Le restaurant était en pleine effervescence ce matin-là, mais il y avait cette sorte de calme entre Charlotte et Elijah. Comme un jeu silencieux, un ballet bien rôdé entre elles, mais avec des gestes qui trahissaient un peu plus. Les échanges de regards étaient plus longs, plus profonds. Elles se frôlaient dans la cuisine, ou en passant les unes devant les autres, avec cette proximité qui n'était plus si anonyme.
Quand Charlotte passait une commande, elle touchait accidentellement le bras d'Elijah, leurs doigts se frôlaient parfois, et c'était plus qu'un simple geste. C'était un langage à part entière, plus intime que tout autre. Les gestes étaient toujours discrets, mais leur sens était devenu évident. Un contact prolongé au moment de passer un plat ou de se coordonner dans un service devenait une caresse presque furtive. Aucun mot n'était nécessaire. L'évidence de ce lien entre elles s'imposait.
Les regards de Soraya ne manquèrent pas de capter ces petites choses, ces gestes qui n'étaient pas tout à fait innocents. Elle n'était pas du genre à se laisser tromper par des apparences. Lorsqu'elle aperçut Charlotte et Elijah échanger un regard un peu plus longtemps que d'habitude, ou lorsqu'elle remarqua la façon dont Charlotte effleurait le bras d'Elijah en lui passant une commande, son instinct se mit en alerte.
Elle attendit le moment opportun pour confronter Charlotte. Alors qu'elles se retrouvaient dans la salle de gestion pour discuter d'un détail administratif, Soraya s'approcha d'elle, son regard tranchant comme une lame.
— Tu penses que je ne vois pas ce qui se passe entre toi et Elijah ? dit-elle froidement, son ton à peine audible.
Charlotte la fixa un instant, son visage se fermant, mais ne laissant rien transparaître.
— Je ne sais pas de quoi tu parles, répondit-elle calmement, mais la légère tension dans sa voix ne lui échappa pas.
Soraya esquissa un sourire, un sourire froid. Elle se pencha un peu plus près de Charlotte, assez pour que personne d'autre n'entende ce qu'elle allait dire.
— Si tu veux que ça reste entre nous, tu ferais bien de me rendre un petit service. Je veux un meilleur planning, plus de week-ends libres. Ou alors... je pourrais faire en sorte que Hélène entende parler de ta relation avec Elijah. Peut-être même que je pourrais fouiller un peu dans la caisse, et te laisser devoir la couvrir. Tu sais très bien comment ça marche ici.
Charlotte sentit une pression s'installer dans ses épaules. Soraya savait qu'elle était dans une position délicate.
— Je vais réfléchir à ta proposition, répondit Charlotte, son ton plus bas, presque menaçant, avant de tourner les talons, le cœur battant.
Depuis sa confrontation avec Soraya, Charlotte s'était tendue. Quelque chose la rongeait, elle évitait un peu Elijah. Non pas avec froideur, mais avec prudence. Comme si elle cherchait à contenir quelque chose. Ou à se convaincre de quelque chose qu'elle ne croyait plus.
Elijah la trouva en train de fumer, accoudée contre le mur arrière du restaurant, le regard perdu sur les grilles du parking.
— Tu me fuis ? demanda-t-elle doucement.
Charlotte ne répondit pas tout de suite. Elle tira une longue bouffée, puis souffla lentement la fumée vers le ciel gris.
— Non. J'essaie juste de... réfléchir.
Elijah s'arrêta à un mètre d'elle. Elle la détailla : ses épaules tendues, sa nuque contractée, cette posture qui criait "je retiens tout à l'intérieur."
— Tu veux réfléchir à quoi ? À moi ? À nous ?
Charlotte se tourna enfin, les yeux brillants de tension.
— À ce que je mets en jeu, Ellie. À ce que toi tu mets en jeu. Je peux pas juste faire comme si de rien n'était.
— Charlotte, je sais que t'as peur. Moi aussi j'ai peur. Mais t'es pas seule.
Charlotte se mordit la lèvre. Elle hésita. Puis, d'un coup, comme si le barrage lâchait :
— Soraya est venue me voir, elle sait pour nous. Et elle me fait chanter.
Le silence tomba comme une pierre.
— Quoi ? souffla Elijah.
— Elle veut que je couvre ses absences. Que je change mes horaires. Et si je refuse, elle dit qu'elle parlera à Hélène. Ou pire... elle parle de voler dans la caisse.
Elijah recula d'un pas, abasourdie. Puis elle secoua la tête. Elle inspira profondément, s'approcha à nouveau. Elle posa ses mains sur les bras de Charlotte.
— Tu te souviens quand Hélène m'a convoquée ? demanda-t-elle. Elle m'a parlé. Elle sait pour nous, ou en tout cas, elle devine. Et... je ne pense pas qu'elle sera du côté de Soraya. Elle veut juste que tu sois heureuse, Charlotte.
Charlotte détourna les yeux.
— Pourquoi tu ne m'en as pas parlé ?
— Elle était juste inquiète pour toi, y'avait pas grand-chose à dire.
Un battement suspendu. Puis Charlotte se tourna vers elle, l'attrapa par la taille et enfouit son visage dans son cou.
— J'arrive pas à me détacher de toi, souffla-t-elle.
— Alors arrête de lutter.
Elijah entendit son prénom au loin, elle devait retourner en cuisine. Elle lâcha la main de Charlotte délicatement tout en la regardant droit dans les yeux. Charlotte quittait plus tôt que la jeune femme et en partant, elle croisa sa collègue, Soraya, qui lui fit un clin d'œil, lui rappelant de répondre à sa proposition.
Arrivée à sa voiture, Charlotte voulut rentrer chez elle mais elle ne parvint pas à démarrer. Elle luttait entre la colère du chantage et l'attirance qu'elle ressentait toujours pour Elijah. Elle prit alors son téléphone et appela Hélène.
Un truc que je ne comprends pas, c'est ce qui fait peur à Charlotte et Elijah. En quoi avoir une relation est problématique ? Est-ce que c'est la peur de jugements homphobes, l'interdiction de sortir avec un collègue de travail ? La raison pour laquelle elles se cachent n'est pas clairement évoquée, et ça me perd un peu. J'ai du mal à comprendre comment/pourquoi c'est un motif de chantage.
Sinon, la description de la relation qui évolue est vraiment chouette.