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MaelineElena
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Une journée lumineuse, mais des ombres dans les têtes »

🕰️ 7h32 – Le réveil

Le silence du chalet était encore paisible à cette heure-là. Le soleil, timide, perçait doucement à travers les rideaux épais des fenêtres. Dans les chambres, seul le bruissement du chauffage et le craquement du bois accompagnaient le sommeil des élèves.

Elena fut la première à ouvrir les yeux. Elle resta allongée quelques secondes, les pupilles fixées sur le plafond de bois, à écouter le calme. La nuit avait été étrange. Trop calme après ce qu'ils avaient vu. Trop fausse, comme si rien ne s'était passé... et pourtant, elle se souvenait de tout.

Elle se redressa lentement, sans bruit, et tourna la tête. Ashlyn dormait toujours, une main posée sur son ventre, l'autre sur sa couverture, le visage détendu mais un peu fermé. Et un peu plus loin, Maéline.

Elle dormait aussi. Tranquillement. Presque trop. Ses cheveux sombres tombaient sur sa joue, sa respiration était lente, maîtrisée.

Comment elle peut être aussi tranquille après cette nuit ? se demanda Elena, toujours assise dans son lit. Elle repensait à la scène dans la neige, à cette voix, à la réponse de Maéline. « Oui. » Ce mot résonnait encore dans sa tête.

Mais elle savait. Elle savait que Maéline était extrêmement maligne. Et qu'elle savait cacher les choses. Elle l'avait toujours su, mais cette fois, c'était devenu clair comme de l'eau de roche.

Elena attrapa doucement sa veste, l'enfila sans faire de bruit et sortit discrètement dans le couloir.

Là, elle croisa presque immédiatement Tyler, qui refermait la porte de sa chambre. Ses cheveux étaient en bataille, ses yeux encore un peu embrumés de sommeil, mais il sourit en la voyant.

— Salut... Tu dors plus ?

— Non, murmura Elena. Trop de pensées. Toi non plus ?

— Pareil.

Ils échangèrent un petit regard. Rien de spécial. Pas encore. Mais Tyler sentit son cœur battre un peu plus vite. Depuis quelques jours, Elena l'intriguait. Sa façon d'observer, de comprendre vite, de rester discrète mais toujours présente. Il la trouvait... différente. Et ça le touchait.

— Tu veux venir prendre l'air dehors ? proposa-t-il, un peu gêné.

— Pourquoi pas, souffla-t-elle.

Ils descendirent tous les deux les escaliers en chaussettes, silencieusement, comme deux fantômes matinaux.

🕰️ 7h51 – Le dehors givré

La porte d'entrée du chalet grinça doucement alors qu'ils l'ouvraient. Le froid matinal les saisit aussitôt, vif et sec, mais étrangement vivifiant. Dehors, le paysage était sublime : la neige scintillait encore des éclats du givre, les arbres se dressaient, blancs et immobiles, et les montagnes au loin paraissaient irréelles, baignées d'une lumière bleue pâle.

— C'est beau, murmura Elena.

— Oui, répondit Tyler, sans détourner les yeux d'elle. Très beau.

Elena sentit son regard, mais ne dit rien. Elle inspira profondément, les bras croisés contre elle-même, puis ferma un instant les yeux.

Ils restèrent là quelques minutes, sans parler, à écouter le silence enneigé du matin.

Puis la voix d'Aiden éclata derrière eux :

— Hé, les romantiques, vous allez geler ! Venez manger !

Tyler rougit un peu. Elena sourit simplement. Ils rentrèrent ensemble, sans se presser.

🕰️ 8h12 – Petit-déjeuner animé

La salle commune du chalet s'était peu à peu remplie. Les élèves s'étaient installés autour des grandes tables de bois, discutant à voix basse, se réveillant peu à peu autour des bols fumants.

Des céréales, du chocolat chaud, des pains beurrés, des œufs brouillés et du jus d'orange ornaient la table du buffet. Un festin hivernal.

Ben était déjà là, installé à côté d'Ashlyn, en train de tartiner ses tranches de pain avec application.

— Le ski ce matin, j'espère qu'on aura une bonne piste, lança-t-il, la bouche pleine.

— On est avec Hugo, donc oui, répondit Ashlyn. Il aime bien nous faire tester des trucs plus techniques.

— Super, j'adore tomber, grimaça Tyler en s'asseyant en face d'eux, à côté d'Elena.

— Tu tombes élégamment, c'est déjà ça, lança Ben en rigolant.

Elena leva les yeux au ciel avec un sourire. Elle remarqua alors que Maéline s'était installée avec un groupe plus loin, avec Lauraina, Homar et Andrea. Elle discutait tranquillement, son assiette devant elle, ses gestes fluides. Comme si de rien n'était.

Ashlyn, de son côté, avait vu la même chose. Mais elle ne dit rien. Elle mangea en silence, les yeux baissés vers son bol.

On la surveille. Mais on ne dit rien. Pas encore, pensa-t-elle.

🕰️ 9h02 – Répartition des groupes

Le professeur Hugo se leva, tapotant sa montre.

— Allez les jeunes, c'est parti pour une belle matinée ! Voici les groupes du matin :

Groupe A (Ski) : Ben, Ashlyn, Elena, Tyler.

Groupe B (Randonnée) : Logan, Aiden, Maéline, Taylor.

Groupe C (Atelier créatif) : Clara, Angelina, Justine, Mathis, Andrea, Homar, Lauraina, Célian.

Il poursuivit :

— L'après-midi, vous changerez d'activité. Ceux qui skient ce matin feront l'atelier, ceux qui randonnent feront le ski, et vice-versa. Préparez-vous, on part dans vingt minutes !

Des exclamations de joie et quelques soupirs se firent entendre.

Ben leva le poing :

— Let's goooo ! Le ski, c'est pour les vrais.

Tyler se leva à son tour, un peu nerveux. Il allait passer toute la matinée avec Elena, sur les pistes. Il tenta de rester calme, de ne pas avoir l'air trop content. Mais c'était difficile.

Elena, elle, ajustait déjà sa veste et son bonnet. Elle jeta un œil à Maéline, qui partait de son côté avec Aiden, Logan et Taylor. Elle nota l'absence d'émotion dans ses traits. Toujours ce masque.

Elle soupira discrètement. Puis se retourna vers Tyler.

— On y va ?

— Avec toi ? Toujours, répondit-il.

Elle lui lança un petit regard, mi amusée, mi intriguée. Puis, elle sortit. Tyler la suivit, un sourire discret sur les lèvres.

🚶‍♂️ Groupe B – Randonnée... ou plutôt, chaos organisé

Ils n'étaient partis que depuis dix minutes.

Dix toutes petites minutes.

Et pourtant, Hugo, le professeur chargé de les accompagner, se demandait déjà s'il survivrait jusqu'au bout de cette randonnée. Il marchait quelques mètres en tête, son sac bien ajusté, les yeux plissés à cause du soleil matinal qui se reflétait sur la neige. Mais derrière lui... c'était l'anarchie. Un vrai champ de bataille en hiver.

— AIDEN ! ARRÊTE DE COURIR, BORDEL ! cria Logan en riant, le souffle coupé alors qu'il glissait presque sur une plaque de neige tassée.

Aiden, insensible à toute forme d'autorité ou de raison, continuait sa course effrénée en courant vers un sapin en contrebas, les bras écartés comme un avion.

— JE VAIS GRIMPER CE TRUC ! hurla-t-il avant de trébucher sur une racine à moitié dissimulée sous la neige et de s'étaler de tout son long dans une gerbe de poudreuse.

Un silence de deux secondes s'ensuivit.

Puis, un éclat de rire collectif explosa.

— Mec, t'es mort ! s'exclama Tyler, plié en deux, tout en essayant de garder son équilibre.

Logan, qui avait réussi à ne pas tomber, brandit son téléphone, l'air triomphant :

— Attends, dis-moi que t'as filmé ça, sérieusement ?

— Bien sûr ! répondit Tyler avec un grand sourire. Ça va direct dans le best of du séjour.

Plus loin, Maéline marchait tranquillement, les mains croisées derrière le dos, l'air parfaitement calme. Elle observait la scène avec un petit sourire en coin, amusée, mais détachée. À première vue, on aurait dit qu'elle était la seule à rester raisonnable dans ce capharnaüm. Mais en réalité, elle savait exactement comment semer une touche de chaos supplémentaire sans se faire remarquer.

— Vous avez vu ? lança-t-elle innocemment, en pointant une pente douce recouverte de neige poudreuse. On pourrait faire une bataille là, non ? Genre... glissade version luge humaine.

Aiden, qui venait à peine de se relever, sauta sur l'occasion.

— EXCELLENTE IDÉE ! cria-t-il.

— Attendez, non, c'est pas... ! tenta de dire Hugo en se retournant.

Trop tard.

Aiden s'élança comme une fusée, s'assit à moitié sur sa veste et se laissa glisser dans la pente, hurlant comme un enfant de six ans à la fête foraine. Tyler suivit dans la foulée, poussant Logan en avant comme un traîneau humain. Les deux se retrouvèrent emportés malgré eux dans une descente improvisée, criant, riant, et manquant d'emporter deux arbres sur le passage.

— MAIS C'EST PAS UNE LUGE ! beugla Hugo derrière eux. C'EST UNE RANDONNÉE !

Maéline, de son côté, marcha lentement vers le haut de la pente, regarda les garçons se rouler comme des fous, puis soupira en feignant l'exaspération. Elle tourna la tête vers le professeur :

— Je crois qu'ils ont trop mangé de sucre au petit-déjeuner, monsieur.

Hugo poussa un gémissement résigné.

— C'est même plus une activité, c'est un zoo.

Quand ils reprirent enfin la route, après de longues minutes de rigolades, de rattrapages acrobatiques et de batailles de boules de neige improvisées, leurs vêtements étaient trempés, leurs joues rouges, mais leur bonne humeur était contagieuse.

Tyler, qui avait de la neige jusque dans les chaussettes, traînait les pieds derrière le groupe en se plaignant à moitié :

— Sérieusement, pourquoi j'ai pas pris l'atelier créatif ?

— Parce que t'as dit "je veux de l'aventure", mon pote, répondit Logan avec un grand sourire.

— J'vais mourir avant midi...

— Tu dis ça à chaque fois, et t'es toujours là, fit remarquer Maéline, toujours aussi posée, un air amusé dans les yeux.

Aiden, qui venait d'essayer de faire un bonhomme de neige avec une seule boule, cria tout à coup :

— EH ! J'AI TROUVÉ UNE GROTTE !

Tout le monde s'arrêta. Tyler se retourna, plissa les yeux.

— Quoi ? Où ça ?

Aiden pointa du doigt une sorte de creux entre deux rochers. C'était probablement une cavité sans fond ni intérêt, mais dans son esprit, c'était une grotte secrète remplie de trésors ou de monstres.

— On y va ? proposa-t-il.

— Non, on n'y va pas, répondit Hugo d'un ton catégorique.

— Bon, tant pis. On y va quand même ! cria Aiden en courant vers la "grotte".

Il fut intercepté au vol par Logan, qui lui sauta dessus comme un rugbyman, déclenchant une nouvelle crise de rire générale. Maéline les regardait, calme, les bras croisés, légèrement en retrait.

— Si on revient vivant de cette balade, ce sera un miracle, murmura Hugo.

Maéline se tourna vers lui avec un sourire doux.

— Je suis sûre que vous avez déjà survécu à pire.

Et malgré l'éclat innocent de sa voix, il y avait dans son regard une étincelle étrange. Fugace. Indétectable pour qui ne la connaissait pas. Mais Elena avait eu raison la veille : Maéline n'était pas celle qu'elle semblait être.

Elle savait exactement ce qu'elle faisait.

Matinée de ski – Groupe A (Ben, Ashlyn, Elena, Tyler)

Les flocons du matin avaient cessé depuis un moment, laissant place à une brume légère qui s'accrochait doucement aux sapins. Le soleil perçait par endroits, dessinant des nappes de lumière dorée sur les pistes encore peu fréquentées. Le silence blanc de la montagne n'était brisé que par les rires, les chutes douces sur la neige fraîche et les bruits nets des skis qui fendaient la poudre.

— On reprend par la bleue, ou on tente la rouge ? proposa Ben en ajustant son casque, ses yeux pétillants d'excitation.

— Rouge, répondit Ashlyn sans hésiter. Elle est plus longue et plus raide, mais c'est la plus belle.

Tyler leva un sourcil, mi-sceptique, mi-curieux.

— J'ai jamais testé une rouge, avoua-t-il.

— Eh bien il est temps, dit Elena avec un petit sourire.

Elle était juste à côté de lui, ses skis parfaitement alignés, les lunettes de ski relevées sur le front, révélant ses yeux brillants d'enthousiasme. Il soutint son regard une seconde de plus qu'il n'aurait dû, puis détourna les yeux, souriant en silence.

— Ok, rouge, alors, dit-il. Mais si je meurs, vous me portez en bas.

— Promis, dit Ashlyn, en poussant doucement sur ses bâtons. On récupérera au moins tes skis.

— Charmant, marmonna-t-il, mais il les suivit sans hésiter.

Ils prirent la petite montée jusqu'à l'entrée de la piste rouge. De là-haut, la vue était à couper le souffle : en contrebas, la vallée s'étalait comme une peinture vivante, les toits des chalets fumant doucement, les forêts gelées courant le long des pentes. Le soleil jouait à cache-cache avec les nuages, déposant des éclats d'or sur les combinaisons colorées des skieurs.

— On y va ensemble ou chacun son rythme ? demanda Elena.

— Ensemble, déclara Ashlyn. On part doucement, et on accélère à mi-chemin. Ok ?

— Ok, répondirent les autres en chœur.

Ashlyn partit la première, fluide, maîtrisée, sa silhouette glissant avec une aisance naturelle. Elle semblait ne faire qu'un avec la pente. Ben la suivit avec plus d'énergie, un peu moins propre techniquement, mais avec beaucoup d'élan.

Tyler et Elena restèrent un instant au sommet, à observer.

— T'as un bon niveau ? demanda-t-elle.

— Moyen... Mais j'apprends vite, ajouta-t-il, un peu plus confiant qu'il ne l'était vraiment.

Elle le regarda avec un petit sourire, presque complice.

— Alors suis-moi. Je freinerai si t'as besoin.

Il hocha la tête, puis, dans un mouvement synchrone, ils s'élancèrent tous les deux.

Le vent leur fouetta le visage alors qu'ils prenaient de la vitesse. La neige, fine et poudreuse, se soulevait en petits nuages à chaque virage. Tyler s'appliquait, les jambes fléchies, les bras bien en avant, concentré pour ne pas tomber, mais aussi pour rester à hauteur d'Elena. Elle, plus détendue, lançait de temps en temps des regards en arrière pour s'assurer qu'il suivait.

— T'as un bon équilibre ! cria-t-elle dans le vent.

— C'est parce que j'essaie de pas mourir ! répliqua-t-il en riant.

Ils continuèrent ainsi, alternant virages larges et petites lignes droites plus rapides. En contrebas, Ashlyn et Ben les attendaient à un croisement.

— Vous êtes en retard ! lança Ben.

— C'est Tyler qui voulait profiter du paysage ! se moqua Elena.

Tyler ne répondit pas, mais ses joues rougies par le froid n'étaient pas uniquement dues à l'effort. Il essuya de la neige sur sa manche d'un geste rapide et reprit son souffle.

— On la refait ? demanda Ashlyn. Encore deux fois avant la pause, et on descend manger.

— Carrément, dit Ben.

— Allez, on remonte ! dit Elena en attrapant ses bâtons. Dernière chance pour toi de te défiler, Tyler.

— Pas question, dit-il en lui emboîtant le pas. Si je survis à la rouge, je peux tout faire.

Ils reprirent la remontée mécanique dans le calme, suspendus entre ciel et neige, bercés par le cliquetis des câbles et les voix étouffées autour. Tyler et Elena se retrouvèrent côte à côte sur le télésiège.

— C'est vraiment beau ici, murmura-t-elle.

— Ouais. C'est... tranquille, répondit-il, un peu à court de mots. C'était rare pour lui d'être aussi silencieux, mais il n'avait pas envie de gâcher ce moment.

Elle sourit doucement, ses yeux fixés sur les arbres en contrebas.

— Merci d'avoir skié avec moi.

— Merci à toi. J'ai pas regretté une seconde.

Elle tourna la tête vers lui, surprise, puis elle sourit de plus belle.

Une fois en haut, ils firent encore deux descentes, de plus en plus fluides, de plus en plus rapides. La fatigue commençait à se faire sentir, mais l'euphorie de la glisse les tenait encore. Lors de la dernière descente, Elena s'était mise à rire à gorge déployée après un virage trop serré qui l'avait fait tomber en arrière.

Tyler l'avait rejointe, hilare lui aussi, et lui avait tendu la main pour l'aider à se relever.

— On fait une sacrée équipe, dit-il en soufflant.

— Peut-être qu'on devrait faire les Jeux Olympiques, répondit-elle en tapotant ses skis pour retirer la neige.

Ashlyn les attendait déjà plus bas, droite comme une statue, les bras croisés, le regard levé.

— On a dit "dernière", pas "exploration polaire", les taquina-t-elle.

Ben, lui, finissait sa descente en zigzagant volontairement, lançant de la neige dans toutes les directions.

— Il est irrécupérable, soupira Elena.

— Il a mis la neige dans mes gants tout à l'heure, grogna Tyler. Je m'en souviendrai.

— On descend au chalet, annonça Ashlyn. Hugo nous a dit que le déjeuner serait prêt à midi pile.

Ils redescendirent lentement, une dernière fois, les muscles un peu endoloris mais le cœur léger. L'envie de rester encore là, dans le froid propre de la montagne, était presque aussi forte que celle de se poser avec un bon plat chaud.

🕰️ 12h54 – Retour au chalet

Les groupes se retrouvèrent devant l'entrée du bâtiment, les joues rougies par le froid, les yeux pétillants ou fatigués selon les efforts. Une douce odeur de nourriture chaude flottait déjà dans l'air, s'échappant des fenêtres entrouvertes de la salle à manger.

Les bottes laissèrent des traces humides dans le hall. Les enfants déposèrent leurs affaires, prirent leurs pantoufles et se dirigèrent vers la grande salle du chalet où les tables avaient été dressées. Chacun reprit doucement son souffle après la matinée riche en sensations.

Maéline s'installa à côté de Logan et Aiden, toujours souriante. Rien d'étrange en soi, et pourtant... quelque chose restait dans l'air. Une impression diffuse, une sensation fugace. Comme un courant d'air froid dans une pièce fermée.

Après-midi : Le repas et la patinoire

L'ambiance dans la salle commune était joyeuse. Les assiettes étaient bien remplies, et les conversations fusaient d'un bout à l'autre des tables. Elena racontait à Taylor comment elle avait failli tomber à cause d'un virage mal négocié, ce qui fit rire Ashlyn. Aiden, quant à lui, commentait bruyamment la chute spectaculaire de Logan dans la neige, en mimant une glissade interminable.

— Et là, il a roulé comme une boule de neige ! J'ai cru qu'il allait continuer jusqu'en bas de la montagne ! s'exclama-t-il en riant.

Logan leva les yeux au ciel, un sourire au coin des lèvres :

— T'as pas vu ta propre chute, toi. Tu ressemblais à un pingouin désespéré.

— J'assume, répondit Aiden en se tapant le torse. L'art de tomber avec panache.

Du côté de Ben, le calme était revenu. Il mangeait tranquillement en écoutant Ashlyn, attentive à tout ce qui l'entourait. Elle observait les autres sans en avoir l'air, gardant toujours ce rôle naturel de leadeuse. C'était elle qui avait proposé la sortie de l'après-midi : une virée aux boutiques de souvenirs, puis un passage à la patinoire.

— J'me disais, souffla-t-elle à Elena, ça pourrait être cool d'aller patiner ensuite. Histoire de rester dehors, mais sans tout l'équipement du ski.

— Bonne idée, répondit Elena en hochant la tête. Et puis... j'adore la glace.

Maéline, assise non loin, tourna légèrement la tête à cette phrase. Juste un instant. Son regard s'était posé sur Elena, puis s'était détourné. Mais personne ne le remarqua vraiment.

🕰️ 14h21 – En route vers la patinoire

Après les boutiques, les sacs remplis de souvenirs en tout genre – mugs, cartes postales, petits porte-clés en bois – le groupe se dirigea en direction de la patinoire naturelle, non loin du chalet. Le ciel s'était un peu voilé, teinté de gris perle, mais l'air restait sec et frais, parfait pour une après-midi hivernale.

— J'espère que je vais pas tomber toutes les cinq secondes, lança Tyler en serrant les lacets de ses patins.

— Tu veux que je te rattrape ? proposa Elena en souriant.

— Seulement si c'est toi, répliqua-t-il avec un petit clin d'œil, taquin.

Taylor les observa d'un air amusé, sans rien dire. Elle sentait bien la dynamique entre eux, mais n'avait pas l'intention de s'en mêler... pour l'instant.

Maéline, silencieuse, observait la glace. Elle s'avança d'un pas souple, sans hâte, et attacha ses patins d'un geste fluide. Lorsqu'elle se leva, elle ne sembla même pas vaciller. Elle entra sur la piste comme si elle rentrait chez elle.

Et puis elle glissa.

Littéralement.

Une grâce tranquille, maîtrisée. Chaque mouvement semblait chorégraphié, chaque virage naturel. Même les moniteurs en charge du groupe échangèrent un regard.

— Elle a pris des cours, elle ? demanda un des profs à Hugo.

— Je crois que oui. Depuis qu'elle est toute petite, si j'en crois sa fiche.

Pendant que les autres s'échauffaient ou tentaient de garder l'équilibre, Maéline tournait, accélérait, pivotait sans le moindre effort. Elle ne se mettait pas en avant, pourtant. Elle patinait simplement, presque comme si elle oubliait les autres.

— Elle est... trop douée, murmura Logan à Ben. Genre, ça devient flippant.

— Tu trouves pas que c'est beau, toi ? répliqua Ben, captivé par la fluidité de ses gestes.

Ashlyn, qui observait aussi, fronça légèrement les sourcils. Elle ne dirait pas qu'il y avait quelque chose de suspect... mais ce que dégageait Maéline sur la glace n'était pas normal. C'était... trop parfait. Trop fluide. Trop silencieux.

Un silence pesant semblait l'accompagner, malgré les rires des autres. Comme si, autour d'elle, le monde devenait plus calme. Plus froid.

Elena sentit une tension vague dans son dos. Elle n'en comprit pas tout de suite l'origine. C'était seulement une impression. Mais son regard croisa celui de Maéline, un court instant.

Et quelque chose en elle se figea.

La patinoire naturelle s'étendait devant eux, cernée par des sapins enneigés dont les branches semblaient veiller silencieusement sur le lac gelé. La surface, lisse comme un miroir givré, renvoyait des reflets pâles du ciel gris au-dessus, tandis qu'une légère brise soulevait par moments des nuages de poudreuse venue du bord.

— C'est maintenant que je vais montrer mon talent ! lança Aiden, une main sur la hanche, l'autre tendue comme un équilibriste.

— Ton talent pour te manger la glace ? fit remarquer Taylor avec un sourire en coin.

— Jalouse, marmonna-t-il avant de tituber jusqu'aux bancs.

Tous prirent leur temps pour chausser leurs patins. Les gestes étaient maladroits, entre doigts engourdis par le froid et lacets trop serrés. Les professeurs, postés sur le côté, observaient les élèves s'installer avec bienveillance.

Maéline, elle, était déjà prête.

Sans un mot, elle s'était assise à l'écart, sur un banc en bois légèrement couvert de givre. Elle avait noué ses lacets avec précision, chaque boucle tirée à la perfection, sans se presser. Puis elle s'était levée d'un seul geste, fluide, sans hésitation, et avait posé un pied sur la glace.

Elle n'avait même pas regardé ses camarades.

🧊 

Alors que les autres entraient prudemment sur la surface glissante – certains en criant, d'autres en riant –, Maéline s'était éloignée doucement vers le centre de la patinoire. Elle glissait, droite, élégante, légère.

Pas un bruit ne s'échappait de ses patins. Même les petits crissements familiers étaient absents. Elle avançait comme si elle flottait au-dessus de la glace.

Ben fut le premier à le remarquer.

— Vous avez vu Maéline ?

Ashlyn suivit son regard.

Maéline tourna alors sur elle-même, un demi-cercle parfait, puis enchaîna un virage en arrière, bras levés avec une précision presque chorégraphique. Rien d'ostentatoire, rien de volontairement gracieux. C'était juste... fluide. Tellement fluide.

Elena, déjà sur la glace, patinait à petits pas près de Tyler. Ils étaient occupés à garder leur équilibre, riant à chaque faux mouvement.

— Elle patine super bien, souffla-t-elle, à la fois impressionnée et troublée.

Tyler hocha la tête.

— Genre... olympique. On dirait qu'elle fait ça depuis sa naissance.

Maéline tourna de nouveau, puis accéléra légèrement. Son corps se pencha avec justesse, ses bras l'accompagnant dans un mouvement quasi silencieux. Aucune chute. Aucun faux pas. Même pas un vacillement.

Et toujours ce calme autour d'elle.

Car pendant qu'Aiden hurlait en tombant pour la troisième fois, que Logan essayait de rattraper Taylor sans la faire tomber, que des éclats de rire éclataient un peu partout... autour de Maéline, tout était différent.

Comme si la glace elle-même devenait plus lisse, plus froide.

Ashlyn ne détachait plus ses yeux d'elle. Quelque chose la dérangeait. Ce n'était pas une attitude bizarre, ni un regard étrange. Non. C'était plutôt l'absence totale de tout défaut. L'aisance absolue. Une aisance... qui n'appartenait pas à une adolescente.

— Vous trouvez pas ça un peu... flippant ? murmura-t-elle à Ben.

— C'est juste qu'elle est douée, répondit-il, mais même lui avait l'air moins sûr.

Elena s'était arrêtée au bord de la patinoire. Elle aussi observait Maéline à présent.

Et, en la regardant, un souvenir remonta.

La nuit dernière.

Les voix. L'ombre. Le mensonge. Le « oui » qu'elle avait murmuré dans le noir. Et ce sourire, en rentrant au chalet, comme si de rien n'était.

Elle sentit un frisson courir le long de sa nuque.

Elle n'arrivait pas à l'expliquer, mais il y avait quelque chose sous la surface.

Pas sur la glace. En elle.

Un loup. Sous la peau d'un mouton.

🕰️ 16h18 – Retour au chalet

Le froid commençait à s'infiltrer sous les couches de vêtements, et les doigts engourdis, les joues rougies, les nez qui piquaient doucement rappelaient à tous qu'il était temps de rentrer. L'un après l'autre, les élèves regagnaient le bord de la patinoire en glissant maladroitement ou en se laissant tomber sur les bancs dans un grand soupir.

— On rentre, annonça l'un des professeurs en tapant dans ses gants. Allez, on range tout, et on se retrouve au chalet pour le goûter.

— J'ai cru que mes orteils allaient mourir, gémit Aiden en se laissant tomber dans la neige à moitié volontairement.

— Tes orteils sont les seuls qui ont tenu debout aujourd'hui, se moqua Taylor.

— Tu veux dire qu'ils sont les seuls qui ont pas pris la glace dans la tronche, rectifia Logan.

— T'es tombé au moins cinq fois aussi, je te signale, ajouta Elena en éclatant de rire.

Les rires reprirent de plus belle, l'ambiance était bonne, légère, décontractée.

Tous avançaient en petits groupes sur le chemin du retour, les bottes s'enfonçant dans la neige tassée, les écharpes remontées jusqu'au nez. Le ciel se teintait doucement de rose pâle, annonçant le coucher de soleil à venir, et les premiers flocons recommençaient à tomber, lentement, en silence.

Au fond du groupe, Maéline avançait à côté d'Ashlyn.

Elle ne disait rien.

Elle souriait, comme toujours. Un sourire doux, naturel, presque trop naturel. Et Ashlyn, qui gardait un œil sur elle sans en avoir l'air, sentait son estomac se tordre légèrement. Ce n'était pas de la peur. Ce n'était même pas de la méfiance.

C'était... une intuition.

Une intuition glaciale.

🍪 16h52 – 

De retour au chalet, les élèves s'étaient installés dans la grande salle commune, chauffée par un poêle en fonte qui diffusait une chaleur agréable. Les murs de bois blond, les tapis épais et les grandes tables carrées donnaient au lieu un air de refuge montagnard chaleureux.

Sur les tables, les professeurs avaient disposé des assiettes de madeleines, morceaux de brioche, petits sablés, et surtout de gros thermos de chocolat chaud fumant. L'odeur sucrée flottait dans la pièce, enrobant tout le monde comme une couverture douce.

— Je veux épouser cette boisson, déclara Aiden en buvant une gorgée brûlante.

— Elle te mérite pas, rit Logan.

Ashlyn s'était installée près d'Elena et Ben. Elle observait les autres, calmement, tout en grignotant un morceau de gâteau.

Maéline, elle, était assise plus loin, entourée de quelques élèves secondaires. Elle parlait peu, écoutait beaucoup, et quand elle riait, c'était toujours avec cette justesse étrange. Ni trop, ni pas assez.

Une main se posa doucement sur l'épaule d'Ashlyn.

— Tu penses à la même chose que moi ? murmura Elena en se penchant vers elle.

Ashlyn hocha la tête très lentement, le regard fixé sur Maéline.

— Elle est... trop parfaite. C'est pas naturel.

— Je sais. Et tu sais ce que je me suis rappelée ?

— Quoi ?

— Elle est très maligne. Et elle cache super bien les choses. C'est pas nouveau, c'est juste qu'on l'a oublié.

Ashlyn ne répondit pas tout de suite.

Puis elle dit, à voix basse :

— Pas moi.

Silence. Le crépitement du poêle. Le murmure lointain de la neige qui tombait dehors.

Et, assise de l'autre côté de la pièce, Maéline croisa le regard d'Ashlyn.

Et elle sourit.

Juste un instant.

Un sourire si doux, si poli, si banal... mais qui glaça Ashlyn jusqu'au bout des doigts.

La soirée s'était poursuivie dans une routine presque normale. Après leur discussion autour du feu, les élèves étaient remontés dans les chambres, certains pour bavarder, d'autres pour se détendre, un ou deux déjà profondément endormis sous les couvertures épaisses. Le chalet tout entier baignait dans un calme cotonneux, un silence que seul le craquement du bois ou les pas feutrés dans les couloirs venait perturber.

Dans la chambre qu'ils partageaient, Ashlyn, Ben, Logan, Tyler, Aiden et Taylor étaient allongés chacun dans leur lit, les rideaux tirés. Mais aucun d'eux ne dormait vraiment. Les voix murmurées de leur discussion de l'après-midi résonnaient encore dans leur esprit, entrecoupées de cette sensation familière et oppressante qui montait peu à peu... comme un frisson le long de la colonne.

Ils le savaient. Ça revenait.

Comme chaque nuit depuis des mois.

Minuit approchait. Et avec lui, la faille.

La lumière du jour s'effaçait lentement derrière les vitres, et la salle commune se remplissait d'ombres douces. Une lampe suspendue au plafond diffusait une lueur dorée, rendant l'ambiance presque irréelle. Autour du poêle, les élèves commençaient à se disperser : certains remontaient déjà dans les chambres pour se changer, d'autres restaient à papoter.

Mais Ashlyn, Ben, Elena, Tyler, Taylor, Logan et Aiden s'étaient discrètement regroupés dans un coin de la pièce, un peu à l'écart. Assis sur les coussins d'un large canapé en U, ils faisaient semblant de discuter de la journée, mais leurs regards revenaient sans cesse vers Maéline, assise de l'autre côté, en train de rire doucement avec Lauraina.

— J'arrive pas à enlever cette image de ma tête, murmura Elena en premier.

— Quelle image ? demanda Logan, le ton un peu plus sérieux que d'habitude.

— Celle d'hier soir. Ce qu'on a vu. Elle... Elle parlait avec quelqu'un, vous l'avez vu aussi, pas vrai ? Ce n'était pas un rêve.

— Non, c'était réel, confirma Ben. Cette voix... je l'ai déjà entendue.

— Moi aussi, dit doucement Ashlyn. Plusieurs fois.

Un silence.

Aiden, qui mâchait un bout de pain brioché, se redressa un peu.

— Et cette personne... la voix... elle a dit : "Tu l'as fait ?", c'est ça ?

— Oui, et Maéline a répondu "Oui", enchaîna Taylor. Comme si tout était parfaitement prévu.

— Puis elle est revenue comme si de rien n'était, ajouta Elena, la mâchoire tendue. Elle s'est excusée au prof, elle a raconté une histoire... et franchement, on l'aurait crue si on n'avait pas tout vu.

— C'est ça le pire, dit Ashlyn. Elle sait parfaitement quoi dire, comment le dire, à qui. Elle n'a même pas tremblé.

— Mais... vous pensez qu'elle a fait quoi, exactement ? demanda Logan à voix basse. Genre... c'est quoi le "ça" qu'elle aurait fait ?

Tous gardèrent le silence un moment.

Puis Tyler soupira.

— Franchement, je sais pas. Mais j'ai un mauvais pressentiment. Et j'ai l'impression qu'elle sait beaucoup plus que ce qu'elle dit. Depuis longtemps.

— On aurait dû lui poser des questions, murmura Ben.

— Elle aurait répondu ce qu'on voulait entendre, dit Ashlyn. C'est ce qu'elle fait toujours.

Elena tourna lentement la tête vers sa meilleure amie, ses yeux brillants d'un éclat discret.

— Je m'en suis souvenue aujourd'hui, tu sais ? À quel point elle est douée pour cacher ce qu'elle pense. Même quand on croit la connaître.

— C'est comme... un loup sous la peau d'un mouton, souffla Taylor.

Personne ne parla pendant plusieurs secondes.

Le feu crépitait doucement dans le poêle. Maéline se leva de son côté de la pièce et disparut dans les escaliers. Ils l'observèrent tous, en silence, jusqu'à ce qu'elle soit hors de vue.

Aiden brisa le silence :

— Vous trouvez pas que... quand elle est là, y'a comme... une atmosphère bizarre ? Un truc pas normal ?

— Si, dit Elena. Surtout sur la glace. C'était encore plus fort aujourd'hui. Et pourtant, elle souriait tout le temps. Elle riait même.

Dans le chalet, les lumières s'éteignaient peu à peu. Les volets claquaient doucement sous la pression du vent extérieur, et le froid de la nuit s'installait autour du bâtiment, enveloppant les murs d'un silence hivernal. À l'intérieur, les rires s'étaient estompés, remplacés par des voix plus basses, fatiguées. Après une journée aussi intense, même les plus énergiques commençaient à sentir le poids du sommeil tirer sur leurs paupières.

Dans la chambre des garçons, Aiden balança ses chaussettes sales en direction du panier, les manquant totalement.

— Trois points pour Serpentard ! lança-t-il fièrement.

— Tu vis dans le déni, mec, répondit Logan, déjà emmitouflé sous sa couverture.

— En tout cas, c'est pas moi qui ai failli me casser la gueule dans la neige pendant la rando, renchérit Aiden en lui lançant un oreiller.

Tyler rit doucement, assis sur son lit, en train de regarder des photos prises plus tôt dans la journée. Il s'arrêta sur une où on voyait Elena, toute emmitouflée, en train de rire au sommet d'une pente. Il sourit sans rien dire, puis verrouilla son téléphone.

Ben, de son côté, feuilletait un carnet à la lueur de sa lampe de chevet. Il griffonnait parfois des mots, comme pour vider sa tête. Taylor, assis en tailleur, tentait de régler la fermeture éclair de son sac de couchage qui s'était encore bloquée.

Ashlyn, dans la chambre voisine avec Elena et Maéline, observait la neige tomber derrière la fenêtre. Elle était calme, silencieuse, comme à son habitude. Elle avait perçu quelque chose... un infime changement dans l'air. Mais elle ne dit rien. Pas encore.

— Cette journée était trop bien, dit Elena en se laissant tomber dans son lit.

— Ouais, surtout quand Aiden a crié parce qu'il a cru qu'un écureuil allait l'attaquer, gloussa Maéline, déjà sous les draps.

— Il était agressif, je jure ! protesta la voix étouffée d'Aiden depuis l'autre chambre.

Les rires fusèrent, sincères, légers. Pendant un instant, tout semblait normal. Presque paisible.

Mais dans le couloir, la lumière grésilla un court instant.

Personne n'y prêta attention.

Dans les chambres, chacun commençait à se calmer. Certains discutaient encore doucement, d'autres fermaient les yeux. L'horloge du chalet avançait, seconde par seconde. Et à mesure que minuit approchait, un calme étrange, presque trop parfait, s'installait.

Ashlyn, allongée dans le noir, rouvrit les yeux.

Elle le sentait.

Et elle n'était pas la seule.

🕛 00h00 – Fracture silencieuse

Un silence absolu régnait dans le chalet.

Pas un souffle. Pas un craquement du bois. Pas un rire étouffé.

Rien.

Juste le tic-tac étouffé de l'horloge murale du rez-de-chaussée, à peine audible.

Ashlyn ouvrit brusquement les yeux.

Son corps n'avait pas bougé, mais quelque chose en elle s'était éveillé, comme une alarme intérieure. Elle s'assit lentement sur son lit, posant un pied silencieux au sol. Dans l'obscurité de la chambre, elle distinguait les contours paisibles d'Elena et de Maéline, toutes deux profondément endormies.

Elle se leva sans bruit, attrapa son sweat, enfila ses bottes sans allumer la lumière. Sa respiration était régulière, mais concentrée.

Elle savait.

Comme chaque nuit.

Quelque chose appelait.

Dans la chambre des garçons, Ben se redressa aussi, presque au même moment. Aiden ronflait doucement à côté, mais Logan ouvrait déjà un œil. Il n'y eut pas de mot. Juste un regard, un hochement de tête. Tyler se réveilla dans les secondes suivantes, comme poussé par une impulsion invisible.

Taylor les rejoignit sans bruit, déjà debout. Aucun d'eux ne semblait surpris.

C'était devenu un rituel. Inexpliqué, irréel, mais ancré dans leurs habitudes nocturnes.

Comme si leurs corps, leurs esprits, savaient qu'il fallait y aller. Comme si... la dimension Phantom les appelait.

Ils sortirent de la chambre les uns après les autres. Pieds légers, souffles retenus. Ashlyn les attendait déjà dans le couloir, les bras croisés, l'air aussi calme que déterminé.

— On y va, dit-elle simplement.

Ils acquiescèrent.

Ils descendirent les escaliers dans la pénombre, les planches du plancher grinçant à peine sous leurs pas. Dehors, la neige tombait encore, douce et paisible. L'éclat blafard de la lune baignait les alentours d'une lumière irréelle. Et pourtant, une tension presque imperceptible flottait dans l'air, comme une note dissonante dans une musique trop parfaite.

Une fois dehors, ils longèrent le chalet, contournèrent la réserve de bois... et s'arrêtèrent devant un vieil abri à outils, au fond du terrain.

C'était toujours là que ça commençait.

Une fissure. Une onde. Une sensation dans la chair.

Et à cet instant, la réalité se brisa.

Un frisson remonta leur colonne vertébrale alors qu'un craquement profond déchirait l'air, silencieux mais vibrant, comme un écho dans leurs os. Devant eux, une faille s'ouvrit, fine comme une cicatrice dans le tissu du monde, pulsant d'une lumière blafarde et oppressante.

Logan recula d'un pas malgré lui.

— C'est reparti, murmura Ben.

Sans un mot de plus, Ashlyn entra la première. D'un pas ferme, sans hésiter. Les autres la suivirent.

Tyler. Taylor. Aiden. Ben. Logan.

Tous furent happés par l'éclat spectral.

Le monde autour d'eux changea immédiatement.

Le sol n'était plus fait de neige, mais d'une matière noire, dure et irrégulière, parcourue de veines lumineuses. Le ciel au-dessus n'était qu'un vide immense, une brume épaisse traversée de formes indistinctes.

Et ce froid... Ce froid n'était pas normal. Il n'était pas glacial comme la montagne. Il était plus profond. Plus intérieur.

— Restez groupés, dit Ashlyn en avançant.

Leurs voix étaient comme étouffées. Comme si le monde refusait qu'ils s'expriment trop fort.

Aiden se retourna.

— La lumière, murmura-t-il.

Derrière eux, la faille brillait encore. Une lueur blanche, leur seul point de repère, leur seule échappatoire.

Mais ils savaient. Tous savaient qu'elle finirait par se refermer.

— Alors on bouge, maintenant, lança Taylor.

Ils commencèrent à avancer dans cette étendue sans repères. Le sol semblait pulser sous leurs pas. Des ombres se dessinaient au loin, mouvantes, indéchiffrables.

Ce monde n'avait pas de logique. Pas de gravité constante. Parfois, les sons semblaient venir d'en bas, ou les reflets les trompaient, inversant les distances. Ils devaient rester vigilants. Se faire confiance.

Mais ils savaient aussi ce qu'ils cherchaient.

Ce n'était pas un hasard s'ils étaient là, cette nuit encore.

Quelque chose s'était produit la veille. Quelque chose avec Maéline.

Et ce n'était pas fini.

Le paysage semblait figé dans un crépuscule éternel. Une lumière blafarde, sans source identifiable, baignait les lieux d'une pâleur inquiétante. Les arbres, tordus comme s'ils avaient souffert, projetaient des ombres longues et déformées sur le sol craquelé. L'air était lourd, silencieux, presque pesant — comme si chaque respiration devait lutter contre une présence invisible.

Ashlyn marchait en tête du groupe, ses yeux perçants balayant les environs. À ses côtés, Ben resserrait sa prise sur la lampe torche artisanale qu'ils avaient bricolée lors de leur dernière incursion dans cette dimension. Aiden, déjà agité, tournait sur lui-même.

— Pourquoi tout est si calme ? J'aime pas ça, murmurait-il.

Taylor, qui fermait la marche, s'arrêta soudain.

— Attendez... vous entendez ?

Un silence absolu. Puis... un grattement. Léger. Presque imperceptible. Mais répétitif. Comme des ongles longs frottant contre une paroi.

— Là-bas, souffla Logan.

Tous les regards convergèrent vers l'entrée d'un tunnel naturel, creusé dans une colline aux allures de carcasse d'animal fossilisé. La lumière de leur torche vacilla légèrement lorsqu'elle en effleura l'entrée.

Ashlyn hésita, mais fit signe d'avancer. Ensemble, lentement, ils s'enfoncèrent dans le boyau rocheux.

À l'intérieur, l'humidité se mêlait à une odeur métallique. Le tunnel semblait respirer. Le grattement se fit plus fort, plus pressant. Puis... un éclat. Un reflet blanc.

Des yeux.

Ils étaient là.

Des silhouettes, accroupies, disloquées, recroquevillées sur elles-mêmes. D'abord immobiles. Puis un mouvement. Un seul. Puis une dizaine.

Des créatures noires, humanoïdes, rampèrent hors de l'ombre, leurs yeux blancs enfoncés brillant d'un éclat fantomatique, et leurs sourires figés trahissant une faim insatiable. Leur peau luisait d'une manière étrange, comme de la suie humide. Les griffes, longues et fines, raclaient la pierre à chaque pas.

— Lumière, vite ! cria Ashlyn.

Ben alluma d'un coup la lumière concentrée. Un hurlement strident retentit : un des monstres recula brusquement, les bras sur le visage comme s'il brûlait. Les autres s'arrêtèrent net, hésitants.

Aiden, comme toujours, réagit sans réfléchir. Il lança une pierre contre le mur du fond. Le bruit résonna comme un coup de tonnerre.

Les créatures se tournèrent toutes d'un coup. Puis foncèrent vers le bruit.

— Ils suivent le son ! chuchota Taylor. On peut les distraire...

— Ou les piéger, ajouta Logan.

Mais Ben n'écoutait plus. Il fixait les monstres, fasciné malgré lui.

— Ils... ils sont comme morts. Mais ils voient, ils entendent... c'est comme s'ils simulaient la vie, murmura-t-il, presque pour lui-même.

Ashlyn ne perdit pas de temps. Elle agrippa le bras de Logan et le tira en arrière.

— On doit ressortir. Maintenant.

Ils reculèrent, la lumière en avant. Les créatures ne les suivaient pas. Pas encore. Mais une fois dehors, une dernière vision les figea : l'un des monstres s'arrêta à l'entrée, tourna la tête dans leur direction... et sourit encore plus largement, comme s'il avait reconnu quelque chose.

Quelqu'un.

Puis il disparut dans l'ombre.

Ils avançaient d'un pas rapide, presque précipité, sans courir pour ne pas attirer davantage l'attention. Le chemin du retour leur semblait plus long qu'à l'aller, comme si la dimension elle-même essayait de les garder plus longtemps entre ses griffes.

Ashlyn ouvrait la marche, les mâchoires serrées. À côté d'elle, Ben regardait droit devant lui, la torche toujours allumée mais baissée vers le sol. Logan soufflait fort, tentant de contenir l'adrénaline qui refusait de retomber. Aiden, pour une fois, restait silencieux. Taylor, elle, marchait en dernier, les yeux dans son dos, à l'affût du moindre bruit.

— C'était quoi ce truc ? chuchota Logan enfin. Ces... créatures.

— Tu crois qu'on sait ? répliqua Aiden en ricanant nerveusement. Moi j'veux plus jamais voir un sourire comme ça. J'ai cru qu'il allait me bouffer l'âme.

— T'as surtout failli lui balancer ta chaussure, marmonna Ben sans lâcher le sol du regard.

— Ils n'aiment pas la lumière, reprit Ashlyn, concentrée. C'est notre seule chance, si on les recroise. Mais... ce qui m'inquiète, c'est pas juste leur comportement. C'est leur regard.

— Leur regard ? releva Taylor.

— Oui. C'est comme s'ils nous reconnaissaient.

Un silence pesant suivit ses paroles. Aucun n'osa répondre. Tous y avaient pensé. Aucun n'osait le dire à voix haute.

Ils arrivèrent à proximité du campement, repérable à la faible lumière d'un feu mourant. Ils ralentirent. L'ambiance se fit moins oppressante, mais pas rassurante pour autant.

Et c'est alors qu'ils les virent.

Maéline et Elena.

Assises l'une à côté de l'autre, près d'un tas de couvertures installées à la hâte contre un arbre. Elles semblaient en pleine... dispute rigolote.

— Non mais c'est toi ! s'exclama Elena en riant. Tu m'as regardée comme si j'avais mis mes chaussettes dans la soupe !

— Parce que tu L'AS FAIT, s'indigna Maéline, faussement outrée. Tu m'as regardée, et plouf, la chaussette ! Quel genre de psychopathe fait ça ?

— J'essayais d'attraper une cuillère !

— Avec ton pied ?!

Les deux éclatèrent de rire, les épaules secouées.

Le groupe s'arrêta, figé.

Ben fronça les sourcils. Taylor croisa les bras. Logan, lui, pencha la tête.

— Qu'est-ce qu'elles foutent ici ? murmura-t-il. Elles étaient pas censées être... ailleurs ?

— On leur avait dit de ne pas sortir du campement, grogna Ashlyn.

Les deux filles, en les voyant, se levèrent. Maéline adressa un petit sourire en coin, parfaitement contrôlé. Elena, elle, leva la main d'un air innocent.

— Salut ! On vous a entendus revenir. Tout va bien ?

Ashlyn la fixa quelques secondes, les sourcils froncés. Son regard glissa ensuite vers Maéline, qui soutint le regard avec assurance, presque... amusée.

— Vous êtes là depuis combien de temps ? demanda Taylor d'une voix posée, mais méfiante.

— Pfff... même pas longtemps, répondit Maéline en haussant les épaules. On a juste... cherché un coin tranquille. On n'arrivait pas à dormir.

— Vous vous disputiez au sujet de chaussettes dans une soupe, observa Logan.

— C'est une longue histoire, répondit Elena, gênée. Mais je te promets que c'est moins bizarre que ça en a l'air.

Ashlyn ne répondit pas. Elle observa un moment les deux filles, leurs yeux, leurs postures. Puis elle reprit sa marche vers le campement.

— Bon. On reparlera de tout ça demain.

Mais son ton ne laissait aucun doute : elle n'oubliait rien. Et les autres non plus.

🛏️ 07h30 – 

— Debout les marmottes ! avait lancé Hugo, en passant dans les couloirs, toujours de bonne humeur.

Dans la chambre des garçons, le silence régnait.

Logan s'étira lentement, grognant dans son oreiller.

— Qu'est-ce qu'on fout encore dans un lit, sérieux ? souffla-t-il en clignant des yeux. On aurait mérité une médaille pour cette nuit.

Ben, déjà assis sur son matelas, observait le mur sans rien dire. Sa mâchoire était tendue, son regard vide, encore perdu dans l'ombre de cette dimension.

— Aiden ? Tyler ? Vous êtes vivants ? grogna Logan, en lançant une chaussette roulée sur le lit d'Aiden.

— Mpfh... Quoi... ouais, répondit Aiden, la voix rauque, les cheveux en désordre. Je rêve encore des trucs avec des dents qui brillent.

— C'était pas un rêve, répliqua Ben sèchement.

Tyler, lui, s'était redressé sans bruit. Il posa les pieds au sol et murmura :

— Vous pensez qu'elles savaient ? Maéline et Elena...

Un silence. Aiden passa une main sur son visage.

— J'sais pas. Mais elles rigolaient comme si elles avaient passé la soirée à jouer au Uno. Ça colle pas.

— Ou alors... elles ont très bien joué la comédie, souffla Ben.

Dans la chambre des filles, l'ambiance était différente, mais pas plus légère.

Ashlyn se réveilla la première, comme toujours. Son regard se posa sur Elena, encore endormie, le visage paisible. Elle resta un moment à l'observer, les sourcils légèrement froncés.

Puis elle tourna la tête. Maéline était déjà réveillée.

Assise sur son lit, les jambes croisées, elle lisait un petit carnet noir. Tranquille. Trop tranquille.

— Bien dormi ? demanda-t-elle sans lever les yeux.

Ashlyn ne répondit pas tout de suite. Elle se redressa lentement.

— Je suppose. Et toi ?

Maéline ferma doucement son carnet, en souriant légèrement.

— Comme un bébé.

Ashlyn s'attarda sur son visage. Parfait. Reposé. Aucune ombre. Rien qui trahissait la moindre trace de fatigue... ou de culpabilité.

Trop parfait.

— Les garçons sont réveillés ? demanda Elena en s'étirant avec un bâillement. On va être en retard pour le petit-déj.

— On n'est jamais en retard pour des croissants, marmonna Ashlyn en se levant.

En bas, la cuisine grouillait déjà d'activité. Le professeur Hugo et une accompagnatrice préparaient le buffet matinal. L'odeur du chocolat chaud et du pain grillé envahissait l'air, chaleureuse, presque rassurante.

Mais sous cette couche de normalité, quelque chose clochait.

Lorsque les huit se retrouvèrent enfin dans la salle à manger, autour de la grande table en bois, les regards s'évitèrent plus qu'ils ne se croisaient.

— Alors ? Bien dormi tout le monde ? lança Hugo avec entrain, une tasse à la main.

— Parfaitement, répondit Maéline avec un sourire paisible.

Elena hocha la tête, un peu plus réservée.

Ashlyn fronça à peine les sourcils. Logan croqua violemment dans une tartine. Aiden fit semblant de rire à une blague de Tyler, mais c'était forcé.

Ben, lui, regardait silencieusement son bol.

Personne n'osait en parler. Pas encore. Mais tous savaient. Tous sentaient qu'il y avait un fossé invisible entre eux... et Maéline.

Un silence, tendu, tomba sur la table. Et dans ce silence, un sentiment rampant grandissait : la méfiance.

🍞 08h10 –

La grande salle à manger était remplie du parfum du pain chaud, du chocolat fumant, et des céréales croustillantes. Les élèves s'étaient installés par groupes comme chaque matin.

Autour de la grande table centrale, Maéline, Elena, Ashlyn, Ben, Logan, Tyler, Aiden, et Taylor étaient réunis. Mais cette fois, la discussion était plus calme. Étrangement calme.

Tyler jouait avec la cuillère de son bol. Logan observait Maéline sans la regarder vraiment, l'esprit ailleurs. Taylor, pour une fois, ne lançait pas de blague. Aiden, les yeux un peu rouges, semblait toujours se demander si tout ça n'était pas un rêve.

Ashlyn, droite comme un piquet, regardait chacun de ses amis, analysant, connectant les points.

Maéline, elle, beurrait tranquillement sa tartine.

— Vous êtes pas très bavards ce matin, fit-elle dans un sourire léger. Y'a un souci ?

Ben, qui avait la fourchette en main, serra un peu plus fort. Il lança un regard à Ashlyn, qui secoua discrètement la tête. Pas encore.

Elena, en face de Tyler, baissait les yeux sur son bol. Elle n'avait quasiment pas mangé. Lorsqu'elle croisa le regard du garçon, elle détourna la tête.

Hugo, toujours énergique, passa entre les tables :

— Après le petit-déjeuner, vous avez quartier libre jusqu'à l'activité de l'après-midi ! Profitez du soleil, ça va être une belle journée !

— Merci monsieur ! répondit automatiquement plusieurs élèves.

Mais autour de la table centrale, il n'y avait que du silence.

Taylor finit par murmurer :

— On doit leur parler, non ?

Ashlyn répondit d'une voix douce :

— Oui. Mais pas ici.

Ben se leva.

— Allez, on prend l'air. Tous.

Maéline leva un sourcil, faussement surprise :

— On a une réunion secrète ou quoi ?

Mais elle se leva avec eux. Comme si elle avait toujours su que ce moment allait arriver.

Le petit groupe s'éloigna du chalet, marchant en silence dans la neige fraîche. Le froid mordait un peu les joues, mais aucun d'eux ne semblait s'en soucier. Ce matin, ce n'était pas le froid qui les préoccupait.

Ils finirent par s'arrêter derrière une petite cabane en bois, un peu à l'écart. Le genre d'endroit où les profs n'allaient jamais, et où les discussions pouvaient se faire loin des oreilles indiscrètes.

Ashlyn se tourna vers Maéline et Elena, qui marchaient un peu derrière.

— Bon, maintenant qu'on est tous là... on peut parler.

Maéline inclina la tête, curieuse.

— Parler de quoi ? Vous avez l'air tous... bizarres depuis ce matin.

Ben, les bras croisés, la fixait. Taylor, près de lui, serrait les poings dans ses poches. Aiden, étrangement sérieux, regardait Maéline comme si elle était une équation impossible à résoudre. Logan, lui, ne parlait pas. Mais ses yeux disaient tout.

Tyler prit la parole, la voix ferme :

— On sait que vous étiez là, cette nuit. Dans la dimension.

Elena pâlit légèrement.

Maéline, elle, ne perdit pas son sourire.

— Oh ? Quelle dimension ?

Un silence pesant tomba.

Ashlyn s'avança d'un pas. Sa voix n'était ni dure, ni froide. Juste posée. Tranchante comme la lame d'un couteau bien affûté.

— Arrête, Maéline. On t'a vue. Toi, et Elena. Juste avant que les monstres n'arrivent.

Taylor ajouta :

— Vous étiez déjà là. On comprend pas comment, ni pourquoi. Mais vous y étiez.

Elena croisa les bras, visiblement sur la défensive.

— Et vous ? Vous y étiez aussi. Donc vous voulez nous accuser de quoi, exactement ?

Aiden répondit :

— D'être parties sans prévenir ? De nous avoir laissés penser qu'on était seuls ? D'avoir menti ?

Maéline les regarda tous, un par un, puis soupira longuement.

— D'accord... On vous doit peut-être quelques explications.

Elena tourna brusquement la tête vers elle :

— Maéline... non.

Mais c'était trop tard. Quelque chose chez Maéline avait changé. Elle ne jouait plus le rôle de la fille parfaite, inoffensive, douce et sage.

Elle les fixa, cette fois sans sourire.

— Vous n'êtes pas les seuls à être infectés.

Un vent froid passa, plus glacé que la neige autour d'eux.

Ashlyn fronça les sourcils.

— Qu'est-ce que tu veux dire ?

Elena ferma les yeux.

— Elle veut dire qu'on y va depuis longtemps. Et que oui, nous aussi, on voit les créatures. Depuis bien avant ce voyage.

Ben secoua la tête, choqué :

— Mais pourquoi ne rien avoir dit ?

Maéline répondit calmement :

— Parce qu'on ne pouvait pas. On ne devait pas.

Logan s'approcha d'un pas, la mâchoire crispée :

— Qui t'en empêche ?

Un silence. Puis Maéline reprit, sa voix douce, mais étrange :

— Vous n'êtes pas prêts. Pas encore.

Taylor explosa :

— Mais prêts à quoi, bordel ?! Tu crois qu'on ne mérite pas la vérité ?!

Ashlyn, elle, avait reculé d'un pas. Elle observait Maéline, presque fascinée, presque inquiète.

Tyler dit, doucement :

— Alors tout ce temps... tu nous mentais.

Un long silence.

Maéline, cette fois, reprit son masque. Un sourire. Léger. Contrôlé. Trop parfait.

— Ce n'est pas un mensonge, Tyler. C'est une... précaution.

Et sans attendre de réponse, elle fit volte-face, suivie d'Elena.

Mais avant qu'elles ne disparaissent derrière la cabane, Ashlyn lança :

— Tu joues à quoi, Maéline ?

Maéline s'arrêta. Se tourna à demi. Et dit d'une voix presque chantante :

— Je joue à la vérité.

Puis elle s'éloigna dans la neige, comme si de rien n'était.

🌫️ POV Tyler – Doute, battements et regards volés

Le vent soulevait un peu la neige, formant des volutes légères qui se dispersaient dans l'air glacé. Le froid s'infiltrait jusqu'à ses doigts malgré les gants, mais Tyler ne bougeait pas. Il était resté là, derrière la cabane, un peu à l'écart du reste du groupe, les yeux perdus dans le paysage blanc.

Maéline et Elena venaient de partir. Et pourtant, leur présence semblait encore suspendue dans l'air, comme un écho trop fort dans une pièce silencieuse.

Il passa une main sur son visage, grogna doucement et inspira profondément.
Ses pensées étaient un vrai labyrinthe.

« Elle m'échappe complètement... »

Et il ne savait pas s'il pensait à Maéline ou à Elena.

Non. C'était Elena.

C'était toujours Elena, depuis ce matin sur les pistes de ski, quand elle s'était tournée vers lui avec ce sourire honnête, sans filtre. Ce genre de sourire qu'on n'offre pas à tout le monde. Il l'avait regardée dans les yeux et il avait senti un truc. Pas un coup de foudre ridicule, non. Un frisson. Quelque chose de profond et diffus, comme une lumière douce qui se pose sans bruit sur un coin d'ombre.

Il s'était surpris à sourire aussi. Et depuis... il n'arrivait pas à s'en défaire.

Mais maintenant, il y avait ça. Cette révélation. Cette nuit étrange. Cette foutue dimension. Et surtout, elle, là-bas, avec Maéline, à ne rien dire. À mentir par omission. À cacher.

Il se mordit la lèvre, agacé.

— J'suis con ou quoi...

Il s'assit dans la neige, tirant ses genoux contre lui. Il y avait trop de choses dans sa tête.

Le visage d'Elena, d'abord. Ses cheveux sombres, parfois décoiffés par la capuche de sa veste. Sa façon de se mordre la lèvre quand elle réfléchit. Son rire, un peu timide parfois. Son regard, qui s'allumait quand elle parlait de quelque chose qu'elle aimait.

Et puis, il y avait cette image, cette nuit, d'elle debout aux côtés de Maéline, l'air sérieuse, presque méconnaissable. Un visage fermé. Des mots échappés dans l'obscurité.

« Tu l'as fait ? »
« Oui. »

Il serra les dents.

Il avait envie de lui faire confiance. Il voulait lui faire confiance. Mais tout son corps criait méfiance. Sa tête hurlait attention, pendant que son cœur, comme un idiot, battait plus vite quand il la regardait.

C'était ça le problème. Elle lui plaisait vraiment.

Pas juste un crush d'adolescent. C'était plus profond que ça. C'était la façon dont elle prenait soin des autres, dont elle se tenait droite même quand elle avait peur. C'était dans sa force tranquille, sa discrétion, sa patience.

Et pourtant, elle lui mentait.

Ou du moins... elle ne disait pas tout. Et ça, c'était peut-être pire encore.

Il ferma les yeux, ravalant une bouffée de frustration.

Il avait peur.

Pas des monstres, pas de la dimension, pas de cette étrange réalité qu'ils vivaient depuis quelques jours.
Non, ce qui l'effrayait, c'était ce qu'il pourrait découvrir s'il grattait un peu plus sous la surface.
Ce que Maéline cachait. Ce que Elena protégeait.

Il voulait qu'elle lui parle. Qu'elle lui dise les choses franchement.
Mais est-ce qu'il était prêt à les entendre ?

Des pas dans la neige l'interrompirent.

— Hey... Tyler ?

Il leva les yeux. C'était Elena.

Elle était revenue.

Son cœur manqua un battement.

— Je t'ai vu t'éloigner... t'as pas froid, là ?

Il haussa les épaules, tentant de garder un ton neutre.

— J'suis bien, t'inquiète.

Elle resta debout un instant, hésitante, puis s'assit à côté de lui sans un mot. Le silence s'installa entre eux, épais mais pas forcément pesant.

Après une longue minute, elle souffla :

— Je suis désolée.

Il tourna la tête vers elle. Elle regardait droit devant elle, les joues rosies par le froid, les yeux brillants.

— J'aurais dû te dire certaines choses plus tôt. Mais... je pouvais pas. J'peux pas t'expliquer maintenant, pas tout. Mais j'te jure que c'est pas contre vous.

Tyler ne répondit pas tout de suite. Il la regarda, longuement. Et malgré tout... malgré la confusion, malgré la nuit, malgré la trahison même, il sentit un sourire naître au coin de ses lèvres.

Parce que même là, dans le froid et le doute, il voulait la croire.

— T'as pas besoin de tout expliquer maintenant, dit-il finalement. Juste... sois honnête avec moi, ok ? Même si c'est flou. Même si t'as peur.

Elle hocha la tête, un peu surprise. Et pour la première fois depuis des heures, elle sourit doucement.

— Promis.

Un silence.

Puis il murmura, presque sans s'en rendre compte :

— Et... je suis content que tu sois revenue.

Elle le regarda, surprise. Puis, doucement, elle glissa sa main contre la sienne. Pas un geste spectaculaire, juste un effleurement. Un contact.

Mais pour Tyler, ce fut comme un feu de camp allumé dans une tempête de neige.

Il n'était pas sûr de ce que tout ça voulait dire. Mais il savait une chose : il n'allait pas la laisser tomber.

Pas maintenant. Pas elle.

🕰️ 10h07 – Fragments et Failles

Maéline venait de partir, tenant Elena par le bras comme si elle la soutenait. Elle avait expliqué rapidement que son amie saignait du nez et qu'elles allaient à l'infirmerie du chalet principal. Tout s'était passé vite, trop vite. Une odeur de froid et de confusion flottait encore .

 Doucement derrière elles.

Un long silence suivit.

Ashlyn, adossée au mur, fixait le sol comme si elle y cherchait une vérité cachée. Logan tapotait nerveusement la table du bout des doigts. Taylor croisait les bras, le visage fermé. Et Ben... Ben observait la porte, sans cligner des yeux.

Tyler, quant à lui, sentit une chaleur étrange au creux de la poitrine. Un mélange de malaise et d'inquiétude. C'était bête, il le savait, mais il avait ressenti quelque chose quand il avait vu Elena détourner les yeux. Un pincement. Une faille.

— Elle saigne du nez, c'est pas non plus une conspiration, lança Aiden pour détendre l'atmosphère, même s'il se passa la main dans les cheveux avec un geste nerveux.

— Vraiment ? Et t'as vu comment Maéline l'a embarquée ? répliqua Taylor, les sourcils froncés. On aurait dit qu'elle avait peur qu'on leur parle. C'était pas normal.

— C'est peut-être juste qu'elles voulaient de l'intimité ? proposa Tyler, sans trop y croire lui-même.

Ashlyn leva enfin les yeux.

— Non. Tu l'as senti, toi aussi. Quelque chose cloche. Pas juste depuis ce matin. Depuis hier soir.

Ben hocha lentement la tête.

— Elles nous cachent quelque chose.

— C'est pas nouveau, ajouta Logan. Mais là, c'est plus... plus profond. Comme si on n'était plus dans le même jeu qu'elles.

Un silence, encore. Puis Taylor se leva.

— OK. On va mettre les choses au clair.

Il se tourna vers la table basse et y déposa un carnet de croquis, à défaut d'avoir autre chose.

— Théorie 1 : Elena est manipulée par Maéline. Depuis le début. Peut-être même qu'elle s'en rend pas compte.

— Théorie 2, enchaîna Ashlyn : Elena sait ce qu'elle fait, et elle joue un double jeu. Elle nous fait croire qu'elle est de notre côté, mais elle bosse avec Maéline.

— Ou... — Ben hésita, puis ajouta : — Ou elle essaie de piéger Maéline. De l'espionner. Mais dans ce cas, pourquoi elle nous dirait rien ?

— Peut-être qu'elle peut pas. Qu'elle est surveillée, murmura Tyler.

Aiden, assis sur le rebord du canapé, ajouta :

— Et si Maéline... n'était pas le cerveau du truc ? Et si elle n'était qu'une pièce dans un truc plus gros ? Un pion sur l'échiquier.

Les mots tombèrent comme une pierre dans un lac. Un frisson parcourut les épaules de Logan.

— T'es en train de dire que Maéline n'est pas la reine... mais le fou ? Ou pire... un simple pion qu'on sacrifie quand il faut ?

— Exactement, répondit Aiden. Et peut-être que ce qu'on croit être le plan... c'est juste une couverture.

Ashlyn grimaça.

— Alors c'est quoi le plan ? Et qui tire les ficelles ?

Tyler sentit un froid lui glisser le long du dos. Il pensa à Elena. À son sourire. À ses silences. À ce moment où elle avait croisé son regard... et avait tout de suite détourné les yeux.

Il ne savait plus quoi croire.

Ben, pensif, ajouta :

— C'est peut-être pas leur plan. Peut-être qu'elles exécutent juste des ordres. D'un truc... ou de quelqu'un... au-dessus d'elles.

Ashlyn prit la parole d'une voix calme, mais tranchante :

— Et si tout ce qu'on croyait savoir était une distraction ? Si notre attention était dirigée vers Maéline... pendant que quelqu'un d'autre agit dans l'ombre ?

Ils se regardèrent tous.

Taylor murmura :

— On n'a plus le choix. Faut rester soudés. Faut observer. Discrètement. Et surtout... faut arrêter de leur faire confiance aveuglément.

Un moment de silence s'installa, comme pour sceller cette nouvelle étape. Quelque chose venait de se briser, ou de s'éveiller. Le doute. L'intuition. L'idée que rien n'était ce qu'il semblait.

Tyler baissa les yeux vers le carnet sur la table. Les pages vierges attendaient encore les vraies réponses. Mais dans son esprit, une dernière pensée tourbillonnait comme une ombre :

Et si Elena, celle en qui il avait commencé à croire... mentait depuis le début ?

L'atmosphère était lourde. Trop silencieuse. Les murs gris de la pièce n'avaient ni fenêtre ni issue visible. L'unique ampoule suspendue au plafond projetait une lumière blafarde, tremblotante. L'ombre des trois silhouettes dansait le long des murs comme un avertissement silencieux.

Maéline et Elena faisaient face à un homme à la carrure stricte, le dos droit, les mains croisées derrière lui. Il dégageait une autorité froide, glaçante. Ses yeux étaient deux blocs de glace — pas de compassion, pas d'émotion.

— Vous commencez à mettre trop de soupçons, déclara-t-il d'un ton bas mais tranchant.

Maéline redressa le menton.

— Père, on ne peut pas continuer comme ça.

À côté d'elle, Elena jeta un regard rapide vers son amie, puis revint vers l'homme.

— Monsieur... c'est vrai. On vous a toujours obéi, mais cette fois...

— Vous ne devez pas douter. Pas ressentir. Vos émotions ne sont pas des armes, elles sont des chaînes. Libérez-vous d'elles, ou bien quittez la partie, cracha-t-il sans hausser la voix.

Le silence tomba dans la pièce. Un silence lourd, étouffant.

Maéline serra les poings.

— Ce sont nos amis. On ne peut pas leur mentir éternellement. On vit avec eux, on partage leur quotidien, leur peur, leurs rires. Je peux plus faire semblant.

— Tu ne comprends pas ton rôle, Maéline. Tu es une pièce importante. Tu es bien plus que ce qu'ils croient.

— Et alors ? cria-t-elle presque. Si être importante, c'est trahir ceux que j'aime, alors ça m'intéresse pas.

Elena fit un pas en avant, plus calme, mais tout aussi déterminée.

— Monsieur... elle a raison. On ne veut plus continuer comme ça. On ne peut pas.

Le regard de l'homme s'était assombri. Il les fixa toutes les deux, ses yeux semblant fouiller dans leurs pensées.

— Petite insolente, dit-il à Maéline. Tu ne fais que retarder l'inévitable.

Mais Elena le coupa :

— On démissionne.

Un silence. Le genre de silence qui suit une explosion.

Maéline pivota immédiatement, agrippant doucement le bras d'Elena.

— Viens. On s'en va. Ça suffit.

— C'est terminé, répéta Elena à mi-voix.

Elles quittèrent la pièce d'un pas rapide. Elles ne se retournèrent pas.

Dans le couloir, l'écho de leurs pas se mêlait à la tension qui leur serrait la poitrine. Arrivées à un embranchement, Elena s'arrêta. Maéline se retourna vers elle.

— Elena ?

La jeune fille semblait ailleurs, la gorge nouée, les yeux un peu brillants.

— J'ai peur, Maéline...

— De quoi ?

— De perdre leur confiance... ou qu'on l'ait déjà perdue.

Maéline resta silencieuse. Puis elle souffla :

— Alors on fera tout pour la regagner.

Et elles reprirent leur route, plus déterminées que jamais.

Le couloir semblait interminable. Maéline et Elena marchaient sans dire un mot, leurs pas résonnant doucement dans les murs du chalet endormi. Mais à chaque mètre, leurs épaules s'alourdissaient. Et les larmes, jusque-là contenues, commencèrent à perler.

D'abord discrètes, timides, comme si elles avaient honte d'exister. Puis, peu à peu, elles se mirent à couler plus franchement.

Le souffle de Maéline se faisait plus court. Elle tentait de garder la tête haute, mais ses joues étaient déjà trempées. Elena, à ses côtés, gardait les bras croisés contre elle, comme pour se retenir de s'effondrer.

Elles ne s'arrêtèrent pas, même si leurs jambes tremblaient. Elles atteignirent enfin la porte de leur chambre. Maéline l'ouvrit d'une main incertaine, et dès qu'elles furent à l'intérieur, elles ne dirent rien.

Elles se laissèrent glisser jusqu'au sol, contre le mur, blotties l'une contre l'autre, comme deux naufragées au bord du monde. Le silence les enveloppa. Pas un mot. Rien que leurs respirations saccadées et les sanglots qui les secouaient.

Le monde pouvait bien s'écrouler. À cet instant, seules comptaient la douleur, la fatigue, et la peur qu'elles n'avaient plus la force de cacher.

Combien de temps s'était-il écoulé ? Cinq minutes ? Trente ? Une heure ? Elles ne savaient plus.

Puis des pas. Des voix. Le groupe approchait.

Ashlyn fut la première à ouvrir la porte, suivie de Ben, Logan, Aiden, Tyler et Taylor. Ils entraient comme d'habitude, prêts à discuter, à plaisanter peut-être, à essayer de comprendre.

Mais ils ne virent pas immédiatement les deux filles recroquevillées contre le mur, en larmes.

Ben ferma la porte derrière lui.

— Bon, faut qu'on parle, lança-t-il, le ton sérieux. Maintenant. Y'a trop de trucs qui clochent.

C'est là qu'Ashlyn les aperçut.

— Elena ? Maéline...?

Le silence tomba d'un coup dans la pièce.

Tous tournèrent la tête.

Et la vue des deux filles effondrées, encore en train d'essuyer leurs joues, les glaça sur place.

Personne ne bougea.

— Qu'est-ce qui se passe ? murmura Logan.

Elena releva la tête. Son regard était encore voilé de larmes, mais quelque chose dans ses yeux avait changé. Elle n'était plus seulement triste — elle avait peur. Une peur profonde. Instinctive.

— Vous êtes en danger imminent, dit-elle d'une voix brisée.

Un frisson parcourut tout le groupe.

Maéline hocha lentement la tête, incapable de parler, mais visiblement en accord avec chaque mot.

Ashlyn s'agenouilla doucement devant elles.

— Qu'est-ce que tu veux dire, Elena ? C'est à cause de ce qu'on a vu cette nuit ? Des créatures ?

— Pas seulement ça... répondit Elena. Il y a autre chose. Quelqu'un... quelque chose de plus grand. De plus dangereux.

Aiden fronça les sourcils, tentant d'alléger un peu l'atmosphère.

— Attends, c'est une blague ? C'est quoi, ce nouveau délire ?

Mais personne ne rit. Pas cette fois.

Elena baissa les yeux. Maéline murmura enfin, d'une voix rauque :

— On vous a menti.

Le silence retomba.

Elle ajouta, presque dans un souffle :

— Mais pas parce qu'on voulait. Parce qu'on nous a obligées.

Les regards s'échangèrent dans la pièce. La méfiance, la surprise, le doute. Tous les visages s'étaient tendus, comme figés dans l'incompréhension.

Ashlyn se redressa lentement, le regard sombre.

— Alors maintenant, vous allez tout nous dire.

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