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10

Chapitre 10- L'Ombre de la Vérité

SERAPHINA, 21ans

Je suis là, dans son lit. Et tout paraît à la fois irréel et dangereux.

L’air est trop silencieux. Trop dense. Il est là, à quelques centimètres à peine, et pourtant je sens un monde entre nous. Un monde qu’il refuse de franchir. Un monde que j’ai envie de brûler.

Azriel ne parle plus. Il respire lentement, comme s’il dormait déjà. Mais je sais qu’il ne dort pas. Pas vraiment. Il est comme moi, figé dans l’attente de quelque chose qu’on n’a pas le droit d’espérer.

Sa voix me revient, celle d’il y a quelques heures. Ce murmure rauque, lancé dans l’obscurité comme une barrière désespérée.

Ne tombe pas amoureuse.

Je ravale un frisson. Ces mots n’étaient pas pour moi. Pas vraiment. C’était une fuite. Une tentative de contrôle. Mais ils m’ont percutée. Et maintenant, ils vivent en moi.

Je ferme les yeux. Je me tourne sur le côté, dos à lui, comme si ça pouvait me protéger. Mais ça ne change rien. Je le sens. Sa présence s’accroche à moi, comme une chaleur, comme une menace douce et interdite.

Il me trouble.

Pas parce qu’il est beau, pas parce qu’il est sombre. Mais parce qu’il me voit. Et je crois… je crois que moi aussi, je commence à le voir.

Sous les silences. Sous les ombres.

Je n’ai pas envie de m’endormir. J’ai envie de rester là, entre le vertige et le mensonge, dans ce fragile instant où tout semble possible, mais où rien n’est permis.

Et malgré moi, ma main effleure le drap entre nous. À peine. Une respiration de distance. Il ne bouge pas.

Mais je sais qu’il a senti.

Et je sais que je suis foutue.

Je me glisse un peu plus sous la couverture, mais quelque chose me gêne. Ce bruit. Ce cliquetis régulier, mécanique. Je tourne la tête : un petit ventilateur tourne dans un coin, posé sur une chaise, et il émet ce son insupportable, comme une horloge bancale.

Qu’est-ce que je déteste ce genre de bruit... ça me rend folle.

— Ah, ouais… c’est vrai, tu supportes pas les bruits répétitifs, murmure Azriel sans même ouvrir les yeux.

Il se lève à moitié, atteint le ventilateur d’une main paresseuse, l’éteint. Plus un son. Le silence revient, presque tendre.

Je le fixe. Comment il… ?

Je ne dis rien.
Il ne dit rien non plus.
Mais cette fois, ce n’est plus le bruit qui m’empêche de dormir.

Je me réveille doucement, l’air encore brumeux. Il fait jour, mais je peine à ouvrir les yeux, l'esprit un peu confus. Puis, une odeur me frappe. Un mélange sucré, irrésistible, de croissants fraîchement sortis du four et... des chamallows fondus. Ce parfum est unique, je le connais depuis des années, depuis des moments passés à traîner avec Noah.

Noah...

Je fronce les sourcils. Mais ce n’est pas lui, cette fois. Ce n’est pas la maison qu’on partageait, ni la cuisine un peu chaotique où il m’avait toujours surprise avec ses mélanges improbables. C’est autre chose, mais... c’est le même mélange. C’est celui que j’aime, celui que j’adore, même si je n’arrive pas à comprendre pourquoi il est là, maintenant.

Je me lève lentement, mon corps encore engourdi par le sommeil, et j’entends la musique. Une chanson douce, chaleureuse, aux accents latins. Kesi de Camilo. Je souris inconsciemment. Je n'avais pas réalisé que je l’aimais autant jusqu’à ce moment-là, mais c’est comme si cette chanson avait toujours fait partie de moi. Un peu de soleil dans ma journée.

Je regarde autour de moi, et c'est alors que je le vois. Azriel, toujours dans le coin de la pièce, s'affaire à arranger des assiettes sur la petite table basse, un léger sourire au coin des lèvres.

— Tu... tu sais ce que je déteste, mais tu sais aussi ce que j’aime.
Je murmure à peine, mais il entend. Comme toujours.

Il me lance un regard entendu, sans aucune surprise, et ajoute, avec cette lueur dans ses yeux :

— J’ai appris quelques trucs sur toi, avec le temps. Même si tu ne t’en souviens pas.

Je reste là, à le fixer, un peu perdue par ce qu’il vient de dire, mais aussi ébranlée par la facilité avec laquelle il a su me surprendre encore une fois. Il a fait ça, pour moi. Un petit déjeuner, une chanson, un mélange improbable de saveurs... un geste silencieux, mais qui en dit long. Et ce, sans que je lui aie rien demandé.

Je me force à respirer profondément, mais je ne peux m’empêcher de sourire un peu, dans le fond. Parce qu'au fond, malgré tout ce que je pourrais lui reprocher, il arrive toujours à rendre mes journées un peu plus légères.

Je m’assois enfin sur le canapé, les yeux toujours fixés sur Azriel qui continue à disposer les assiettes sur la table, comme s’il ne savait pas que je l’observais de près. J’ai l’impression qu’il garde toujours quelque chose pour lui, quelque chose que je suis incapable de saisir, et ça m’énerve.

— Tu sais, j’ai l’impression qu’il y a encore des tas de choses que tu me caches, dis-je, ma voix un peu plus ferme cette fois. On a beau vivre sous le même toit, partager ces moments... il y a toujours des secrets entre nous, et ça me... ça me rend folle.

Azriel s'arrête de préparer son petit-déjeuner et me jette un regard en coin. Il sait, il sait que je ne lâcherai pas l’affaire.

— Seraphina, tu sais bien que parfois, certains secrets doivent rester enfouis. Il y a des choses qui ne sont pas destinées à être partagées, murmure-t-il, une pointe de gravité dans la voix.

Je me lève brusquement, l’étau de la frustration serrant mon cœur. Je n’ai pas peur de ce qu’il me dira. Pas cette fois. Je veux tout savoir. Tout. Pourquoi il agit comme ça, pourquoi il me garde à distance, pourquoi il joue avec mon esprit comme s’il en avait le droit. Je me rapproche de lui, presque déterminée à ne pas lâcher prise.

— Non, Azriel. J'en ai assez de ces demi-vérités. J’en ai assez de tourner en rond. Tu sais des choses sur moi que je ne sais même pas, et pourtant tu continues de jouer au mystérieux. Nous deux, on a un passé, et tu as vu mes réactions, tu sais ce que ça me fait. Mais toi... toi, tu gardes tout pour toi. Pourquoi ? Pourquoi me priver de cette partie de moi, de notre histoire ?

Il fronce légèrement les sourcils, un petit rictus sur ses lèvres, comme s’il était à la fois amusé et exaspéré par mon insistance.

— Parce que, Seraphina, certaines choses sont mieux laissées dans l’ombre. Ce n’est pas tout ce qu’on a vécu qui mérite de revenir à la lumière. Il y a des blessures qui ne demandent qu’à guérir, et certaines choses doivent rester en dehors de tout ça.

Je sens une étrange colère bouillonner en moi. J’en ai marre qu’il soit toujours aussi détaché, comme si rien n’avait vraiment d’importance pour lui, comme s’il se sentait supérieur à tout ça.

— Et tu crois que c’est facile, de vivre avec des bribes de souvenirs, des ombres d’une vie qu’on ne parvient même pas à saisir ? Tu penses que je vais me contenter de ça ? Que je vais continuer à vivre avec des souvenirs fragmentés sans chercher à comprendre ? Tu te trompes. Tu te trompes lourdement.

Il me regarde, mais il semble peser ses mots, une lueur de conflit dans ses yeux. Il veut répondre, mais il sait qu'il doit choisir avec précaution.

— Ce n’est pas une question de ce que tu peux ou ne peux pas supporter, Seraphina. C’est une question de... protection. Certaines vérités, certaines scènes du passé... tu n’es pas prête à les affronter. Ce n’est pas... ce n’est pas quelque chose qu’on peut comprendre, aussi facilement qu’on aimerait.

Je me rapproche de lui, mes yeux brûlants d’un mélange de défi et de frustration. J’ai envie de secouer cette carapace qu’il s'est construite autour de lui. Il doit me dire la vérité. Il le doit.

— Ne me prends pas pour une enfant, Azriel. Je veux savoir. C’est moi qui ai perdu la mémoire, mais ça ne veut pas dire que je n’ai pas le droit de tout savoir. Ne me cache rien, je t’en prie.

Je le vois se raidir. Ses yeux, habituellement si maîtrisés, trahissent un instant de vulnérabilité. Il se tait, hésite, puis se détourne légèrement. Je sais qu’il lutte contre lui-même. Il veut me dire des choses. Il veut, mais... il se retient.

— Tu... tu penses que c’est si simple ? lui murmure-t-il d’une voix plus douce, mais chargée d’une douleur qu’il cache encore. Si je te raconte tout, Seraphina... tu risques de ne plus jamais me voir de la même façon. Parce que ce que tu as oublié... ce n’est pas un souvenir doux. Ce n’est pas un passé qu’on peut balayer d’un revers de main.

Il y a un silence. Long. Glacial. Et dans ce silence, une tension palpable, comme si la pièce elle-même retenait son souffle. J’attends. Mon cœur bat plus fort, et j'essaie de lire chaque mouvement de son visage, chaque souffle, chaque geste.

Je reste plantée là, les bras croisés, le regard fixé sur lui. Ses yeux, qui semblent toujours si insondables, trahissent pourtant une tension, une résistance qu’il ne parvient pas à dissimuler totalement.

— Tu sais, Azriel, je n’aime pas qu’on me cache des choses. Je n’aime pas être laissée dans l'ignorance. Si tu as des réponses, donne-les-moi. Je ne vais pas m’arrêter tant que tu ne m’auras pas tout dit.

Azriel lève les yeux au ciel, soupirant comme si je venais de le fatiguer. Il repose l’assiette qu’il était en train de préparer, sa main se serrant autour de la spatule avec une force presque inconsciente.

— Ce n’est pas une question de vouloir ou non, Seraphina, dit-il d’une voix plus ferme. Ce n’est même pas une question de ce que tu penses mériter. Il y a des choses qui ne se disent pas. Et il y a des choses qui sont mieux laissées là où elles sont.

Je le fixe intensément, mon regard défiant. Je sens cette frustration qui m’envahit de plus en plus, mais je me force à ne pas céder à la colère. Je veux comprendre. Je veux percer son mur. Alors je tente encore, plus insistant que jamais.

— Tu parles de choses cachées, mais ça m’intrigue, Azriel. Qu’est-ce qui est si terrible que tu ne puisses pas me le dire ? Si c’était quelque chose de vraiment horrible, pourquoi ne me le dirais-tu pas ? Pourquoi me protéger ? Pourquoi continuer à me traiter comme si j’étais une petite fille incapable de comprendre ce qui s’est passé ?

Il s’arrête de bouger, les épaules tendues, une fraction de seconde de silence lourd s’étirant entre nous. Je vois ses yeux se voiler légèrement, mais il ne répond pas immédiatement. Alors je continue, ne me retenant plus.

— C’est moi qui ai perdu la mémoire, c’est moi qui ai perdu une partie de ma vie. Alors arrête de prétendre que c’est pour mon bien. Arrête de dire que c’est pour me protéger. Parce qu’au fond, tu sais aussi bien que moi que tu ne me protèges pas. Tu me laisses dans l’ombre, tu me laisses errer dans des bribes de souvenirs, dans des morceaux éparpillés.

Azriel ferme les yeux un instant, puis les ouvre, comme s’il cherchait ses mots. Une tension palpable règne entre nous, un combat silencieux que je refuse de perdre. Je ne vais pas le laisser s’échapper. Pas cette fois.

— Seraphina, ce n’est pas une question de protection, répète-t-il lentement, presque comme un avertissement. Ce n’est pas une question de ce que tu veux savoir. C’est une question de ce que tu es prête à entendre. Je ne vais pas te donner des morceaux du passé juste parce que tu insistes. Certaines choses sont mieux restées dans l'ombre. Parce que les comprendre, c’est devoir les vivre à nouveau, et ça... ça ne se fait pas à la légère.

Je sens la colère monter en moi, une vague brûlante d’impatience. Pourquoi me faire souffrir ainsi ? Pourquoi me laisser dans l’incertitude ?

— Et qu’est-ce qui me garantit que je suis prête ou non, hein ? Si tu ne me dis rien, comment savoir ce que je suis prête à affronter ? Pourquoi cette décision te revient-elle, à toi seul, de déterminer ce qui est bon pour moi ?

Il se tourne lentement vers moi, son regard se durcit, mais il n’a pas l’air énervé. Juste... déterminé. Son expression se ferme à nouveau, cette barrière invisible qui se dresse entre nous.

— Parce que je connais la vérité, Seraphina. Et je sais que, même si tu la veux, elle pourrait te détruire. La vérité n’est pas toujours ce que l’on désire. Elle peut briser plus que ce que l’on croit être solide. Et tu as déjà assez de fardeaux à porter.

Je le regarde intensément, mon cœur battant dans ma poitrine. C’est plus fort que moi. Il me l’a dit. Il l’a dit. Il cache quelque chose. Une vérité, une chose qu’il pense trop lourde à porter. Mais je ne vais pas céder.

— Et si je te le demande encore ? Si je t’oblige à me dire la vérité, alors ?

Il secoue la tête, sans laisser paraître la moindre faiblesse.

— Tu ne comprends pas, Seraphina. Tu ne me forceras pas à te donner une vérité que tu n’es pas prête à entendre. Peu importe combien de fois tu insistes, peu importe combien de fois tu répètes cette question. Je... je ne peux pas. Je ne peux pas te le dire. Pas maintenant.

Je m’éloigne lentement, frustrée, sentant cette impuissance m’envahir. Il est têtu. Bien plus têtu que ce que je pensais. Je sais qu’il a raison, quelque part. Mais je n’arrive pas à accepter ça. Pas encore.

— Alors, je resterai dans l’ombre, dit-je, ma voix tremblant légèrement. Mais sache que je finirai par connaître la vérité. D'une manière ou d'une autre.

Je quitte la pièce sans un mot de plus. Je suis fatiguée. Fatiguée de cette lutte. Mais je sais qu’elle n’est pas encore terminée. Et un jour, il me dira ce qu’il cache. Peu importe combien de temps ça prendra.

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