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4

Chapitre 4 - Noah

SERAPHINA, 21ans

— Mets pas le générique, Noah, sinon je pleure déjà, j’te jure.

— Meuf, c’est littéralement le tout début. Tu vas pleurer sur les noms des animateurs maintenant ?

— Ne me teste pas.

Je suis recroquevillée sur le canapé, le plaid remonté jusqu’au nez comme un bouclier anti-émotions. Noah, quant à lui, trône à côté de moi avec l’assurance d’un roi chinois — version chaussettes licornes et t-shirt troué « I pause for dumplings ».

— Franchement, Sera, j’vais être honnête. Tu regardes Mulan comme si c’était Requiem for a Dream. Je crains pour ton système nerveux.

Je détourne les yeux. Ça m’a toujours touchée. Cette scène où elle prend la place de son père. Trop fort pour que je l’explique. Trop personnel.

Mais évidemment, Noah est incapable de laisser passer ça sans une remarque hautement sérieuse.

— On en parle deux secondes ? T’as genre les larmes aux yeux dès qu’elle regarde son père dans le noir avec le sabre à la main. T’as un fétichisme des scènes d’honneur ou faut qu’on en parle en thérapie de groupe ?

— C’est pas un fétichisme, c’est de l’émotion, espèce de monstre.

— Si tu veux de l’émotion, je peux aussi me mettre torse nu et déclarer que je suis prêt à affronter l’armée des Huns pour toi. Tu crois que Mulan a inventé la loyauté ?

Je ris, mais j’ai les yeux un peu brillants quand même. Il le voit.

Et alors qu’elle s’enfuit à cheval sous la pluie, il lance :

— Tu sais quoi, je t’interdis de faire un move pareil dans la vraie vie. Si un jour tu pars en mission secrète, tu me préviens, je prépare mon cheval et mes frites.

— Tu veux dire ton vélo crevé et ton Uber Eats ?

— Détails. L’important, c’est que je serai là. T’as pas le droit de me faire un départ dramatique en pleine nuit avec une épée et sans texto.

Il tend le bras pour me serrer contre lui.

— T’es ma Mulan. Mais genre version hacker sensible qui pleure sur les films Disney.

— Et toi t’es mon Mushu. En plus bruyant. Et moins utile.

— Pardon ? Moi je suis carrément Mushu deluxe. Edition collector, voix suave, humour ravageur, cinq conquêtes par semaine.

Je lui décoche un regard.

— T’étais pas à quatre hier ?

— J’ai reçu un DM entre midi et deux. Ça compte comme demi.

Il remet le film. On chante faux. On crie un peu trop fort. On commente chaque scène comme si c’était Game of Thrones. On se moque des tenues des méchants. Il essaie de deviner quel personnage serait mon crush potentiel (Spoiler : ce n’est pas Shang. Trop musclé pour être crédible, selon lui).

Et pendant un moment, j’oublie tout.

Les photos. Les messages. Les yeux verts. L’angoisse sourde.

Avec Noah, c’est comme une bulle de normalité dans une vie qui ne l’est plus tout à fait.

Mais même dans cette bulle, au fond de moi, je sens que quelque chose approche.

Quelque chose que même Mushu ne pourrait pas désamorcer.

Le film touche à sa fin. Noah, affalé comme une larve sur le tapis, mâchonne les restes d’un cookie douteux trouvé dans mon tiroir “interdiction d’ouvrir sans mourir”.

— Tu crois qu’elle finit heureuse, Mulan ? Je parle pas du général torse nu, je parle… tu vois, la paix, tout ça.

— Je crois qu’elle finit changée. Et que la paix, c’est elle qui doit la construire.

Je m’entends parler. Parfois, j’ai l’impression que mes phrases sortent d’un livre que je n’ai jamais lu.

Il me regarde, un sourcil levé.

— T’as bu de la tisane à la camomille ou tu veux que je pleure ?

— Je t’ai vu chialer pendant High School Musical 2, ne fais pas genre.

— Faux. C’était une allergie émotionnelle. Y’avait du pollen dans mes sentiments.

Je rigole. Et c’est vrai. Avec Noah, tout est plus léger. Mais dès qu’il tourne la tête, que je ne suis plus obligée de faire semblant, je sens ce poids me retomber sur les épaules.

Mon téléphone vibre.

Je ne veux pas regarder. Pas maintenant. Mais je le fais quand même.

Message reçu —

Où en sont les données ? Toujours rien d’utile ? Il faut accélérer.

Je verrouille l’écran sans répondre.

Noah s’est redressé. Il me connaît trop bien. Il le sent.

— C’était le fameux ex toxique ? Ou un agent du FBI ? J’ai des théories, attention.

Je souris, mais mon cœur bat plus vite.

— Juste un vieux projet à finir. Rien d’excitant.

Il me fixe quelques secondes.

— T’as cette tête-là quand tu mens. Celle où tu ressembles à un chat mouillé qui nie avoir fait tomber la lampe.

— C’est très précis comme comparaison.

— Je suis un artiste incompris. Mais sérieusement… fais gaffe à toi, Sera.

— Toujours.

Il se lève et s’étire comme si l’univers venait de lui accorder un répit après une guerre intense contre la gravité.

— Je te laisse. J’ai un rencard avec une déesse aux cheveux bleus.

— Tu sais que les rencards imaginaires comptent pas dans ton tableau de chasse ?

— C’est pas un rencard imaginaire. C’est juste que je sais pas encore si elle a dit oui ou si elle a bloqué mon numéro.

Il disparaît en chantant Comme un homme dans le couloir, sa voix se répercutant contre les murs. Et moi, je reste là.

Silencieuse. Mon regard glisse vers l’ordinateur resté allumé.

Un dossier est encore ouvert.
Les photos d’Azriel.

Les yeux. Toujours fixés sur l’objectif. Toujours verts, toujours calmes, comme s’ils savaient quelque chose que j’ignore.

Et ce pressentiment, de plus en plus oppressant.

Il n’est pas juste quelqu’un à surveiller.

Il est quelqu’un que j’ai connu.
Quelqu’un que j’ai peut-être oublié.

Mais pourquoi ?

Et pourquoi maintenant ?Et pourquoi lui ?

C’est une pensée qui m’obsède, un brouillard qui s’installe dans mon esprit. Je lève la tête de l’écran de mon ordinateur, laissant les photos de ce type défiler devant mes yeux. Azriel Blackwood. Le nom m’évoque quelque chose, mais je n’arrive pas à l’associer à un visage, à un souvenir précis. Pourtant, dans chaque image, il me fixe droit dans les yeux, d’un regard que je reconnais… ou du moins, je crois le reconnaître.

Je ferme les yeux un instant. Ce n’est pas possible. Ce n’est qu’un inconnu parmi d’autres, non ? Un visage parmi des milliers. Pourquoi ce nom me hante-t-il autant ?

Je ne peux pas, je ne veux pas, y accorder plus d’importance. Mais c’est comme si chaque fibre de mon être me poussait à en savoir plus.

C’est une sensation familière, ce besoin irrépressible de découvrir la vérité. Ça m’a toujours poursuivie. Mais cette fois, c’est différent. Cette fois, la vérité semble se cacher sous un voile beaucoup plus épais.

Je le sens, je sais qu’il y a quelque chose d’important que j’ignore. Et je me retrouve, encore une fois, face à cette question : pourquoi ?

Un message arrive, aussi sec que la cloche d’un réveil.

— C’est insuffisant. Je veux tout savoir. Maintenant.

Je le relis, le cœur un peu plus serré. Je respire un instant, mon regard accroché à l’écran comme si ces quelques mots avaient fait basculer quelque chose. Comme si tout à coup, les pièces du puzzle s’assemblaient d’elles-mêmes, mais que je ne comprenais pas encore le dessin final.

Je clique. Je sélectionne les meilleures photos, celles où il me fixe, toujours ce même regard intense, un mélange d’indifférence et de mystère. Il n’y a rien de spécial à première vue, juste un homme lambda dans des situations banales. Mais tout dans son attitude, son regard, m’agace et me fascine à la fois.

Je les envoie sans réfléchir. L’image se charge sur l’écran, et je me sens étrange, comme si je venais d’accomplir quelque chose que je n’aurais jamais dû faire.

Une seconde passe. Puis une autre. Le silence se fait lourd dans ma chambre.

Le message d’une seconde précédente me semble déconnecté de la réalité, trop exigeant. Un besoin de contrôle sur des éléments que je ne maîtrise pas.

Mais il est trop tard maintenant. Le doute s’est installé.

Je ferme mon ordinateur, me levant brusquement. Je suis incapable de rester immobile. Mes mains me tremblent légèrement, un frisson d’anxiété qui court sur ma peau.

Je vais à la fenêtre. La pluie tambourine contre le verre, sans merci, comme un rappel de ce qui m’échappe.

Je souffle un coup.

Pourquoi lui ?

Pourquoi ce  Azriel ?

Je me sens m’éloigner de moi-même, comme si je devenais spectatrice de quelque chose que je n’avais pas encore pleinement saisi. Mais je sais une chose : je suis trop curieuse pour ne pas aller au bout. Je dois comprendre. Peu importe à quel prix.

Je reste un moment là, figée, le front contre la vitre froide. Le bruit de la pluie m’apaise. Juste un peu. Comme un murmure sourd qui vient couvrir mes pensées trop bruyantes.

Puis, une voix derrière moi.

— T’as l’air de méditer sur le sens de la vie ou d’avoir vu un mec trop beau pour être réel.

Je sursaute. Noah est là, accoudé à ma porte ouverte avec nonchalance, une boîte de cookies à la main et son éternel sourire en coin.

— Noah. Tu frappes toujours après être entré, c’est ça ?

— J’essaie de te prendre au dépourvu, histoire de vérifier que tu n’as pas planqué un tueur en série dans ton placard. Ou pire, un mec moche.

Je souffle du nez, incapable de retenir un sourire. Il s’invite dans ma chambre comme s’il y vivait, s’effondre sur mon lit et ouvre les cookies sans demander.

— Tu veux un cookie ? Non ? Tant pis pour toi, je les mange tous.

— T’étais pas censé être au rendez-vous avec la fameuse Jade ?

Il pousse un soupir dramatique en s’étalant de tout son long.

— Jade m’a ghosté. La vie est cruelle. L’amour est mort. Mais ces cookies me comprennent, eux.

Je ris, et je sens un peu de la pression retomber. Juste un peu. Noah a ce pouvoir-là. Il s’incruste dans mes tempêtes mentales comme un rayon de soleil mal dégrossi, bruyant, maladroit, mais réconfortant.

— Sérieusement, tu veux pas arrêter de draguer des filles qui ont le prénom d’une pierre précieuse ? C’est un mauvais karma, je t’assure.

— J’ai aussi essayé une Ruby et une Opale. Résultat : un blocage sur Insta et une peluche décapitée dans ma boîte aux lettres.

Je m’installe à côté de lui sur le lit. Sa présence me recentre. Il me regarde un moment, plus sérieux.

— Tu vas bien, Phina ?

Je déteste quand il m’appelle comme ça. Mais je le laisse faire. C’est sa manière à lui de dire qu’il s’inquiète.

— J’sais pas. J’ai cette impression bizarre… comme si un truc m’échappait. Comme si j’étais passée à côté d’un détail énorme, mais invisible.

— Tu veux en parler ? Ou je continue à faire le clown pour détourner ton attention ?

Je lève un sourcil.

— T’as prévu quoi ?

Il attrape la télécommande et lance Mulan sans prévenir.

— Parce qu’il n’y a rien de mieux qu’un film où une meuf badass sauve la Chine et ridiculise tous les mecs en jupe.

— Tu dis ça à chaque fois qu’on regarde Mulan.

— Et je le redirai encore. Mushu est mon modèle. Et toi t’es un mix entre Mulan et Sherlock Holmes. Sauf que t’as moins de sabre, et plus de parano.

Je ris doucement. Puis, vient la scène entre Mulan et son père. Et comme chaque fois, ma gorge se serre.

Je sens les larmes monter, malgré moi. Mais avant qu’elles n’atteignent mes joues, Noah me tend un mouchoir sans détourner les yeux de l’écran.

— Voilà, tu pleures encore. C’est officiel, ce film a un pouvoir magique sur toi. Ou alors t’as des hormones de ninja.

— C’est toi l’hormone sur pattes, Noah. T’as pleuré devant Barbie la dernière fois.

— Eh ! C’était Ken qui pleurait, j’ai juste été solidaire, nuance.

Je lève les yeux au ciel, mais il me fait rire à travers mes larmes. Et dans cet instant suspendu entre tristesse et tendresse, je me rends compte que sans lui, je tiendrais pas debout.

Mais derrière l’écran lumineux de la télé, le nom revient, comme un murmure.

Azriel Blackwood.

Je l’ai connu. Je le sais.

Et demain, je le verrai pour la première fois.

Enfin… en apparence.

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