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1 - Chez Michel
2 - Anachronisme
3 - Simon
4 - Soirée Jeux
5 - Corps d'Athlète
6 - Tête à tête
7 - L'Echange
8 - Cicatrices
9 - Souffle Court
10 - Malentendu
11 - Bonne Année !
12 - La Moissonneuse Batteuse
13 - Les Mains Froides
14 - Petit Ami ?
15 - Le Garçon Triste et la Fille Mielleuse
16 - Sourire Niais
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Guenoria
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Tête à tête

— Échec et mat !

— Pardon ?! avait crié Ella après avoir observé son roi être pris au piège à la fois par le cavalier et la dame de son frère.

Il avait annoncé sa victoire avec une assurance empreinte de fierté. Le visage juvénile de sa cadette s’était décomposé, stupéfaite de n’avoir rien vu venir.

— Tu as dû tricher, je ne vois pas d’autre explication.

— Oh la mauvaise foi ! répondit Oliver en croisant les bras sur son torse.

— Tu ne peux pas être devenu bon du jour au lendemain. T’as jamais eu la moindre stratégie et ça a toujours été facile de te battre.

— Tu me vexes là !

Il feignait d’être blessé par les mots de sa sœur tandis qu’il jubilait intérieurement. Cette victoire avait un goût pas désagréable et il savait à qui il le devait.

Quelques jours après la séance photo, il avait reçu un message d’Arthur… à 3 h du matin. Celui-ci avait fini de traiter tous les clichés que les costumières avaient sélectionnés et il était enfin libre de se reposer et de se consacrer au développement de sa petite entreprise.

Entre-temps, Oliver avait été jeté un coup d’œil sur sa page Instagram qu’il avait trouvé grâce à celle de Ludivine et avait passé toute une soirée à visionner chacune des photos postées depuis ses débuts. Et il y en avait énormément !

Il avait commencé à alimenter sa page près de deux ans plus tôt, avec ses premiers essais au numérique sans traitement. Il postait principalement des paysages lors de ses voyages, puis des endroits autour de chez lui dont certains angles l’inspiraient. Sa marge de progression avait impressionné Oliver qui avait fait défiler les images jusqu’à en oublier son devoir de maths.

Son pouce s’était arrêté sur un autoportrait du jeune homme au style reconnaissable. Il s’était installé sur un tabouret haut, le dos courbé pour s’accouder sur ses cuisses. À l’époque, il n’avait pas encore de moustache, ce qui surprit Oliver, mais il n’arrivait pas à détacher ses yeux de la photo. Arthur dégageait une prestance impressionnante rien qu’avec son regard bleu azur. Le genre de regard qui faisait se hérisser tous les poils du corps et accélérer le rythme cardiaque. Il était beau et en avait sans doute conscience.

Le message qu’il lui avait envoyé en pleine nuit était plus formel que ceux de Manon. Elle ne faisait jamais dans la broderie et ses intentions tenaient toujours sur une seule ligne. Mais lui, non.

Salut. Comment tu vas ? Bon, tu dois probablement dormir et je ferais mieux d’en faire autant. Merci encore pour ta participation. Les filles ont été ravies que tu aies pu remplacer leur modèle au pied levé. Perso, j’ai passé un super moment, et Ludivine aussi. J’ai repensé à ce que tu m’as dit au sujet de ta sœur. Du coup, si ça t’intéresse, je peux t’apprendre quelques astuces. Je suis dispo toute la semaine. À ta guise.

Quand Oliver avait accepté, il s’était rendu compte que ce serait la première fois qu’ils se retrouveraient juste tous les deux, sans Manon ni aucun autre étudiant de la fac de langue. C’était une réelle rencontre amicale. Même la nageuse n’avait plus ce privilège. Ils se voyaient toujours en soirée ou chez lui.

Ils s’étaient donné rendez-vous dans un pub, dans le centre. Oliver avait emmené avec lui la planche et les pions dans son sac à dos. Il avait décidé de planifier leur entrevue en pleine journée, le jeudi, pour ne pas éveiller les soupçons d’Ella. Si les leçons d’Arthur devaient s’avérer prolifiques, il désirait lui réserver la surprise.

Le photographe était arrivé en premier et s’était fait commander un café. Ils se serrèrent poliment la main et Oliver, voulant être raisonnable, demanda un jus de fruits à la serveuse. Il plaça les différentes pièces sur la table et ils jouèrent une première partie pour estimer le niveau de chacun. Sans aucune surprise, Arthur l’emporta haut la main.

— Bon, la bonne nouvelle, c’est que t’es pas non plus une brêle, assura-t-il en replaçant les pions en ligne droite. Tu joues seulement sans projeter ton prochain coup.

— Tu sais faire ça ?

— Quand je fais une action, je dois anticiper les tiennes et penser aux conséquences. Les pros sont capables de voir loin, mais pour un joueur de salon comme moi, je dirais peut-être trois tours d’avance.

Devant le regard perdu d’Oliver, il se mit à rire.

— T’inquiète. Si tu veux juste la battre une fois, je vais te montrer quelques coups qu’elle ne verra pas venir. Tu t’adapteras ensuite.

Lors de la partie suivante, chaque mouvement était commenté. Arthur lui ouvrait de nouvelles possibilités, jugeait ses déplacements et l’invitait à réfléchir. Il le mettait en confiance et même s’il le battait encore, il le félicitait pour certains choix. Ses yeux le brûlaient à force de se concentrer sur le damier. Mais il était tout de même parvenu à tirer quelques leçons de cette séance.

— Ella n’a qu’à bien se tenir, avait-il clamé en faisant trinquer leurs boissons.

— Tu veux qu’on fasse une partie finale ? Sans que je t’aide cette fois.

Motivé par son apprentissage, il avait accepté. Les premiers déplacements de pions étaient rapides, encouragés par l’esprit de compétition. Ensuite, Oliver s’était concentré. Il visualisait l’entièreté du plateau, le placement de chaque élément en pensant à leurs potentielles actions à venir. Il dut avouer que cela le faisait considérer le jeu sous un autre angle et qu’il comprenait pourquoi Ella s’impliquait autant.

Mais à la moitié de la partie, il croisa le regard d’Arthur et se bloqua. Il n’avait rien à voir avec la manière dont ses yeux se posaient sur lui d’ordinaire. C’était différent. Il n’était plus moqueur ni passionné comme lorsqu’il parcourait les clichés sur son appareil. Il s’agissait plutôt de détermination. Mal à l’aise par la pression qu’il exerçait sur lui, peut-être non intentionnellement, Oliver se massa la nuque devenue raide et essuya ses mains moites sur son pantalon. Il avait perdu sa concentration. Puis il capitula sans même laisser son adversaire lui donner le coup de grâce.

Néanmoins, quand il s’adossait pleinement contre sa chaise, il n’éprouvait pas d’amertume. C’était tout l’inverse, il s’était amusé.

— Joueur de salon, mon cul ouais !

Pour préserver son honneur de grand frère, il n’avait rien avoué à Ella. Quand il savoura sa victoire, il repensa à cet après-midi en tête-à-tête avec Arthur. Pendant ses quelques heures, il ne s’était plus senti rongé par la culpabilité de ne pas avoir sauvé Simon, d’avoir échoué au bac ou d’avoir mis en suspens sa vie. Il se sentait bien. Et c’était ce qui comptait.

Quand il sortit Minus, il huma à pleins poumons l’air frais du parc. C’était le vendredi soir. Sa sœur avait tenu à l’accompagner et lança le bâton trouvé par leur vieil ami à quatre pattes.

Elle lui arrivait juste au-dessus de l’épaule. Ses cheveux blonds virevoltant au gré du vent. Oliver contempla son profil dans le coucher de soleil, à moitié dissimulé sous son écharpe. Tout comme lui, elle était frileuse avec les extrémités toujours froides. Elle ne dormait jamais sans sa couverture, été comme hiver. Du froncement de ses sourcils jusqu’à la courbe de son nez, il reconnaissait leur père. Pour une fois, il n’eut pas le cœur serré en y songeant.

— Tu es redevenu comme avant, avait-elle lâché de but en blanc en marchant sur le sentier.

— Tu trouves ?

À ses pommettes hautes, il devinait qu’elle souriait.

— Tu donnais l’impression d’avoir un poids en permanence sur tes épaules. Mais quelque chose a changé récemment. Maman aussi l’a remarquée.

— C’est peut-être parce qu’elle ne me quitte pas des yeux depuis la fin de l’année dernière, avait-il répliqué sur un ton sarcastique.

Pour répondre à sa remarque, elle se pencha sur le côté pour lui donner un coup d’épaule et le bousculer. Il dévia à peine de sa trajectoire.

— Ne lui dis pas que j’ai cafté, mais elle a fouillé tes affaires ce matin. Quand tu sortais Minus.

Oliver fronça les sourcils et elle s’empressa d’ajouter :

— Comme tu souriais bêtement depuis hier, elle a tout de suite pensé que tu prenais des trucs pas nets.

— Elle a vraiment pensé que j’étais défoncé ?

— Ça aurait pu expliquer ton changement d’attitude.

Minus jeta fièrement son bâton à leurs pieds et s’assit, se léchant la truffe d’un bref coup de langue. Ce coup-ci, c’est Oliver qui lui lança, puis il replongea nonchalamment ses mains dans ses poches de veste.

— Et tu penses que c’est le cas ?

Elle sembla réfléchir un moment à la question. Son nez coulant l’obligea à renifler.

— J’ai toujours couvert tes bêtises, donc je pense que si tu fumais de l’herbe de temps en temps, je serais déjà au courant. En fait, je pense savoir ce qui a vraiment changé chez toi.

— Quoi donc ?

— Tu sors plus souvent ces derniers temps, t’es de bonne humeur et tu te concentres pour me battre aux échecs. Il doit bien y avoir quelque chose qui a changé dernièrement.

Elle s’arrêta net. Oliver se tourna pour lui faire face.

— Tu ne nous cacherais pas plutôt une copine ? Ça paraîtrait logique quand on y pense.

D’abord étonné par sa supposition, il écarquilla les yeux et sentit son cœur s’emballer. Elle prit sa réaction pour un aveu.

— Alors ? Comment elle s’appelle ?

— Je n’ai pas de copine, se défendit-il en se ressaisissant.

— Mon œil ouais !

— Je te jure que c’est vrai !

— Et je suis la Duchesse de Cambridge.

— Tu es la duchesse la moins futée que je connaisse alors.

Elle ouvrit la bouche, scandalisée, mais ne dit rien. Désirant se venger, elle serra son poing et voulut légèrement cogner son frère qui l’esquiva sans peine. Pour la narguer, il trottina autour d’elle et lui tendit parfois sa joue. Puisqu’il était plus grand et plus agile, elle ne parvint jamais à l’atteindre. Minus se prit au jeu et sautilla en suivant son maître.

— Donc tu ne vas pas me dire ce qui a changé ? demanda-t-elle lorsqu’ils décidèrent de rebrousser chemin.

— Si.

Il marqua un temps mort dans sa réponse parce qu’il savait qu’elle avait vu juste. Seulement, il trouvait que quelque chose clochait quand il essayait d’y voir plus clair. Il n’arrivait pas à formuler une pensée simple et cohérente lorsqu’il devait décrire le frisson que lui provoquait le regard d’Arthur sur lui.

— Je me suis fait un ami.

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