Lorgnant sur mon portable, je regrettai de ne pas être chez moi pour profiter en toute quiétude de la photo qu’il venait de m’envoyer.
J’avais beau jouer le grand parleur, la vérité, c’est que je craquais complètement pour lui. Une fois mon message partit, je repris mes recherches. Une jeune femme m’apostropha.
— Bonjour, je peux vous aider ?
Je lui souris, surpris par son ton agréable. Généralement, les vendeuses en magasins de lingeries ne s’approchaient pas trop de moi. Je ne savais pas si ma taille leur faisait peur ou si c’était l’appréhension de tomber sur un pervers qui les retenait, mais le peu de fois où elles osaient, je m’en trouvais ravi.
— Oui, je cherche un ensemble. Nuisette et culotte.
— Vous avez une préférence concernant la marque ou le coloris ?
La demoiselle prit le temps de me conseiller avec soin, fouinant pour dénicher le modèle parfait. Au bout d’une bonne heure, je ressortis du magasin avec mon achat en main. J’étais certain que ça allait lui plaire et qu’il serait divin dedans.
Une notification tinta dans ma poche. Instagram m’annonçait la mise en ligne d’une nouvelle photo sur le compte de mon boss adoré. Je ne pus patienter plus longtemps et cliquai dessus.
En la scrutant avec attention, mes doigts se serrèrent autour des petites anses du sac. On y voyait le haut de ses fesses, le bas de son dos, entrecoupés par mon cadeau tissé. Je me stoppai, aimai la publication et ajoutai un commentaire.
« Sublime, comme toujours ! Un vrai régal pour les yeux. »
Une réponse de mon boss arriva conjointement dans mes SMS.
« Je te trouve bien sûr de toi. Que j’accepte de jouer avec toi à ton jeu un peu flippant ne veut pas dire que je finirai par ressentir quoi que ce soit, à part une excitation sexuelle potentiellement récréative. »
Je fis la moue, amusé par sa répartie cinglante. Je ne m’attendais pas à ce qu’il me tombe dans les bras immédiatement, mais son demi-rejet m’ennuyait un brin. Au moins, il ne me repoussait pas d’emblée, comme au boulot. Je répondis dans l’instant.
« Je ne te demande pas de m’aimer tout de suite. Je parie sur le long terme. Au fait, jolie photo sur Insta. »
Tandis que je rentrais chez moi, il me remercia par message et aima mon commentaire sur les réseaux. De toute la fin du week-end, je ne tentai plus d’entrer en contact avec lui.
Même si j’en mourais d’envie, je me devais de lui laisser de l’espace. Je savais que mon premier cadeau l’avait apeuré, alors je ne pouvais pas me permettre de l’effrayer davantage. Mon but n’était pas de le terroriser, mais de créer un lien avant de lui avouer mes sentiments, d’ici quelques semaines.
Le lundi matin, j’arrivai en avance et déposai mon présent sur son bureau, comme à chaque fois. Ensuite, je partis me chercher un café à la brasserie du coin, perdant du temps dans l’optique qu’on ne me croise pas seul ici. Un bon quart d’heure plus tard, étant presque en retard, je rejoignais l’équipe, l’air de rien. Tandis que nous parlions de nos occupations du week-end, Anna lâcha une bombe.
— Vendredi soir, je suis allée boire un coup avec Ethan. C’était cool !
Je la fixai, tentant de réfréner l’assaut des questions qui emplissaient mon cerveau. Comment ça, elle était allée « boire un coup » avec lui ? C’était pour ça qu’il ne m’avait pas répondu de toute la fin de soirée ? Est-ce qu’ils avaient… ?
Cette pensée me mit dans un état de colère avancée. Pourtant, je n’avais pas le droit d’être jaloux. Officiellement, il ne se passait rien avec le boss. Mais ça me rendait chèvre. Est-ce que je devais voir ma collègue comme une rivale à partir de maintenant ? Est-ce que c’était juste un coup d’un soir ? Ou était-il volage ? S’amusant avec elle et avec moi ?
— Oh, c’est une bonne idée ! On pourrait p’tet prévoir une sortie tous ensemble vendredi prochain ? Y a un bar à thème sympa dans la ville voisine. Ça vous tente ? proposa Luc d’un ton enjoué.
Anna et moi acceptâmes à la hâte. Dans un même temps, je vis le boss arriver et marquer un temps d’arrêt quand il ouvrit la porte de son bureau. Un sourire mutin s’installa sur mon visage. J’espérais que bientôt, je pourrais faire plus que de regarder des photos. J’en mourrais d’envie depuis plusieurs mois maintenant.
Je suivais son compte Instagram depuis presque un an. J’avais longtemps été un abonné fantôme, mais un jour, un détail sur un de ses posts m’avait fait douter.
J’avais intégré l’équipe à peine quelques semaines plus tôt. Ce jour-là, notre imprimante avait dû être possédée par le diable et alors que nous tentions tous de l’ouvrir afin de voir où se situait le problème, un jet d’encre noire nous avait aspergés. Le soir même, il avait posté une photo et j’avais remarqué une trace foncée sur le dessus de sa main. Par conséquent, le lendemain, j’avais voulu vérifier mon hypothèse.
J’avais peut-être été un peu intrusif et sans tact, car depuis, il semblait distant avec moi. Pas désagréable, mais pas amical non plus. Il ne m’aimait pas trop, c’était flagrant.
En conséquence, je tentais de paraître plus sympa, mais un mur s’était installé entre nous et même quand j’accomplissais un pas vers lui, il me faisait doucement comprendre qu’il n’avait pas très envie d’en faire dans ma direction.
Je jetai un coup d’œil vers lui à travers la paroi vitrée de son bureau. Il fixait l’écran de son ordinateur, en plein travail. Je décidais de l’imiter, ce n’était pas le moment de me griller. Je devais attendre encore un peu avant de me dévoiler. Juste un brin.
Je le regardais souvent à la dérobée et j’avais remarqué quelques tics chez lui ; il se rongeait les ongles quand il était stressé, il soufflait toujours sur les cafés qu’il s’autorisait de temps en temps, même si ces derniers étaient froids et chaque fois qu’il réfléchissait intensément, il tapotait l’os de sa pommette de l’index en soutenant son menton avec son pouce.
En rentrant ce soir-là, je pris mon mal en patience, attendant un message de mon boss. Avait-il apprécié le cadeau ? Est-ce que j’allais avoir droit à une nouvelle photo ?
Vers vingt-deux heures, n’y tenant plus, je fis le premier pas.
« Bonsoir, qu’as-tu pensé de mon cadeau, aujourd’hui ? »
Planté devant mon écran, je vis les minutes défiler sans que je reçoive de réponse. Est-ce qu’il se trouvait de nouveau la soirée avec Anna ? Est-ce que je devais réétudier mon plan et attaquer plus franchement ? Je ne voulais pas me faire piquer la place par cette petite miss bien sous tous rapports. J’étais déjà assez énervé de penser qu’ils avaient pu passer la nuit ensemble, mais imaginer qu’ils étaient peut-être en train de remettre ça…
Je grognai, me retenant de lui renvoyer un message. Je devais me contenir. J’avais toujours été d’un naturel assez jaloux et possessif, mais la situation actuelle ne s’y prêtait pas.
Apparemment, la petiote ne semble pas plus formalisée que ça par la nuit avec son boss.
Il y a d'autres façon de parler aux gens quand même... Surtout que là, c'est un peu hardcore haha.
Après c'est la tournure de l'histoire donc voila. Mais dans la vraie vie : c'est un méga red flag et il faut fuir !
Le côté "j'ai repéré ses petits tics" serait très mignon si on était pas dans ce contexte x) Je sais vraiment pas quoi penser
Béryl a vraiment l'air de bonne foi, mais pour ce qui est de ne pas faire flipper Ethan... Ben... Raté ?
Du coup, je suis partagée entre le malaise (à la place d'Ethan, je serais vraiment pas bien), le rire (sérieusement, quelle idée de s'y prendre comme ça) et l'envie de me laisser prendre au jeu (dans la mesure où Ethan s'y prête et pose des limites claires, je rentre peu à peu dans la dynamique entre les deux protas, en laissant tomber le premier réflexe de fuite)