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PetitePlume
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Chapitre 10 : Sous le même toit

Le gyrophare bleuté tournoyait dans le silence de la nuit, éclairant par à-coups les parois embuées de la vieille voiture garée sur un trottoir désert. Elijah ouvrit brusquement les yeux, éblouie par la lumière crue. Deux silhouettes approchaient, torches en main.

— Madame, c'est votre véhicule ? demanda l'un des agents, en tapant légèrement à la vitre.

Elle hocha la tête, confuse, encore engourdie de sommeil.

— Vous ne pouvez pas dormir ici. Ce véhicule n'est pas autorisé à stationner dans cette zone, et vous n'avez pas d'adresse de résidence. On va devoir le faire remorquer.

Les mots frappèrent sa conscience comme des coups sourds. Elle tenta de négocier, de gagner du temps, mais rien n'y fit. Elle récupéra ses affaires dans une précipitation nerveuse, un sac mal fermé, une veste trop légère pour la saison. La panique s'éleva dans son ventre, une vague irrésistible.

Elle sortit son téléphone, chercha dans ses contacts, les doigts tremblants. Puis appuya sur le nom de Charlotte.

La sonnerie du téléphone tira Charlotte de son sommeil. Il était presque trois heures du matin. Elle mit quelques secondes à retrouver ses esprits, puis décrocha, sa voix encore ensommeillée.

— Allô ?

— C'est moi... Elijah. Je suis désolée, je... Je sais pas à qui d'autre m'adresser.

La voix tremblait à peine, mais suffisamment pour que Charlotte se redresse dans son lit, une alarme sourde dans sa poitrine.

— Qu'est-ce qu'il se passe ?

Un silence. Puis une inspiration saccadée.

— La police... Ils m'ont réveillée. J'étais dans ma voiture. Ils ont vu que je dormais dedans et... ils l'ont emmenée à la fourrière.

Le cœur de Charlotte manqua un battement.

— Où t'es ?

— Rue des Cerisiers... juste à côté du vieux garage.

— Bouge pas. J'arrive.

La rue était vide quand Charlotte arriva. Les phares de sa voiture balayèrent la silhouette recroquevillée d'Elijah, assise sur un banc, un sac à ses pieds. Elle sortit en vitesse, accourut vers elle, sentant un mélange d’inquiétude et de soulagement.

— Elijah...

La jeune femme leva les yeux. Elle avait le visage marqué, les traits tirés, comme si elle portait une fatigue plus ancienne, plus lourde. Charlotte s'agenouilla devant elle, sans un mot, seulement pour poser une main douce sur son bras.

— Tu as bien fait de m'appeler. Monte.

Elles ne parlèrent pas pendant le trajet. Elijah fixait la route, les yeux fuyants, comme si elle n’osait pas affronter Charlotte, ni ses propres pensées. Ce n'est qu'une fois arrivées chez Charlotte que le silence se rompit.

Charlotte lui tendit une grande tasse chaude, un geste simple mais réconfortant.

— C'est un chocolat au lait, avec un peu de cannelle. J'espère que t'aimes ça.

Elijah esquissa un petit sourire en prenant la tasse, mais il était fatigué, presque absent. Elle s'assit sur le canapé, la couverture sur les épaules, encore tremblante, une fragilité qui la rendait plus humaine.

— J'adore. Merci.

Charlotte s'assit près d'elle, un peu plus près que d’habitude, mais sans rien dire. Le silence se remplissait de la chaleur du chocolat, et Charlotte laissa le calme s'installer, mais ses pensées tourbillonnaient. Puis, doucement, elle brisa l'inconfort de l'instant.

— Tu vivais dans ta voiture depuis quand ?

Elijah baissa les yeux, ses doigts jouant distraitement avec la tasse, cherchant les mots comme un chemin qu'elle n'osait emprunter.

— Quelques semaines. Depuis que je suis revenue ici, en fait. J'ai essayé de retourner chez mes parents, mais... c'était pire que tout. Ils ont jamais accepté qui je suis. Ils me le rappelaient tous les jours. Et à force d'entendre que je suis une honte, un échec, un problème... j'ai préféré partir.

Charlotte sentit sa gorge se nouer, les mots s'emmêlant. Elle posa une main sur l'avant-bras d'Elijah, un contact léger, mais porteur d'une chaleur sincère.

— T'aurais dû me dire tout ça plus tôt.

— Je voulais pas qu'on me voie comme une fille à problèmes. Je voulais pas que toi... tu me vois comme ça.

Charlotte secoua la tête, la détermination dans la voix.

— Moi, je vois une fille courageuse. Et à partir de maintenant, t'es plus seule. Tu restes ici, le temps qu'il faudra.

Elijah releva les yeux vers elle, incrédule, comme si elle ne pouvait pas saisir la portée de ce geste.

— T'es sérieuse ?

— Évidemment que je suis sérieuse. C'est pas négociable.

Un silence ému suivit. Puis Elijah hocha la tête, un murmure dans la voix :

— Merci.

Le calme revint dans l'appartement. Charlotte s'éloigna dans la cuisine, laissant Elijah seule un moment. La jeune femme laissa son regard errer autour d'elle. Tout ici lui paraissait à la fois familier et inconnu, comme Charlotte elle-même. Un parfum discret de lavande flottait encore dans l'air.

Ses yeux se posèrent sur une série de cadres posés sur une étagère. Des photos, visiblement anciennes, des souvenirs que Charlotte n'avait pas pris la peine de cacher. Elle s'en approcha, curieuse.

Sur l'un des clichés, Charlotte apparaissait aux côtés d'un homme. Il avait le bras passé autour de ses épaules, et tous deux souriaient. Un sourire franc, complice. Le genre de sourire qu'on ne partage qu'avec quelqu'un d'important.

Elijah resta figée un instant.

— C'est Thomas, dit Charlotte derrière elle, sa voix calme mais lourde de non-dits.

Elijah sursauta légèrement. Charlotte s'était approchée sans bruit, les bras croisés, adossée au mur.

— On est restés ensemble presque quatre ans, ajouta-t-elle, sa voix calme. C'était... avant tout ça.

— Avant moi, tu veux dire, souffla Elijah, en détournant un peu les yeux.

Charlotte sourit, un peu triste.

— Avant que je comprenne que je jouais un rôle pour faire plaisir aux autres.

Elijah serra les lèvres, les yeux fuyant la photo, comme si elle avait peur de se perdre dans un passé qui ne la concernait pas.

— Tu l'aimais ?

— Je croyais, répondit-elle après un moment. Je crois que je voulais l'aimer. J'avais coché toutes les cases. Il était gentil, intelligent, bien vu par mes parents. On avait des projets.

— Et puis ? murmura Elijah.

Charlotte s'approcha, posa sa main sur le dossier du canapé, près de celle d'Elijah.

— Et puis j'ai compris que je ne ressentais pas ce que je devrais ressentir. Que j'étais avec lui pour ne pas être seule, pas pour les bonnes raisons. J'ai tout arrêté. C'était dur, mais nécessaire.

Il y eut un silence lourd, avant qu'Elijah ne brise la tension.

— Et maintenant ?

Charlotte la regarda droit dans les yeux, son souffle court.

— Maintenant... je ressens des choses que j'ai jamais ressenties avant. Avec toi.

Le cœur d'Elijah battait fort, si fort qu'elle pensait qu'il allait sortir de sa poitrine. Elle baissa les yeux, incertaine de ce qu'elle venait d'entendre.

— C'est bizarre... moi, c'est l'inverse. J'ai jamais été avec un homme. Jamais voulu. J'ai toujours su que c'était les femmes. Et pourtant... c'est comme si c'était nouveau, avec toi.

— C'est pareil pour moi, murmura Charlotte. Tu me bouscules. Tu m'ouvres à quelque chose de vrai.

— J'ai peur, Charlotte. Peur que ce soit pas pareil pour toi. Que tu regrettes, que tu réalises que tu veux autre chose.

Charlotte attrapa sa main, doucement, les doigts entrelacés, fermement.

— Tu veux que je sois claire ? Toi, c'est pas "autre chose". C'est exactement ce que je veux.

Elijah déglutit, les yeux brillants d'émotion, la gorge serrée.

— Alors promets-moi qu'on ira doucement.

— Je te le promets.

Elle pressa doucement sa main dans la sienne, et dans cette promesse, un poids s'effaça, un nouveau commencement se dessina.

— On garde ça pour nous, d'accord ? Juste le temps de trouver notre rythme.

— D'accord, souffla Elijah.

Et dans ce moment suspendu, rempli de craintes, d'espoir et de chaleur, elle comprit que "chez Charlotte" allait peut-être devenir, un jour, un vrai refuge.

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1 Comment

1 month
Moooooh
Elles sont adorables (ça doit faire trois chapitres que je commence mes commentaires comme ça xD). La dynamique des personnages, leurs hésitations, leurs envie, leur relation ; c'est vraiment bien retranscrit.
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