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Chapitre 15

    En tant qu'ancienne adeptes du démon, Adélaïde bénéficiait d'un accès privilégié à de nombreux lieux souterrains. Toutefois, à attendre ainsi face à la lourde porte de bois bardée de piques, la guerrière espéra que son aura n'eût pas drastiquement diminuée au fil des années. Elle en ressentait les effluves lorsqu'elle observait Rory, mais lui-même n'avait pas les sens encore suffisamment affutés pour sentir la sienne avec précision. Se pouvait-il que quelqu'un sentît son changement d'allégeance ? Ils ne tarderaient pas à le savoir.

    Une minuscule plaque coulissante, comparé à l'immensité du portail, s'ouvrit sur un regard rude et sec. Son œil froid observa les deux individus à la porte, on eût dit qu'il les jaugeait d'un simple regard. Adélaïde maintint un visage impassible et froid, de celui qu'elle arborait lorsque sa tâche consistait à traquer de nouvelles âmes à la surface et de nouveaux adeptes dans les profondeurs. Ce spectacle dut satisfaire l'adepte. Lentement, le lourd battant se décala, substitué par un large place inégalement pavée. La guerrière fit signe à son compagnon de s'avancer et, du pas décidé de celle qui sait où elle va, elle l'entraîna à sa suite au milieu de la place centrale. Il lui fallait réfléchir à la hâte. Donner l'impression de ne pas connaître les lieux attirerait irrémédiablement l'attention sur eux.

— Où allons-nous ? lui chuchota Rory en observant les alentours d'un œil craintif.

— Soit plus discret, lui intima Adélaïde. Cherche ce qui pourrait ressembler à une cuisine ou une salle à manger. Nous pourrons nous y poser sans attirer l'attention.

     Ils allèrent pénétrer dans le premier bâtiment lorsqu'un éclat de voix les surpris sur leur gauche. A l'ombre d'une porte ouvert, de lourds éclats de rire s'échappaient sans retenue. Adélaïde acquiesça lentement. Sans même un mot, les deux comparses s'y dirigèrent.

    La pièce s'ornait de deux longues tablées sur lesquels se tenaient plusieurs groupes éparses d'adepte. En fond de salle brûlait un feu derrière un comptoir ou un individu s'attelait à préparer un repas fumant. Les odeur acres de sueur et de fumet se mélangeaient afin de recréer le parfum typique des établissement de ce type. La guerrière fronça du nez avant de s'avancer plus profondément. Son choix s'arrêta sur un espace libre au milieu de la table de gauche. Mieux valait éviter de paraître trop suspect en s'éloignant du reste des groupes, d'autant plus qu'ils allaient avoir besoin d'informations pour trouver le repaire des rêveurs, s'il se situait seulement sur les lieux ! Adélaïde n'aurait pas été surprise que des éléments si cruciaux fussent placer en un endroit à part. Malgré tout, elle avait le sentiment d'être sur la bonne voie. Une voix lasse dans leurs dos leur demanda ce qu'ils souhaitaient.

— Une bière, répondit Rory après un temps.

    La guerrière lui envoya un regard mauvais, mais elle se retint de contredire son acolyte.

— Rien, je vous remercie, déclara-t-elle d'une voix déniée d'émotion. Nous nous reposons avant de partir.

    Le serveur n'en demanda pas plus et s'éloigna d'un pas vif vers le comptoir. Adélaïde se tourna vers Rory, elle allait pour parler quand le garçon la devança.

— Ne me faite pas croire que vous n'en avez pas besoin, parce que moi si !

    Une dizaine de minutes plus tard, l'employé parvint de nouveau à leur table avec une bière à la couleur étrangement claire mais qui avait le mérite d'être rafraichissante à défaut d'avoir bon goût. Il ne put toutefois retenir une grimace de dégout et se garda bien d'observer sa camarade et le regard de désapprobation qu'elle lui jetait comme une mère à son gamin un peu trop stupide.

    L'attente s'éternisait et les bribes de conversation qu'ils glanaient ne leur apportèrent rien de bien concluant. Quelques discussions autour du grabuge qui s'était fait sentir au delà de la forêt, un illuminé se félicitait d'avoir apporté cinq nouvelles âmes de la surface d'un coup grâce à une lueur, ce qui donna un haut le cœur à Rory dont l'estomac était déjà bien malmené. Malgré tout, une humeur tendue générale et presque palpable emplissait l'air et Adélaïde se demanda un instant à quel point la présence de Maelys avait impacté les troupes du démon.

    Soudain, Rory avala une gorgée de travers avant de pointer discrètement du doigt un homme dont la capuche baissée laissait apparaître des traits rudes et vieillis.

— Cet homme ! déclara-t-il en s'étouffant. C'est à lui que j'ai effectué le relais pour envoyer le père de Maelys.

    La guerrière feinta d'observer le comptoir afin de jeter un oeil oblique à l'individu en question. Son visage ne lui disait rien, toutefois cela n'avait rien d'incompréhensible, une adepte de son rang n'avait que peu à faire avec un simple transporteur.

— Tu es sûr de toi ? Il pourrait s'agir d'un transport pour les rêveurs ou pour enrôler en tant qu'adepte. Rien ne nous permet de conclure au sort du père de Maelys pour le moment.

— Peut-être, mais c'est tout ce que nous avons pour le moment. Adélaïde ne put qu'approuver et, d'un léger geste du menton, lui indiqua de se lancer.

— J'y vais seul, mais n'hésitez pas à intervenir en cas de problème surtout !     

    Contre toute attente, le ton sarcastique de Rory lui arracha un début de sourire amusé très vite remplacé par son éternel visage rude.

    Le jeune homme brava la distance qui le séparait de son compagnon d'un pas qu'il voulut assuré sans avoir la conviction d'y parvenir. Le naturel n'a jamais rien de naturel lorsqu'il est forcé et il espérait ne pas bégayer bêtement devant l'individu à la stature imposante.

— Excuse-moi l'ami, déclara-t-il une fois à côté de lui.

    L'homme n'eut aucune réaction. L'avait-il entendu ou l'ignorait-il simplement ? Difficile à dire... Quoi qu'il en fût ce début de conversation ne commençait pas sous les meilleurs auspices... Il dut s'y reprendre à deux fois avant d'obtenir son attention et un regard mauvais dans la foulée.

— J'imagine que tu ne te souviens pas de moi, je t'ai livré quelqu'un il y a quelque semaines du côté de la Cave.

— Et pourquoi je m'en souviendrais au juste ? grogna l'individu.

    Le tutoiement ne semblait pas vraiment lui avoir plu. Tant pis, il était trop tard pour modifier.

— C'est pas faux... poursuivit Rory sans s'émouvoir. Bref, je dois apporter un rêveur mais c'est la première fois que je viens ici, je me suis dit que tu saurais sûrement m'aiguiller.

    La brute éclata d'un rire franc qui surpris Rory tant il était clair.

— Tu vas me faire croire qu'ils confient des futurs rêveurs à un minable gringalet comme toi ?

— Il faut croire que j'ai été promu. Avec tout ce qu'il se passe en ce moment ils n'ont pas trop les moyens de faire la fine bouche si tu veux mon avis...

     Rory se garda bien de mener plus loin son explication, le cerveau de son interlocuteur ferait seul le rapprochement avec un quelconque évènement suffisamment important selon lui. Malgré tout, il maintenait une moue dubitative bien que son éclat menaçant ait fini par diminuer. Rory désigna un adepte en bout de table, une petite personne maigrichonne dont la tête baissée semblait observer la moindre anfractuosité de la table en bois.

— Tu aurais préféré qu'il lui demande à celui-là ? lança-t-il avec un sourire moqueur.

    Les yeux de l'adepte voguèrent de Rory au minus, puis son visage se para d'un rictus à la fois amusé et dédaigneux. Rory espéra que ce fut la première partie qui lui soit attribuée. Contre toute attente, son interlocuteur laissa échapper un nouveau rire.

— T'as pas tort, quel merde moi je te le dis. D'un geste brusque, il fit signe au serveur d'apporter deux boissons, ce qu'il s'empressa étrangement de faire bien plus rapidement que pour Adélaïde et lui.

— Il est où ton rêveur au juste ? demanda la brute alors que Rory prenait place à ses côtés.

— Avec ma camarade en lieu sûr, trancha-t-il dans l'espoir de couper court au sujet.

— On t'ôte pas le pain de la bouche à ce que je vois ! Je vais pas te mentir, je me souviens vaguement de toi uniquement parce que le minable qui t'accompagnait me foutait la gerbe.

— J'ai bien fait de l'emmener avec moi alors, toujours prendre quelqu'un de moins charismatique que soit lors d'un échange si on veut faire bonne impression.

    Nouveau rire au éclat. Il fallait croire que cette armoire à glace possédait un peu d'humour.

— Tu as vu la grande porte tout à droite dans la cour ? finit-il par demander.

— Celle avec les gardes autour j'imagine ?

    Il acquiesça d'un grognement.

— Emmène ton futur rêveur là-bas, tu pourras le déposer au fond du couloir.

— C'est là que se trouve la salle des rêveurs ? demanda Rory un peu trop avidement.

— C'est là que tu dois le déposer. Point.

    Visiblement, le sujet était clos pour le mastodonte. Rory termina d'un trait sa boisson abjecte et se leva en le remerciant.

— Hey ! l'alpagua la bute. Ne vient plus jamais me faire perdre mon temps. C'est compris ?

    Rory retrouva sa place en deux temps trois mouvements. Il était inutile de risquer une mâchoire cassée à cause d'un homme un peu trop lunatique. Il avait un semblant de réponse, et sa vie avait toujours prévalue sur un quelconque honneur. Lorsqu'il parvint à destination, Adélaïde le fixa avec ce regard pressant qui ne la quittait jamais.

— Alors ? demanda-t-elle sèchement.

— Sans surprise, une grande porte, des gardes et rien qui ne nous assure que la salle soit au bout.

— Parfait, déclara Adélaïde. Il nous faut un plan maintenant.

    L'avait-elle seulement écouté ? Rory soupira longuement. Cette journée n'était définitivement pas finie...

    Maelys chuta brutalement à terre. Son pied entremêlé dans une racine un peu trop entreprenante lui arracha un petit cri de douleur. Aussitôt, quatre paires de bras la soulevèrent du sol et la cavalcade continua comme si de rien était. Fort heureusement, sa souffrance s'envola rapidement, ou bien était-ce l'adrénaline qui sommait son cerveau de mettre son mal de côté en attendant un lieu plus sûr ? Si tel était le cas, leur prochain instant de répit promettait d'être douloureux pour la jeune fille.

    A quelques pas d'eux Ergo vociférait des directions que le groupe s'empressait de prendre. A ses côtés Eléna lançait des regards affolés en tout sens. Ses yeux reflétait une détermination infaillible, une concentration qui ne cachait pourtant pas une pointe de tristesse d'avoir vu son amie disparaître sous ses yeux. Et pourtant tous couraient à travers les bois toujours plus dense. Par moment on pouvait apercevoir le reflet tremblotant d'une lueur derrière eux. Si l'une d'elle faisait son apparition en face, leur chance d'échappatoire se résumeraient à peu de choses... Il est des moments où le cerveau ne réagit plus en terme rationnel et se contente d'activer les fonctions principales à la survie. Cet instant l'était : Courir jusqu'au répit ou au salut.

    Quelques instants plus tard un beuglement de la part de Zéro les alerta. Le grand blond se tenait dans une crevasse en deçà d'un rocher saillant de la terre, il balançait ses mains de gauche à droite en une gesticulation qui eût été comique en d'autres circonstances. Bientôt Ergo rejoignit son geste et incita les trois femmes à les suivre. Une odeur âpre et acide s'échappa du renfoncement et Maelys ne put retenir une grimace de dégout lorsque son pied glissa sur une substance douteuse. Mais le temps n'était pas à la coquetterie, face à eux s'ouvrait une petite cavité dans laquelle ils peinaient à tenir debout mais que tous empruntèrent sans attendre. Eléna fermait la marche, le regard braqué en arrière dans l'espoir de n'apercevoir aucune lueur à leur poursuite. Plus ils avançaient, plus l'odeur devenait forte et incommodante et ils durent bientôt se faire violence afin d'éviter les hauts le cœur. Sophie maintenait sa main sur son nez tandis qu'Ergo avait relevé son écharpe. De son côté Zéro ne se privait pas de commentaire et de bruits dégoutés.

    — Pouah ! s'exclama Zéro à grand renforts de geste. Quelqu'un s'est vidé les entrailles ici ou bien ?

    L'évidence leur apparut lorsqu'un rai de lumière leur parvint du dessus de la tête. Sur le plafond rocheux de la petite cavité se tenait trois ronds lumineux et parfaitement alignés. Il ne leur fallut pas longtemps avant de faire le rapprochement avec l'odeur nauséabonde et la matière glissante à leurs pieds. Maelys crut vomir instantanément. Au lieu de cela, le petit groupe se précipita plus en avant dans la petite grotte tout en espérant y trouver une sortie rapidement.

    — C'est une impasse ! se lamenta Sophie à bout de souffle tant sa respiration était difficile.

    — Impossible de rebrousser chemin si les lueurs sont encore dans les parages, déclara Eléna d'une voix nasillarde, les doigts pincés sur son nez.

    Chacun tentait tant bien que mal de réfléchir à une issue qui leur serait favorable. C'est alors que tous levèrent instinctivement la tête vers le dernier petit rai de lumière qui éclairait le dédale.

    — Chef ? questionna Zéro le plus sérieusement du monde. On va vraiment faire ce que je pense ?

    Adélaïde et Rory observaient du coin de l'œil le couloir gardé qui menait - potentiellement - à la salle des rêveurs. Après un temps de réflexion, il leur avait paru évident qu'ils ne pourraient pas se présenter à eux comme l'avait fait Rory. Il avait d'abord été suggéré que l'un d'eux prenne la place du dit rêveur afin d'avancer plus en amont dans le couloir, mais l'aura qu'ils dégageaient tout deux ne manquerait pas de se faire sentir et de mettre à mal leur subterfuge. Aussi tentaient-ils maintenant d'observer les allers et venus des deux individus qui surveillaient l'entrée. Comme de nombreuses personnes affectées à ce genre de tâche, plus la journée avançait et plus l'attention diminuait. Adélaïde espérait jouer sur leur lassitude afin de s'infiltrer discrètement, hélas la place grouillait de monde à quelques mètres d'eux et la discrétion n'était pas vraiment de leur côté.

— Et si l'un de nous allait détourner leur attention ? proposa Rory sans grande conviction.

— Possiblement... songea Adélaïde qui partageait visiblement son peu de foi.

    La guerrière se demanda quel sujet de discussion aurait bien pu détourner un garde de son devoir suffisamment longtemps pour que l'autre pût se faufiler. La réponse se révéla à eux dans les minutes qui suivirent. D'un signe de la main, l'un des gardes fit un signe à son camarade qui lui répondit par un hochement de tête affirmatif. Le vigile encapuchonné sonda alors les environs d'un regard inquisiteur puis se dirigea vers une petite porte non loin de là, presque camouflée par de lourdes caisses de bois qu'un adepte transférait de son charriot.

— C'est le moment, lança Adélaïde. Détourne son attention, je pars explorer le couloir.

    Rory voulut contester mais la guerrière ne lui en laissa pas l'occasion. Aussi habile qu'un félin, elle se précipita vers un recoin du mur plus proche de l'ouverture. Le garçon leva le yeux au ciel avec un soupir. Quelle histoire allait-il encore inventer pour cet homme là ? Il n'attendit pas d'avoir la réponse pour sortir de son point d'observation et de s'approcher d'un pas décider vers leur problème. Il affichait un air faussement craintif plaqué sur son visage lorsqu'il déclara :

— J'ai senti quelqu'un ! déclara-t-il sans introduction.

— Dégage de là ! le sermonna le garde sans paraître le moins du monde intéressé.

— Non, je veux dire... Je ne l'ai pas senti.

    Et devant l'air inintéressé de son interlocuteur, il ajouta en haussant le ton.

— Réveillez-vous ! Il y a un intru qui vient de traverser la place ! Ce gars n'était pas un adepte !

    Dans l'ombre de sa cachette, Adélaïde observait la scène avec attention. Le garçon risquait d'attirer toute la place à eux s'il ne se calmait pas. Il était temps d'agir. Elle allait pour avancer lorsque la petite porte derrière elle claqua. Le garde revenait et il ne devait surtout pas la voir ici.

    Sophie ne put retenir une écume de bile lorsqu'elle s'extirpa enfin de la cavité puante et suintante. Eléna maintenait relevé la plaque de bois percé permettant aux usagers de s'installer plus ou moins confortablement et ne la relâcha avec écœurement qu'une fois tout le petit groupe sur place. Elle se précipita ensuite vers son amie tête penchée afin de lui caresser le dos le temps que les régurgitations cessassent.

— Personne ne va nous croire chez les Taupes, chef ! 

    Zéro ricana vivement avant que la disparition prématurée de leurs camarade ne lui revint en mémoire et colla à son visage une grimace de tristesse qu'on lui voyait rarement.

    Maelys observa la minuscule pièce. Les deux sièges côte à côte se situait dans une petite alcôve dont un unique corridor en L menait sûrement à la sortie.

— Et maintenant ? demanda-t-elle à ses camarades. Nous pouvons difficilement quitter cet endroit sans se faire repérer. Il aurait peut-être été plus prudent de rester en bas...

    Elle eut une moue de dégout rien qu'en y pensant !

    Ergo entama une réponse lorsqu'un bruit de porte se fit entendre. Sans même avoir le temps d'y penser, les cinq camarades se retrouvèrent nez à nez avec un adepte encapuchonné qui les observait les yeux hagards d'incompréhension. La scène eut de quoi faire rire si ce n'était l'éclat de terreur qui brillait dans chacun de leurs regards.

    Le coup partit instantanément. Zéro fracassa la tête de l'adepte contre le mur, une fois, deux fois, avant que celui-ci ne s'étalât dans le couloir dans une position grotesque.

— Est-ce qu'il est mort ? souffla Maëlys qui n'avait pas même eu le temps de bouger.

    Zéro se contenta de lever les mains au ciel en une mimique d'ignorance. Les doigts d'Ergo frôlèrent délicatement le cou de leur victime.

— Il est vivant.

    Sa déclaration sonnait presque comme un regret. Sans ménagement, le chef des Taupes le déshabilla et entreprit d'enfiler le long manteau à capuche noir sale.

— Restez-là, déclara-t-il à ses camarades. Je pars en éclaireur.

    La guerrière lançait des coups d'œils allant de Rory au garde qui revenait de son détour. Elle n'avait désormais plus le loisir d'attendre, il fallait foncer et espérer que personnes ne remarquât son manège. Un dernier regard en arrière la stoppa subitement. Elle crut rêver un instant, mais la silhouette dégingandée ne trompait personne, pas même que le regard interloqué que lui portait le "garde". Que n'aurait-elle pas donner pour étriper cet imbécile de brigands à la ramasse ! L'idée de le laisser en plan et de poursuite sa tâche lui effleura l'esprit, hélas Ergo accourra jusqu'à elle avec une discrétion plus que sommaire.

— Qu'est-ce que vous faites ici ? protesta-t-elle les poings serrés.

— Longue histoire, coupa Ergo, nous sommes tous dans les sanitaires pas loin.

— Vous allez tous nous faire tuer ! 

— Oui, et bien vous irez dire ça à vos lueurs qui ont tentés de nous désintégrés !

    Il se tut un instant, et Adélaïde sut dans son regard que quelque chose de grave s'était produit. 

— Restez caché, conclut-elle sans plus de question.

    Alors elle s'élança en remerciant silencieusement le créateur de ce lieu d'avoir situé ce couloir un peu à l'écart de l'effervescence de la place. En deux enjambé elle rejoignit le garde et Rory toujours en plein débat. Rory semblait lui indiquer un adepte au hasard parmi la foule au loin à grand renfort de gesticulations. Encore quelques pas, bientôt elle pénétrerait ce couloir en espérant y trouver une aide providentielle.

    Un nouveau cri d'alerte s'éleva derrière eux. Adélaïde n'eut pas le loisir de se retourner, à présent le garde lui faisait face et, au vu de sa position pour le moins suspecte, il sut immédiatement qu'il avait été berné. L'instinct reprit le dessus lorsque sa bouche s'ouvrit pour crier. Les bras d'Adélaïde encerclèrent le cou de sa victime et serrèrent sans aucun ménagement sous le regard ahuri de Rory.

— Aide-moi ! lui intima-t-il lorsqu'elle sentit le vigile s'alourdir.

    Mais Rory maintenait un doigt tremblant face à lui. La guerrière ragea intérieurement de son incompétence, toutefois, lorsqu'elle lança un regard dans cette direction, elle crut défaillir à son tour. Ils étaient tous là, Eléna, Sophie, Maëlys et ce grand dadet dont elle avait oublié le patronyme. Le cri d'alerte était pour eux, déjà de nombreux regards dardaient dans leur direction. Ils étaient fait comme des rats.

— Par ici ! hurla Adélaïde en jetant le corps flasque de sa victime.

    Il ne leur fallut que quelques instants pour les rejoindre sous les cris d'alerte et les appels aux armes des adeptes.

    Adélaïde les accueillit à grand gestes tandis qu'ils pénétraient tour à tour le large couloir, le grand dadet ferma la marche de sa démarche chaloupé, la lourde épée toujours accrochée à son dos. Elle s'y précipita à son tour non sans apercevoir nombre d'adepte accourir dans leur direction.

    Le corridor se formait à même la roche et il aperçurent au loin une lourde porte de bois devant laquelle une table ridiculeusement petite accueillait un adepte tremblotant à leur arrivé, une plume et un morceau de papier en main. Il ne mit pas longtemps à faire connaissance avec son bureau de manière violente, déjà Eléna et Ergo tentaient tant bien que mal d'ouvrir l'unique porte et échappatoire à ce couloir.

— Poussez-vous, ordonna-t-elle en les éjectant sur le côté.

    Ce portail ne s'ouvrirait pas si facilement, elle en avait senti la force qui s'en émanait et qui la scellait dès son entrée dans le corridor, seuls quelques privilégiés pouvaient en avoir accès, ce qui confirma ses doutes. La prochaine salle contenait quelque chose de très précieux. Il était temps de savoir si une partie d'elle-même conservait des bribes de son ancienne vie d'adepte.

    La guerrière plaqua ses mains sur le bois noirci. Elle sentait les picotement que lui procurait le flux qui la scellait. Point par point, elle entreprit d'en chercher le mécanisme, le code qui lui permettrait de l'ouvrir. De son temps d'adepte, aucune porte ne lui aurait été interdite.

    Elle poussa un cri de victoire lorsque les gonds se décalèrent subrepticement.

    Au loin les adeptes affluaient dans le couloir et déjà quelques flèches volaient jusqu'à eux alors qu'ils s'introduisaient avec hâte dans l'interstice de la porte qui se referma dans un bruit mat.

    La vue qui s'imposa à eux les clouèrent sur place. Le long des larges murs s'alignaient plus d'une vingtaine de caisson en verre dont les ornements auraient été amenés au rang d'art si seulement des hommes et des femmes n'y gisaient pas.

    "Des tombeaux !" songea Maëlys avec horreur.

    La faible lueur des torches se reflétait sur leurs visages inexpressifs et livides, comme une nécropole dans laquelle la lumière n'avait plus sa place.

— C'est un cul de sac... constata Ergo le dos collé à la porte.

    On entendait derrière les cris des adepte prêt à en découdre.

— Nous sommes à l'abri jusqu'à ce qu'ils convoquent un adepte plus puissant, assura Adélaïde. Trouvons une issu le plus vite possible.

    Déjà Maëlys et Sophie s'étaient lancés plus en amont. Elle observaient tour à tour les visages calme des différents occupant. Par moment certains d'entre eux affichait un visage creux, comme si toute vie en avait été aspiré. Maëlys en eut un haut la cœur, et les larmes commençaient à pointer le bout de leurs nez en imaginant sa mère flétries jusqu'à l'os, tout juste bonne à être remplacée.

    Hélas, plus les tombeaux défilait, moins l'espoir de la retrouver se faisait dans son esprit. Ce fut au dernier cercueil qu'elle poussa un cri.

— C'est... C'est... bafouilla-t-elle sans y parvenir.

— C'est ton père ! glapit Sophie sous la surprise.

    Ni une, ni deux, les deux amies tentèrent de soulever le lourd couvercle de verre. Il leur fallut l'aide de leur camarade pour y parvenir. Lorsque Maëlys attrapa la main froide de son père, elle crut mourir de chagrin. Elle hurlait son nom à s'en esquinter les poumons, secouait son père dans l'espoir d'y éveiller la moindre étincelle de vie. Mais rien n'y fit, Adrien Lechânet restait définitivement hors d'atteinte de la réalité.

    Celle-ci se rappela à eux bien vite. Au fond de la salle, la porte vibra.

— Ils ont trouvé quelqu'un, senti Adélaïde en fixant l'entrée.

    Ergo jura, Zéro se tint prêt et Eléna apposa une main sur l'épaule de sa camarade qu'elle attrapa en douceur avant de l'observer. Elle rejoindrai bientôt leur camarade Ida, mais jamais sans se battre.

— Papa ! hurla une nouvelle fois Maëlys. Je t'en prie entend-moi, nous avons besoin de ton aide !

    La porte s'ouvrit en grand sur un être sombre dont la longue cape flottait derrière lui. L'aura mauvaise qui s'en échappait fit frémir le groupe.

— Adélaïde... grogna-t-il en apercevant la guerrière.

    La guerrière serra les poings. Elle défendrait sa vie coûte que coûte face à cet être abject, reflet de tout ce qu'elle désirait oublier : Le 2ème gardien.

    Le monde vola en éclat. Tout autour d'eux les murs se brisèrent en un chaotique capharnaüm de verre brisé. Adélaïde sentit chaque parcelle de son corps se compresser sous cette puissance aussi incroyable que soudaine.

    Puis le néant les emporta tous.

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