21h30, comme convenu. Elijah monta les marches menant au bureau des responsables. L’étage était calme, loin de l’agitation de la cuisine. On entendait encore quelques bruits sourds en provenance du service, mais tout semblait amorti, comme si le monde s’était ralenti.
Elle hésita un instant devant la porte avant de toquer doucement.
— Entre, dit la voix de Charlotte, de l’autre côté.
La pièce était petite mais bien rangée. Un bureau, deux chaises, une lampe à lumière chaude qui contrastait avec les néons froids du reste du restaurant. Charlotte était assise, en train de noter quelque chose sur un cahier ouvert devant elle. Lorsqu’elle leva les yeux, son visage s’adoucit immédiatement.
— Assieds-toi.
Elijah s’exécuta, un peu tendue.
Charlotte referma son cahier et la regarda, posément. Pas comme quelqu’un qui évalue. Plutôt comme quelqu’un qui observe.
— Franchement… tu t’en es bien sortie.
Elijah releva les yeux, surprise.
— J’ai paniqué.
Charlotte sourit légèrement.
— Oui, mais tu ne t’es pas laissée couler. Tu t’es relevée. Tu t’es adaptée. C’est ça qu’on regarde.
Un silence confortable s’installa. Elijah détendit un peu ses épaules. C’était peut-être la première fois qu’elle entendait un compliment aussi sincère depuis… elle ne savait même plus.
Charlotte s’adossa à son siège, croisa les bras.
— T’as déjà bossé dans la restauration ?
— Pas vraiment. Juste un ou deux trucs, mais… rien de sérieux.
Elle marqua une pause.
— J’ai surtout eu besoin de… changer d’air.
Charlotte ne posa pas de questions. Elle hocha doucement la tête, comme si elle comprenait sans qu’on ait besoin d’expliquer.
— Ça se voit que t’es attentive. Et que tu veux bien faire. Ça compense le reste, largement.
Elijah baissa les yeux, un peu troublée. Elle se sentait vue, d’une manière qui la déstabilisait.
— Merci, murmura-t-elle.
Un silence. Puis Charlotte se leva, s’étira légèrement, et lui tendit une petite bouteille d’eau.
— Bois un coup, t’as mérité ça.
Charlotte s’était levée, prête à clôturer la journée, mais elle s’arrêta en voyant Elijah hésiter près de la porte. La jeune femme fixait ses pieds, les épaules légèrement affaissées, comme si quelque chose la retenait.
— Elijah ? demanda-t-elle doucement.
Elijah leva les yeux, un peu rouge, un peu confuse. Elle pinça les lèvres avant de souffler :
— Je suis désolée pour tout à l’heure… J’aurais pas dû paniquer comme ça. J’aurais dû gérer.
Charlotte fronça légèrement les sourcils, surprise. Elle s’approcha, adoucissant son ton.
— Tu t’excuses de quoi, exactement ? De ressentir quelque chose ?
Elijah détourna le regard.
— Je sais que j’ai été un poids. On m’a confié une tâche, et au lieu de l’assumer, j’ai paniqué. Je déteste ça. Me sentir comme… comme une gamine incapable.
Charlotte resta silencieuse une seconde, puis s’approcha encore, brisant la distance.
— Tu sais ce que j’ai vu, moi ? Une fille qui avait peur, mais qui a quand même pris sur elle et qui est revenue en cuisine. Et qui a assuré, en plus.
Elijah sentit un nœud se former dans sa gorge. Ce n’était pas seulement les mots de Charlotte, c’était la façon dont elle les disait. Il y avait une sincérité, un respect… une chaleur à laquelle elle n’était pas habituée.
— Je suis pas… je suis pas très douée avec ce genre de trucs. Quand quelqu’un est gentil avec moi, j’ai juste envie de pleurer, murmura-t-elle, un demi-sourire timide aux lèvres.
Charlotte rit doucement, puis, avec une délicatesse désarmante, posa sa main sur le bras d’Elijah.
— Je suis ravie de bosser avec toi. Vraiment. Et tu sais quoi ? La prochaine fois, on fermera ensemble. J’ai hâte.
Elijah hocha la tête, incapable de répondre tout de suite. Son cœur battait plus vite, et elle n’aurait pas su dire si c’était de la nervosité… ou quelque chose d’autre. Elle sortit du bureau, le pas plus léger, mais l’esprit plus agité que jamais.
Dehors, l’air de la nuit était froid. Elle marcha en silence, les mains dans les poches, jusqu’à l’endroit où elle avait garé sa voiture. Le véhicule l’attendait, solitaire, caché entre deux arbres, là où personne ne penserait à regarder.
Elle s’y glissa en silence, s’enroula dans une couverture, et ferma les yeux. Mais le sommeil mit du temps à venir. Parce qu’elle repensait à Charlotte. À sa voix. À son regard. À sa douceur inattendue.
Et, pour la première fois depuis longtemps, elle se sentit un peu moins seule.
Des fois, il y a quelques répétitions dans le texte qui sortent un peu du récit (notamment, Charlotte : Son prénom est beaucoup répété), mais dans l'ensemble, c'est chouette. Le rythme notamment est très bien géré, et les descriptions du point de vue d'Elijah sont très prenantes. On a pas la réalité, mais la perception qu'elle en a. A la lecture, ça accroche vraiment.
Juste un truc : au milieu de ce chapitre, l'histoire passe d'une narration au présent à une narration au passé. Est-ce que c'est voulu ?