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Vitalevskaya
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Chapitre 17

23h00,Appartement New York

RITA

Je venais de rentrer chez moi. Rose avait insisté pour passer la nuit à l’appartement, et je n’avais pas trouvé la force de refuser. Je savais qu’elle voulait simplement s’assurer que j’allais bien, qu’elle pouvait être là pour moi après la tempête de ce soir.

Elle s’affala sur le canapé en soupirant profondément avant de laisser échapper un rire nerveux.

— Putain, quelle soirée… Encore désolée de ne t’avoir rien dit, Vero. C’était pour ta sécurité.

Je lui lançai un regard amusé en retirant ma veste.

— Je ne t’en veux pas, Rose, ne t’inquiète pas. Je comprends totalement. Mais sérieux, fallait-il que ma meilleure amie fasse partie de mon ancienne famille ? C’est un comble, quand même !

J’essayai de rire, mais l’ironie de la situation me laissait un goût amer. Rose esquissa un sourire avant de froncer légèrement les sourcils en me regardant.

— Mais il y a un truc que je ne sens pas, Rose… Liu. Je ne la sens pas du tout. Elle ne va pas juste se contenter d’obéir aux ordres de ton frère. Elle va vouloir me tuer.

Je pris une profonde inspiration avant d’ajouter, le regard dur :

— Et je préfère que tu le saches maintenant : si je dois tuer quelqu’un de la 14K pour survivre… je le ferai.

Rose ne sembla même pas hésiter avant de répondre, sa voix emplie d’une sincérité bouleversante :

— Et je ne t’en voudrai pas, Veronica. Je te le promets. Tu n’as pas changé à mes yeux. Tu es et tu resteras la sœur que je n’ai jamais eue.

Elle marque une pause, cherchant mes yeux, voulant que je comprenne la profondeur de ses mots.

— Tu te rends compte ? C’est pour ça que nous sommes autant attachées. Nos cœurs ne se sont jamais oubliés, pas depuis toutes ces années. Six ans sans te voir, et pourtant… rien n’a changé pour moi.

Ma gorge se serra alors qu’elle poursuivait, sa voix tremblant légèrement d’émotion.

— Peu importe que tes mains soient sales, peu importe ce que tu as pu faire ou subir… Tu resteras ma sœur, à vie. Et s’il faut fuir New York, alors on fuira ensemble. Je te suivrai jusqu’au bout du monde. Je t’aime, Veronica.

Je restai figée.

C’est donc ça, l’amour pur d’une sœur ? Quelqu’un qui vous aime sans condition, sans attendre quelque chose en retour ?

Personne ne m’avait jamais dit ça. Personne ne s’était jamais attaché à moi comme ça.

Pour la première fois, je réalise que je n’étais plus seule.

Des larmes silencieuses roulèrent sur mes joues alors que je me jetai dans ses bras, la serrant aussi fort que possible.

— Purée… Merci, Rose. Tes paroles me touchent tellement…

Ma voix se brisa, mais j’avalai ma peine, trop submergée par cette chaleur nouvelle dans mon cœur.

— Je t’aime aussi, ma Rose… Ma sœur.

Les larmes continuaient de couler, mais cette fois, ce n’étaient plus des larmes de douleur ou de solitude. C’étaient des larmes de soulagement, de bonheur brut. Rose et moi restâmes quelques instants enlacées, savourant cette chaleur fraternelle qui nous avait tant manqué.

Je reniflai légèrement avant d’essuyer mes joues du revers de la main.

— Bon, on va arrêter de chialer comme des madeleines, sinon on va finir déshydratées…

Rose rit doucement en hochant la tête.

— C’est vrai, on dirait deux gamines.

Je pris une grande inspiration et me laissai tomber sur le canapé en l’observant avec un sourire malicieux.

— Et si on célébrait nos retrouvailles comme il se doit ?

Rose haussa un sourcil, intriguée.

— Comment ça ?

Un sourire en coin étire mes lèvres.

— Une sortie. Une vraie. On se met sur notre 31 et on va s’éclater en boîte de nuit. Danser, boire, oublier cette soirée de merde. Juste profiter.

Rose me fixe quelques secondes avant qu’un sourire complice illumine son visage.

— J’aime ton état d’esprit. Une soirée entre sœurs, juste toi et moi.

— Exactement.

Elle attrapa son téléphone et fit défiler quelques contacts.

— Je connais un club super select à Manhattan, le Black Lotus. Ambiance feutrée, musique de dingue, et surtout… des cocktails à tomber par terre.

J’haussai un sourcil, amusée.

— Tu veux m’achever à coups de cocktails ?

— Plutôt t’apprendre à savourer la vie, répondit-elle avec un clin d’œil.

Je me levai d’un bond.

— Alors qu’est-ce qu’on attend ? Va te préparer, ma belle. Ce soir, on fait honneur à notre nom.

Rose rit avant de disparaître dans la salle de bain, et je me dirigeai vers ma chambre. Ce soir, plus de cicatrices, plus de souvenirs douloureux. Juste nous, la nuit, et l’envie de vivre un peu, ne serait-ce qu’un instant.

00h30,Appartement New York

Rose et moi étions enfin prêtes. Je lui avais prêté une tenue, et elle était sublime dedans. Une robe courte, mais pas vulgaire, noire, avec quelques détails en dentelle en forme de fleurs sur le haut de la poitrine. Une paire de boucles d’oreilles volumineuses, imitation diamant de couleur argentée, un petit sac noir orné d’un nœud argenté sur le devant, et une paire d’escarpins noirs pailletés qui se nouaient autour des chevilles.

Je la fis tourner sur elle-même avec un sourire satisfait.

— Tu es trop sexy, Rose ! déclarai-je en l’admirant.


— Toi aussi, regarde-toi ! Si tu ne ramènes pas un mec ce soir, je ne comprends pas.

J'avais opté pour une robe longue entièrement faite de dentelle transparente, laissant entrevoir mes sous-vêtements noirs. Une tenue audacieuse, mais qui m’allait à la perfection. Avec mes origines italiennes, mes formes étaient plutôt généreuses, et cette robe les sublimait. Aux pieds, des talons compensés noirs et un petit sac matelassé assorti.

— J’avoue, cette robe est vraiment pas mal, admis-je avec un sourire satisfait en me regardant dans le miroir. On est trop belles ! Allez, on y va.

Nous quittâmes l’appartement et nous installâmes dans ma voiture. À peine avait-on pris la route que Rose connecta son téléphone au Bluetooth et lança Make a Mil de Partynextdoor. Très vite, nous nous mîmes à chanter – ou plutôt à hurler – en rythme avec la musique, l’excitation montant d’un cran.

Soudain, Rose baissa légèrement le volume et prit un ton plus sérieux.

— Je me rends compte que tout était sous mes yeux depuis le début… Tes connaissances sur la 14K, ton tatouage… Putain, je suis vraiment bête parfois, j’aurais dû comprendre plus tôt.
— Rose, ne remettons pas ça sur la table. Ce qui est fait est fait. Mais dis-moi, j’ai une question… Pourquoi toi, tu n’as pas de tatouage ?

Elle poussa un léger soupir et détourna un instant le regard vers la fenêtre avant de répondre.

— Parce que je ne veux pas être assimilée à cette organisation. Pour moi, la 14K est un fardeau... Un fardeau qui m’a volé mon petit frère.

Je fronçai les sourcils, troublée.

— Ton petit frère ?

Elle hocha la tête, sa voix se brisant légèrement lorsqu’elle prononça son prénom.

— Xiaobao. Il n’avait que sept ans, Veronica. Sept ans. Il a été assassiné sauvagement dans une rue en Chine… On ne sait pas qui a fait ça, mais je te jure que si un jour je retrouve cette personne, elle paiera. Je n’ai jamais tué, mais cette fois-là… cette fois-là, je ferai une exception.

Mon cœur se serra en l’écoutant.

— Rose… Je suis tellement désolée. Ça a dû être terrible pour toi… pour votre famille.

Elle haussa les épaules, visiblement émue, mais cherchant à rester forte.

— C’est Jun qui l’a retrouvé dans cette ruelle. Il n’a jamais voulu en parler. Tout ce qu’on sait, c’est que cette personne a été d’une violence inouïe… Ils l’ont éventré, Veronica.

Je frissonnai. Un meurtre aussi atroce sur un enfant… Il fallait être un monstre pour faire une chose pareille.J’en étais un…

— Depuis ce jour, Jun n’arrive plus à dormir normalement. Il fait des cauchemars chaque nuit… ça le hante. Il s’en veut tellement, alors qu’il n’y est pour rien.

J’étais troublée par ses mots. J’avais toujours vu Jun comme un homme froid, impassible, presque inébranlable. Imaginer qu’il puisse être hanté par de telles images changeait tout.

— Mais tu sais, quand tu as dormi avec lui l’autre soir…?

Je hochai la tête, me souvenant de cette nuit qui me paraissait encore irréelle.

— Eh bien, cette nuit-là, il n’a fait aucun cauchemar. Rien du tout. Pas un cri, pas un réveil en sursaut. Il était apaisé, Veronica. Et crois-moi, ça faisait des années que je ne l’avais pas vu dormir comme ça… Alors merci. Merci de l’avoir calmé, ne serait-ce qu’une nuit.

Je baissai les yeux, mal à l’aise.

— Je n’ai rien fait de spécial, Rose… Cette nuit-là, j’ai fait un cauchemar affreux. Une crise d’angoisse m’a prise et je suis allée boire un verre d’eau. Jun m’a surprise et… il a réussi à me calmer. Je ne sais même pas pourquoi j’ai dormi avec lui… C’était une erreur.

Rose secoua la tête avec un sourire énigmatique.

— Non, ce n’était pas une erreur. Si Dieu vous a mis sur le même chemin, vous ne pourrez pas l’éviter.


— Ton frère a dit devant tout le monde qu’il ne me considérait pas, Rose. Alors, il n’y aura aucun chemin entre nous.

Elle éclata de rire et me donna un léger coup sur l’épaule.

— Ça, c’est du Jun tout craché ! T’inquiète pas, il va regretter ses paroles un jour ou l’autre. Vu la bombe que tu es, il va vite tomber sous ton charme.

Je levai les yeux au ciel avec un sourire amusé, mais Rose, elle, semblait avoir une idée derrière la tête.

— D’ailleurs, on va lui donner une bonne leçon ce soir.

Je haussai un sourcil, intriguée.

— Qu’est-ce que tu mijotes ?

Elle prit son téléphone et l’agita sous mon nez.

— On va faire un selfie bien sexy dans la boîte de nuit et je vais le poster sur mes réseaux. On va voir combien de temps il mettra à réagir !

Je ne pus m’empêcher d’éclater de rire.

— Tu es diabolique, Rose.


— Je sais, et c’est pour ça que tu m’aimes ! répondit-elle avec un clin d’œil.

La voiture arriva devant le club. L’excitation monta d’un cran alors que nous descendions du véhicule, prêtes à passer une nuit mémorable… et peut-être à jouer un peu avec les nerfs d’un certain Jun.

Dès que nous passâmes les portes de la boîte de nuit, une chaleur étouffante m’enveloppa. La musique était assourdissante, résonnant jusque dans ma cage thoracique. L’air était saturé d’un mélange de parfums, d’alcool et de transpiration. Instinctivement, mon nez se plissa.

— Rose… Où est-ce que tu m’as traînée, sérieux ? murmurai-je en grimaçant.

Elle éclata de rire et se pencha à mon oreille pour me répondre, la voix portée par l’enthousiasme.

— Je sais, l’odeur craint un peu, mais je te jure, cette boîte est géniale ! Fais-moi confiance, Vero !

Je levai les yeux au ciel en souriant. Rose et ses plans foireux…

— D’accord, je te fais confiance. On va au bar ?


— Grave ! C’est parti ! s’exclama-t-elle, avant d’ajouter d’un sourire moqueur : On fera notre petit selfie là-bas.

Évidemment. Rose n’oublierait pas si facilement notre plan pour titiller Jun.

Nous fendîmes la foule bruyante jusqu’au comptoir. Le barman, un brun au regard perçant, s’approcha de nous avec un sourire aguicheur.

— Qu’est-ce que je vous sers, mesdemoiselles ?

Rose et moi échangeâmes un regard complice avant de commander quelque chose de fort. Ce soir, on allait s’amuser.

— Deux shots de tequila, et ensuite… un cocktail bien chargé, demanda Rose, le sourire aux lèvres.

— J’aime ton état d’esprit, approuvai-je.

Nos verres arrivèrent rapidement. Rose attrapa son téléphone et me fit signe.

— Allez, viens, c’est l’heure du selfie !

Je pris mon verre et le portai lentement à mes lèvres glossées, prenant un regard à faire fondre n’importe qui. Rose, hilare, captura l’instant.

— Putain, mais t’es vraiment trop belle dessus, Vero ! s’exclama-t-elle en me montrant la photo. Je le poste tout de suite, on verra bien la réaction.

— T’es vraiment diabolique, Rose.

Elle haussa les épaules avec un sourire malicieux et leva son verre.

— À nous, à cette soirée et à la jalousie d’un certain connard !

Je rigolai et trinquai avec elle.

— À nous !

Les shots s’enchaînèrent. Une brûlure intense dévala ma gorge à chaque gorgée, mais l’ivresse monta rapidement, chassant toute inhibition. Nous riions pour un rien, les joues rougies par l’alcool. Rose s’accrocha à mon bras, titubant légèrement.

— Veronica, je t’aime trop putain. Tu sais que t’es la meilleure sœur du monde ?

Je ris et la serrai contre moi.

— Toi aussi, Rose. T’es la meilleure chose qui me soit arrivée.

Elle me regarda, faussement émue.

— Pff, arrête, tu vas me faire pleurer.

— C’est l’alcool qui te rend émotive, ma belle.

— Ou alors c’est juste que je t’aime trop.

Je levai les yeux au ciel en riant.

— Allez, viens danser, sinon on va finir à pleurer dans un coin comme deux ivrognes.

Elle hocha la tête, un sourire ravi sur le visage.

— T’as raison ! Let's go !

La piste de danse était bondée. Les basses vibraient sous mes pieds, et la lumière stroboscopique donnait une ambiance presque irréelle à l’instant. Nous nous laissâmes emporter par la musique, nos corps ondulant au rythme du son.

Rose riait aux éclats, balançant ses bras au-dessus de sa tête, et moi, je fermai les yeux, me laissant simplement porter par la musique et l’alcool.

Puis, soudain, une chaleur contre mon dos.

Un corps masculin, solide, pressé contre moi.

Dans l’état d’euphorie où j’étais, je ne cherchai pas à comprendre. Instinctivement, je me collai à lui, me laissant aller au rythme de la musique. Mes hanches bougèrent en parfaite synchronisation avec les siennes. Une main se posa doucement sur ma taille, l’autre effleura mon bras dans un geste brûlant.

Je me mordis la lèvre et me retournai lentement, prête à découvrir l’identité de cet homme qui dansait si bien avec moi.

Mon cœur rata un battement.

Jun.

Une montée soudaine de lucidité me frappa, mais mes réflexes étaient ralentis par l’alcool. Il me regardait d’un air indéchiffrable, ses yeux sombres plongés dans les miens.

— Toi ?! articulai-je en titubant légèrement.

— Oui, moi, répondit-il d’un ton calme mais perçant.

Derrière lui, je distinguai d’autres silhouettes familières. Tyler, Jingwei et Zhihao étaient là aussi.

— Mais… qu’est-ce que vous foutez ici ? demandai-je en essayant de me stabiliser.

Rose, qui venait de remarquer leur présence, écarquilla les yeux.

— Oh putain, c’est pas vrai… balbutia-t-elle.

Tyler s’approcha d’elle et passa un bras autour de ses épaules pour la soutenir.

— On est venus vous chercher. Vous êtes complètement bourrées, dit-il avec un sourire amusé.

Rose leva un doigt tremblant vers lui.

— C’est… surprenant… que ce soit toi qui me ramènes…

Tyler haussa un sourcil et resserra doucement son étreinte.

— Tu préfères quelqu’un d’autre ?

Elle secoua la tête, incapable de répondre.

Jun, lui, ne me lâchait pas du regard. Il soupira et passa un bras autour de ma taille pour me stabiliser.

— Et moi, j’imagine que je dois m’occuper de toi, hein ? murmura-t-il.

Je levai les yeux vers lui, cherchant à rassembler mes pensées.

— T’avais pas besoin de venir…

— Ah ouais ? Il m’observa un instant, puis ajouta d’un ton sarcastique : Parce que tu comptais rentrer comment ? En volant ?

Je roulai des yeux, incapable de formuler une réponse cohérente.

— Allez, viens. On rentre, déclara-t-il en me soulevant presque du sol.

Je protestai faiblement, mais l’alcool m’empêchait de lutter correctement.

Rose, appuyée contre Tyler, rigolait doucement.

— Je crois qu’on a vraiment trop bu, Vero…

Je soupirai et laissai ma tête reposer contre l’épaule de Jun.

— Ouais… clairement.

Jun resserra sa prise sur moi et, dans un souffle, murmura à mon oreille :

— La prochaine fois, c’est moi qui t’emmène boire.

Un éclat de lucidité perça mon esprit embrumé, et malgré l’alcool, mes lèvres articulèrent une réponse cinglante :

— Tu n'avais pas dit que tu ne me considérais pas ? Que je n'étais rien pour toi ?

Il se figea.

Mais avant qu’il ne puisse répondre, mes paupières se fermèrent et je le laissai me guider jusqu'à dans la voiture.

02h00,Villa des Zhang

Après une trentaine de minutes de trajet, la devanture imposante de la Villa des Zhang se dresse enfin devant nous. Le voyage s’est déroulé sous le monologue incessant de Rose. Moi qui pensais qu’elle parlait déjà beaucoup en temps normal… Ce n’était rien comparé à maintenant, après avoir bu. Je ne vous explique même pas le mal de crâne que j’ai actuellement.

— Jingwei, pourquoi on est devant la maison ? Je voulais dormir chez Veronica, moi, marmonne Rose en se laissant lourdement tomber contre le siège.

— Rose, tu as bu… Elle aussi. On ne va pas vous laisser seules dans un appartement en plein milieu de New York.

— Hm… Vero, c’est dommage que t’aies pas eu le numéro du barman, lâche-t-elle en gloussant. T’aurais vu la façon dont il te regardait ! Il voulait te manger… et je te parle pas de mordre, ricane-t-elle avant d’éclater de rire.

— C’est vraiment dommage, oui, j’avoue, dis-je en riant à mon tour.

— Les filles, c’est pas le moment de parler de vos potentiels ébats. On rentre, allez !

Les garçons sortent du véhicule, tandis que Tyler rejoint Rose. Je ne sais pas ce qu’il se passe entre eux, et franchement… je ne veux même pas y penser.

Je décide de sortir seule de la voiture, convaincue que je peux marcher sans problème. Grosse erreur. Très grosse erreur.

À peine ai-je fait trois pas que mes talons trahissent mon équilibre, et je me retrouve lamentablement au sol.

Rose explose de rire, suivie de Tyler et Zhihao. Jingwei esquisse un sourire moqueur, tandis que Jun, lui, ne rit pas. Il s’approche et, sans un mot, glisse un bras sous mes jambes et l’autre autour de mon dos avant de me soulever avec une facilité déconcertante.

Son parfum boisé et envoûtant me chatouille les narines, et je sens immédiatement la chaleur de son corps contre le mien.

— Ce n’est pas grave, je t’en rachèterai une, Lǎopó (ma femme), murmure-t-il près de mon oreille.

Mon cerveau bugue instantanément. Il vient de m’appeler ma femme ?

Je sens mes joues s’embraser immédiatement, trahissant mon trouble.

— Tu rougis en plus… Trop mignonne, susurre-t-il, amusé.

— C’est à cause de l’alcool, tais-toi. Je veux juste dormir, grogné-je, cachant mon visage contre son torse.

Son torse dur. Beaucoup trop dur.

Une fois arrivés dans le hall, il monte les escaliers, prenant un chemin opposé à celui de la chambre de Rose. Je fronce les sourcils.

— Tu m’amènes où, là, Jun ?

— Dans ma chambre, dit-il calmement, comme si c’était la chose la plus normale du monde.

— Hein ?! Mais pourquoi ?

Il ne répond pas.

Lorsqu’on entre dans la pièce, il me dépose délicatement au sol avant de se détourner.

— J’arrive, je vais te chercher de quoi te démaquiller.

Et il me laisse seule.

C’est la première fois que j’ai l’occasion d’observer véritablement son espace.

Tout ici est sombre et ordonné, presque glacial. Pas une trace de désordre, aucun vêtement qui traîne. Chaque chose est à sa place, avec une précision presque militaire.

Les murs sont d’un gris anthracite profond, et le sol en bois noir mat ajoute une touche austère. L’atmosphère est à la fois oppressante et fascinante.

Son lit king-size est impeccablement fait, draps gris foncé tirés à la perfection. Pas de coussins inutiles, pas de couvertures en désordre. Tout est strict. Contrôlé. Exactement comme lui.

Mon regard glisse vers un meuble bas contre le mur. Ce n’est pas juste un meuble… c’est un hôtel religieux.

Une Bible soigneusement posée au centre, entourée de petites bougies blanches et de statuettes religieuses finement sculptées. Cet autel contraste tellement avec le reste de la chambre que cela en est presque déroutant.

Intriguée, je détourne les yeux vers un bureau en verre noir près de la grande baie vitrée. Il est aussi parfaitement rangé, à l’exception de quelques dossiers alignés… et de dessins.

Je m’arrête net.

Des dessins ?

Je tends la main, hésitante, avant d’en saisir un.

Le trait est précis, méticuleux… maîtrisé. L’un d’eux représente un dragon enroulé autour d’une épée. Le détail est bluffant. D’autres sont plus abstraits… un paysage embrumé, un regard flou.

Pourquoi n’a-t-il jamais mentionné ça ?

Un sourire naît sur mes lèvres tandis que je caresse du bout des doigts l’un des dessins. Peut-être que sous cette carapace de glace, Jun cache un monde bien plus profond qu’il ne le laisse paraître.

Mais avant que je puisse en voir davantage, une voix froide me coupe net.

— Ne touche pas à ça. Ce ne sont pas tes affaires, Veronica.

Je sursaute et lâche le dessin immédiatement. Jun est de retour, son regard d’acier planté dans le mien.

— Tiens, dit-il en me tendant des produits. La salle de bain est là.

Son ton est sec, presque militaire. Comme si j’avais franchi une frontière interdite.

— Je peux avoir un pyjama, au moins ? demandé-je en croisant les bras.

Il hoche la tête et s’approche d’une commode en bois sombre avant de m’en tendre un t-shirt blanc bien trop grand et un short noir.

— Merci, soufflé-je avant d’entrer dans la salle de bain.

L’eau chaude m’a fait du bien, dissipant les derniers effets de l’alcool. En sortant, je me glisse dans les vêtements qu’il m’a prêtés. Ils sont trois fois trop grands pour moi, mais ce qui m’interpelle, c’est l’odeur du tissu… Son parfum.

Un mélange de cèdre, de musc et de quelque chose d’inexplicablement réconfortant.

Quand je sors, Jun est déjà installé sur le lit.Je m'installa aussi.

— Dis, Jun… C’est vrai que quand j’ai dormi avec toi, tu n’as pas fait de cauchemars ?

Il passe une main dans ses cheveux, visiblement gêné.

— Évidemment que Rose t’en a parlé…

— Il est gêné… Trop mignon, dis-je en pouffant.

— Veronica, des fois… il faudrait vraiment que tu te taises.

Et sans prévenir, il me surplombe, me plaquant doucement sous lui.

Je me retrouve piégée sous son corps chaud, mon regard accroché à son torse sculpté, presque irréel. Mon souffle se bloque un instant.

— Mais oui, c’est vrai… Quand tu étais là, je n’ai pas fait de cauchemars, murmure-t-il, plus doucement cette fois. Tu n’imagines pas à quel point ça m’a soulagé… Ça fait des années que ça ne m’était pas arrivé.

Sa tête vient se nicher contre ma poitrine, et sans réfléchir, mes doigts glissent dans ses cheveux sombres.

Je ne sais pas pourquoi je fais ça. C’est instinctif. Naturel.

— Tu sais, Jun… Ce n’est pas de ta faute. Je suis certaine qu’on te l’a déjà dit, mais tu n’as pas à t’en vouloir. Dieu en a décidé ainsi.

Je sens son corps se raidir légèrement contre le mien.

— C’est dur, je le sais… Mais tu n’es pas seul. Regarde autour de toi. Tu gères cette Triade. Tu as Jingwei, Rose, Tyler et Zhihao.

— Et maintenant, tu m’as aussi, Jun

Je pris une inspirations et continua

— Moi aussi, j’ai connu cette douleur, Jun…

Mes doigts continuèrent à parcourir doucement ses cheveux, sentant sa respiration ralentir légèrement contre moi. Il ne bougea pas, mais je sentais son corps se tendre imperceptiblement, comme s’il pressentait ce que j’allais dire.

— Ma mère s’est fait assassiner devant mes yeux, murmurai-je.

Jun ne réagit pas immédiatement. Son souffle se fit plus lent, plus profond. Je sentais qu’il écoutait chaque mot, chaque respiration que je prenais.

— J’étais une gamine… Je me suis réveillée au milieu de la nuit à cause d’un bruit dans le salon. Au début, je pensais que c’était elle, tu sais, qu’elle avait renversé quelque chose… Alors je suis sortie de ma chambre.

Ma gorge se serra légèrement, mais je refusai de laisser l’émotion prendre le dessus. J’avais déjà pleuré, seule, des années durant. Plus maintenant.

— Elle était là, dans sa robe de soie noire qu’elle portait toujours à la maison… Et lui aussi. Un homme, capuche sur la tête. Il…

Je déglutis, mon regard perdu dans le vide.

— Il l’a poignardée, encore et encore.

Jun bougea légèrement contre moi, mais je l’empêchai de parler en passant doucement ma main dans ses cheveux, un geste apaisant.

— Ce jour-là, j’ai cru que j’allais mourir aussi, repris-je. Il m’a vue. Il a levé son couteau. J’étais tétanisée… Mais il a pris la fuite.

Un silence pesa dans la pièce. Un silence lourd, pesant, empreint de souvenirs qu’aucun de nous ne voulait réellement affronter.

Finalement, Jun releva la tête et me regarda. Son regard était indéchiffrable, mais quelque chose en lui avait changé. Comme si, pour la première fois, il se sentait réellement compris.

— Veronica…

Sa voix était rauque, presque brisée. Je lui offris un sourire doux, continuant mes caresses dans ses cheveux.

— Je compatis totalement à ta douleur, Jun. Je sais ce que c’est que de perdre une personne de sa famille,que de voir son corps tomber sous nos yeux et de ne rien pouvoir faire.

Je posai ma main sur sa joue, caressant doucement sa peau.

— Mais ce n’était pas ta faute. Ce n’est pas ta faute.

Il ferma brièvement les yeux, prenant une grande inspiration comme si mes mots essayaient de dissiper un poids qu’il portait depuis trop longtemps.

— J’ai passé ma vie à me dire que si j’avais été plus fort… Si j’avais été plus rapide… Si j’avais juste fait quelque chose…

Sa voix se brisa sur la fin de sa phrase, mais je ne le laissai pas sombrer.

— Arrête, dis-je fermement. Ne fais pas cette erreur, Jun. Ce ne sont pas des "si" qui referont l’histoire. Ce qui compte, c’est ce que tu fais maintenant.

Il me fixa, cherchant peut-être un mensonge dans mes mots. Mais il n’y en avait pas. Seulement la vérité brute.

Un long silence s’installa avant qu’il ne murmure, d’une voix presque inaudible :

— Tu ne pleures pas.

— Non, répondis-je dans un sourire triste. J’ai déjà assez pleuré.

Il hocha légèrement la tête, et pour la première fois, je crus voir un fragment de ses chaînes invisibles se briser.

Je continuai de caresser doucement ses cheveux, et il finit par fermer les yeux, se laissant bercer par mes gestes.

Jun Zhang, l’homme froid et insensible, venait de se laisser aller.

Et moi, je restai là, à lui offrir cette chaleur qu’il n’avait peut-être jamais connue.

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