Chapitre 15 - Le cri
SERAPHINA, 21ans
Je cours.
La forêt défile autour de moi dans un vacarme assourdissant de feuilles mortes et de branches qui claquent. Le sol est trempé, chaque pas m’arrache à la boue comme si elle voulait me retenir. Ma respiration est hachée, mon cœur bat trop vite.
Et Azriel…
Azriel est juste devant moi. Ou peut-être derrière. Je n’arrive pas à savoir. Il y a du sang. Beaucoup de sang. Trop.
Je trébuche. Mes mains s’écrasent sur le sol humide. Elles sont rouges. Poisseuses. Ce n’est pas de la terre. C’est…
Je lève les yeux.
Il est là. Azriel. Étendu sur le flanc. Sa chemise blanche maculée. Il me regarde sans me voir. Un filet rouge s’échappe de ses lèvres entrouvertes.
— Non, non, non…
Je rampe vers lui, le cœur au bord des lèvres, les larmes brouillant ma vue. Je ne sais pas ce qui s’est passé. Je ne me souviens de rien. Mon propre corps me semble étranger. Mes mains tremblent. Je les pose sur sa poitrine, cherche un souffle, une pulsation. Il est tiède.
Quelqu’un d’autre est là.
Une silhouette indistincte, immobile entre les arbres. Floue, comme si elle n’avait pas été invitée ici.
Je me redresse, un cri silencieux coincé dans la gorge. La silhouette avance. Lentement.
Elle est proche. Trop proche.
Sans réfléchir, sans comprendre pourquoi, je me lève d’un bond. Mes jambes cèdent à moitié sous moi, mais je fonce. Mes bras se tendent d’eux-mêmes. Je pousse. De toutes mes forces.
La silhouette bascule. Tombe.
Un bruit sourd résonne contre le sol. Puis, le silence.
Un vent glacé souffle dans mes oreilles. Les feuilles s’agitent comme des spectres. Je tourne la tête vers Azriel.
Il n’est plus là.
À sa place, une flaque noire.
Je hurle. Je crie.
Je me réveille en sursaut, les draps collés à ma peau, haletante. Il fait nuit, mais la lumière du réverbère filtre à travers le rideau.
Mon cœur cogne encore, comme s’il voulait sortir de ma poitrine. J’ai la gorge sèche, les mains crispées contre le tissu.
C’était un rêve. Juste un cauchemar.
Mais ce n’était pas n’importe quel cauchemar.
Pourquoi est-ce que j’ai l’impression que ce n’était pas totalement inventé ? Pourquoi cette forêt, ce sang, cette silhouette… me paraissent-ils familiers ?
Je passe une main tremblante sur mon visage. Mes paupières brûlent. Mes lèvres sont sèches. Ce rêve—non, ce cauchemar—m’a laissée plus vidée que si j’avais couru un marathon.
Je tente de réguler ma respiration. Inspirer. Expirer. Répéter. J’ai l’habitude. Pourtant, rien ne calme la sensation de vertige qui me ronge les entrailles. Comme si mon corps savait quelque chose que mon esprit refusait encore de voir.
Un bruit.
Un toc. Puis deux.
Des coups insistants à la porte du dortoir.
Je fronce les sourcils, légèrement désorientée. Quelle heure est-il ? Qui oserait venir ici à cette heure ?
Je me lève à moitié, les jambes toujours engourdies. Les coups reprennent. Plus forts cette fois. Plus pressés.
Et c’est là que j’entends sa voix.
— Qu’est-ce que tu fais là ? demande Azriel, de l’autre côté de la porte, visiblement agacé. Tu ne peux pas débarquer comme ça, à cette heure. Tu veux réveiller tout le monde ou quoi ?
Mon cœur s’arrête un instant.
Il est là. Devant ma porte. Enfin… devant notre dortoir. Mais il ne me parlait pas. Il s’adressait à quelqu’un d’autre.
— J’avais besoin de lui parler. C’est urgent, répond une voix.
Une voix grave. Râpeuse.
Mais inconnue.
Je me fige. Ce n’est pas une voix de professeur, ni celle d’un élève que je connaîtrais. Il y a quelque chose de faux dans ce timbre. Quelque chose de dissonant, comme une mélodie qui se détraque.
— Tu ne peux pas débarquer ici comme si tu étais chez toi. Elle dort, grogne Azriel.
Silence.
Puis :
— Elle s’est réveillée en hurlant. Tu sais ce que ça veut dire, Azriel.
Mon sang se glace.
Comment cette personne sait-elle que je me suis réveillée en criant ?
Je recule d’un pas, le cœur battant à tout rompre, la bouche entrouverte.
Mon regard se pose sur la porte, fine, trop fine. Chaque mot est un coup de massue.
Azriel ne répond pas tout de suite. Puis, plus bas :
— Tais-toi. Pas ici.
Des pas. Quelqu’un s’éloigne. La tension dans l’air ne s’évapore pas. Elle s’épaissit.
Je reste figée là, dans l’ombre de ma chambre, avec l’impression désagréable d’avoir mis un pied dans une partie de l’histoire que je n’étais pas censée lire.
Le soleil filtre à peine à travers les rideaux, mais je suis déjà debout, lavée, habillée, et le cœur en miette. La nuit m’a laissée sans répit. Je n’ai pas réussi à me rendormir.
Tandis que je marche vers le bâtiment principal, un frisson me traverse malgré la chaleur du matin. Tout semble normal. Trop normal. Les rires, les discussions, les sacs à moitié ouverts qui laissent dépasser des fiches colorées. Le bruit rassurant de la routine.
Mais moi, je suis ailleurs. Je suis restée bloquée dans cette forêt, dans ce cauchemar.
Et dans ce que j’ai entendu.
"Elle s’est réveillée en hurlant."
Je me répète cette phrase depuis des heures.
J’arrive devant l’amphithéâtre N4. Mon premier cours de la journée. Histoire politique comparée. J’entre sans un mot, me glisse à ma place habituelle, deuxième rangée, côté fenêtre.
Et c’est là que je le vois.
Azriel.
En bas de l’amphi, juste en bas des escaliers, adossé contre un mur. Il ne m’a pas vue.
Il parle avec quelqu’un.
Je me fige.
Ce n’est pas un étudiant. Pas un professeur non plus. L’homme a une quarantaine d’années, la mâchoire carrée, les traits durs, et quelque chose de cassé dans les yeux. Il porte une veste sombre, trop formelle pour un lieu comme celui-ci.
Ils parlent bas. Très bas. Mais j’arrive à lire sur les lèvres d’Azriel :
— Tu n’aurais pas dû venir ici.
L’autre répond, sans même le regarder :
— Tu crois qu’on a encore le luxe de choisir ? Tu vois bien ce qui se passe.
Azriel passe une main dans ses cheveux, agacé. Je n’ai jamais vu cette expression-là sur son visage. Un mélange de peur… et de colère.
Puis il dit, plus bas encore, presque pour lui-même :
— Elle se souvient.
Mon souffle se bloque dans ma gorge.
Ils parlent de moi.
Je le sais. Je le sens.
Mais se souvenir de quoi ?
La cloche sonne, sèche, brutale. Azriel relève la tête et croise mon regard.
Et à cet instant précis… je sais qu’il ne va pas nier.
Je le vois.
Lui.
Encore lui.
Azriel est en bas, adossé au mur près de l’entrée du bâtiment. Il parle avec un homme que je n’ai jamais vu. Trop bien habillé. Trop sûr de lui. Trop calme.
Et Azriel… il est différent. Son dos est droit, ses mains crispées dans les poches. Ses yeux, eux, ne regardent plus son interlocuteur. Ils sont sur moi.
Clairs. Tranchants. Implorants.
Il secoue imperceptiblement la tête. Un seul geste. Une seule consigne. Pars.
Mais mes jambes n’écoutent pas. Mon cœur encore moins.
Je descends les marches. Lentement. Chaque pas résonne comme un défi.
Je vois son regard changer. Il se ferme. Il se tend. Il murmure quelque chose à l’homme qui se retourne légèrement dans ma direction.
Et pourtant, je continue. J’arrive juste à côté d’eux. Trop près. Juste assez pour sentir l'électricité dans l’air.
L’homme me dévisage, intrigué.
Azriel, sans le regarder, parle :
— T’as oublié ton carnet, bébé.
Ma respiration se coupe.
Je le fixe.
Est-ce que je rêve ? Il vient de m’appeler—
Non. Non. C’était intentionnel. Pas pour moi. Pour lui. Pour l’autre.
Il ne me regarde même pas. Il me tend un faux carnet invisible, comme si ce rôle lui collait à la peau. Comme s’il jouait une pièce dans laquelle je devais être l’accessoire parfait.
Je comprends. Immédiatement. Il ne veut pas que l’homme sache qui je suis.
Alors je joue. Parce que c’est plus fort que moi. Parce que c’est lui.
— Encore ? Tu sais que je vais finir par croire que tu fais exprès de les voler juste pour me revoir.
Il serre la mâchoire. Je vois sa tempe battre. Il détourne enfin les yeux vers moi, et ce regard, bordel…
Il est en train de me supplier d’arrêter.
Et de continuer en même temps.
— On en reparlera plus tard, murmure-t-il doucement.
Je lève les sourcils, joueuse. J’ai envie de le pousser. Voir jusqu’où il peut aller. Voir jusqu’où il me cache.
Mais l’homme me regarde encore. Trop longtemps.
— Et tu es... ?
Je souris. L’air innocent. L’air insupportable.
— Celle qui oublie toujours son carnet. Rien de plus.
Azriel pose une main sur mon bras. Rapide. Ferme.
— Elle doit y aller, dit-il à l’homme, en ignorant totalement ma réplique.
— C’est fou comme les visages familiers reviennent dans les endroits qu’on pensait oubliés, glisse l’homme, le regard toujours sur moi.
Cette phrase me glace.
Azriel réagit au quart de seconde. Il se décale, se met un peu plus entre nous. Sa voix baisse d’un ton.
— Tu fais fausse route. C’est pas ce que tu crois.
— Ce n’est jamais ce que je crois, n’est-ce pas ?
Et il s’en va.
Juste comme ça.
Il nous laisse dans ce silence lourd, suspendu, trop chargé pour être innocent.
Je recule d’un pas. Azriel ne me touche plus. Il ne parle pas.
Je l’observe.
— Tu veux me dire ce que c’était ?
— Tu veux vraiment l’entendre ? souffle-t-il.
Je ne réponds pas. Parce que si je parle maintenant, ma voix va trembler.
Il me regarde enfin, droit dans les yeux. Pas de façade. Pas de masque. Il est à nu.
— Si je t’avais laissée là, il t’aurait reconnue. Et je peux pas te laisser être reconnue. Pas encore.
— Pourquoi ?
Il ferme les yeux. Longuement.
— Parce que t’as oublié les mauvaises choses. Et que lui, il les a toujours en mémoire.
Je reste là, face à lui.
Le silence entre nous est chargé, saturé de tout ce qu'on n'ose pas nommer.
Alors, parce que c’est plus fort que moi. Parce que je sens encore sa main sur mon bras. Parce que son regard m’a frôlée plus que de raison… je souris.
Et je lâche :
— Merci pour le carnet… bébé.
Sa mâchoire se contracte.
L’instant d’après, ses yeux reviennent sur moi. Vifs. Noirs. Quasiment dangereux.
Il s’approche. Un pas. Puis un deuxième. Assez pour que je sente son souffle sur ma peau.
— Répète ça.
Je le défie du regard, les bras croisés, le cœur au bord des lèvres.
— Bébé ?
Il penche légèrement la tête, ses yeux accrochés aux miens, ses lèvres à quelques centimètres à peine.
— Appelle-moi encore comme ça, Seraphina, murmure-t-il d’une voix grave, presque rauque, et ce ne sera plus un jeu.
Tout mon corps se fige. Mon souffle s’emballe.
C’est plus une menace.
C’est une promesse.
Une chute libre.
Je devrais rire. Je devrais m’éloigner. Faire une blague, détourner la tension comme toujours.
Mais je reste là. Plantée. Les yeux dans les siens.
Et je chuchote, presque sans réfléchir :
— Tu dis ça comme si t’avais peur de perdre le contrôle.
Un éclair passe dans ses yeux. Une étincelle.
Il ne répond pas. Il se contente de me fixer, comme s’il luttait contre quelque chose de bien plus grand que lui.
Et au fond… je crois que moi aussi.
Il ne bouge pas.
Moi non plus.
Son regard descend lentement vers ma bouche. Et je sais qu’il le fait exprès.
Pour me déstabiliser. Pour voir si je tiendrai.
Je souris, faussement innocente.
— Tu veux que j’arrête ?
Il fronce les sourcils, penche la tête. Un murmure rauque fend l’air entre nous :
— Je veux que tu comprennes ce que t’es en train de déclencher.
— Et si j’ai déjà compris ?
Un souffle. Il ferme les yeux une demi-seconde.
Quand il les rouvre, quelque chose a changé.
Ce n’est plus de la tension. C’est un feu.
Brut. Brutal.
— Alors t’es encore plus inconsciente que je le pensais.
Ses doigts frôlent ma main, presque par accident. Sauf que rien n’est jamais un accident avec lui.
Et merde… je frissonne.
— C’est moi qui devrais m’inquiéter, du coup ? je murmure.
Il s’approche encore, si près que je pourrais compter ses cils.
Ses yeux plongent dans les miens, profonds, sombres, presque douloureux.
— Non, souffle-t-il. C’est moi qui vais finir par faire une connerie.
Mon cœur loupe un battement.
J’ouvre la bouche, mais aucun mot n’en sort.
Il m’engloutit tout entière, là, sans me toucher.
Et puis.
Un bruit de pas.
Quelqu’un tourne dans le couloir.
Azriel se redresse brusquement. Un masque se remet sur son visage. Froid. Contrôlé.
Mais ses yeux restent les mêmes. Incandescents.
— Va en cours, dit-il, presque calmement.
Je le fixe encore une seconde. Juste une.
— T’as raison, je murmure. C’est plus un jeu.
Et je m’éloigne.
Je le sens me suivre du regard.
Je le sens se retenir.
Et moi… je me retiens de courir vers lui.
Parce qu’un pas de plus, et je ne saurai plus reculer.
Je me détourne enfin.
Mes pas me semblent flous, comme si le sol sous moi hésitait à me porter.
Je descends les escaliers, les jambes encore engourdies, la gorge nouée d’un trop-plein de lui.
Et puis, bam.
Je percute quelqu’un.
Littéralement.
— Oh, pardon, je marmonne sans vraiment lever les yeux.
— Pas grave, répond une voix calme, presque trop posée.
Je reprends ma marche, machinale. Mais quelque chose m’accroche.
Un reflet.
Ou une impression.
Cette fille — cheveux blonds, mais avec des reflets roux, comme si elle avait tenté une coloration qui commence à s’estomper.
Je tourne brièvement la tête. Elle s’éloigne déjà, sans se retourner.
Je fronce un peu les sourcils…
Puis je secoue la tête.
Pas le moment.
Pas le temps.
Azriel est encore partout dans ma tête.
Dans mon ventre.
Sur ma peau.
Et je crois bien que j’ai arrêté de respirer depuis qu’il m’a dit que ce n’était plus un jeu.
Je traverse le hall sans ralentir.
J’ai l’impression d’avoir de l’électricité dans les veines, des éclats de voix silencieuses dans le crâne.
Et comme si l’univers refusait de me laisser souffler…
— Seraphina.
Sa voix. Encore.
Je me fige.
Je me retourne lentement.
Il est là. En bas des escaliers.
Toujours cette même intensité dans les yeux.
Mais il est seul, maintenant. L’homme avec qui il parlait a disparu.
— T’as oublié ça, dit-il en me tendant mon carnet.
Mon cœur se serre. C’est faux. Je l’avais dans mon sac. Il l’a glissé là exprès. Pour… revenir ? Pour me faire revenir ?
Je m’approche. Lentement. Comme si je marchais sur du verre.
— Je croyais que tu voulais que je parte, je murmure.
Il me tend toujours le carnet. Il ne répond pas.
— C’est drôle, je continue, plus bas, comment t’arrives à dire "pars" avec les yeux qui disent "reste".
Il ne bouge pas.
Mais sa mâchoire se serre.
Il me tend le carnet encore un peu plus près.
Je le prends, sans le quitter du regard.
Nos doigts se frôlent.
Un contact léger, mais brutal dans ce qu’il déclenche.
Je le teste. Encore.
Je souffle, presque moqueuse :
— Tu veux pas qu’on continue notre petit jeu, bébé ?
Et là…
Ses yeux changent.
Pas d’agacement.
Pas de lassitude.
Non. Un feu. Pur.
Dangereux.
Il s’avance. Une seule foulée. Me bloque presque contre le mur.
— Je t’ai dit quoi, tout à l’heure ? Sa voix est basse, grondante. Tu continues comme ça, Seraphina, et je vais oublier que je suis censé te protéger de moi.
Ma respiration se bloque.
Pas à cause de la peur.
À cause de cette envie brûlante, sauvage, que je sens vibrer dans ses mots.
— Et si j’ai pas envie d’être protégée ?
Ses yeux glissent sur mon visage, s’arrêtent sur ma bouche.
— C’est exactement pour ça que tu devrais l’être.
Un silence.
Chargé.
Explosif.
— Tu me provoques, souffle-t-il. Mais t’as pas idée de ce que tu réveilles quand tu fais ça.
Je penche légèrement la tête, mon souffle court.
— Alors montre-moi.
Un battement.
Et il recule. D’un seul pas. Brutal. Comme si quelqu’un l’avait tiré en arrière.
— Va en cours, finit-il par dire, la voix éraillée.
Et cette fois, je pars.
Mais avec la sensation très nette…
Que la prochaine fois, l’un de nous deux explosera.
Je m’installe dans l’amphithéâtre, essayant de masquer la tempête qui gronde en moi.
Le bruit des chaises qui grattent, des élèves qui se préparent à écouter le cours, tout ça semble si lointain.
Mon esprit est captif d’un seul endroit, d’un seul moment… d’un seul regard.
Azriel.
Putain, mais qu’est-ce que j’ai foutu ?
Je n’arrive pas à penser à autre chose que son visage, son souffle, sa voix basse, son regard noir… tout ça, à peine à quelques centimètres de moi, comme un piège que j’ai peut-être bien décidé de marcher dedans.
Alors que je tente de me concentrer sur le tableau, Noah s'assoit à côté de moi. Son air faussement détendu me sort un peu de ma torpeur.
— T’as l’air d’avoir vu un fantôme, Seraphina.
Il me lance un sourire en coin, observant mon air distrait.
— T’as pas encore croisé un vampire, hein ? Parce que là, c’est carrément le look du genre à avoir été mordue dans le cou.
Je roule des yeux sans vraiment pouvoir m’empêcher de sourire.
— Si seulement… je réponds d’une voix trop rêveuse.
Noah plisse les yeux, appuyant sa main sur son menton comme un détective.
— Ok… je suis sûr que tu vois déjà ça comme un film romantique où tu te laisses mordre par le beau vampire mystérieux, mais avoue… c’est le genre de gars qui te fait perdre toute dignité et oublier ton nom.
Il me regarde d’un air faussement accusateur. Dis-moi que c’est pas ça.
Je tourne légèrement la tête, essayant de ne pas rire trop fort.
— Je crois pas que ce soit ce genre de film, Noah.
Je tente de lui donner un sourire désarmé, mais ça ne marche pas. Pas avec lui.
Il me scrute intensément, levant un sourcil, l’air de savoir déjà que je mens.
— Alors, sérieusement, t’as vu un fantôme ou un vampire sexy… ou juste…
Il s’arrête un instant, et son regard devient plus perçant.
— Il a encore fait une de ses scènes de "je suis un mec mystérieux et t’as intérêt à pas trop chercher à comprendre" ?
Je soupire, secouant la tête, mais j’ai l’impression que chaque fibre de mon être tremble à l’évocation de ce qui s’est passé tout à l’heure.
— Je suis en train de mourir, Noah.
Noah éclate de rire, attirant l’attention de quelques autres élèves autour de nous.
— Oh, une vraie romance à la Twilight, ça y est. Tu m’étonnes que tu sois sur un nuage… mais je te préviens, le nuage, ça se transforme vite en chute libre si tu commences à t’emballer avec ce genre de types.
Il baisse la voix, un peu plus sérieux, mais toujours avec ce ton un peu moqueur.
— C’est peut-être un vampire, mais il est clair que tu t’y prends à l’envers, ma chère…
Je lui donne un coup de coude, amusée malgré moi.
— Si je meurs, tu es le premier à être responsable.
Il lève les mains en signe de reddition, un large sourire sur le visage.
— Ok, ok, j’avoue. Mais si tu veux de l’aide pour t’en sortir, je suis là. Moi, au moins, je peux te donner des conseils sur comment survivre aux mecs bizarres. Pas de problème.
Je ris un peu, mais je sens que ce n’est pas tout.
Je ne peux pas échapper à Azriel. Pas cette fois. Pas après ce qu’il a dit. Pas après… ce que je ressens.
Le professeur arrive enfin, et je tente de me concentrer. Mais je suis loin d’être présente.
Ma tête est occupée à imaginer des scénarios avec lui. À analyser chaque mot qu’il a prononcé.
Si ça continue, je vais finir par être une vraie cinglée.
Noah continue de me jeter des regards, mais cette fois il est plus discret.
Il sait que je ne suis pas là.
Pas vraiment.