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Guenoria
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Bonne Année !

Oliver râla tout en jetant dans le panier à linge la pile qu’il avait renversée sur le sol.

— T’as perdu un truc ? demanda Ella en trouvant son frère échevelé dans la salle de bain.

Il répondit par un grognement insatisfait. Il avait cherché dans le sèche-linge, sous son matelas, et même dans le placard de Greg, il ne parvenait pas à remettre la main sur son pull fétiche.

Cela faisait déjà quelques jours qu’il ne dormait pas bien. Qu’il tourne en rond dans sa chambre, refaisant plusieurs fois son lit comme si cela allait l’aider à trouver le sommeil. Il avait compté les moutons, s’était levé pour finir un devoir de maths et avait aussi effectué une sortie nocturne en pyjama, avec son manteau dans la nuit glaciale pour se changer les idées. Mais ne pas savoir où il avait mis ce foutu sweat le rendait chèvre.

Et ça lui revint subitement. L’échange de vêtements. Arthur. Lorsqu’il lui avait restitué ses affaires, il n’avait pas eu l’esprit de lui demander les siens en retour. Il se tapa le front en se traitant de tous les noms, accusant le coup. Sa sœur, qui ignorait le contexte, s’amusa de le voir faire.

— Tu vas perdre des neurones en faisant ça.

— Il doit pas m’en rester beaucoup. Je suis vraiment un abruti !

Même s’il ignorait comment faire, il devait impérativement récupérer ce pull. Peu importait pour le pantalon et les baskets. Cependant, il ne se voyait pas retourner chez Arthur. Il s’était écoulé cinq jours depuis leur altercation et il s’était effectivement produit l’effet qu’il escomptait : le jeune homme ne lui avait plus adressé la parole. Ça ne s’était pas terminé comme il l’aurait voulu et le résultat sur son moral s’était vu aussitôt. Il était devenu grognon, à fleur de peau et passait le plus clair de son temps isolé. Même Ella n’osait pas lui quémander un peu de temps.

Il envisagea de demander à Ludivine, mais se ravisa. Même si, du groupe d’étudiants, elle était la seule avec qui il avait noué un semblant d’amitié, il se dit qu’elle s’était sans doute rangée du côté de son cousin. Ce serait logique et irréprochable.

Passer par Manon lui avait également traversé l’esprit. Il avait fini par lui parler des cicatrices, du fait qu’elles lui évoquent beaucoup trop le drame autour de la mort de Simon et de l’impossibilité pour lui de rester avec Arthur. Toutefois, il avait tu ses sentiments à son égard. C’était un sujet qu’il ne se sentait pas encore prêt d’aborder.

Et pour la première fois depuis des mois, elle s’était confiée à lui au sujet de son propre deuil. Elle aussi avait souffert, mais d’une façon différente. Ils avaient fini par atterrir chez elle, dans sa chambre, à s’écouter mutuellement. Manon avait avoué avoir dû taire sa tristesse par respect pour lui et la manière dont il avait dû encaisser le suicide. Elle ne s’était pas sentie assez légitime de pleurer autant que lui, alors à l’inverse à son ami, elle s’était réfugiée tout l’été dans le sport. Entre deux séances de natation, elle pratiquait un peu d’athlétisme, ou du yoga. Il lui avait fallu du temps pour comprendre qu’elle se retenait d’extérioriser ses démons et cela s’était traduit pas un éclat de rage, un soir avec ses parents. Oliver apprit dès lors à quel point elle culpabilisait de n’avoir rien vu venir, de ne pas avoir été capable de discerner le moindre changement dans l’attitude du défunt qui aurait pu le sauver. Et quand les mots leur manquèrent, ils s’étaient étreints chaudement, libres de pleurer l’un sur l’épaule de l’autre.

Il lui envoya un message pour lui demander conseil et retourna dans sa chambre. En attendant sa réponse, il repensa à une potentielle autre stratégie pour récupérer son bien. À court d’idées, il envisagea possiblement d’aller chez Arthur, se planquer dans la rue et espérer qu’il s’absente pour s’adresser à ses parents. Avec un peu de chance, il avait gardé ses fringues et ils ne seraient pas difficiles de les discerner de ses propres affaires. D’après ce qu’il avait pu constater, Arthur n’était pas du genre à posséder le moindre vêtement du siècle actuel.

Un sourire naquit sur son visage à cette idée et disparut aussitôt. À chaque pensée agréable le concernant, il ressentait un pincement dans la poitrine.

Manon le sonna quelques minutes plus tard. Il décrocha sans grand enthousiasme. Même s’il ne dormait presque pas, cela ne voulait pas dire qu’il était en forme. Et faire la conversation lui demandait un effort considérable.

— T’en as besoin maintenant de ton pull ?

Un sourire en coin naquit sur son visage. S’il y avait bien une bonne résolution que devait prendre Manon pour l’année à venir, c’était d’apprendre à ouvrir une discussion avec les formes.

— J’aimerais te dire que ça ne presse pas, mais rien ne me dit qu’il ne va pas finir en petits morceaux, si ce n’est pas déjà fait.

— J’m’en doute, fit la jeune fille.

— Quelles sont les chances pour qu’il ne m’envoie pas promener si je lui demande par message à ton avis ?

— Tu veux la jouer frontal ?

— Est-ce que j’ai le choix ?

— Tout dépend si tu te sens capable de le voir.

Il ne répondit pas. Il n’arrivait pas à imaginer le moindre scénario paisible. Arthur avait toutes les raisons du monde de lui reprocher son attitude. Entre son obstination à ne pas vouloir s’exprimer clairement et le fait qu’il le pense homophobe, il était sûr que ça se passerait mal.

Par ailleurs, il n’avait réfléchi que bien plus tard sur ce dernier détail. Par deux fois il avait failli passer à côté, une chose qui l’avait surpris après coup : Arthur aime les garçons. Non pas qu’il fallait que ça lui saute aux yeux, il avait plutôt imaginé le photographe flirter avec les jeunes femmes, jouant de son charisme et de son attitude de gentleman pour faire chavirer les cœurs. C’était très difficile de l’envisager avec un autre homme.

— J’ai peut-être une idée capillotractée, proposa Manon.

— Au point où j’en suis.

— Je peux passer par Juju. Il demandera à Lulu si elle peut le récupérer chez Arthur et ensuite il me le passera.

— Pourquoi tu veux demander à Justin ?

Certes, il était un des membres du groupe d’amis, mais il était l’un de ceux avec qui il n’avait pas trop eu l’occasion de converser à proprement parler. À part son prénom et qu’il était étudiant en langue vivante, il ne savait presque rien de lui.

— Il se pourrait qu’il en pince un peu pour elle, avoua la nageuse.

— Sans rire ?

— Te moque pas ! C’est très sérieux, le reprit Manon, bien qu’elle ne pût s’empêcher de rire également.

— Il est au courant que Ludivine cherche le grand amour de sa vie ?

— Il avait suffisamment de coups dans le nez à ma fête pour me dire qu’elle lui plaît depuis le premier jour. Mais il n’arrive pas à trouver la bonne occasion de se lancer.

— Elle est célibataire depuis un mois. Je vois pas ce qu’il lui faut de plus.

— Je dirai, du cran. Mais tu n’es pas le mieux placé sur la question.

Touché !

Oliver grimaça à sa remarque, mais n’objecta pas. Il revint plutôt au sujet principal.

— Tu veux donc faire d’une pierre deux coups, conclut-il.

— Si ça marche, je commencerai l’année avec un super karma.

— Si ça marche, tu auras toute mon admiration, surtout. Parce que je doute que ça fonctionne.

— Sois pas pessimiste, monsieur ronchon ! D’ailleurs, puisqu’on en vient à parler Nouvel An. Tu fais un truc ce soir ?

Il leva les yeux au ciel, sachant par avance qu’elle allait l’embarquer hors de chez lui. Il avait la quasi-certitude que s’il répondait oui elle ne le croirait pas.

— Pitié, pas une de tes fêtes avec plein de gens et de la musique trop forte.

— Nan ! J’ai entendu parler d’un truc pépère en ville, rassura-t-elle. Y a des gens qui se réunissent dans le parc pour voir le feu d’artifice du centre. Comme il est en hauteur, on peut presque le voir. Du coup, je te propose qu’on se pose avec une couverture et un thermos de chocolat chaud. On serait comme des petits vieux.

— Des petits vieux qui boivent du chocolat ? ria-t-il en visualisant une version âgée d’eux même.

— Je te récupère à 22 h ?

Il hésita. Entre son état somnolent et la température qui ne voulait pas remonter au-dessus de zéro, il n’était pas très emballé. Mais d’un autre côté, il avait bien envie de passer un moment agréable avec sa meilleure amie. Il lui devait bien ça après le service qu’il lui imposait. Alors il finit par accepter et frissonna par avance.

À son grand étonnement, sa mère avait été très difficile à convaincre lorsqu’il lui avait annoncé sortir tard. Étant majeur, elle était jusqu’ici relativement laxiste sur ses entrées et sorties de l’appartement, du moment qu’il était raisonnable sur l’heure et sa consommation d’alcool. Mais sa récente crise d’angoisse et sa rechute avaient ravivé son inquiétude. Il avait dû plaider sa cause comme un accusé face à un juge en usant de ses meilleurs arguments. Il trouva son salut grâce à l’appui de Greg qui évoqua sa confiance en Manon. Finalement, l’unique chose qu’elle requerra de lui, c’était qu’il s’assure d’avoir son portable sur lui en cas d’urgence.

De plus, à sa grande surprise, la nageuse n’était pas venue seule. Ce n’est pas la vieille Clio qu’il aperçut en double file devant le petit immeuble, mais plutôt la voiture flambant neuve de son père. Le couple l’accueillit avec enthousiasme lorsqu’il prit place à l’arrière aux côtés de son amie qui était gênée de cette situation.

— Ils se sont invités, dit-elle comme une adolescente qui ne supportait pas d’être vue avec ses parents.

Oliver ne s’en formalisa pas. Au contraire, il connaissait le couple depuis des années et les appréciait. Ils avaient toujours été gentils et prévenants avec lui. Alors il fit volontiers la conversation avec Natasha, une quadragénaire qui arborait constamment une permanente et de longues boucles d’oreilles tape à l’œil.

Il n’avait pas neigé depuis trois jours, mais il restait encore un peu de verglas à cause du gel. Damien, le père de Manon, était un conducteur prudent, mais un peu lent, ce qui avait le don d’agacer celle-ci. Elle craignait qu’il ne puisse pas voir le feu d’artifice, d’autant plus qu’il fallait se garer plus loin et que le parc allait être investi par tout un tas de gens ayant la même idée qu’eux.

Ils arrivèrent finalement aux alentours de 23 h. La nageuse, son duvet contre elle, glissa son bras libre sous celui de son ami pour ne pas le perdre dans la foule et le faire profiter de sa chaleur corporelle. Malgré les multiples couches qu’il portait, il était transi de froid. Il avait pris son manteau noir qui lui descendait jusqu’aux cuisses, enroulé son cou jusqu’aux oreilles dans une épaisse écharpe et couvert sa tête d’un bonnet tricoté par sa grand-mère. Il grelottait de toute part et ne rechigna pas à se blottir contre la jeune fille lorsqu’elle ouvrit le plaid pour les envelopper.

Beaucoup de gens avaient fait le déplacement. Le parc possédait une pente d’herbe orientée vers le centre-ville, là où aurait lieu le tir. Il était déjà venu à cet endroit un 14 juillet pour les mêmes raisons, mais c’était nettement moins bondé. Le froid était très dissuasif. Plus en amont, des guirlandes illuminaient les allées et des groupes plus festifs s’étaient rassemblés pour grignoter quelques mignardises et boire du vin chaud. L’odeur épicée parvenait jusqu’aux narines du jeune homme.

Dès lors qu’ils s’étaient installés tous en ligne, Natasha fit passer le thermos entre toutes les mains pour servir, non pas du chocolat comme Manon l’avait proposé, mais du café pour se maintenir en forme jusqu’au tir. Cependant, Oliver n’était pas tenté par ce breuvage. Le matin peut-être, mais il manquait déjà cruellement de sommeil pour ne pas aller à l’encontre de sa nature.

— Je vais jeter un œil là-haut, annonça-t-il en sortant à contrecœur du cocon chaleureux.

— Tu veux que je t’accompagne ? proposa sa meilleure amie.

Il secoua négativement la tête et enfouit les mains au fond de ses poches. Il serpenta quelques mètres entre les spectateurs pour remonter la pente, tout en prenant garde à ne pas perdre l’équilibre puis parvint vers l’allée en pierre.

L’ambiance était aux célébrations. Tout le monde se souhaitait par avance la bonne année, s’étreignait et festoyait en attendant ou non de voir le ciel se parer d’éclats lumineux. Il y avait une buvette non loin, prise d’assaut par les amateurs de vins chauds, l’incontournable breuvage des fêtes de fin d’année. À son grand désespoir, ils étaient à court de chocolat chaud, de thé et également de bière. Oliver se rabattit donc sur une soupe à la tomate servie dans un gobelet en carton plastifié. Ses doigts endoloris attrapèrent difficilement le contenant et la sensation du liquide contre ses lèvres le brûla. Néanmoins, c’était plutôt bon, et après les premières gorgées, il sentit son corps s’emplir de sa chaleur bienfaitrice.

— Oliver ?

Il releva la tête en reconnaissant cette voix devenue familière. Arthur se tenait devant lui, le dévisageant de ses yeux bleus comme s’il n’était pas sûr de lui. Il était habillé du long manteau de laine dans lequel il l’avait rencontré le mois précédent. Une grande écharpe en acrylique entourait son cou, brune avec de larges traits d’orange. Il ne portait rien pour se couvrir la tête et ses oreilles, comme le bout de son nez, se teintait de rouge. Il revêtait l’élégance comme si c’était une tenue d’apparat.

La première idée qui traversa Oliver fut de lui répondre, mais ses lèvres restèrent closes. Il repensa à la remarque de Manon, lui signifiant qu’il manquait de cran et essaya de se motiver à s’expliquer. Au lieu de ça, ses jambes lui firent opérer un demi-tour pour fuir la situation. En quelques foulées, Arthur le doubla et se positionna face à lui.

— Attends ! Il faut qu’on parle.

Le cœur d’Oliver battait la chamade. Il était incapable de le regarder dans les yeux, encore une fois. À la seconde où il l’avait reconnu, il avait aussitôt pensé à quel point il l’avait trouvé beau. Il ne devait pas s’engager dans cette voie.

— Je ne peux pas, parvint-il à articuler dans le froid.

Il aurait voulu appeler Manon à sa rescousse, mais ils s’étaient installés trop bas pour qu’elle puisse l’entendre. Et Arthur faisait barrage de son corps.

Soudainement, il y eut une détonation. Un bruit sec et puissant. La foule autour d’eux tourna la tête là d’où provenait le son après un léger sursaut. Arthur comprit très vite qu’un petit malin avait décidé de faire exploser un pétard pour amuser ses amis. Et quand il revint vers Oliver, il le découvrit aussi pâle qu’un linge. La panique se lisait dans son regard et comme par réflexe, il avait serré si fort son gobelet qu’il avait cédé et le potage ruisselait désormais entre ses doigts.

Il ne sentait pas la chaleur du liquide qui piquait sa peau, n’entendait plus les gens rire autour de lui et oublia même la présence du jeune homme. Son angoisse le prit par surprise, étouffant sa respiration. Quand enfin il ressentit de la douleur, ce fut dans sa poitrine. Il baissa les yeux vers sa main pour voir le liquide rouge s’écouler vers le sol. Une nouvelle image s’y superposa.

De la paille. Une radio allumée. Des bottes pleines de terre. La fatalité.

— Du sang, murmura-t-il.

Arthur s’était éclipsé le temps de récupérer des mouchoirs en papier. Il se hâta d’essuyer la main d’Oliver et chercha une quelconque brûlure, mais ses doigts étaient si raides autour du gobelet qu’il peinait à l’examiner.

— Du sang partout, continua-t-il de dire.

— Où ça ? lui demanda Arthur, le pensant blessé.

— Partout.

Aussitôt, il commença à pleurer. Des images qu’il avait refoulées avaient ressurgi comme une vieille bêtise qu’un enfant voulait dissimuler à ses parents. Les larmes dévalèrent ses joues et sa respiration se coupa entre deux soubresauts. Il s’étouffait sous ses propres sanglots et, ses jambes flageolantes, il se rattrapa à la première chose à sa portée, à savoir Arthur.

Ce dernier la maintint péniblement debout, désarçonné par la tournure que prenait la situation. Il ne comprenait pas le changement d’attitude soudain du jeune homme. Il semblait terrorisé, en état de choc. Était-ce le pétard qui l’avait mis dans cet état ? Il le guida à l’écart, loin des regards indiscrets et le laissa glisser contre un muret pour s’asseoir par terre. Il s’accroupit devant lui et essaya de se rendre utile autant que possible.

— Quelqu’un est venu avec toi ? Je peux aller chercher de l’aide.

Il voyait bien qu’Oliver était en pleine crise d’angoisse. Son souffle était devenu un râle et ses gestes imprécis. Tout ce qu’il pouvait faire pour le soulager, c’était lui tenir la main et lui proposer de caler sa respiration sur la sienne.

— Ma… Manon, articula difficilement Oliver.

— Elle est ici ? Tu veux que je l’appelle pour qu’elle vienne ?

Oliver secoua violemment la tête de gauche à droite.

— Nan ! Elle… elle ne sait pas. Personne… ne sait…

Il essuya ses larmes du revers de sa manche, ainsi que l’écoulement de son nez. Au fur et à mesure, il parvenait à inspirer sans avoir l’impression de suffoquer. Mais le tremblement nerveux de ses membres persistait. Il sentit une pression bienveillante enserrer ses doigts. La main d’Arthur était chaude et réconfortante.

— Je suis désolé, parvint-il à formuler une fois calme.

— Désolé de quoi ? demanda Arthur désormais assis à côté de lui contre le muret.

— Je ne pensais pas ce que je t’ai dit, l’autre jour. Je ne voulais pas que tu penses que j’étais…

Les mots se bloquèrent dans sa gorge.

— Oh ça ! Manon m’a passé un savon le lendemain. Pour la citer : « Si Oliver est homophobe alors je suis une enclume ! »

— Elle t’a parlé ?

Il la maudit d’abord pour avoir agi dans son dos, puis fut soulagé de ne pas avoir à trouver les formules adéquates pour se justifier.

— Elle m’a parlé de Simon, confia ensuite Arthur.

Le contact entre leurs mains n’étant pas rompu, le photographe put aisément le sentir se crisper à l’évocation du sujet sensible. De ses doigts libres, il frotta son bras, à l’endroit où Oliver avait vu les marques.

— Tu es parti parce que tu les as vus, hein ? C’est pour ça que tu ne voulais plus qu’on se voie.

Plutôt que de lui répondre, Oliver lâcha sa main et ramena ses jambes contre son buste pour se recroqueviller et se cacher le visage. Néanmoins, le fait de ne pas voir celui d’Arthur lui donna suffisamment de cran pour être honnête avec lui.

— Je voulais le faire tant que je ne m’attachais pas trop à toi. Voir quelqu’un qu’on aime se tuer sans rien pouvoir faire, ça te détruit de l’intérieur.

Arthur ne répondit rien. Il s’écoula un moment de silence durant lequel Oliver se demanda même si son ami était toujours là. Il redressa son buste et le vit se ronger l’ongle du pouce.

— Tout à l’heure, finit par dire le photographe, tu as dit « personne ne sait ». Mais c’est Manon qui m’a raconté ce que tu as vécu avec Simon et tu n’as pas voulu que j’aille la chercher. Et tu as fait une crise à cause du pétard. Alors je me demande…

Il tourna la tête vers lui, ses yeux bleus visibles grâce à la lueur des guirlandes.

— Il t’est arrivé un truc ?

D’un seul coup, les tirs commencèrent. Tout s’éteignit autour d’eux avec un temps de retard et le calme se fit dans la foule. En relevant la tête, Oliver observa les explosions de muer en de courts éclats de lumière. De là où ils se trouvaient, ils étaient petits et silencieux. Sa voix parvint sans peine aux oreilles d’Arthur.

— Simon n’était pas le premier.

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