— Hey ! Regarde Sophie !
Zéro maintenait un gros morceaux de neige contre son visage. L'amas blanc s'accrochait à son menton en lui façonnant une barbe d'où seule sa bouche ressortait.
— C'est moi l'Ancêtre, imita-t-il d'une petite voix aiguë, gnagnagna, vous pouvez signer mon gros livre siouplait ?
La claque qui partit envoya valser la neige au loin, coupant court à tout spectacle.
— Arrête ça crétin ! ordonna Ergo en levant les yeux au ciel.
Zéro resta pantois quelques minutes, encore surpris par la subite disparition de la neige qu'il tenait dans ses mains.
— Bah, ma barbe... se plaignit-il tout penaud.
Le groupe lui passa sans lui prêter la moindre attention. Sophie maintenait son regard droit, le menton légèrement relevé afin d'ignorer superbement l'individu qui tentait en vain de lui parler. Elle ne put toutefois pas réprimer un léger sourire lorsque ce drôle de nigaud fut derrière son dos.
Adélaïde, quant à elle, guidait le groupe à travers un dédale semblable en tout point aux autres, à la différence près que la neige semblât moins dense qu'au village. Peut-être sortaient-ils enfin de cette zone froide. Qu'allaient-ils trouver ensuite, un désert ? Ergo n'en aurait pas été surpris, mais ce qui les attendaient étaient tout autre.
Depuis que la guerrière lui avait annoncé que personne n'avait poursuivit l'exploration de ce sentier, son imagination s'envolait et les plus folles idées lui vinrent en tête, une chute vertigineuse à l'effigie du gouffre qui devançait la Caverne ? Ou peut-être un mur impossible à escalader, laissant la sortie hors de portée.
En plus de la neige, le long sentier sinueux se faisait de plus en plus sombre, à tel point que le chef des Taupes crut d'abord faire route vers un cul de sac. Quelques minutes plus tard, trois torche s'allumèrent grâce à l'habilité des guerrières et de leur cailloux. Les flammes éclairaient les parois alentours de leurs lueurs vives et l'inquiétude d'Ergo grandit en même temps que leur avancée. Ils avalèrent quelques centaines de mètres supplémentaires avant qu'Adélaïde ne se stoppât net.
— Nous y sommes, annonça-t-elle dans le silence qui s'était installé dans le groupe.
D'instinct, tous s'était rassemblés afin de former un peloton compact face à l'obscurité. Ergo, Zéro et Sophie en restèrent cloués sur place.
Rien.
Rien ne se voyait au-delà de la lumière vacillante des quatre torches. Aucun mur ne semblait visible, même le tunnel par lequel ils étaient arrivés ne semblait plus qu'un lointain souvenir tant il se perdait dans ce noir poisseux.
— Euh... commença Zéro. On fait quoi maintenant ?
— Qu'est-ce que c'est que cet endroit ? demanda Ergo qui gardait les main sur ses deux dagues, prêt à attaquer en cas de besoin.
— Nous l'appelons le Confins, annonça Adélaïde dans un murmure.
Sa voix mourut instantanément, comme si aucun air ne parvenait à emporter sa voix. Sophie frissonna de terreur, les mains croisés sur ses avant bras.
— Est-ce qu'on est sûrs que Maelys soit quelque part par ici ?
Sa voix aiguë ne trompait personne, l'adolescente était terrorisé. Qui ne l'aurait pas été dans ce noir opaque et infini ?
— C'est le seul chemin possible depuis que les traces se sont arrêtées, conclut la guerrière sans la regarder.
Elle se retourna alors, le visage baigné par la lueur de sa torche et se baissa légèrement pour arriver à hauteur de la jeune femme tremblotante. Une main douce et chaleureuse se posa sur son épaule.
— Sophie, lui dit-elle avec un regard auquel on ne pouvait échapper, la suite du chemin peut s'avérer dangereuse. Je ne te force en rien et je ferais tout mon possible pour retrouver ton amie.
La blonde soupira. Elle voyait très bien où cette courageuse guerrière voulait en venir.
— Si tu le souhaites, Ida peut te ramener au village où tu seras en sécurité. Il n'y a aucune honte à avoir Sophie.
L'espace d'un instant l'adolescente entraperçut la chaleur rassurante du feu dans l'âtre et les douces promesses d'un lit chaud. Elle n'avait jamais été une aventurière, elle aimait la vie, jouer, danser, rire avec ses amis et profiter de ce que la terre lui offrait. Rien ici n'était pour elle, ni ce couloir sombre, ni ces créatures meurtrières. Ni même toutes ces larmes qui avaient coulées depuis son arrivée dans cette antre démoniaque.
Ses épaules se relâchèrent, chaque moment sous terre avait attendu qu'on lui proclame ces paroles. Abandonne, repose-toi et finis ta vie tranquillement. Tu n'es pas une guerrière Sophie, nous t'autorisons à te montrer lâche et à renoncer.
Ô oui, elle avait rêvé de ces mots maintes et maintes fois. Ce fut pour cette raison, la tête baissée, qu'elle se prononça.
— Non.
Adélaïde pressa un peu plus la main sur son épaule, comme pour lui faire prendre conscience de la réalité qui l'entourait.
— En es-tu sûre Sophie ?
L'intéressée acquiesça vivement. Oui, elle avait le droit d'abandonner et de se laisser aller à une mort à petit feu, lente mais paisible. Mais elle renonçait à ce droit, de toute la force dont elle fut capable. Elle refusa que son âme fût menée par la peur et la lâcheté. Car elle était Sophie, petite fermière fougueuse d'Izalia, joyeuse et pleine d'entrain, amie de toujours de Maëlys . Et Sophie ne l'abandonnerait pas aussi facilement !
— Je suis prête à poursuivre, Adélaïde, reprit-elle le regard droit. Je ne serai pas un fardeau, je vous le promet.
Un léger sourire se profila sur le visage de la guerrière. Cette petite avait du courage, autant que son amie.
L'énergique Eléna et sa besace de soin plaça ses deux bras autour de la jeune fille, lui envoyant par ce geste tout le courage dont elle disposait, Zéro tapait des mains en rythme un riant comme un dégénéré. Le grand sourire qui orna le visage de Sophie redonna un peu d'espoir au groupe et Ergo ne put retenir un clin d'œil lorsque son regard croisa le sien.
Leur situation les écrasa de nouveau, stoppant tout accès de joie. Adélaïde leur fit signe d'avancer, et le groupe s'élança à l'assaut du Confins, toutes armes dehors et la nuit à perte de vue comme seul objectif.
Ils marchaient depuis plusieurs heures maintenant, et leurs ventres criaient famine dans le lourd silence environnant. Toutefois aucun n'osait annoncer une pause pour se restaurer bien que les torches finiraient par la leur imposer afin de les renouveler. Tous n'aspirait qu'à une chose, sortir de ces ténèbres insondables.
A vrai dire, aucun ne savait réellement quel chemin emprunter. Ils avait poursuivis leur route en ligne droite sans jamais rencontrer d'obstacles, incapable de savoir si d'autres sentier affluaient de ce qui semblait être une caverne immense. Au bout d'un certains temps, la voix d'Ida s'éleva dans le mutisme général.
— Je distingue quelque chose !
Tous s'arrêtèrent et observèrent la direction que leur indiquait la grande brune, partagés entre le soulagement de ne plus être totalement entourés de vide et la crainte de ce qu'ils pourraient y trouver. Après un moment d'acclimatation, Ergo dut avouer qu'il lui semblait également apercevoir une forme rectangulaire.
— Une maison ? demanda-t-il hésitant. Je n'arrive pas à voir, il pourrait aussi bien s'agir d'une paroi de la grotte.
Adélaïde ordonna au groupe de se préparer. Ergo sortit ses deux lames, Zéro son gourdin difforme et les guerrière préférèrent s'armer d'armes à courte portée. Leurs arcs leurs seraient plus un handicap qu'un atout dans cette noirceur.
A pas lent et précautionneux, le groupe s'avança vers la bâtisse qui se matérialisa peu à peu dans le noir. Ergo avait vu juste, des ombres dansantes se mouvaient sur le mur de pierre d'une petite chaumine abandonnée. toutefois, lorsqu'ils l'atteignirent et commencèrent à la contourner, un spectacle étonnant se profila devant eux. Le mur se tenait droit et fier mais son comparse perpendiculaire ne pouvait en dire autant. Malgré tout, il ne trouvèrent pas l'amas de pierre auquel ils pouvaient s'attendre, le mur se scindait parfaitement comme coupé net. Adélaïde caressa du bout des doigts la pierre lisse. Une du plafond gisait au sol, les débris étaient toutefois en nombre insuffisant pour représenter un toit dans sa totalité. En regardant plus rigoureusement, on pouvait observer la même coupure net sur les traverses de bois soutenant jadis le plafond. A côté de ce morceau d'édifice ne se tenait que le vide. La maisonnée semblait avoir disparu en ne laissant qu'une partie épargnée par ce coup de couteau gigantesque.
— Euh... C'est bizarre ça, non ? questionna Zéro les yeux ébahis.
— On dirait qu'une partie de la maison s'est volatilisée... souffla Sophie derrière eux.
Ils comprirent rapidement que la petite construction n'était pas un cas isolé. Ici et là se dressaient des restes de constructions approximatives. Ici un bout de toit manquait, là une demeure se trouvait coupée en deux, laissant apparaître quelques meubles à la vue de tous tel une maison de poupée.
Adélaïde observait les alentours le regard soucieux. Quelque chose la perturbait, une idée tentait d'atteindre son esprit sans y parvenir. Quelque chose dont elle avait connaissance mais qui avait été relégué dans un coin de son esprit. La réponse lui vint comme un boulet de canon.
— Terranéa...
La surprise cloua ses deux comparses sur place. Eléna porta une main à sa bouche, réfrénant un sursaut.
— Je pensais qu'il s'agissait d'une légende... murmura-t-elle en observant les alentours d'un œil nouveau.
Les ruines d'un ancien village les entourait, caché dans le noir de la nuit, comme mit de côté afin que personne n'en retrouvât la trace. Ergo tiqua finalement à ce nom, sa mémoire retrouva quelques bribes de conversations entendues de ci de là.
— Le village disparu, annonça-t-il comme une évidence.
Sophie fut la seule à ne pas réagir, son jeune âge l'avait encore préservée de cette double légende. L'histoire de Terranéa, la ville disparue en surface. Tout un hameau emporté par la malédiction sans aucune chance de survie pour ses habitants. Du moins le croyaient-ils en surface, les citadins se retrouvèrent du jour au lendemain à arpenter les sentiers ténébreux de la grotte.
— Je n'imagine pas la peur qu'ils ont dû ressentir, soupira Sophie. Atterrir dans cet endroit si sombre...
— La légende ne s'arrête pas là, lui confia Adélaïde. D'après les histoires souterraines, Terranéa à prospéré plusieurs années sous terre à l'instar de la Caverne ou de la Cave. Du jour au lendemain, tout fut remplacer par cette nuit opaque, les habitants s'étaient tous volatilisés et le village devint la ruine que nous contemplons aujourd'hui.
— Nous pouvons disparaître après une disparition ? demanda Sophie horrifiée.
La guerrière ne répondit pas de suite et Ergo comprit soudain l'inquiétude qui rongeait son visage rude depuis leur arrivée au village.
Il imaginait sans peine combien de temps avait prospéré ce village, une dizaine d'années tout au plus. Personne ici n'avait disparu, s'il suivait le raisonnement d'Adélaïde, leurs âmes avaient été consumées par ce démon.
Et il savait pertinemment ce qu'il arrivait au bout de ces dix ans de vie sous terre...
Ses mains se relevèrent doucement en position d'attaque, l'insécurité qui les oppressait depuis leur arrivée venait d'augmenter de manière considérable.
— On ferai mieux de partir d'ici, avertit-il en chuchotant.
Adélaïde acquiesça vivement.
— Il nous faut tout d'abord raviver les torches, nous nous restaurerons quand nous serons plus à l'abri qu'en ces lieux.
La traversée du village se fit dans le silence le plus total. Adélaïde maintenait son attention en alerte, fixant intensément les rues qui s'enchaînaient comme si elle tentait de distinguer quelque chose à travers ce noir opaque.
Ce village de Terranéa était loin d'en être un ! Les ruines se succédaient encore et encore et la nuit leur empêchait tout bonnement de savoir quelle direction prendre afin de quitter les lieux au plus vite. Au loin quelques murmures se faisaient entendre, les sons habituels de la grotte se transformaient ici en bruissements terrifiants. Après plusieurs minutes de marche, le doute s'était insinué dans le cœur du petit groupe et le sentiment de ne pas évoluer seul dans ces ténèbres leur écrasait la poitrine.
Soudain, Adélaïde se stoppa nette, les yeux fermés et le visage dur. Sa poigne se fit plus forte sur le manche de son coutelas et lorsqu'elle ouvrit les yeux, la sentence tomba comme un coup de tonnerre.
— Ils sont là.
Un hurlement bestial s'éleva dans le nuit. Un cri inarticulé qui glaça le groupe sur place. Comme un écho funeste, cette lamentation se réverbéra tout autour d'eux. Ils les cernaient, depuis le début.
Les Changés.
Ergo et Zéro se cabrèrent, prets à attaquer. Jamais ils n'avaient vus de Changés attaquer en groupe, à croire que ces anciens villageois avaient gardé leur cohésion même dans l'au-delà.
Le noir insondable empêchait toute vision de loin, seules les trois torches balançaient leurs lumière fragiles à quelques mètres devant eux.
Le premier Changé apparut subitement dans l'aura lumineuse, la bouche ouverte sur une rangée de dent acérées. Il bondit de la nuit sur Ida dont les reflexes arrachèrent la tête du monstre sans plus de sentiments.
— Ne vous éloignez sous aucun prétexte ! Ida, donne ta torche à Sophie et maintenez là au centre du cercle. Si nous perdons ces lumières, nous sommes morts.
Sophie attrapa la torches et la souleva le plus haut qu'elle put, tout en prenant garde de ne pas blesser ses camarades. A ses côtés, Ida sortit un deuxième coutelas accompagnée par Elena et sa seconde torche.
Une gerbe de sang jaillit du Changé qui attaqua Ergo, Zéro écrasait les têtes aussi férocement qu'un sauvage, le regard flamboyant. Les râles se poursuivaient dans un capharnaüm de cri et de coups. La son gras et visqueux de la chair coupée leur donnait le tournis, et l'odeur octroya un haut le cœur à Sophie.
Un hurlement de douleur résonna derrière elle. Ida ! La guerrière titubait légèrement, un sang frais lui maculait le torse. D'un geste vif, Elena abattit la torche sur le visage de la créature qui hurla de plus bel, avant de lui planter son arme dans le cou. Ida glissa au sol, emportée par la douleur. Sa camarade la souleva difficilement, son bras harnaché autour d'elle lui fit pousser un cri de douleur.
— Adélaïde ! hurla la jeune femme en s'approchant. Ils sont bien trop nombreux !
— Retraite ! s'époumona la guerrière. On avance en groupe jusqu'à un bâtiment, c'est notre seul chance !
Elle eut à peine le temps de finir sa phrase qu'une créature perça leur défense et sauta sur Sophie, sans défense. La jeune fille hurla tant de surprise que de douleur lorsque le violent contact avec la créature l'éjecta hors de son groupe. Animée par la peur et l'instinct de survie, son seul reflexe une fois à terre fut de rouler loin de l'immonde bête qui l'assaillait, la peau de son crâne en lambeaux.
Ergo arriva de justesse, il écrasa le monstre de tout son poids tandis que ses deux dagues tailladaient son corps flasque.
Nouvel hurlement. Sophie sentit une pression sur son mollet, des griffes avides s'y plantèrent laissant une fleur pourpre apparaître sur son pantalon. Ergo n'eut le temps de comprendre ce qu'il se passait, à peine s'était-il relevé qu'il vit la lumière de la torche que tenait la jeune fille s'éloigner à grande vitesse.
— Sophie ! hurla-t-il en devinant la créature la tirant au loin par la jambe.
Sans réfléchir davantage, Il s'élança à sa poursuite, Zéro sur ses talons, uniquement guidé par l'aura lumineuse de la torche et les cris de sa protégée.
Alors qu'ils parvenaient à la torche tombée à terre, Sophie se débattait vigoureusement, les larmes et la terre imprégnaient son visage. Zéro s'élança dans un cri de rage et percuta violemment la créature. S'en suivit un farouche combat entre deux créatures muent par une violence inouïe. Zéro reçut un coup de dent en plein sur l'épaule, atténué par l'épaulette de cuir qu'il portait. Son poing s'écrasait sans relâche sur la tête de la créature. Usant d'une force considérable, le berserk reprit le dessus et, dans un élan de rage incontrôlable, ses mains encerclèrent la tête du monstre. Ses muscles se tendirent, sa mâchoire se crispa sous l'effort. Dans un craquement sinistre, le crâne presqu'à vif du Changé éclata dans un râle bestial que poussa Zéro.
Au loin les sons de bataille leurs parvenaient toujours. Adélaïde, Ida et Elena se battaient toujours pour leur survie, à présent loin de leur champ de vision.
Ergo souleva Sophie sans ménagement et ordonna à Zéro de les rejoindre. Bravant l'obscurité, il agitait sa torche tel un fléau en espérant vainement faire fuir l'attroupement qui se formait autour d'eux. Il allait perdre espoir lorsqu'un rayon blafard attira son regard. Une lumière ! Pas celle d'une torche, mais bien la lumière livide qui inondait les couloirs de la grotte. Une sortie ! La fin de cet épais miasme noir et l'espoir de retrouver un semblant d'avantage à la lumière vive.
Le chef des Taupes Enragées alpagua son camarade et fusa à travers les Changés. Ils devaient atteindre cette cavité à tout prix. Une fois arrivé, Ergo jeta un regard en arrière dans l'espoir d'apercevoir Zéro à ses trousses. Le grand blond apparut soudainement, le visage ensanglanté et un rictus haineux barrant son visage. Il s'élança dans la lumière vive après avoir rejeté un dernier Changé. Une fois dans la cavité éclairée, les deux comparses se placèrent en position de combat, Ergo avait déposé Sophie sur le côté qui s'aidait du mur pour se relever.
Mais rien ne vint. Les Changés se stoppèrent à l'entrée de la cavité en lançant sur eux des regards déments sans pour autant oser s'avancer davantage. Comme si un mur invisible les retenait loin de cette antichambre de protection.
Il fallut un certain temps avant que le calme ne revint et que les abominations n'abandonnassent leur assaut.
De longs sillons de sang ornaient le visage de Zéro dont l'adrénaline peinait à descendre. Sophie boitait et un hématome dessinait lentement un rond violet sur son visage enfantin.
— Où sont les autres ? demanda-t-elle d'une minuscule voix.
Ergo prit son temps pour répondre. La salive lui manquait, ses muscles endoloris refusaient encore de baisser les armes. Les autres... Il ne pouvait qu'espérer qu'elles s'en fussent sorties indemnes. Il savait Ida blessées. Un doute l'envahit quant à leur chance de survie, la leur le stupéfiait déjà.
— Espérons qu'elles aient trouvées un endroit sûr comme nous.
Après quelques minutes qui leur permirent de reprendre leurs esprits, les trois comparses progressèrent davantage dans le couloir sinueux. La place ne leur permettait de se déplacer qu'un par un, et Sophie vint se placer au centre, Ergo en tête, la torche toujours levée comme une protection.
Le bout du couloir leur offrit un cul de sac spectaculaire. Trônant sur plus de trois mètres de diamètre, une gigantesque porte ronde ornait l'intégralité du mur. La pierre taillées était agrémentée de gemmes violettes qui reflétait subtilement les flammes de la torche. En cercles concentriques, plusieurs fresques finement ouvragées décoraient l'immense portail. Les trois s'approchèrent prudemment, subjugués autant qu'inquiétés par cette ouverture à laquelle ils ne s'attendaient pas. Un grondement sinistre vibra dans l'air et tous sursautèrent. La raclement de la pierre sur le sol leur vrilla les oreilles et, lentement, la porte s'écarta comme une invitation à entrer.
Ils comprirent bien vite qu'aucune invitation ne leur avait été donnée. Des voix s'élevèrent de l'autre côté du portail : Quelqu'un venait !
Cherchant rapidement une cachette, Ergo, Zéro et Sophie s'élancèrent derrière un amas de pierre grise, cachés à la vue des deux nouveaux arrivants.
Ergo retint difficilement un cri de surprise lorsqu'il repéra l'un des individu.
Un jeune homme à la silhouette élancée se dégagea tranquillement de l'ouverture, accompagné par un vieillard courbé affublé d'une longue barbe.
L'ancêtre de la Caverne !