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1 - Chez Michel
2 - Anachronisme
3 - Simon
4 - Soirée Jeux
5 - Corps d'Athlète
6 - Tête à tête
7 - L'Echange
8 - Cicatrices
9 - Souffle Court
10 - Malentendu
11 - Bonne Année !
12 - La Moissonneuse Batteuse
13 - Les Mains Froides
14 - Petit Ami ?
15 - Le Garçon Triste et la Fille Mielleuse
16 - Sourire Niais
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Guenoria
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Soirée Jeux

Pas peu fier d’avoir eu une bonne note à sa dissertation, Oliver avait meilleure mine. C’est Ella qui lui avait fait remarquer. Sa petite sœur de quatorze ans était en pleine puberté et il la voyait évoluer un peu plus chaque jour. Quand elle était revenue de son bref séjour chez une amie, il lui avait semblé qu’elle avait grandi.

Elle ressemblait beaucoup à leur père avec ses mêmes cheveux blonds et cette expression sérieuse qu’elle arborait en permanence. Lui avait hérité des gênes de sa mère, de ses origines anglaises avec ses cheveux noirs et son visage allongé. C’est même de là qu’il tirait son prénom, celui de son grand-père, un Britannique qui avait choisi de venir vivre en France par amour pour celle qui deviendra sa femme. Malheureusement, Oliver ne les avait jamais connus.

Tandis qu’il avait toujours été un sportif aguerri, Ella était plutôt une intellectuelle. Sa cadette profita du fait qu’il soit de bonne grâce pour le motiver à jouer aux échecs. Elle s’était prise de passion pour cette activité après avoir regardé une série et avait supplié sa mère d’en avoir un jeu. Après ses devoirs, elle étudiait sur internet les diverses stratégies pour contrer son adversaire et son frère lui servait de cobaye.

Lui n’avait pas vraiment de plan lorsqu’il déplaçait les pions, mais il trouvait amusant de voir sa ride du lion se creuser quand elle se concentrait. Ils s’étaient installés sur la table de la salle à manger et leur mère regardait un vieux film sur la guerre avec son mari. Comme Ella prenait son temps avant de jouer son tour, il jetait parfois un coup d’œil vers l’écran.

Dans une scène, il y avait un homme très élégant faisant la cour à une femme. Il portait une chemise rentrée dans un pantalon de laine qui montait un peu haut, avec la taille marquée par une ceinture. Ce style lui fit immédiatement penser à Arthur. L’acteur et le jeune homme avaient une silhouette similaire et la même manière de se tenir avec une main dans la poche.

— Quelle allure, murmura sa mère dans les bras de Greg. J’aimerais bien revoir des hommes s’habiller ainsi.

— Ça ferait un peu grand-père de nos jours, dit son mari avec une moue perplexe.

— C’est à toi !

Oliver reporta son regard vers le plateau. Elle venait de lui prendre sa tour. Par vengeance, il s’empara de son cavalier. Puis il revint au film.

Il ne partageait pas tellement l’avis de son beau-père. Avoir rencontré Arthur lui avait démontré que ce style pouvait encore s’endosser avec classe et élégance. Il suffisait de savoir le porter et d’avoir l’assurance nécessaire pour susciter l’engouement. Et d’après les retours que lui avait fait Manon sur la soirée chez Michel, le jeune homme avait fait l’unanimité au sein du groupe.

Ella s’empara ensuite de sa dame, puis du dernier pion qui l’empêchait d’atteindre son roi. Il s’avoua vaincu et la laissa savourer sa victoire. Ils en étaient à la troisième partie de la soirée et il ne l’avait pas battu depuis plus d’une semaine. Elle commençait à devenir plutôt bonne à ce jeu.

— Tu devrais trouver un adversaire à ta taille, lui conseilla-t-il. Sinon tu ne trouveras plus de satisfaction à me battre.

— Personne ne veut jouer avec moi, dit-elle en repositionnant les pièces. Ils disent que c’est un jeu ringard. Ils préfèrent les jeux vidéo.

— Il doit bien y avoir des échecs en ligne, dit-il en avançant un pion.

— J’aime bien l’idée de pouvoir regarder mon adversaire dans les yeux.

— Tu aimes surtout m’observer quand tu me bats à plates coutures.

Elle lui tira la langue et il fit de même. Après quoi, elle s’empara de son fou.

Oliver n’avait pas été sollicité le jeudi qui suivit pour s’enfiler des pintes de bière avec la bande d’étudiants. En revanche, il s’était montré réticent lorsque Manon lui avait proposé de passer son vendredi soir chez Ludivine pour s’amuser avec des jeux de société. Elle avait utilisé un argument selon lequel le jeu qu’elle avait prévu d’amener était plus marrant avec un nombre important de participants. Sachant qu’elle était coriace, il avait finalement accepté.

Ludivine habitait un deux-pièces non loin du campus. Par souci de logistique pour les assises, Justin avait rapporté des tabourets pliants pour permettre à tout le monde de s’installer confortablement. L’étudiante n’avait qu’un modeste canapé où l’on tenait à peine à trois personnes et deux chaises pour aller avec sa table.

Pour une fois, ils n’étaient pas arrivés en derniers. Ludivine les avait accueillis juste après Justin et c’est avec une grande surprise qu’ils découvrirent qu’Arthur était également convié.

Oliver se vit confirmer un doute qu’il avait eu en le rencontrant la première fois. Son style faisait bel et bien partie de lui. Il portait un pantalon large avec des plis marqués sur le devant, une ceinture avec une boucle dorée et une chemise claire à rayures fines. Son col légèrement entrouvert permettait presque d’apercevoir ses clavicules. Manon ne se fit pas prier au moment de lui faire la bise. Elle était manifestement très ravie de le revoir.

— J’ai ramené le Shadow Hunters. Tu connais ?

Elle lui présenta le jeu en question comme s’il s’agissait de sa plus grande fierté.

— Oh ! Bonne idée ! s’exclama Ludivine derrière son cousin. Je n’ai pas joué à ce jeu depuis une paye.

Oliver se fraya un chemin dans l’étroite entrée et se retrouva face à Arthur qui l’accueillit chaleureusement avec un sourire sous son impeccable moustache. Elle avait l’air un peu plus courte que la dernière fois.

— Bien rentré chez toi, l’autre soir ? demanda-t-il en lui présentant sa main en guise de salutations.

— Un chic type s’est proposé de me raccompagner, répondit Oliver en la lui serrant.

— C’était bien aimable de sa part. Tu bois un truc ? J’ai mis des boissons au frais.

Se souvenant de l’état dans lequel il s’était retrouvé une semaine plus tôt, il préféra commencer plus sagement avec un soda.

Un peu plus tard, le groupe se compléta avec l’arrivée de Mohammed et Coralie. Ils habitaient la même résidence étudiante et avaient pris le bus ensemble.

Ils prirent tous place autour de la table basse et le jeu de Manon s’étala sur tout l’espace. Oliver le connaissait bien. Dès que l’occasion se présentait, elle dégainait la boîte, ne jurant que par lui. Il se souvenait des soupirs de Simon quand elle installait le plateau, sachant qu’elle se vantait d’être imbattable.

— C’est un jeu avec des rôles cachés, commença-t-elle à expliquer. Certains d’entre vous auront des alliés en fonction de la catégorie à laquelle vous appartenez, mais vous ne le saurez qu’au fur et à mesure de la partie.

Oliver savait que le principe reposait surtout sur le fait de deviner à qui on a affaire pour ensuite décider de l’attaquer ou l’épargner. Il regarda sa carte discrètement : Shadow. Il aurait préféré être neutre. Et comme Manon avait constitué le jeu de manière qu’il n’y ait qu’un allié dans son clan, les choses allaient se corser pour lui.

La partie commença doucement pour que les initiés s’approprient les règles. La méfiance était de mise et tout le monde se concentra pour percer à jour le secret de son voisin. Oliver reçut une carte vision d’Arthur, le premier à lui en passer une tandis que les autres préféraient s’adresser à la propriétaire du jeu.

Je pense que tu es Neutre ou un Hunter. Si c’est le cas tu dois : soit me donner une carte équipements soit subir 1 Blessure !

Il lui jeta la carte dans la défausse et affirma qu’il ne se passerait rien. Arthur nota cette information d’un hochement de tête.

— Tu veux lui infliger des dégâts aux dés, comme tu es dans sa zone ? demanda Manon.

— Non, ça ira.

Oliver supposa donc qu’Arthur était son potentiel allié, ou bien bluffait-il pour mieux le berner. Il patienta jusqu’à son tour pour en avoir le cœur net. L’occasion ne se présenta pas avant un moment. En attendant, il avait fini par estimer que Coralie devait être l’autre Shadow, à la manière dont elle visait Justin qui avait révélé être un Hunter. Mais quand il tira la carte vision, il préféra tout de même la tendre au jeune homme.

Je pense que tu es un Shadow. Si c’est le cas, subis 1 Blessure !

Arthur marqua un temps d’hésitation, mettant en doute les attributions des rôles tels qu’il les envisageait. Finalement, il avança son pion, acceptant le dégât. Oliver l’observa faire sans broncher pour ne rien laisser paraître, mais quand il tourna ses yeux vers ceux d’Arthur, il ne manqua pas le clin d’œil qu’il lui adressa.

Ce genre d’attention complice aurait dû le laisser de marbre, pourtant il déglutit avec peine et détourna son regard.

Par la suite, il fut démasqué par Mohamed qui entraîna sa perte. Les dégâts s’acharnèrent inévitablement sur lui, mais Arthur s’en sortit en parvenant à tuer les deux Hunters, lui conférant ainsi la victoire. Il célébra son succès d’un poing vers le ciel puis fit une courbette à ses adversaires, une main sur la poitrine comme s’il voulait empêcher une cravate imaginaire de pendre.

Malgré l’entêtement de Manon, ils changèrent de jeu. Cela dura jusqu’à 22 h quand Coralie suggéra d’ouvrir une bouteille de rhum et l’ambiance évolua. Mais étouffé par l’étroitesse de l’appartement, Oliver prit momentanément congé d’eux et se réfugia sur le balcon. Il accueillit avec plaisir la brise fraîche sur sa joue. Il s’accouda sur la rambarde et contempla la rue partiellement endormie sous lui. Le ciel était couvert et quelque peu chargé d’orage. Il y avait quelques flashs lointains, mais jamais de détonation, à son grand regret. Il appréciait en particulier écouter le tonnerre gronder au-dessus de lui.

La baie vitrée coulissa dans son dos. Il se retourna pour apercevoir Arthur le rejoindre dans l’ombre, avec deux bouteilles à la main.

— Bière ?

Oliver accepta. Puis ils restèrent un moment tous les deux sans rien dire, à observer le ciel avec, pour fond sonore, les éclats de rire de l’appartement de Ludivine.

— C’est comme si les cieux prenaient des photos de nous, dit Arthur, les yeux perdus dans le lointain.

— Tu devrais peut-être afficher ton plus beau profil alors.

Arthur ricana avant de reprendre une gorgée.

— Je peux te faire une confession ?

Intrigué par cette démarche, Oliver arqua un sourcil.

— C’est la première fois que je bois une bière.

— Tu te fiches de moi ? s’étrangla le jeune homme en contenant son rire.

— Absolument pas, mon caporal.

— T’avais vraiment jamais bu de bière ?

— J’ai vraiment l’impression d’être un Alien, à t’entendre.

Oliver eut toutes les peines du monde à ne pas rire. Il vida cul sec la sienne puis gratta l’étiquette de sa bouteille avec son ongle.

— Et alors ? T’en penses quoi ?

— C’est pas aussi bon que je l’aurais pensé.

— C’est l’une des pires marques, selon moi.

— J’ai pris ce qui venait dans le frigo.

— Pas de bol.

Arthur considéra sa boisson d’un œil critique, adossé à la rambarde tandis qu’Oliver continuait d’observer l’horizon. Il parvint à arracher l’étiquette en un seul morceau et la glissa dans son contenant.

Doucement, il tourna la tête vers son compagnon de balcon. Le vent faisait remuer les boucles de ses cheveux et il fermait les yeux pour savourer ce moment de calme. Son profil se dessinait plus durement dans la semi-obscurité.

La baie vitrée coulissa à nouveau et laissa se faufiler Ludivine d’un pas titubant.

— C’est donc là que vous vous cachez. Qu’est-ce que ça caille !

À eux trois ils remplissaient presque tout l’espace extérieur de l’appartement. Ludivine se glissa dans un coin, obligeant les garçons à réduire la distance et elle alluma une cigarette tout en maintenant son gilet fermé sur son buste.

— Du coup pour dimanche, comment tu vas faire ?

Elle s’était adressée à son cousin qui demeura pensif.

— Je ne sais pas. Trouver un modèle à la dernière minute, ça va être compliqué.

Ludivine tira sur sa cigarette tout en agitant les jambes. Elle grelottait, mais l’envie de fumer avait su prendre le dessus. Comme il se sentait de trop, Oliver chercha à s’éclipser. Il eut juste le temps d’ouvrir la baie vitrée que la locataire l’attrapa par le bras.

— Et pourquoi pas lui ?

Surpris, le cœur d’Oliver rata un battement. Il avait soudainement l’impression de se faire piéger par l’étudiante. Et il ne savait même pas de quoi il retournait.

Mais Arthur sembla le considérer. Il le détailla du regard de haut en bas sans rien dire, les bras croisés sur sa poitrine. Oliver ne comprenait pas pourquoi ça le mettait aussi mal à l’aise. Ses mains étaient devenues si moites qu’il devait serrer sa prise sur sa bouteille pour l’empêcher de tomber.

— Pourquoi pas, finit par dire Arthur. Tu as quelque chose de prévu dimanche matin ?

Oliver déglutit.

— Non.

Ravie de l’entendre, Ludivine trépigna d’enthousiasme.

— Il a besoin d’un modèle pour une séance photo.

— C’est pour des amies qui font des études pour devenir costumières, précisa Arthur. Leur couple s’est désisté il y a trois jours et Ludivine a accepté de participer. Mais Justin et Mohamed n’ont pas les bonnes mensurations pour les tenues.

Le piège se refermait sur lui. Ludivine ne lui lâchait pas le bras avec un regard suppliant. Au moins, Arthur ne lui forçait pas la main, il énonçait juste les faits. Mais sa cousine avait manifestement décidé qu’il serait le remplaçant tout désigné.

— Je ne sais pas…

— Tu as le droit de refuser, le rassura Arthur. Ça va nous prendre des heures et c’est totalement bénévole. Mais il y a aura de quoi grignoter et tu auras en prime ma reconnaissance éternelle.

D’abord, Oliver pensa décliner poliment. Ce genre de chose n’avait rien d’anodin et jamais il n’aurait envisagé de poser devant un objectif. Enfermé dans une routine morne, c’était presque comme si on lui proposait d’aller à Disneyland. Et il avait bien compris que ce projet était ambitieux pour ceux qui le réalisaient. Il craignait de ne pas être à la hauteur. Mais d’un autre côté, ça pourrait clouer le bec de Manon et lui montrer qu’il n’était pas devenu l’introverti qu’elle voyait en lui. Il devait laisser ses démons derrière lui.

— C’est d’accord. À quelle heure ?

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