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Vitalevskaya
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Chapitre 11

Fin des cours, 18h00, Fordham University

ROSE

Après cette longue journée à Fordham, on avait enfin terminé. Je traînais derrière Veronica, discutant de tout et de rien, parce que, soyons honnêtes, le silence n’est pas vraiment mon truc. Elle semblait ailleurs, jouant distraitement avec son collier. Je savais déjà ce qu’il représentait pour elle. Elle me l’avait raconté une fois, un soir où on avait parlé jusqu’à pas d’heure. C’était un cadeau de sa mère, une femme qu’elle avait perdue trop tôt. Et ce collier, il était comme un morceau de sa mère qu’elle portait toujours près de son cœur.

J’observai Veronica et son air concentré avant de briser le silence :
— Tu sais, avec ce collier et ton air rêveur, tu ressembles à une de ces héroïnes des dramas chinois, genre celle qui porte un bijou précieux qui cache un grand secret.

Elle me jeta un regard amusé, même si elle savait très bien que je plaisantais qu’à moitié.
— Et tu m’appellerais comment dans ce drama ? dit-elle en croisant les bras.

Je réfléchis une seconde, un sourire malicieux aux lèvres.
— Hmm… je dirais "Xiǎo Zhēn", ça veut dire "petite perle". C’est mignon et ça te va bien, parce que t’es précieuse, mais aussi parce que t’as toujours cet air mystérieux.

Veronica rougit légèrement, gênée mais flattée.
— Xiǎo Zhēn, vraiment ? C’est pas un peu cliché ?

— Peut-être, mais c’est parfait pour toi. Puis c’est moi qui choisis, alors c’est non négociable, déclarai-je, en tirant la langue.

Elle roula les yeux mais ne put s’empêcher de sourire.

En marchant, je ne pouvais m’empêcher de remplir le silence avec mon babillage habituel.
— Franchement, tu devrais me remercier de te donner un surnom chinois. C’est pas tout le monde qui a ce privilège ! D’ailleurs, t’as de la chance que je sois là pour équilibrer ton côté dramatique avec ma joie de vivre. Sinon, tu serais perdue, ma chère petite perle.

Veronica éclata de rire, secouant doucement la tête.
— Heureusement que je t’ai, Rose. Sinon, ma vie serait tellement… tranquille.

— Exactement ! répondis-je en la pointant du doigt. Tranquille, mais ennuyeuse. Et puis, franchement, qui d’autre que moi pour te sauver quand tu fais des choix… douteux ?

Elle plissa les yeux, sachant très bien que je faisais allusion à Juan. Mais au lieu de s’énerver, elle choisit de rire.

— C’est bon, Maman Rose, je prendrai tes conseils en compte.

— Maman Rose, hein ? Je préfère Tata Rose, ça fait plus cool, mais je prends.

Quand on arriva au parking, mes yeux se posèrent immédiatement sur mes frères et leurs amis, appuyés nonchalamment contre leur SUV. Jun faisait défiler son téléphone, Jingwei discutait sérieusement avec Zhihao, et Tyler semblait perdu dans ses pensées. Ils dégageaient cette aura d’intimidation naturelle, mais moi, je savais que c’étaient des nounours... enfin, presque.

Mais mon attention fut vite détournée quand je remarquai lui.

Juan était là, assis sur le capot de sa voiture, l’air décontracté mais étrangement menaçant. Il ne quittait pas Veronica des yeux. Ce type m’irritait. Il était comme une ombre sinistre qui planait au-dessus d’elle.

Je me tournai vers ma meilleure amie, posant une main sur son bras.
— Hey, t’es sûre que tu veux vraiment partir avec lui ? demandai-je doucement mais sérieusement.

Veronica hocha la tête, un mélange d’hésitation et de détermination dans son regard.
— Oui, Rose. C’est compliqué, mais je gère.

Je soupirai, sachant que pousser plus loin ne servirait à rien. J’avais confiance en elle, mais pas en Juan.

Un éclair de génie traversa mon esprit.
— Attends, t’as même pas mon numéro, Xiǎo Zhēn ! Imagine, si t’as besoin de moi en urgence ou juste pour papoter, tu fais comment ?

Elle sourit faiblement, sortant son téléphone.
— T’as raison, je sais pas pourquoi on a jamais échangé nos numéros.

On s’échangea nos contacts rapidement, et je lui envoyai un premier message pour qu’elle l’ait dans son historique :
"Coucou, ici Tata Rose. N’oublie pas que je veille sur toi, ok ?"

Elle éclata de rire en lisant le message, et ça me réchauffa un peu le cœur.
— T’es incroyable, Rose, dit-elle en rangeant son téléphone dans son sac.

Je lui tendis les bras pour un câlin.
— Prends soin de toi, d’accord ? Si ce mec fait quoi que ce soit de louche, appelle-moi direct.

Veronica m’étreignit doucement avant de s’écarter.
— Merci, Rose. À plus tard.

Je la regardai s’éloigner vers Juan, mon cœur se serrant légèrement. J’avais envie de crier "reste avec moi", mais je savais qu’elle avait besoin de faire ses propres choix.

Je soupirai et me retournai pour rejoindre mes frères. Tyler haussa un sourcil en me voyant arriver.
— Ça va ? demanda-t-il, visiblement intrigué.

Je hochai la tête, forçant un sourire.
— Oui, ça va. Mais vous, vous pourriez essayer d’être un peu moins flippants quand vous m’attendez ? On dirait une bande de gardes du corps de mafia.

Comme si on ne faisait pas partie de la mafia chinoise…

Jun lâcha un petit rire, et Jingwei roula des yeux.
— Monte dans la voiture, pipelette, dit ce dernier, toujours aussi sérieux.

— Toujours un plaisir de te voir, Jingwei, lançai-je avec une moue amusée avant de grimper dans le SUV avec eux.

Alors qu’on quittait le parking, je jetai un dernier regard vers Veronica et Juan. Elle montait dans sa voiture, un sourire timide sur les lèvres. J’espérais de tout cœur qu’elle avait fait le bon choix…

18h15, Sur la route,New York

L’atmosphère dans le SUV était lourde, bien trop silencieuse à mon goût. Mes frères et leurs amis étaient d’ordinaire calmes, mais là, c’était oppressant. Je détestais ça. Alors, fidèle à moi-même, j'ai décidé de briser la glace.

— Les garçons ? Vous pensez savoir pourquoi Juan est venu chercher Vero ? demandai-je en croisant les bras, lançant un regard circulaire.

Zhihao, fidèle à son franc-parler, répondit le premier.
— J’en sais rien, mais ça sent mauvais, franchement. Ce type a une réputation. J’espère qu’il ne va pas en faire une de ses proies.

Jingwei, qui conduisait, lâcha un soupir exaspéré et lança son habituel commentaire acéré.
— Je pense que c’est déjà trop tard.

Mon regard se durcit, mais avant que je ne réponde, Jun, assis à côté de Jingwei, tourna la tête vers moi, toujours aussi posé.
— T’as pu avoir des informations sur elle quand t’as dormi là-bas ? demanda-t-il, son ton doux mais ses mots tranchants.

Je fronçai les sourcils, piquée par la question.
— Quoi ? Vous pensez vraiment que je vais enquêter sur ma copine avec vous ?!

Jun leva calmement les mains en signe d’innocence.
— On te demande pas d’enquêter, Rose. Juste… est-ce que t’as remarqué quelque chose d’étrange ou si t’as vu quelque chose de particulier chez elle ?

Je soupirai bruyamment. Ils étaient lourds, mais ils savaient comment me faire parler. Après une hésitation, je finis par céder.
— Bon, d’accord. À un moment, dans la nuit, elle s’est réveillée en sueur. Elle tremblait comme une feuille. C’était flippant. Elle était si pâle… comme un fantôme.

Jun fronça les sourcils. Même Jingwei, d’ordinaire concentré sur la route, m’adressa un regard à travers le rétroviseur.

— Et puis quoi ? demanda Zhihao, son ton plus pressant.

Je mordillai ma lèvre, mal à l’aise à l’idée de leur raconter tout. Mais ils méritaient de savoir.
— Elle… Elle avait un regard horrifié. Comme si elle voyait quelque chose que moi, je pouvais pas voir. Elle criait et appelait sa mère.

Un silence pesant s’installa, mais je savais qu’ils attendaient plus. Je pris une inspiration avant de lâcher le reste.
— Et il y avait autre chose… Quand elle s’est redressée, son t-shirt était relevé. J’ai vu des cicatrices. Partout. Mais pas des petites griffures, hein. Des cicatrices profondes.

Zhihao se redressa, la mâchoire serrée.
— Qu’est-ce que tu veux dire ?

Je déglutis, hésitant à aller plus loin. Mais il était trop tard pour reculer.
— La pire, c’était une énorme cicatrice sur son côté droit. Elle était encore un peu rouge, presque rose. Elle devait partir de son aisselle jusqu’à sa hanche. C’était comme… comme si quelqu’un avait essayé de la… de la dépouiller vivante.

— Bordel, lâcha Zhihao en serrant les poings, son visage fermé par la colère.

Jun passa une main dans ses cheveux, signe évident qu’il réfléchissait intensément.
— C’est pas une blessure anodine, ça. Vraiment pas.

Même Jingwei, d’habitude impassible, fronça légèrement les sourcils.
— Cette fille… elle cache quelque chose. Y’a pas de doute, dit-il d’une voix tranchante.

— Elle n'est pas obligée de tout vous raconter, vous savez ? On a tous nos secrets, rétorquai-je, agacée.

— Peut-être, Rose, mais là, c’est pas juste une question de secrets, répondit Jingwei avec froideur. C’est un mélange de trucs étranges. Le piratage. Juan. Et maintenant, ces cicatrices… Qui est-elle, au juste ?

Un silence pesant s’installa, avant que Jun ne prenne la parole, sa voix plus grave cette fois.
— Je sais pas si c’est une coïncidence, mais… Rose, il faut que je te dise quelque chose.

Tous les regards se tournèrent vers lui, y compris le mien. Jun ne lâchait pas des révélations à la légère.

— J’ai un tatouage, sur mon avant-bras gauche, dit-il doucement, en relevant la manche de son sweat pour dévoiler une marque discrète mais frappante, un symbole complexe entouré de fines lignes.Un dragon chinois…

Mon souffle se coupa. Je l’avais vu sur Veronica. Exactement le même, placé au même endroit.

— Attends… Non… Non, c’est impossible… soufflai-je, la gorge nouée.

— Si, confirma-t-il en hochant la tête, son ton calme ne masquant pas la gravité de ses paroles. 

— Ce tatouage, c’est pas juste un dessin. Ça signifie qu’on a été dans le même camp. Les Triades. En Chine.

Zhihao releva brutalement la tête, les yeux écarquillés. Même Jingwei serra plus fort le volant.

— Qu’est-ce que tu racontes ? demanda Zhihao, abasourdi.

— Je suis presque sûr qu’elle a été envoyée là-bas, tout comme moi. Et si c’est vrai… alors c’est bien plus grave que ce qu’on pensait, expliqua Jun, sa voix lourde de sous-entendus.

Je restai sans voix. Les pièces du puzzle semblaient s’assembler, mais elles formaient une image bien plus sombre que je ne l’aurais imaginé.

— Putain… souffla Zhihao en passant une main sur son visage.

Jingwei reprit la parole, son ton sec et sans appel.
— Si elle vient des Triades, ça veut dire qu’elle est soit un atout, soit une menace. Et on doit savoir laquelle.

— Arrêtez, m’écriai-je, les yeux embués. Veronica n’est pas un problème. Elle a eu une vie compliquée, d’accord ? Mais elle n’est pas un danger.

Jun croisa les bras, me fixant avec gravité.
— Rose, si elle a le même tatouage que moi, alors elle a été entraînée pour des choses que tu ne peux même pas imaginer.

Je détournai le regard, ne voulant pas écouter ce qu’il disait. Mais au fond de moi, je savais qu’il avait raison.

RITA

18h15,Au même moment  Sur la route,New York

L’ambiance dans la voiture était glaciale, lourde, pesante. Juan, au volant, avait ce regard froid et calculateur que j’avais appris à reconnaître. Il réfléchissait, ses mains crispées sur le volant, le menton légèrement relevé comme s’il pesait chaque mot avant de parler.

Finalement, il brisa le silence, d’une voix posée mais empreinte d’une menace sous-jacente :
— Bon, Veronica, je dois te dire un truc.

Je tournais légèrement la tête vers lui, méfiante.
— Dis-moi, répondis-je, ma voix neutre, mais mes sens en alerte.

Il esquissa un sourire, celui qui ne promettait rien de bon, et lâcha d’un ton presque enjoué :
— À partir de demain, tu vas être ma nouvelle sicaria attitrée.

Je haussai un sourcil, restant calme malgré le poids de ses mots. Il continua, son sourire s’élargissant :
— Tu ne feras aucune protestation. Tu n’as pas le choix, Veronica. C’est soit tu acceptes… soit ton petit copain, Devon Lockwood…

Il s’interrompit pour rire, un rire glacial et cruel qui me donna envie de lui planter ma propre lame dans la gorge.

— Ah oui, Devon Lockwood. C’est bien ça, non ? Il ne me laissa pas réagir et continua, son ton devenant plus tranchant :
— Alors, petite princesse, vu l’attirail que je t’ai livré, tu n’es pas juste une gamine à papa pourrie gâtée. Tu caches quelque chose de bien plus sombre.

Je restai impassible, serrant les poings sur mes genoux pour ne pas lui donner la satisfaction de voir ma colère. Je savais qu’il jouait avec mes nerfs, qu’il voulait une réaction.

— Tu es sérieux ? Alors toutes tes petites attentions, tous tes beaux discours… c’était juste une mise en scène pour m’attirer dans ton gang ?

Il éclata de rire, un rire qui faisait froid dans le dos.
— Exactement. Tu as tout compris, perspicace comme toujours,
mi pequeña princesa.

Mon regard se durcit. Ma voix, froide comme la lame d’un couteau :
— Très bien. Je ferai ce que tu veux, mais ne touche pas à Devon.

Il leva un sourcil, surpris de ma réponse, mais je vis l’ombre d’un sourire narquois étirer ses lèvres.
— Et Rose et sa bande, j’imagine que tu veux qu’ils soient hors de ça aussi ? ajouta-t-il, moqueur.

— Tu n’oserais même pas t’en prendre à eux, répondis-je, un sourire amer aux lèvres. Non hai le palle.

Son sourire disparut, remplacé par une rage froide.
— Je sais parler italien, sale pute, répliqua-t-il.

Et avant que je ne comprenne ce qui se passait, une douleur fulgurante me transperça la cuisse. Je baissai les yeux et vis le manche d’un couteau planté dans ma chair. Je n’avais pas vu le coup venir. Aucun cri ne sortit de ma bouche. La douleur était immense, mais j’avais vécu pire.

Juan, impassible, roula encore sur une centaine de mètres avant de s’arrêter. Il se détacha calmement, ouvrit la portière côté passager, et me poussa violemment hors de la voiture.

— Demain. Chez moi. À 12h. Ne sois pas en retard, cria-t-il avant de repartir en trombe, laissant derrière lui une traînée de fumée et de silence.

Je restai là, allongée sur le bitume froid, ma cuisse en sang. La douleur était vive, mais je savais que le plus gros problème, c’était la quantité de sang que je perdais. Ma respiration était hachée, mes forces diminuaient.

Je pris une grande inspiration et sortis mon téléphone d’une main tremblante. Je savais qui appeler. La seule personne à qui je pouvais demander de l’aide.

— Allô, Xiǎo Zhēn ? répondit Rose, sa voix joyeuse.

— Allô… Je t’en supplie… Aide-moi… Trace mon téléphone… Viens me chercher, murmurai-je faiblement, la douleur me dévorant.

— Vero ?! Qu’est-ce qu’il se passe ? T’es où ?! hurla-t-elle, paniquée.

Je ne répondis pas. Je luttais pour rester consciente, mais mes forces me quittaient rapidement.

— Tiens bon, j’arrive ! Je te trouve et je viens, OK ?! cria Rose, sa voix pleine de panique, mais aussi de détermination.

Je fermai les yeux, espérant qu’elle arriverait à temps. Luttant contre l’obscurité qui menaçait de m’emporter, je me répétai intérieurement : Tiens bon, tiens bon…

18h45,une trentaine de minute plus tard, Sur la route,New York

J’entendis les pneus crisser avant que le silence ne soit brisé par une portière qui claquait violemment. Une silhouette familière se précipita vers moi, son visage déformé par l’inquiétude.

— Putain, Vero, qu’est-ce qu’il s’est passé ?! hurla Rose en s’agenouillant près de moi. Son ton était à la fois paniqué et rempli d’un désespoir palpable. Ses mains tremblaient alors qu’elle essayait de m’examiner rapidement. Je t’en supplie, réponds-moi !

Je levai doucement les yeux vers elle, sentant la fatigue peser sur mes paupières, mais je me forçai à parler d’une voix faible.
— Ça va… Je vais bien. Compresse la blessure, murmurai-je, essayant de ne pas céder à la douleur. Amenez-moi chez moi, s’il te plaît.

Son regard paniqué devint furieux.
— Mais qu’est-ce que tu racontes ?! T’es en train de saigner comme jamais, on va à l’hôpital !

Je serrai les dents et attrapai son poignet pour l’arrêter.
— Non, Rose. Hors de question. Pas d’hôpital. Amène-moi juste chez moi, ordonnai-je d’une voix plus ferme, même si chaque mot me coûtait un effort monumental.

Elle hésita, son regard passant de ma blessure à mon visage. Ses lèvres tremblaient, et je savais qu’elle allait protester, mais elle finit par hocher la tête à contrecœur.
— Très bien. Mais si ça empire, je te jure qu’on file direct à l’hôpital, OK ?!

J’acquiesçai faiblement. Elle passa mon bras autour de son épaule pour m’aider à me relever. La douleur était atroce, mais je fis tout pour ne rien laisser paraître.

Quand je levai les yeux, je remarquai enfin qu’elle n’était pas seule. Jingwei, Zhihao, Jun et Tyler étaient là, regroupés près de la voiture, leurs visages marqués par l’inquiétude et la confusion.

— Qu’est-ce qu’il s’est passé ? demanda Jingwei d’un ton sec, ses sourcils froncés.

Zhihao, à ses côtés, observa ma jambe en sang avec une expression dure, mais ses yeux trahissaient une pointe d’inquiétude.
— Qui t’a fait ça ? lança-t-il, sa voix froide comme un couperet.

Jun, plus discret, s’avança d’un pas, croisant les bras tout en scrutant mon visage.
— Veronica, tu peux au moins nous dire ce qui s’est passé ? demanda-t-il calmement, mais avec insistance.

Tyler, fidèle à lui-même, restait silencieux, mais ses poings serrés trahissaient sa tension.

Je ne répondis pas. Toute mon énergie était concentrée sur le fait de tenir debout et de rester consciente. Rose sentit mon hésitation et tourna la tête vers eux.
— Lâchez-la, OK ? Elle a besoin de rentrer chez elle et de se reposer. On parlera après, déclara-t-elle, son ton plus autoritaire que je ne l’avais jamais entendu.

— Reposer ?! Elle a un putain de couteau dans la jambe ! protesta Zhihao, sa voix montant d’un cran.

— Ça suffit, Zhihao, coupa Jun en levant une main pour calmer son ami.

Rose me serra un peu plus contre elle et me murmura à l’oreille :
— T’inquiète, Xiǎo Zhēn, je vais te sortir de là.

Ce surnom m’arracha un soupir fatigué. Elle l’avait choisie parce qu’elle disait que j’avais l’air « précieuse et fragile comme une petite perle », même si je savais que je n’avais rien de fragile en réalité.

Ensemble, nous avançâmes lentement vers la voiture. Tyler ouvrit la portière arrière sans un mot, tandis que Jun s’écartait pour nous laisser passer. Rose m’aida à m’installer, ajustant une veste sous ma jambe pour limiter la pression sur ma blessure.

Jingwei croisa les bras, son regard dur fixé sur moi.
— Tu ferais mieux d’avoir une bonne explication pour tout ça, lança-t-il sèchement.

Rose se retourna brusquement, ses yeux lançant des éclairs.
— Hé, tu peux arrêter deux secondes ?! Ce n’est pas le moment pour tes interrogatoires de chef militaire, Jingwei.

Il la fusilla du regard, mais elle l’ignora et grimpa dans la voiture à mes côtés. Les garçons montèrent à l’avant, et Tyler, qui avait pris le volant, démarra sans poser de questions.

Pendant tout le trajet, les garçons murmurèrent des hypothèses entre eux, mais je n’écoutais rien. Ma tête reposait contre l’épaule de Rose, et je concentrais toutes mes forces sur ma respiration, essayant de ne pas sombrer.

Rose, quant à elle, n’arrêtait pas de parler. Sa voix était douce, pleine d’inquiétude, mais elle tentait de me distraire, de me faire sourire malgré la situation.
— Xiǎo Zhēn, sérieux, t’as vraiment un don pour attirer les ennuis, hein ? Je sais que t’es badass et tout, mais là, tu abuses.

Je levai un coin de ma bouche dans un simulacre de sourire.
— Tu vas me gronder, c’est ça ? murmurai-je.

— Gronder ? Nan, mais t’inquiète, je vais te faire un discours de trois heures quand tu iras mieux, répondit-elle en riant nerveusement.  En attendant, t’as intérêt à tenir, parce que si tu claques maintenant, je te tue.

Je roulai les yeux, un rire rauque m’échappant malgré moi. Rose était la seule capable de mêler inquiétude et humour dans une situation pareille.

Les garçons continuèrent à poser des questions, à murmurer entre eux, mais Rose restait concentrée sur moi, ignorant leurs remarques.

— On est presque arrivés, chuchota-t-elle en me tapotant doucement la main.

Je hochai la tête, me raccrochant à cette promesse. Rose était là. Elle ne me laisserait pas tomber

-Ramenez moi chez moi..s’il vous plaît c’est tout ce que je vous demande.

19h15,Appartement New York

Nous venions tout juste d’arriver devant mon palier. Évidemment, les garçons ne voulaient pas nous laisser seules, Rose et moi, ce que je pouvais comprendre. J’ouvris la porte et demandai :

— Rose, dépose-moi sur le canapé, s’il te plaît. Quelqu’un peut aller chercher la trousse de secours dans la salle de bain, en haut ? Elle est dans l’un des placards près de la baignoire.

— J’y vais, dit Zhihao, sans hésiter.

— Vous pouvez vous retourner, les garçons ? Que je puisse garder un peu d’intimité, s’il vous plaît ?

Ils ne dirent rien. Jun affichait un sourire presque amusé, ce qui me fit sourire aussi. Il savait pertinemment que l’intimité ne semblait pas être la première chose qui préoccupait les garçons. Mais je n’avais pas l’intention de me laisser déstabiliser.

— Ok, Rose, enlève-moi mon pantalon, ajoutai-je.

— Attends, tu vas te recoudre toute seule ? Tu ne veux même pas appeler un médecin, ou je ne sais pas moi ? dit-elle, inquiète.

— Rose, je suis assez grande. S’il te plaît, fais-moi confiance, répondis-je en la fixant droit dans les yeux.

Elle acquiesça enfin et, avec douceur, dégrafa mon pantalon avant de me le descendre. À ce moment-là, Zhihao arriva. Quand il aperçut la scène, il lâcha la trousse et se cacha les yeux avec sa main, visiblement gêné. Je ne pus m’empêcher de rire.

— Rose, les garçons, partez dans une autre pièce, s’il vous plaît. Je vous appelle quand j’ai fini.

Rose allait riposter, mais les garçons ne la laissèrent pas faire et l’entraînèrent dans la cuisine, un espace séparé par de lourdes poutres en béton.

Quand je me retrouvai enfin seule, je pris une compresse, l'humidifie d'alcool et l'applique délicatement sur la blessure. La douleur était encore vive, mais je pouvais la supporter. Le temps que la compresse désinfecte l’entaille, je prends une aiguille et du fil, les désinfectant soigneusement à leur tour. Puis, je me prépare à commencer à me recoudre.

Je plantai l’aiguille dans ma peau, tirai le fil, fis un nœud, et répéta le mouvement avec une précision presque mécanique. Chaque point que je faisais était un petit combat contre la douleur et la panique, mais il fallait que je le fasse. Quinze points de suture plus tard, j'avais une nouvelle cicatrice, de plus.

19h45,une trentaine de minute plus tard,Appartement à New York

Je me levai enfin, une fois les derniers points de sutures posés, et je pris une profonde inspiration. La douleur était encore là, mais je savais que je pouvais la gérer. Il était temps de retrouver les garçons et Rose, qui avaient probablement mille questions à poser.

Je me rendis dans la cuisine, où ils m'attendaient. Dès que je franchis le seuil, tous les regards se braquèrent sur moi. Aucun d’eux ne parla immédiatement, mais je pouvais sentir leur curiosité.

— J’ai fini, lançai-je d’un ton calme, mais avec une petite pointe de fatigue dans la voix. Vous pouvez venir.

Zhihao s’avança immédiatement, inquiet, comme toujours. Son regard se fixa sur moi, un peu trop insistant.

— Tu vas bien ? Tu n’as pas trop mal ? demanda-t-il, une note de gravité dans la voix.

Je lui offris un sourire un peu forcé, histoire de le rassurer.

— Non, ça va. C’est juste une petite blessure, vraiment, répondis-je d’un ton léger, même si je savais que ce n’était pas tout à fait le cas.

Jingwei, lui, semblait plus sceptique. Il me fixa un instant, l’air toujours aussi sérieux.

— T’es vraiment sûre que ça va ? C’est un peu… risqué de faire ça toute seule, non ? demanda-t-il, visiblement inquiet. Tu pourrais avoir fait une erreur.

Je haussai les épaules, en essayant de paraître plus sûre de moi que je ne l’étais réellement.

— Non, vraiment, je m’en suis bien sortie. Ça ne m’est rien, j’ai déjà eu pire, répondis-je, en espérant que mes mots sonnaient convaincants.

Rose, qui avait observé la scène sans intervenir, sa curiosité débordant, ne tarda pas à prendre la parole.

— Alors, c’est bien Juan qui t’a fait ça ? Parce que tu m’as pas tout dit, là, lança-t-elle, taquine. J’imagine que tu vas nous dire qu’il a fait ça pour une bonne raison, hein ?

Je fus un peu prise de court. Je savais que je devais donner une explication, mais en même temps, je n’avais pas envie qu’ils découvrent la vérité complète. Je fis une pause, cherchant mes mots.

— Oui… enfin, ouais, c’est lui, répondis-je d’abord, avant d’ajouter, un peu hésitante, comme si je cherchais la bonne manière de le dire. Mais… c’est pas vraiment ce que tu crois. Il m’a… il m’a dit que j’étais trop arrogante et que je devrais fermer ma bouche, alors je lui ai répondu. Je lui ai dit qu’il… qu’il n’avait pas de couilles, répondis-je en me forçant à sourire.

Je sentis un moment de silence, puis Zhihao s’avança d’un pas, l’air visiblement préoccupé.

— Quoi ? Il t’a fait ça juste pour ça ? Il t’a plantée juste parce que tu lui as dit ça ? répéta-t-il, choqué.

Je me sentis soudainement un peu mal à l’aise sous le regard insistant des garçons. Mais je devais m’en sortir. J’étais déjà allée trop loin pour revenir en arrière.

— Ouais… il a pété un câble pour ça, expliquai-je, en hésitant légèrement. Mais c’est… c’est pas grand-chose. C’est juste que, je sais pas, il est tellement sensible pour rien, je suppose. J’ai dit ce que je pensais, et ça l’a fait réagir, répondis-je, cherchant à paraître plus détendue.

Je vis Jun observer ma réaction avec une attention particulière. Son regard me perça, et je sentis une pression s’intensifier.

— Vraiment ? Tu es sûre que c’est tout ? Il n’y a pas autre chose ? demanda-t-il d’une voix plus basse, mais tellement précise. J’ai l’impression que tu me caches quelque chose, Veronica.

Je me figeai, un instant de panique traversant mon esprit. Jun savait, il savait qu’il y avait quelque chose de plus. Je le regardai droit dans les yeux, me forçant à garder mon calme.

— Non, je t’assure, c’est juste ça. Il m’a énervée, il m’a attaquée pour rien, et voilà, répondis-je, un peu plus sèchement, comme pour le repousser. Je n’ai pas l’intention de me justifier plus longtemps.

Zhihao, qui m’observait toujours avec une inquiétude palpable, se tourna vers les autres garçons.

— Tu sais, c’est pas normal de laisser passer ce genre de choses. Il aurait pu te faire encore plus de mal, répliqua-t-il, une note de reproche dans la voix.

Je hochai la tête, tentant de me montrer convaincante.

— Je gère. Je me suis défendue, il ne reviendra pas. Ne vous inquiétez pas pour moi, répondis-je, un peu plus brusquement cette fois.

Tyler, toujours discret mais attentif, intervint doucement.

— C’est dangereux de provoquer des gens comme ça, Vero. Juan pourrait encore se venger. T’es sûre que tu n’as pas envie de changer ta version des faits ? demanda-t-il, les yeux pleins de question.

Je me forçai à sourire, même si l’irritation montait en moi. Pourquoi fallait-il qu'ils insistent ? Pourquoi ne pouvaient-ils pas accepter ma version ?

— Non, je n’ai pas envie de changer quoi que ce soit, Tyler. C’est exactement ce qui s’est passé, répondis-je, presque sèchement.

Jun, encore une fois, ne cédait pas. Il se tenait un peu plus loin, mais ses yeux étaient fixés sur moi avec une intensité glaciale.

— Je suis sûr que tu caches encore des choses, Veronica, dit-il, sans un sourire, sans la moindre émotion. Tu veux bien me dire ce qui s’est vraiment passé ?

Je le fixai droit dans les yeux, décidée à ne pas céder. Je savais qu’il me scrutait, cherchait un faux mouvement, une erreur. Mais il ne trouverait rien.

— Il n’y a rien d’autre, Jun. Pourquoi vous insistez ? Ça suffit maintenant, répliquai-je, mon ton plus ferme que jamais.

Un silence pesa un instant sur la pièce. Les garçons semblaient tous un peu déstabilisés, mais Rose, toujours aussi pétillante et pleine de vie, s’interposa pour briser la tension.

— Bon, moi je propose qu’on arrête de se prendre la tête, et qu’on mange quelque chose. Zhihao, prépare-nous un bon plat, ça nous détendra tous, non ? lança-t-elle, en tentant de détendre l’atmosphère.

Les garçons semblaient se détendre un peu, mais Jun resta silencieux, son regard toujours aussi calculateur. Il savait que je n’avais pas tout dit, mais il n’insista pas. Pour l’instant, il attendait.

23h00,Quelques heures plus tard,Appartement à New York

La soirée s'était déroulée dans une ambiance étonnamment légère, malgré les regards insistants de Jun qui semblaient vouloir percer à jour tous mes secrets. On avait partagé un repas agréable, ponctué de rires et de discussions animées. Après, tout le monde s'était installé dans le salon, à regarder The Night Agent. Tyler et Zhihao ne pouvaient s’empêcher de commenter chaque scène avec des remarques drôles qui faisaient éclater de rire Rose. Pour ma part, je tentais d’oublier ma douleur et de me détendre.

Puis, en jetant un coup d'œil à l'horloge murale, je remarquai l’heure.
— Les garçons, il est déjà tard. Vous voulez rester dormir ici ? Ça serait plus sûr que de reprendre la route à cette heure, proposai-je.

Jingwei, fidèle à lui-même, jeta un regard circulaire à son frère et amis, attendant silencieusement une objection. Personne ne dit un  mot, ce qui signifiait qu’ils étaient d’accord.
— Comme tu veux, Veronica. On ne veut pas déranger, répondit-il finalement, de son ton poli mais distant.

Je secouai la tête avec un sourire.
— Vous ne me dérangez pas, au contraire. Ça me rassure de vous savoir ici. Il y a une chambre à l’étage et le canapé. Faites comme bon vous semble.

À peine avais-je fini ma phrase que Tyler et Zhihao se levèrent d’un bond, se précipitant pour revendiquer la chambre libre. Tyler, bien qu’un peu timide, lança avec un sourire taquin :
— Bonne nuit, les gars. Moi, je vais profiter du grand lit !

Jingwei et Jun échangèrent un regard blasé, comprenant qu’ils allaient devoir partager le canapé.
— Si vous voulez, je peux aller chercher des couvertures et des coussins, leur dis-je d’un ton faussement sarcastique.

Jun, fidèle à son esprit vif, répliqua aussitôt :
— Oui, on veut bien, Xiǎo Zhēn.

Rose se tourna brusquement vers lui, feignant l’indignation.
— Eh ! Il n’y a que moi qui peux l’appeler comme ça, d’accord ?

Je ris doucement avant de me lever pour chercher ce dont ils auraient besoin. Une fois les couvertures et coussins distribués, Rose et moi montâmes dans ma chambre.

Après avoir enfilé des pyjamas – les miens, puisqu'elle n’avait pas prévu de rester – nous nous sommes glissées sous les couvertures. Rose était silencieuse un moment, mais je savais que ça n’allait pas durer. Elle ne pouvait s’empêcher de parler dès qu’elle sentait qu’un sujet la tracassait.

— Écoute, Vero, dit-elle doucement, comme si elle avait peur de me brusquer. J’ai vu tes cicatrices l’autre jour. Je ne te forcerai jamais à m’en parler, mais… si un jour tu veux en parler, sache que je suis là, d’accord ?

Ses mots étaient empreints de sincérité, et je sentis une boule se former dans ma gorge. Rose était la seule personne dans ma vie qui se souciait de moi sans attendre quoi que ce soit en retour, mais je savais que lui confier mes secrets serait la plonger dans mon enfer.

— Je sais, Rose, répondis-je d’une voix faible, presque un murmure. Mais je ne me sens pas prête. Et honnêtement, je ne veux pas infliger à qui que ce soit le poids de mon passé. C’est mieux pour vous de rester dans l’ombre de ma vie. Comme ça, vous ne subirez pas les conséquences…

Ma voix s’éteignit, et je fermai les yeux, espérant que ces mots suffiraient pour clore le sujet. Mais au fond de moi, je savais que j’avais peut-être laissé échapper plus que je ne l’aurais voulu.

Rose ne répondit pas tout de suite. Elle resta un moment à m’observer, puis elle soupira doucement.
— D’accord, murmura-t-elle, presque résignée. Mais tu sais… t’es pas toute seule. Je suis là, quoi qu’il arrive.

Je sentis ses doigts effleurer les miens, un geste de réconfort simple mais puissant. Je n’eus pas la force de répondre, la fatigue et la douleur ayant raison de moi. En quelques instants, je sombrai dans le sommeil, une étrange chaleur au cœur malgré les ténèbres qui entouraient ma vie.

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