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Chapitre 1 - Sous une peau étrangère

SERAPHINA, 21ans

Je n'ai pas de souvenirs précis. Pas d'images, pas de sons, juste des trous béants dans ma mémoire, comme des absences trop longues, trop profondes. Parfois, je me demande si ces vides me définissent, si ce sont eux qui me façonnent. Il y a des choses que je ressens, mais que je ne peux pas expliquer.

Je me suis réveillée un jour avec ce sentiment d'avoir tout perdu. Cinq ans ont passé depuis, et je suis toujours en train de chercher ce qui me manque. Ce qui m'a été volé.

Je suis là, dans le couloir de l'université, entourée de rires et de discussions. Le bruit m'agresse. Ce n'est pas que je n'aime pas être entourée de gens, c’est juste… tout est trop, parfois. Trop d’images, trop de voix, trop de visages que je ne reconnais pas vraiment. Ce monde semble être fait pour tout le monde sauf moi. J’ai l’impression de flotter à la surface, comme si rien n’allait profondément.

Des pas résonnent derrière moi. Une voix que je connais bien. Je ne me retourne pas immédiatement, mais je sais que c’est lui.

— Ça va ?

Je n'ai pas besoin de lui répondre, il sait déjà. Il a toujours su.

Je me contente de hocher la tête, les yeux rivés sur le sol, tentant d'échapper à la cacophonie du monde autour de moi. Le regard des autres me pèse, je le sens sans même le voir. Je me permets juste quelques secondes de répit avant de lui faire face. Il est là, à mes côtés, d’une présence apaisante, mais je ne peux pas m’empêcher de sentir ce décalage. Ce léger malaise.

Je me permets enfin de croiser son regard, celui que je connais par cœur. Mais aujourd’hui, quelque chose est différent. Une tension dans l’air, un sous-entendu que je ne peux pas ignorer. Il me fixe un instant, puis ses yeux glissent sur mes lèvres, avant de s’échapper vers l’horizon, comme s’il cherchait une réponse qu’il n’attend pas de moi.

Je fronce les sourcils sans comprendre pourquoi je suis touchée par ce geste. Il se redresse, un sourire en coin.

— Tu penses à quelque chose ?

Il ne dit rien de plus, mais je sais qu’il a remarqué. Ce malaise. Il sait que je suis à la frontière entre deux mondes, et que je ne suis pas totalement présente dans le mien. Mais, comme toujours, il ne cherche pas à en parler. Pas de questions, juste une présence constante.

Je tourne la poignée de la porte devant nous. Un frisson parcourt ma peau, mais je l'ignore. Peut-être que ce n’est pas moi qui ai besoin de réponses. Peut-être que c’est lui.

Il pousse la porte derrière moi et la referme doucement, comme s’il savait qu’un bruit trop fort briserait l'équilibre fragile qu’on a réussi à construire ici, dans ce petit coin tranquille de l'université. Le bourdonnement des voix dans le couloir s’éteint instantanément, remplacé par le calme relatif de la salle de classe.

Je m’installe à ma place habituelle, près de la fenêtre. C’est ma petite routine : le même siège, le même endroit, loin de tout, avec cette vue qui me permet de m’évader sans vraiment m’éloigner. Noah prend place en face de moi, tout en jetant un regard furtif vers la porte, comme s’il s’attendait à ce que quelqu'un entre à tout moment pour perturber notre tranquillité.

— Alors, qu’est-ce que tu penses de ce prof ? Il a l’air aussi passionnant qu’un carton d’archives.

Je ne peux m’empêcher de sourire, un petit rictus qui étire mes lèvres malgré moi. C’est Noah, après tout. Toujours là pour me faire rire, même dans les moments où je me sens le plus perdue.

— Il est pas si pire, tu sais. Mais je pense que je vais mourir d'ennui avant la fin du semestre, comme d’habitude.

Noah se laisse tomber en arrière dans son fauteuil, les bras croisés, l'air faussement sérieux.

— Oh, je ne suis même pas sûr que tu sois vivante, en fait. Tu es là, mais t’es pas là. T'es un peu comme une zombie, en fait. J'espère qu'au moins, tu comptes m'emmener faire une sortie dans le monde des vivants, sinon je vais commencer à m'inquiéter.

Je rigole doucement, secouant la tête. Il a toujours ce don de rendre les choses plus légères, même quand l'atmosphère est lourde. Je le regarde un moment, essayant de me concentrer sur ce qu’il dit, mais mon esprit erre ailleurs, encore une fois.

— Tu as pensé à ce que tu vas faire après l'université ? me demande-t-il soudainement, comme si la question ne venait d'aucune part.

Je le fixe, hésitante. Je sais que la question semble anodine, mais pour moi, c'est tout sauf ça. C’est une question que je me pose souvent, mais la réponse me reste toujours aussi floue. J’aimerais pouvoir dire que j’ai un projet, que je sais exactement où je vais, mais la vérité, c’est que je n’en ai aucune idée.

Je regarde Noah, cherchant dans ses yeux une réponse que je ne trouve pas dans les miens.

— Non, pas vraiment, réponds-je enfin, un peu à contrecœur. Et toi, tu sais où tu veux aller ?

Il hausse les épaules de façon théâtrale, affichant une expression faussement désintéressée.

— Moi ? Je vais là où la bière est fraîche et où les gens sont moins ennuyants que ce prof. Tu sais, la vie, c’est pas compliqué. Surtout quand t’as pas trop de plan.

Je laisse échapper un rire, même si une partie de moi, tout au fond, se sent un peu triste. Parce qu’il a raison, en quelque sorte. Peut-être qu'il a raison d’être détaché, de ne pas trop chercher à comprendre ce qui ne peut pas être compris.

Mais moi, je n’arrive pas à laisser ça de côté. Il y a quelque chose en moi qui se débat contre ce vide, ce manque, et même s'il ne le voit pas, je sais qu’il sent que je suis différente, que je cherche quelque chose que personne ne peut m’apporter.

— Tu es un vrai cas, tu sais, je lui lance pour détourner l’attention, un sourire en coin.

— Un cas ? Moi ? Non, je suis juste un mec avec un grand cœur et une barbe encore plus grande, répond-il avec une confiance absolue. Un vrai prince charmant, mais sans le cheval et le costume brillant.

Je secoue la tête, amusée. C’est ça, Noah. Toujours prêt à ajouter une touche d’humour, toujours à faire en sorte que les choses soient un peu plus légères. Mais, même avec ses blagues et son apparente insouciance, je sais qu'il me comprend mieux que quiconque. Il ne pose pas de questions quand je me renferme. Il ne me demande pas ce qui ne va pas, même s’il le sait. Il est là, simplement, et c'est tout ce dont j'ai besoin.

Un silence s’installe entre nous, confortable, mais lourd de non-dits. Nous sommes là, dans cette petite salle, dans cet instant suspendu, et tout semble un peu plus clair. Pas beaucoup, mais un peu.

Je repose mon regard sur lui, l’observant un instant avant de me permettre de souffler. Noah, dans son côté décalé et bruyant, c’est la stabilité que je n’arrive pas à trouver ailleurs.

— Tu sais, parfois je me demande ce que tu fous dans ma vie, je lui dis enfin, avec un petit sourire.

Il me fixe, sans perdre son air sérieux.

— Je suis ton sauveur, évidemment. Le mec qui te fait rire quand tu te sens à deux doigts de sombrer. C’est mon boulot, Seraphina. Et je fais bien mon boulot.

Je ris de bon cœur, et pour un instant, je me sens vraiment bien, juste un peu plus entière. Parce qu’avec Noah, il n'y a pas de fausse note. Il est là, dans ses imperfections, et c’est suffisant.

Il se penche en avant, comme s’il allait me confier un secret, et je sais immédiatement que ce n’est pas juste pour rigoler.

— Sérieusement, t’as pas l’impression que tu passes à côté de tout ça ? Il fait un geste vague autour de nous, désignant les gens qui déambulent dans le couloir, le bruit des voix qui s’élèvent, les discussions sans fin.

Je hoche la tête, mais je sens l’inconfort grandir dans ma poitrine. Je ne sais pas comment lui expliquer. Comment lui dire que tout ça, tout ce bruit, ces gens, ces rires… c’est comme si ça n’avait aucun sens pour moi. C’est là, autour de moi, mais c’est comme si j’étais une étrangère dans ma propre vie.

— Tu sais, ce n’est pas facile de m'intégrer, je lui réponds enfin, les mots tombant lourdement dans l’air. Je ne me sens jamais… complète ici. C’est comme si je faisais semblant d’appartenir à ce monde, comme si je devais m’ajuster sans cesse, comme si je ne savais même plus qui je suis, parfois.

Il me regarde, sérieux cette fois, sans l’ombre d’une blague. Ses yeux sont pleins de cette compréhension silencieuse, celle qui me fait toujours un peu peur, comme si, sans le vouloir, il touchait quelque chose que je préfère garder enfoui.

— Ce monde est juste une illusion. T’es pas la seule à te sentir comme ça. Tout le monde joue un rôle, Seraphina. Certains jouent mieux que d’autres, mais ça reste un jeu. Tu n’es pas la seule à être perdue, même si ça te semble être le cas.

Je le fixe, ne sachant pas quoi répondre. Est-ce que tout le monde ressent ça, ce vide, cette confusion ? Est-ce que tout le monde est juste en train de jouer un rôle, d’attendre que quelque chose vienne les secouer pour qu’ils réalisent qu’ils sont bien plus que ça ?

— Tu devrais te laisser aller un peu plus, me dit-il après un moment, les sourcils froncés. Tu sais, lâcher prise. Prendre les choses comme elles viennent. Arrêter de chercher tout le temps ce qui te manque.

Je le regarde, le cœur un peu plus lourd. Ce n’est pas aussi simple que ça. Si je pouvais, je le ferais. Mais il y a quelque chose en moi qui me pousse à chercher sans cesse, à vouloir combler ce vide. Ce vide que je ne comprends pas.

— Je ne sais pas comment faire ça, Noah, je murmure, presque pour moi-même.

Il s’assoit un peu plus droit, comme s’il voulait vraiment que mes mots résonnent.

— Peut-être que tu devrais essayer de t’arrêter un instant. De respirer. De lâcher prise. Mais surtout, il faut que tu arrêtes de te battre contre toi-même, Seraphina. Sinon, tu vas t’épuiser.

Je fronce les sourcils, essayant d’analyser ce qu’il vient de dire. Il a raison, dans un sens. Je passe tellement de temps à essayer de comprendre ce que je suis censée ressentir, à chercher des réponses, que j’oublie d’accepter ce qui est là, dans l’instant. Peut-être qu’il a raison… mais j’ai l’impression que tout ce que je ressens, tout ce que je cherche, c’est trop compliqué pour être juste accepté comme ça.

Il se redresse finalement et me sourit, comme s’il savait exactement ce que je pensais.

— Écoute, fais-moi confiance, je sais que tu vas y arriver. Mais pour ça, faut que tu arrêtes de chercher ce qui est caché. Peut-être que la réponse, tu l’as déjà en toi. Mais tu n’es pas prête à la voir.

Ses mots flottent dans l’air entre nous, lourds et étranges. Comme s’il savait plus que ce qu’il disait, comme s’il avait une vision de moi que je n’avais même pas encore.

Je le regarde, déconcertée, mais aussi un peu plus calme. Parfois, ses paroles ont le pouvoir de me faire réfléchir, de m’ouvrir un peu plus, même si ça me fait mal. Parce qu’au fond, je sais qu’il a raison : je ne suis pas prête à voir ce que je dois voir.

Je baisse les yeux, les doigts jouant avec le bord de mon cahier.

— Peut-être que tu as raison, dis-je finalement, ma voix presque perdue. Peut-être que je cherche trop de réponses.

Noah se penche en avant et me regarde avec un petit sourire en coin.

— Voilà. Et maintenant, tu devrais juste arrêter de chercher et faire ce que tout le monde fait : vivre. C’est la meilleure façon de comprendre ce qui te manque.

Je souffle, un peu plus légère. Il a ce don de simplifier les choses, même quand tout semble si complexe. Je me demande, un instant, s’il a toujours cette capacité de tout voir sous un angle différent, ou si c’est moi qui suis juste un peu trop perdue pour le comprendre.

Il m’adresse un clin d’œil et se lève, secouant son sac sur son épaule.

— Allez, viens, la journée ne va pas se finir toute seule.

Je me lève à mon tour, un léger sourire aux lèvres, et le suit dans le couloir. La discussion s’éloigne lentement, mais ses paroles résonnent encore dans ma tête, comme une promesse. Peut-être qu’un jour, je saurais enfin ce qui me manque. Mais, pour aujourd’hui, je vais juste essayer de vivre.

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