau où il rangea mes affaires tandis que je récupérai mes dernières bribes d’esprits, affalé dans mon fauteuil. Ensuite, il prit tout en main ; il nous fit quitter le travail, tout en demandant à Anna et Luc de prévenir les supérieurs de nos absences. Il me guida d’un pas sûr vers le parking, me fit monter en voiture, me raccompagna chez moi en discutant de sujets désuets afin que je ne m’embourbe pas à nouveau.
Arrivés chez moi, il m’obligea à aller prendre une douche expéditive, restant derrière la porte en me demandant régulièrement si tout allait bien. Je restais un peu trop longtemps sous l’eau chaude réconfortante. Quand je décidais d’en sortir, il me mit au lit, insistant sur le fait que je devais dormir. J’obéis bien sagement, me déshabillai et me glissai sous les draps. Finalement, je m’endormis rapidement, épuisé par la courte nuit que j’avais eue et la crise de panique qui résonnait encore un peu en moi.
Je m’éveillai régulièrement durant ma longue sieste. Mes songes oscillaient entre noir total et souvenirs de Félix, transformé en une marrée humaine noire et opaque dont seuls des paires d’yeux blancs me fixaient, me hurlant que je n’étais pas normal, étrange, dérangeant.
— Ethan ?
J’ouvris les yeux avec difficulté. La chambre sombre n’était éclairée que par la lumière du salon qui parvenait à peine dans la pièce par la porte entrebâillée. Un coup d’œil vers ma fenêtre me fit comprendre que la nuit était tombée. Combien de temps avais-je dormi ?
— Ethan ?
La voix de Beryl finit de me tirer du sommeil. Je posai sur lui un regard mêlant surprise et contentement. Il était encore là. Il me sourit, tendit la main vers moi puis se ravisa, s’asseyant seulement sur le bord du lit.
— Comment tu te sens ?
Je passai la main dans mes cheveux, l’esprit encore enveloppé dans mes cauchemars.
— Mieux. Il est quelle heure ?
— Presque vingt-deux heures. C’est pour ça que je suis venu te réveiller, je pensais à rentrer chez moi, je veux pas m’imposer, mais j’aurais aimé que tu manges un peu avant.
Je m’adossai à la tête de lit, tentant de rassembler mes idées qui s’éparpillaient. Il voulait rentrer ? Pas rester ? Dans une suite de gestes lents et imprécis, je sortais du lit puis m’habillai avec un jogging et un t-shirt large avant de rejoindre le salon. En pénétrant dans la pièce, une douce odeur investit mes narines. Je me tournai, intéressé, vers mon collègue qui ricana, un peu gêné.
— Je suis pas un super cuisinier, alors j’ai fait la seule recette que je connais sur le bout des doigts, du chili con carne. C’est la recette de ma mère. Elle m’en faisait toujours quand j’étais malade. Elle disait que les épices allaient manger ma maladie.
— Merci, murmurai-je sur un ton teinté de reconnaissance. C’est vrai que j’ai faim.
Tout en me rapprochant de la casserole et de son odeur appétissante, je remarquais un ordinateur portable sur la table basse de mon salon.
— J’ai essayé d’avancer sur le dernier rapport, je te l’ai transmis par mail.
Je hochai la tête, faisant demi-tour afin de récupérer mon ordinateur et je m’installai sur mon minuscule îlot central pendant qu’il me servait une assiette. J’ouvris le document, fit quelques rectifications en mangeant goulûment.
— C’est bon ! m’étonnais-je. Je ne te pensais pas si bon cuisinier.
Il rit, visiblement touché par mon compliment.
— Comme je t’ai dit, c’est la seule recette que je connais sur le bout des doigts.
— Ta mère cuisine beaucoup ?
— Énormément. Elle adore ça. Et puis, c’est dans les gènes de ma famille.
— Qu’est-ce que tu veux dire ? m’intéressai-je en pianotant sur mon clavier.
— Je suis d’origine mexicaine, chez nous on cuisine et on mange beaucoup.
Des tonnes d’images clichées de lui portant la moustache ainsi qu’un sombrero coloré s’imposèrent à mon esprit et je pouffai tout seul, veillant à ce qu’il ne remarque rien.
— J’ai pas la chance d’avoir des origines si exotiques. Mes parents viennent de vieilles familles françaises.
— Si tu veux, tu viendras manger à la maison un jour. Je veux pas te forcer, hein. Juste, ça pourrait être sympa.
Nous échangeâmes un sourire gêné.
— Ouais, pourquoi pas. Ça me ferait plaisir, avouai-je.
Je scrutai avec joie le petit sourire qui resta imprimé sur son visage avant de me pencher à nouveau sur le document. Durant quelques minutes, je ne fis que manger et travailler tandis qu’il rangeait ses affaires. Le voir faire me peina. Il avait passé l’après-midi à s’occuper de moi, à me cuisiner un délicieux repas et avait même avancé sur mon travail. Mais je me voyais mal lui demander de rester après lui avoir dit que je ne voulais pas être en couple. Tout cela aurait été un peu hypocrite.
Cependant, je n’avais aucune envie de me retrouver à nouveau seul dans mon appartement. Ni de dormir à nouveau seul dans ce lit qui m’avait paru d’une taille si disproportionnée tout à l’heure.
— Hey, boss, fais pas cette tête. T’as l’air tout triste.
Je tournai la tête, me soustrayant à son regard inquisiteur, puis pris mon courage à deux mains.
— Tu peux rester ce soir. Si t’en as envie.
Un silence suivit ma proposition. Intrigué, je jetai un regard vers lui.
— C’est vrai ? Trop bien ! Faudrait juste que je repasse chez moi pour aller chercher de quoi me changer et… un autre truc. J’peux emprunter ta voiture ? Ma moto est toujours au boulot.
Je hochai la tête en me levant pour mettre mon assiette et mes couverts au lave-vaisselle. En me redressant, je fus surpris par un baiser déposé sur ma joue. Beryl s’écarta pourtant rapidement et partit en me disant qu’il se dépêchait alors que mes joues rougissaient plus que de raison.
Durant son absence, je m’occupais comme je pouvais. Je terminais le rapport, le transmis à mon boss en lui disant que je me sentais mieux et que je reviendrai dès demain, m’excusant de mon absence. Puis je mis le chili dans un tupperware, lavai la casserole, mis mon costume de la journée à laver et commençais finalement à tourner en rond. Je finis par m’installer devant la télé, repus et impatient qu’il revienne.
Mon souhait s’exhaussa une vingtaine de minutes plus tard quand il toqua avant d’entrer. Il avait pris le temps de se changer, arborant son style décalé et coloré. Il posa son sac à côté du canapé et vint s’asseoir près de moi tandis que j’allumais une cigarette. Nous regardâmes distraitement les images qui défilaient sur l’écran, bien que de mon côté, j’aurais été incapable de dire sur quoi portait le documentaire devant lequel je m’étais abruti pendant son absence.
— Boss, j’ai quelque chose pour toi, me dit-il soudainement.
Je tournai vers lui un regard intéressé. Un cadeau ? Il farfouilla dans ses affaires pour en sortir une petite boîte en carton à l’effigie d’une grande marque de lingerie tandis que j’écrasai mon mégot dans un cendrier.
— Je l’ai acheté le week-end dernier. Il était exposé dans une vitrine et j’ai craqué. Et… vu que j’ai pu à me cacher derrière des colis, j’me suis dit que je pourrais te le donner maintenant.
Il me tendit la boîte que je saisis avec délicatesse. C’était la première fois qu’il m’offrait quelque chose en face. Et ce point rendit son geste bien plus réel que les colis impersonnels que j’avais reçus au bureau. Je fus incapable de ne pas faire le lien avec Félix. Lui ne m’avait jamais rien offert à part un déguisement pour femme d’infirmière sexy. Je l’avais immédiatement détesté. Il n’avait jamais compris ce que j’aimais, pire que ça, il s’en fichait et trouvait ça dégradant et honteux.
Beryl, au contraire, avait étudié mes goûts. Il prenait des initiatives, comme avec l’ensemble de nuit, mais il tapait presque toujours juste. Il était différent. Il m’acceptait moi et ma façon de vivre. Mieux encore, il m’encourageait et m’en offrait. Pendant la nuit que nous avions passé ensemble, il m’avait dit que j’étais magnifique, sexy. Il ne m’avait jamais comparé à une femme, il ne m’avait jamais donné l’impression d’être dégoûté par mon fétiche. Cette constatation gonfla mon cœur d’affection pour lui. La joie me submergea violemment. Le sentiment d’avoir enfin rencontré quelqu’un qui me comprenait, qui ne me jugeait pas, qui prenait plaisir à m’offrir ce que j’aimais, en espérant que je les porterais pour lui me rendit tout simplement heureux. Je ramenai le coffret contre ma poitrine et baissai la tête alors que quelques larmes glissaient sur mes joues.
— Je suis désolé, s’excusa-t-il immédiatement sur un ton légèrement paniqué. J’aurais pas dû. Je voulais pas… Je comprends pas vraiment ce que j’ai fait de mal, mais je suis désolé, c’est de ma faute.
Un petit rire traversa mes larmes. Tout en gardant mon cadeau contre mon cœur d’une main, je saisis sa nuque de l’autre et le tirai vers moi pour l’embrasser, me reculant quelques secondes plus tard afin d’essuyer mon visage sous son air surpris.
— Je comprends encore moins, dit-il, penaud. T’es content ou t’es triste ?
Cette fois, je ris plus fort.
— Je suis content, lui confiais-je en frottant mon poignet sur mes yeux. Ça me fait vraiment plaisir que tu m’offres des cadeaux.
— Alors, ouvre-le ! J’ai pris une couleur que j’ai pas vue sur ton Insta, mais je pense que ça t’ira bien !
Encore une fois, son attention réfléchie me toucha. Il avait pris le temps de s’interroger sur la teinte, ce que je faisais moi-même très rarement, fonctionnant plutôt au coup de cœur. Je déposai le contenant sur mes genoux puis déliai délicatement les rubans avant de soulever le couvercle. Dedans je découvris un des derniers modèles de tanga d’une marque onéreuse dont je possédais peu d’articles. Constitué exclusivement d’une dentelle fine d’une superbe teinte bordeaux assez soutenue, seuls de fins rubans blancs venaient entourer les ouvertures des cuisses et de la taille, contrastant avec la couleur profonde du dessous. Je m’émerveillais devant cette pièce sublime, osant à peine l’effleurer du bout des doigts. Ce qui ne fut absolument pas le cas de Beryl qui attrapa le dessous afin de le placer à côté de ma joue. Je vis alors ses yeux étinceler et son sourire grandir.
— Je savais que ce serait magnifique avec ta peau. C’est vraiment trop beau !
Il s’était penché vers moi d’une façon naturelle. L’accumulation de son compliment, de sa promiscuité ainsi que de la sensation du tissu et de sa main contre ma joue me fit rougir. Son regard franc me transperçait, je me sentais minuscule et pourtant, j’étais heureux. Comme enfermé dans un cocon de bien-être revigorant. Soudain, il rompit notre contact visuel et s’écarta.
— Désolé, je crois que je me suis un peu emballé.
Tandis qu’il se dérobait à mon regard, je baissai les yeux, tombant sur l’érection qu’il peinait à cacher. Je me souvins alors de la nuit que nous avions partagée, de ses mots, de sa façon si particulière de me regarder, de me toucher. Je pensais aussi à son comportement depuis son arrivée dans mon équipe, à ses phrases maladroites que je prenais pour des minis agressions, aux cadeaux qu’il m’avait faits et au temps que nous passions ensemble depuis hier. Une seule constatation s’imposa ; je l’appréciais. Je l’appréciais bien plus que je le croyais, que je le laissais transparaître ou que je l’aurais cru possible. Son comportement était diamétralement différent de celui de Félix, même sa façon d’être en ma présence était différente. Félix avait su être gentil, mais Beryl était attentionné quand on comprenait ce qui se cachait derrière sa beauferie naturelle.
— J’suis pas un pervers, OK ? C’est juste que tu me rends complètement dingue et c’est la première fois que je peux te voir ouvrir un de mes cadeaux alors ça me fait tout drôle et j’aimerais…, débuta-t-il avant de soupirer. OK, j’suis un pervers.
— Ça me dérange pas, murmurai-je après un petit silence.
Le regard carnassier d’animal affamé qu’il me lança me fit me sentir complètement à nu. Et là où hier je lui avais refusé un baiser, quand il bascula vers moi, j’empoignai son visage et le tirai vers moi.
Il me poussa à m’allonger sur l’assise du canapé et m’embrassa voracement, écartant mes jambes afin de s’installer entre. Je rabattis ces dernières autour de lui et mes bras se lancèrent autour de son cou tandis que sa langue appâtait la mienne. Notre étreinte dura de longues minutes, bercée par le fond sonore de notre plaisir qui emplissait mes oreilles, de son souffle qui glissait sur moi, de sa chaleur qui embrasait mon corps. Quand il recula pour rompre notre baiser, ma main glissa sur sa joue dans un geste tendre.
— Tu me trouves pas bizarre ? demandais-je d’une petite voix.
— Comment ça ?
— Les culottes, les dessous féminins. Tu trouves pas ça bizarre ?
Il enfouit sa tête dans mon cou.
— Je te trouve sexy. T’es le plus beau mec que j’ai jamais vu.
Un sourire teinté de tristesse s’afficha sur mon visage.
— Je te donne pas l’impression d’être une femme ?
Il resserra sa prise sur ma taille, plaquant son entre-jambes contre la mienne.
— J’ai jamais été intéressé par les femmes. Ce sont pas des vêtements qui déterminent ton genre. Pourquoi tu me demandes ça ? me questionna-t-il en embrassant mon cou, provoquant d’intenses vagues de frissons dans tout mon pauvre corps affaibli.
— Tu ne finiras pas par te lasser ? Par avoir honte d’avoir un compagnon qui ne porte presque jamais de sous-vêtements masculins ?
— Si un jour je te vois avec un boxer, je te jure que je l’arrache, gonda-t-il en mordillant le creux de mon épaule. Tu comprends pas Ethan. Si tu acceptais d’être avec moi, je pourrais te noyer sous la dentelle tellement j’aime te voir en porter. Je serais prêt à t’en acheter tous les jours pour que tu ne te rendes jamais compte d’à quel point ça m’excite. Ça fait presque un an que je me « pignole tout seul » sur tes photos. Que je rêve de te rencontrer. Quand j’ai compris que c’était toi derrière ce compte, j’ai failli devenir fou et depuis je fais que de la merde. J’ai jamais eu de mal à accepter mon fétiche, mais toi… Toi, c’est plus que ça. T’es plus qu’un gars qui porte merveilleusement bien de la lingerie. T’es le genre de gars que je voudrais pouvoir présenter à ma famille, avec qui je serais fier de m’afficher.
Ma prise se raffermit sur sa nuque et sa taille. Je me cramponnai à lui comme si ma vie en dépendait. Ce qu’il venait de m’avouer m’atteignait en plein cœur.
— Est-ce que tu m’aimes ? finis-je par demander, à bout de souffle.
— Évidemment que je t’aime, ricana-t-il. Je fantasme sur toi depuis des mois et plus je me rapprochais, plus j’arrivais à créer des discussions, plus mes sentiments se sont développés. Je t’aime tellement que ça me fait mal quand tu m’ignores, quand tu es en colère contre moi ou quand je te vois pleurer.
Je desserrai mes bras et attrapai délicatement son visage pour qu’il m’embrasse encore. Il me rendit mon baiser avec une douceur que je lui découvris et qui m’enchanta. Il embrassa ensuite mon visage plusieurs fois, imprimant ses lèvres sur chaque centimètre carré de peau nue qu’il put atteindre avant de simplement poser sa tête sur ma clavicule alors que mes mains s’étendaient dans son dos.
— Tout à l’heure au travail, j’étais complètement perdu quand t’as fait ton malaise. Je savais pas quoi faire et si c’est de ma faute, j’en suis vraiment désolé.
— C’était pas un malaise, lui avouai-je en déposant un baiser sur son crâne. En fait, j’ai fait une crise de panique. Ce n’était pas de ta faute à proprement parler. C’est surtout la situation qui m’a fait paniquer.
Il se redressa, m’invitant à faire de même et me prit la main.
— Pourquoi tu as paniqué à ce point ?
Je détournai les yeux et inspirai lentement avant de me décider à tout lui dire.