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Anasims1605
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Chapitre 13 : Horseshoe Overlook

 Nous continuons notre chemin.
Les autres, ceux qui avaient provoqué le tumulte pour me sauver, avaient réussi à nous rejoindre.

Le chariot devant nous perd une roue.
Arthur, frustré, lâche un juron à peine contenu, tandis qu'Hosea garde son calme, comme toujours, tentant de relativiser.
Nous les dépassons lentement. Charles saute du chariot pour aller les aider.

Je lève les yeux.
Tout autour, la nature nous enveloppe.
Une beauté brute, saisissante.
Des collines ondulent à l'horizon, couvertes de verdure, de fleurs sauvages et de grands arbres.
Le ciel est d'un bleu pur, traversé de fins nuages laiteux.
Le soleil caresse ma peau une chaleur douce, réconfortante.
Une sensation oubliée depuis la mort de mon père.

Nous arrivons à l'orée d'une clairière inconnue.
L'éclat du soleil se reflète sur les feuilles encore humides de rosée.
Je descends du chariot. Mes bottes s'enfoncent légèrement dans l'herbe fraîche.
Un vent léger soulève mes cheveux sous mon chapeau.

Je m'arrête un instant.
Là-bas, au loin, les collines se fondent dans une brume douce.
L'odeur des pins et celle, plus âpre, de la terre chauffée par le soleil m'enveloppent.

Mais le répit est bref.
Javier m'interpelle.
Je sors de mes pensées et vais l'aider.

Tous ensemble, on déballe les affaires, on monte les tentes.
Peu à peu, le chaos devient structure. Le camp se dessine.
Un fragile semblant d'ordre s'impose au cœur de cette clairière.

Les tentes se dressent comme les éléments d'un village éphémère.
Le soleil filtre à travers les feuillages, projetant des éclats dorés sur les bâches tendues et les caisses ouvertes.

À l'ouest, avec les filles, nous installons nos affaires à l'ombre des grands pins.
Arthur, fidèle à lui-même, place sa tente à l'écart, près d'un rocher solitaire. Il préfère observer, en retrait, mais jamais loin.
John s'installe tout près. Entre eux, il y a quelque chose d'indicible : un mélange de vieux ressentiments, de silences et d'un respect discret.

Au centre, Dutch et Molly occupent un emplacement stratégique, bien en vue, comme toujours.
Une table rudimentaire est dressée non loin, le futur centre des décisions.

À l'est, Bill, Hosea et Lenny partagent leur espace.
Un peu plus au nord, Strauss, Grimshaw et Pearson s'activent autour d'un feu naissant, leurs caisses remplies de registres, d'outils et de vaisselle.

Abigail s'occupe de Jack dans une zone plus calme, protégée du tumulte.

Une fumée fine s'élève là où Pearson a installé sa cuisine improvisée.
Tout y est ordonné avec une précision presque militaire.
Une grande marmite chauffe au-dessus du feu. Des ustensiles pendent à des cordes tendues entre les arbres. Une table grossièrement taillée lui sert à la fois de plan de travail et de comptoir pour ses miracles culinaires.

Les chevaux, attachés en périphérie, renâclent doucement.
Le camp est prêt.

Dutch sort de sa tente, les bras derrière le dos, la tête haute comme un général inspectant ses troupes.
Son regard balaye le camp avec satisfaction, il observe les tentes dressées, les chevaux attachés, la cuisine prête à fumer. Il inspire profondément l'air pur du matin.

Dutch (voix forte et claire) :
- Ah, regardez-moi ça...
- Un vrai miracle d'organisation. C'est dans des moments comme celui-ci qu'on voit de quoi est fait un vrai groupe.

Il s'avance lentement, saluant d'un signe de tête Abigail, lançant une tape sur l'épaule de Bill, puis posant brièvement les yeux sur moi.

Dutch (avec un sourire en coin) :
- Eryn. J'ai entendu dire que tu nous as échappé de peu.
- Tu nous reviens tout juste, et déjà les Pinkertons nous collent aux bottes. Mais tu es là, c'est ce qui compte.

Je hoche la tête, encore marquée par ce qu'il s'est passé. Mais Dutch n'est pas homme à s'attarder sur le passé.

Il grimpe sur une caisse posée près de la grande table, rassemblant peu à peu l'attention du groupe. Les conversations s'arrêtent, les têtes se tournent.

Dutch (ton inspirant, presque théâtral) :
- On nous traque. On nous poursuit. Et pourtant... nous sommes encore là.
Pourquoi ? Parce qu'on reste unis. Parce qu'on ne se laisse pas abattre. Ici, mes amis, nous avons un nouveau départ. Ce n'est pas le paradis, mais c'est le nôtre.

Les regards s'échangent. De la fatigue, de la peur, mais aussi une flamme. Une volonté de survivre.

Dutch (le regard fixe, intense) :
- On va se reposer. Reprendre des forces. Et quand le moment viendra...
On ira là où personne ne pourra nous atteindre.
Je vous le promets.

Un silence suit. Puis quelques hochements de tête, des murmures d'approbation. Dutch descend de sa caisse, satisfait.

Je détourne les yeux.
Arthur est là, occupé à poser ses affaires sur sa table, concentré comme toujours.
Au fond de moi, j'avais envie d'aller lui parler... mais je reste figée.

Sadie tapote mon épaule, me tirant de mes pensées.
Elle a ce petit sourire malicieux qu'elle ne perd jamais longtemps.

Sadie (voix confiante) :
- Hosea a parlé d'une ville pas loin. Valentine.
Tu viens ? On va voir à quoi ça ressemble ?

Je lui rends son sourire, un peu plus timide, et hoche la tête.
On commence à marcher vers mon cheval, impatientes de quitter le camp, ne serait-ce qu'un moment...

Quand soudain, une voix retentit derrière nous :

Grimshaw (ton sec et autoritaire) :
- Vous deux ! Immédiatement ici !

On s'arrête net.
Un regard échangé. On sait ce qui nous attend.
On se retourne avec un sourire crispé comme deux enfants prises en faute.

Madame Grimshaw (furieuse) :
- Vous avez disparu sans prévenir ! Résultat : les Pinkertons nous tombent dessus !
- Et maintenant, vous voulez encore vous balader ? C'est non. Direction la cuisine. Pearson a besoin de mains. Les vôtres feront l'affaire.

Au loin, je vois Arthur, adossé à sa table.
Il observe la scène, bras croisés, et affiche un sourire moqueur.
Il est clairement amusé de nous voir nous faire réprimander comme deux gamines.

Madame Grimshaw ne nous laisse même pas le temps de protester.
Elle nous attrape chacune par un bras avec une poigne de fer et nous traîne jusqu'à la cuisine.

Pearson, de son côté, rayonne comme si Noël venait d'arriver en avance.

Pearson (enthousiaste) :
- Ah, parfait ! Deux nouvelles recrues !
- Vous allez voir, mesdemoiselles, hacher des oignons peut être très thérapeutique.

Sadie me jette un regard désespéré.
Je soupire.
Adieu Valentine... bonjour cuisine de camp.

Après plusieurs heures passées à découper, remuer et écouter les conseils (parfois trop nombreux) de Pearson, le ragoût est enfin prêt.
Contre toute attente, j'étais contente d'avoir été là.
Il m'avait même appris à dépecer un animal correctement et franchement, c'était bien plus fascinant que je ne l'aurais cru.

Pearson, fier comme un chef étoilé, soulève la marmite fumante avec un grognement de satisfaction et la pose au-dessus du feu.

Pearson (voix forte) :
- À table, bande de sauvages !

Les membres du camp s'approchent, assiettes à la main, comme attirés par une promesse de réconfort.

Je me sers aussi. Une bonne louche. J'ai faim.

Je goûte.

Je fronce les sourcils.

Quelque chose cloche.

Le goût est... bizarre. Trop amer. Peut-être un mélange raté d'herbes ? Ou on a oublié un ingrédient ?

Je me retourne vers Sadie, qui vient juste de s'asseoir avec son assiette.
Je lui tends la mienne, l'air grave.

Eryn (voix basse) :
- Goûte-moi ça... dis-moi que je rêve.

Elle prend une bouchée, mâche... puis grimace violemment.

Sadie (voix étouffée) :
- C'est... c'est un crime contre la cuisine, ça.

Elle repose sa cuillère avec lenteur, comme si elle déposait une arme.

Autour de nous, pourtant, personne ne dit rien.
Ils mangent. Calmes. Presque résignés.
Comme si c'était normal.

Eryn (à mi-voix, choquée) :
- Mais... ils disent rien ?!

Sadie (murmurant) :
- Peut-être qu'ils n'ont plus de papilles...

C'est à ce moment-là que Pearson arrive derrière nous.
Il pose un bras massif sur chacune de nos épaules, avec ce sourire bonhomme et une odeur de gibier en prime.

Pearson (avec bienveillance) :
- Allez, faites pas ces têtes-là. Il est peut-être pas parfait, mais vous avez fait du bon boulot.
C'est ça, la cuisine du camp : c'est pas de la haute, mais c'est fait avec les tripes.

Sadie et moi échangeons un regard.

Eryn (moqueuse) :
- Littéralement.

Il éclate de rire, tape dans le dos de Sadie (qui manque de s'étouffer), puis s'éloigne en criant à Arthur de pas en reprendre trop, qu'il y en a pour tout le monde.

Je m'assois à côté de Sadie, nos cuillères tremblantes entre les doigts.

On tente de manger, malgré l'amertume du plat. On force chaque bouchée, comme si on essayait d'avaler un mensonge.

Sadie (à voix basse, entre deux grimaces) :
- Je préfère encore croquer un caillou.

Je lève les yeux au ciel, prête à répondre, quand Arthur passe devant nous, assiette à la main.

Il s'arrête, curieux, puis plonge sa cuillère dans le ragoût.
Une bouchée.
Deux secondes.

Puis il recrache violemment sur le côté, l'air outré.

Arthur (en toussant) :
- Par tous les saints... c'est quoi, ça ? De la boue fermentée ?

Il se retourne vers Pearson, qui est un peu plus loin, en train de se vanter auprès de Bill.

Arthur (en haussant la voix, moqueur) :
- Pearson ! Tu nous fais une guerre chimique, maintenant ?

Pearson (sans se démonter) :
- Tu as qu'à cuisiner toi-même si tu es pas content, Morgan !

Arthur (avec un sourire en coin) :
- Si je voulais mourir empoisonné, j'aurais mangé mes bottes.

Sadie s'étouffe de rire. Je souris malgré moi.

Eryn (taquine) :
- Eh bien, au moins on n'est pas les seules à souffrir.

Arthur s'éloigne en secouant la tête, toujours en marmonnant, pendant que Pearson lève les yeux au ciel en grommelant sur "les ingrates qui comprennent rien à la vraie cuisine".

Sadie me donne un léger coup de coude, amusée.

Sadie :
- Bon, maintenant qu'on a perdu nos papilles... tu veux qu'on se faufile quand même jusqu'à Valentine ? Grimshaw ne regarde plus.

Je jette un regard complice à Sadie, un sourire en coin. Je suis prête à la suivre dans n'importe quel coup tordu.

On balaie le camp du regard. Madame Grimshaw est occupée à sermonner Karen pour une robe mal pliée. L'instant parfait.

On se lève en douce, contournant les tentes, avançant dans l'ombre des pins. Arrivées en bordure de la forêt, je lance un petit sifflement bref.

Quelques secondes plus tard, ma jument surgit des feuillages, silencieuse comme un fantôme. Je caresse son encolure, puis grimpe en selle. Sadie fait de même. On s'éloigne sans un bruit, disparaissant entre les arbres.

La route jusqu'à Valentine est tranquille, bercée par le chant des cigales et le craquement des sabots sur la terre. Sadie me guide, sûre d'elle, grâce aux indications de Hosea. On traverse les collines, puis la voie ferrée, et enfin, la ville se dévoile.

Valentine, avec son odeur de crottin, de sueur et de foin. Les cris des marchands, les aboiements des chiens, le bruit du marteau du forgeron. Un vrai nid de poussière et de vie.

On descend de nos chevaux. Je les attache près du saloon, et Sadie me fait signe de la suivre, un éclat d'excitation dans les yeux.

Elle s'arrête devant une boutique de vêtements.

Sadie (avec un clin d'œil malicieux) :
- Je veux une tenue plus confortable. Et toi... t'es plus une shérif. C'est le moment d'en avoir une à ton image.

Je hausse un sourcil, mais je la suis sans discuter. L'idée me plaît plus que je ne veux l'admettre.

On passe des heures à fouiller les rayons, à comparer les coupes, les matières. Entre rires et commentaires sarcastiques, le temps file.

Finalement, je sors de l'arrière-boutique et lui montre ma tenue.

Une chemise sombre, parfaitement ajustée, manches retroussées jusqu'aux coudes, laissant voir mes avant-bras marqués mais solides.
Je garde ma ceinture de cuir usé, la même que depuis mes débuts.
Des gants noirs recouvrent mes mains, souples et fonctionnels.
Un pantalon cintré, pratique, sombre, tombant droit sur mes bottes de cavalier.
Et mon chapeau, celui de mon père.
Toujours.

Sadie me regarde un instant, puis hoche la tête avec un sourire fier.

Sadie :
- Là, t'as l'air de toi. Enfin.

Nous descendons les marches du perron, un léger courant d'air agite les pans de nos chemises toutes neuves. Le soleil tape sur les pavés de Valentine, mais ce n'est pas la chaleur qui nous serre un peu la gorge.

Arthur est là, adossé à la barrière près de nos chevaux. Bras croisés, regard dur, mâchoire serrée. Ce n'est pas la colère explosive, c'est pire, c'est ce calme là, pesant, déçu.

Sadie souffle discrètement par le nez, croise les bras aussi, mimant la même posture que lui.

Je m'avance un peu, le chapeau enfoncé bas sur le front.

Arthur (froidement) :
- Et vous pensiez quoi, exactement ? Qu'on allait pas s'en rendre compte ? Qu'on allait croire que vous étiez encore en train de couper des carottes avec Pearson ?

Je jette un coup d'œil à Sadie, qui hausse les épaules comme pour dire "C'est pas comme si on avait foutu le feu à la ville non plus."

Sadie (sèche) :
- On a juste été prendre l'air. Acheter deux ou trois trucs. Tu vas pas faire un drame pour une virée en ville.

Arthur (hausse un sourcil) :
- Une virée discrète, avec deux chevaux en plein centre de Valentine, dans vos tenues flambant neuves. Dis-moi, Sadie, t'avais prévu de faire un défilé ou juste attirer les Pinkertons avec ton sourire ?

Je sens mon estomac se nouer. Il n'a pas tort. Mais je ne regrette rien. J'avais besoin de ça. D'être moi, juste un instant.

Eryn (calmement) :
- On a fait attention. Personne nous a suivies. On est parties sans armes apparentes, comme deux voyageuses. Rien de plus.

Arthur (me fixe, un moment) :
- Tu as changé de chemise, Eryn. T'as changé de peau, aussi ?

Le silence tombe, lourd. Pas de sarcasme, pas de sourire cette fois. Il cherche à savoir. S'il peut encore nous faire confiance. S'il peut encore me regarder comme avant.

Sadie, plus douce cette fois, intervient

Sadie :
- C'était pas une fuite, Arthur. Juste un souffle. Tu sais ce que c'est non ? Le besoin de respirer un peu, hors du camp

Arthur soupire. Ses bras se décroisent. Il regarde le sol une seconde, puis les rues autour, toujours en alerte.

Arthur (plus bas) :
- Le souffle, c'est une chose. Mais si ça tourne mal, même pour une chemise, on est tous en danger. Vous comprenez ça ?

Je hoche la tête. Pas comme une soumise. Comme une égale. Comme quelqu'un qui sait ce que le prix de la liberté peut coûter.

Arthur :
- Montez. On rentre. Et pas un mot à Dutch. Ou il plantera son foutu discours de morale jusqu'à demain matin.

Sadie et moi échangeons un regard complice. On remonte en selle, un peu plus sages peut-être... mais toujours aussi entières.

De retour au camp, on descend discrètement de nos chevaux, comme si on n'était jamais parties. On évite les regards, glissant entre les tentes comme deux ombres revenues de nulle part.

Pearson me fait un signe de la main, m'appelant. Je le rejoins et il me demande un coup de main Dutch veut organiser une petite soirée pour fêter l'installation du nouveau camp. J'accepte aussitôt et commence à porter les caisses de bière vers le feu de camp, les déposant tout près.

Javier est là, assis à côté, en train de nettoyer sa guitare. Il lève les yeux pile au moment où je passe et croise mon regard.

Javier (avec un clin d'œil) :
- Belle tenue.

Je souris, mi amusée, mi fataliste. À ce rythme, tout le camp va finir par savoir qu'on est allées en ville avec Sadie. Je ne dis rien et retourne aider Pearson à finir les préparatifs.

Un peu plus tard, Dutch lisse les pans de son manteau, s'éclaircit la voix et lève les bras comme un pasteur prêt à bénir ses fidèles.

Dutch (voix forte, solennelle mais joyeuse) :
- Mes amis... Ce soir, on lève nos verres, pas parce qu'on a tout ce qu'on voulait... mais parce qu'on a encore tout ce qu'on est.

Les rires fusent, les voix s'élèvent. Les membres du gang s'approchent du feu, la bière circule de main en main. L'odeur du bois brûlé se mêle à celle du ragoût et du tabac. Sadie me rejoint, deux verres à la main, m'en tend un avec un sourire complice.

Je lève mon verre et on trinque doucement, dans ce brouhaha chaleureux.

Javier accorde les dernières notes de sa guitare, puis commence à jouer un air mexicain entraînant. Lenny tape des mains, Karen se met déjà à tourner sur elle-même comme dans un bal de campagne, les rires montent encore.

Un instant, je regarde autour de moi :
Les visages fatigués, mais heureux.
Les regards chargés de souvenirs et d'ombres, mais aussi d'un espoir ténu.
Un moment suspendu.

Dutch descend de sa souche, salue quelques membres, puis passe près de moi et Sadie. Il s'arrête, nous dévisage un instant, son éternel sourire calculé aux lèvres.

Dutch :
- C'est bon de vous voir toutes les deux... vivantes. Et entières.

Il baisse la voix, plus sérieux
- Il faudra qu'on parle de ce qu'il s'est passé Eryn.

Il s'éloigne, saluant Pearson et prenant une bière au passage.

Le feu crépite, la musique continue, la nuit s'installe doucement au-dessus de la clairière.

Karen, Mary-Beth et Tilly se mettent à chanter, leurs voix se mêlant harmonieusement au son enjoué de la guitare de Javier. Il joue avec une fierté contagieuse, le pied battant la mesure, le sourire au coin des lèvres.

Peu après, je vois oncle, déjà bien entamé, s'approche en vacillant légèrement, une bière à la main, prêt à pousser la chansonnette comme s'il était né pour ça. À sa suite, Arthur s'avance lui aussi, une bouteille à moitié vide dans la main, l'air presque détendu... presque.

Il se poste près du feu, silencieux au début, puis lentement, contre toute attente, il entonne lui aussi quelques paroles du refrain. Sa voix est grave, un peu rauque, mais juste. Il chante.

Je reste figée un instant, surprise. Voir Arthur chanter, lui, l'homme des silences et des regards fuyants... ça rend ce moment presque irréel. Jamais je n'aurais parié le voir ainsi, emporté par la chaleur du feu et la légèreté d'un soir sans menace.

Et pourtant, il est là, vivant, riant presque, une part d'humanité plus visible qu'à l'habitude.

Je jette un regard à Sadie, et je vois qu'elle pense la même chose. On sourit toutes les deux sans un mot. Parce que ce genre d'instant, on sait qu'il est rare. Précieux.

Je me lève doucement, laissant Sadie près du feu, et me dirige vers la table où Pearson a laissé quelques bouteilles entamées. J'attrape une deuxième bière, la décapsule d'un geste rapide, puis m'éloigne du groupe.

Je cherche un coin plus calme, un endroit où la vue est dégagée. Là, au bord du camp, juste avant que les arbres ne reprennent leurs droits, je trouve un petit promontoire surélevé. L'herbe y est haute, douce sous mes bottes.

Je m'assois par terre, la bouteille fraîche entre les doigts. J'inspire profondément. L'air est pur, chargé d'écorce, de feu de bois, de liberté.

En contrebas, j'entends les chants monter, le rythme de la guitare de Javier, les voix mêlées de Karen, Mary-Beth, Tilly. Je secoue doucement la tête en rythme, un sourire discret aux lèvres.

Le ciel est clair, constellé d'étoiles timides. Une légère brise vient balayer mes cheveux. J'appuie mes coudes sur mes genoux, puis ferme les yeux.

Je laisse la musique me bercer, le froid de la bouteille contre ma paume me ramener au présent. Pour un instant, je ne fuis plus rien. Je suis là. Vivante. Libre. Et prête à me venger.

Je rouvre les yeux, doucement, comme tirée d'un rêve éveillé. Devant moi, Arthur est là. Debout, une main dans une poche, et une autre bière à la main, avec une silhouette calme dans la lumière vacillante du feu derrière lui. Il ne dit rien tout de suite. Il se contente de me regarder, l'ombre d'un sourire aux lèvres, ce genre de sourire à peine perceptible qu'il garde pour les rares moments où il baisse sa garde.

Arthur :
- Tu as trouvé le bon coin, hein ?

Sa voix est douce, presque couverte par le chant encore audible au loin. Il avance d'un pas et s'accroupit à côté de moi, posant sa bière dans l'herbe. Il regarde l'horizon comme je le faisais un instant plus tôt, les yeux perdus quelque part entre les étoiles et les souvenirs.

Arthur :
- Y a des soirs comme ça... on se dit que tout va peut-être aller. Même si on sait que ça durera pas.

Il cueille une tige d'herbe entre ses doigts, la fait tourner un moment sans me regarder.

Arthur :
- Quand Sadie est revenue complètement paniquée, en disant que les Pinkertons t'avaient attrapée... Même si t'es avec nous depuis peu, tout le monde s'est inquiété. On n'a pas hésité une seconde à venir te chercher.

Je le regarde, touchée, sans savoir quoi dire. Après tout ce qu'on s'est dit, après notre dispute, il me parle comme si tout était derrière nous. Il tourne la tête vers moi, cherche mon regard. Je le détourne aussitôt.

Eryn :
- Je pensais que tu m'éviterais toute ta vie... Je... je suis désolée de m'être énervée contre toi après la mort de mon père.
Tu faisais juste ce qu'on t'a demandé. Mais au fond... je t'en veux quand même.
Parce que tu ne m'as rien dit. Et que ce silence là... il a causé sa mort. Je...

Arthur reste silencieux. Il ne m'interrompt pas, ne cherche pas à se défendre. Il laisse mes mots exister, comme s'ils avaient besoin d'être dits à voix haute, enfin.
Puis il inspire lentement, passe une main sur sa barbe, et secoue la tête.

Arthur (calme, grave) :
- Je comprends, Eryn. Tu as toutes les raisons de m'en vouloir.
Et je vais pas m'excuser d'avoir obéi à un ordre... mais je peux m'excuser de pas t'avoir dit la vérité.

Il baisse les yeux, fixe sa bouteille comme s'il y cherchait les bons mots.

Arthur :
- Ton père méritait pas ça.

Puis il me regarde à nouveau. Un regard brut, honnête, désarmant.

Arthur :
— Je me suis planté. Et tu as le droit de me le rappeler, autant de fois qu'il le faudra.

Il détourne le regard, cette fois pour fixer l'obscurité qui nous entoure. Un silence s'installe. Pas un silence douloureux, mais un silence qui fait de la place à ce qui doit être dit.

Arthur (après un moment, plus bas) :
- Si je pouvais changer ce qu'il s'est passé, je le ferais. Mais je peux pas.
Tout ce que je peux faire... c'est être là. Si tu veux encore de ça.

Ses paroles de regrets et d'excuses me réconfortent. Cet homme, qui jusque-là ne montrait ni sentiment ni remords, vient de le faire. Peut-être est-ce l'ambiance... ou l'obscurité.
Je laisse échapper un léger sourire, à la fois de soulagement et de remerciement.

Il me regarde, capte ma réaction, et semble en tirer une certaine satisfaction. Puis il commence à se lever, prêt à rejoindre les autres près du feu.

Je l'interpelle.

Eryn :
- Arthur !

Il s'arrête net, sans se retourner.

Eryn (d'une voix sincère) :
- Je veux que tu sois là. Que tu sois mon allié, Arthur Morgan.

Il sort une cigarette, l'allume d'un geste sec contre sa botte... puis s'éloigne sans dire un mot.

Je décide de descendre à mon tour. Le camp commence à se vider, chacun part se coucher.
Alors que je passe près du feu, quelqu'un me bouscule brusquement, sans même un mot.
Je me retourne, le regard dur, prête à régler ce comportement.

Eryn :
- Eh !

L'homme s'arrête.

Eryn :
- Tu comptes t'excuser, non ?

Il se retourne.
Je ne l'ai jamais vu auparavant.

Eryn :
- Tu es qui, toi ?

??? (d'un ton distrait, presque gêné) :
— Désolé, j'étais dans mes pensées. Je m'appelle Keiran. Enchanté.

Il repart aussitôt, sans me laisser le temps de répondre.

Un peu surprise, je le regarde s'éloigner, puis me dirige à mon tour vers ma tente.
Il est temps de dormir.

Le lendemain matin, je me lève et regarde autour de moi.
L'ambiance est la même qu'à l'accoutumée : Madame Grimshaw hurle, cette fois sur Tilly, pendant que le camp s'active lentement.
Mon regard se pose sur Dutch, assis à la table avec Hosea, Arthur et John. Il me fixe un instant, puis me fait signe d'approcher.
Je m'avance jusqu'à eux, un peu tendue. Hosea me désigne une chaise.

Hosea :
- Assieds-toi, Eryn.

Je m'exécute, les yeux un peu méfiants.

Eryn :
- Euh... Pourquoi vous m'avez fait venir ?

Dutch (d'une voix sérieuse) :
- On a des questions à te poser.

Je hoche la tête, prête à répondre.

Dutch :
- Que s'est-il passé avec les Pinkertons ? Je veux tous les détails.

Je leur raconte tout, sans omettre quoi que ce soit. Les quatre hommes m'écoutent en silence, le regard fixé, attentif.
Quand je termine, c'est Hosea qui prend la parole.

Hosea :
- Je voudrais aussi parler de ce qu'il s'est passé avec ton père. Est-ce que tu te sens prête ?

Je serre mes mains sur mes cuisses. Pourquoi il veut parler de mon père maintenant ?

Eryn :
- Pourquoi ?

Hosea :
- Les O'Driscoll ne s'en prennent pas à un shérif sans une bonne raison. Je me demande ce qu'il y avait derrière tout ça.

Ce qu'il dit n'est pas idiot. Mais je n'ai jamais compris pourquoi non plus. Je baisse un instant les yeux.

Eryn (d'une voix hésitante) :
- Je... Je...

Je cherche du réconfort autour de moi et croise le regard d'Arthur. Il me regarde calmement, avec ce genre de regard qui dit "Vas-y, t'es pas seule."
Je prends une grande inspiration.

Eryn :
- Ils voulaient une lettre que mon père avait cachée.

Tous les regards se tournent vers moi, intrigués.

Eryn :
- On avait reçu une lettre d'en haut... Elle annonçait le passage imminent d'un train transportant des obligations appartenant à une personne influente.

Les quatre hommes échangent des regards. Je vois dans leurs yeux qu'ils comprennent que cette information vaut de l'or.

Dutch :
- Tu te souviens quand ce train doit passer ? Et comment il sera protégé ?

Je fouille dans ma mémoire.

Eryn :
- C'est dans deux jours. Je me rappelle plus ou moins du plan de sécurité, mais je n'ai pas le schéma exact du train.

Le visage de Dutch s'illumine d'un grand sourire.

Dutch :
- Voilà ce que j'appelle une opportunité.

Hosea :
- Dutch... On vient à peine d'échapper aux Pinkertons. Il faudrait rester discret, tu le sais aussi bien que moi.

John :
- Tu as raison, Hosea. Mais si ces obligations sont aussi précieuses que ça, on ne peut pas passer à côté.

Tous les regards se tournent vers Dutch. C'est lui qui tranchera.
Il se lève lentement, pensif, puis sourit de manière assurée.

Dutch :
- Tu crois que je vais laisser Colm mettre la main là-dessus ? On a besoin de cet argent.

Je regarde Arthur. Il ne dit rien. Il sait, comme moi, que donner son avis ne changera rien quand Dutch a déjà pris sa décision.

Je comprends.
Mon père est mort à cause de cette foutue lettre.
Tout ce que les O'Driscoll voulaient... c'était de l'argent.
Il est mort pour ça. Pour de l'argent.

Dutch se lève et commence à s'éloigner. Je me redresse d'un coup.

Eryn :
- Dutch !

Il s'arrête, se retourne, me fixe.

Eryn (le regard droit, la voix ferme) :
- Je veux faire partie du braquage.

Je soutiens son regard avec une détermination sans faille. Je veux leur prouver de quoi je suis capable. Je veux leur montrer que je ne suis pas juste la fille d'un shérif mort, mais quelqu'un qu'on peut compter parmi les leurs.

Arthur intervient immédiatement, sec, presque agressif :

Arthur :
- Hors de question.
Tu viens à peine de perdre ton père.
T'es pas en état de réfléchir ou d'agir correctement.

Dutch sourit légèrement. Ce genre de sourire calculé qu'il fait quand il a déjà décidé quelque chose avant même qu'on en parle.

Dutch :
- Elle vient.

Arthur se lève brusquement, tendu. Il rejoint Dutch, lui glisse quelques mots à l'oreille. Ils s'éloignent légèrement, échangeant à voix basse.

Je reste là, droite, silencieuse, les poings serrés. Peu importe ce qu'ils disent. Je ferai ce braquage.

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