Je me souvenais du regard d'Ethan ce matin-là. Il n’était pas comme d’habitude, plus sombre, plus lourd, marqué par une gravité qui l’alourdissait. Ses yeux, habituellement animés par une lueur vive, étaient empreints d'une inquiétude sourde, comme s'il portait un fardeau invisible. Il tenait fermement ce vieux journal sous le bras, une relique dénichée dans le grenier poussiéreux de sa maison. Ce petit carnet, usé par le temps, était plus qu'un simple document : c'était une clé, une invitation à entrer dans un monde enfoui, depuis trop longtemps oublié.
Autour de nous, une agitation croissante s’était installée, un mélange de curiosité et de perplexité. Pourquoi son père, le shérif, avait-il choisi de dissimuler un tel objet, plutôt que de l'abandonner à la poussière du passé ? Cette question flottait dans l’air, pesant comme une brume dense, nous entourant de son mystère inexpliqué. Une énigme, palpable et insidieuse, titillait nos esprits, mais aucune réponse ne venait. Nous ne faisions que l’effleurer, sans jamais pouvoir la saisir.
Mais Ethan, lui, n'était pas du genre à reculer devant l'inconnu. Sa détermination, visible dans la crispation de ses mâchoires et la tension de ses épaules, émanait de lui comme une force silencieuse mais implacable. Il ne se contentait pas de se poser des questions, il était résolu à déterrer la vérité, quelle qu'elle soit. Et dans son regard, je percevais cette résolution farouche, cette flamme ardente qui brûlait plus intensément à chaque instant. Il n’était plus question de reculer. Il était prêt à affronter ce qui se cachait derrière ces pages, même si cela signifiait se confronter à des réalités qu’il n’avait jamais imaginées.
Cette détermination, cette énergie presque palpable, envahissait l’espace autour de nous. J'avais l'impression que son anxiété, ses hésitations, se propageaient lentement, comme un vent léger mais persistant, prêt à tout emporter sur son passage. Je ne pouvais m'empêcher de ressentir cette tension croissante, presque électrique, dans l'air, prête à exploser. À cet instant précis, je savais que le chemin qu'Ethan était sur le point d'emprunter ne le laisserait pas indemne. Chaque choix qu'il faisait allait façonner sa destinée, et, en observant ses traits tendus et sa concentration, je comprenais que cet instant marquait le début d'un changement irréversible.
— Je vais le confronter, me dit-il alors que nous marchions vers la maison du shérif. Il sait des choses, et il a menti pendant des années.
Je hochai la tête sans prononcer un mot, accablé par la révélation qui venait de surgir devant nous. Ce que nous étions en train de découvrir dépassait de loin tout ce que j’avais imaginé lorsque nous avions commencé à explorer l’histoire du lac. Une lourde ombre persistait au-dessus de cette ville, une présence sourde, insidieuse, comme un poison lentement infiltrant ses fondations, rongeant chaque pierre, chaque battement de cœur. Il y avait quelque chose de pourri ici, une malveillance ancienne, dissimulée dans les recoins sombres, attendant silencieusement d’être mise au jour. Si le père d’Ethan détenait des informations cruciales, il était grand temps qu’elles soient dévoilées. Nous n’avions plus le choix.
La maison des Miller se dressait enfin devant nous, un bâtiment usé, meurtri par le temps, dont les murs paraissaient murmurés des secrets vieux comme le monde. Ethan s'arrêta un instant, figé, sa main suspendue au-dessus de la poignée, hésitant comme s’il ressentait le poids du passé peser sur lui. Je remarquai un léger tremblement dans ses doigts, une vibration imperceptible, trahissant l’intensité du moment. Ses yeux, habituellement si déterminés, trahissaient un doute fugace, une inquiétude qu’il avait du mal à repousser. Puis, après un profond soupir, il inspira, gonflant sa poitrine comme pour chasser les fantômes qui l'assaillaient, avant de prendre une décision. D’un geste résolu, il franchit le seuil.
Je le suivis de près, un mélange d’angoisse et d’excitation s’entrelçant dans mon ventre, me compressant les organes. Un frisson de nervosité m’envahit à l’idée de ce qui nous attendait à l’intérieur. Le vent, comme une main invisible, soufflait dans mes entrailles, mêlant le stress et l’adrénaline dans une danse étrange, me guidant sans m’en rendre compte.
L’intérieur de la maison était d’une obscurité oppressante, une obscurité lourde, presque palpable, qui nous enveloppait dès que nous pénétrâmes dans le hall. L'air, épais et immobile, était saturé de tension, une pression presque tangible, comme si les murs eux-mêmes retenaient leur souffle, attendant que nous brisions le silence séculaire. Chaque pas que nous faisions résonnait plus fort que le précédent, brisant le calme lugubre de la pièce. Chaque souffle, léger mais profond, se mêlait au silence, créant des échos de nos craintes, de nos espoirs, de nos doutes. L'odeur de poussière et de renfermé emplissait l’espace, lourde et entêtante, un rappel brutal du temps qui s’était figé ici, comme si cet endroit avait été oublié par le monde extérieur.
Je savais au fond de moi que ce que nous allions découvrir ici n’était pas seulement lié à cette maison ou à cette ville. Non, ce serait bien plus que ça. Cela changerait à jamais notre perception de tout ce qui nous entourait, du lac, du passé de la ville, et peut-être même de nous-mêmes. Les mystères enfouis ici ne restaient plus dans l’ombre. Ils allaient bientôt sortir, comme des spectres libérés, prêts à changer le cours de nos vies.
— Papa, t’es là ? Appela-t-il d'une voix plus ferme qu'il ne se sentait sûrement.
Le shérif Miller, assis à la table de la cuisine, leva à peine les yeux de son journal. Son visage était aussi dur que la pierre.
— Qu'est-ce que tu veux, Ethan ? Demanda-t-il sans vraiment prêter attention.
Ethan jeta le vieux journal sur la table avec un bruit sourd. Le shérif leva enfin les yeux, ses sourcils se fronçant à la vue du carnet usé.
— Où t'as trouvé ça ?
— Peu importe, répliqua Ethan sèchement. Ce qui compte, c'est ce qu'il y a dedans. Des morts, des disparitions, des choses dont tu n'as jamais parlé. Et tout est lié au Lac Noir. Pourquoi tu ne nous as jamais rien dit ?
Le shérif resta silencieux un moment, ses yeux plongés dans ceux de son fils, comme s'il tentait d’y percer des vérités enfouies, des secrets qu’il n’avait jamais partagés. Une tension épaisse envahissait la pièce, dense et palpable, aussi lourde qu’un orage suspendu, prêt à éclater à tout instant. L’air, déjà saturé, vibrait autour de nous, chaque seconde s’étirant à l’infini, comme un fil tendu à l’extrême, prêt à se briser au moindre mouvement.
Je pouvais presque sentir mon cœur battre plus fort, un bruit sourd résonnant dans mon propre corps, amplifiant une anxiété qui grandissait, insistante, contre mes côtes. L’atmosphère lourde m’écrasait, un poids presque physique, tandis que les murs, usés par le temps et les secrets qu’ils renfermaient, retenaient leur souffle, suspendus dans l’attente d’un mot, d’un geste. Chaque silence devenait un écho de la tension qui se nourrissait de l’imminence de ce moment.
Dans le regard du shérif, je devinais un mélange complexe d’hésitation et de détermination. Ses yeux, d’habitude si fermes, trahissaient une fragilité nouvelle, comme s’il se tenait à la frontière d’un abîme qu’il redoutait de franchir. Il était prêt à nous livrer un secret dont le poids écraserait tout ce que nous pensions savoir, mais il hésitait, retenu par une force invisible. Le nœud d’appréhension dans mon estomac se resserrait, une boule glacée d’angoisse qui ne cessait de grossir à chaque seconde qui passait. Je savais, au fond de moi, que ce qui allait se dire marquerait un tournant irréversible dans nos vies. Ce moment, ce révélateur silence, allait tout changer pour Ethan et moi. Rien ne serait plus jamais comme avant.
— Tu n'aurais jamais dû trouver ça, murmura-t-il finalement. C'est plus compliqué que tu ne le penses, fiston.
— Plus compliqué ? S'emporta Ethan. Il y a des gens qui disparaissent, des morts inexpliquées, et tu savais quelque chose depuis tout ce temps ? Tu te rends compte de ce que ça veut dire ?
Le shérif laissa échapper un long soupir, profond et chargé de fatigue, comme si l’air lui-même avait pris du poids. Ses épaules, habituellement solides, s’affaissèrent sous le fardeau d’une vérité qu’il avait sans doute porté trop longtemps en silence. Il passa une main tremblante sur son visage, effleurant sa peau comme s’il tentait d’effacer l'empreinte des années d’angoisse et de secrets cachés. À cet instant, il parut plus vieux, la peau de son visage tirée et ses rides devenant plus marquées, comme si le poids du monde, de son propre silence, l'avait rongé de l'intérieur.
Dans ses yeux, habituellement durs et résolus, une ombre de fatigue et de désespoir s’était déposée. Ils étaient devenus plus ternes, perdus, comme si une partie de lui-même se noyait dans le tourment qu’il cachait. Je pouvais presque sentir la lutte qui se menait en lui, une bataille invisible entre son devoir de protéger et la peur de tout briser en révélant des secrets trop lourds à porter. Cette lutte me paraissait palpable, aussi tangible que l’air lourd dans la pièce.
Le silence qui suivit son soupir était étouffant, chaque seconde s’étirant dans une tension insupportable. J’eus l’impression de retenir mon souffle, comme si l’espace autour de nous se contractait, prêt à éclater. Mon cœur battait à tout rompre, chaque pulsation résonnant dans mes tempes, amplifiant la pression qui pesait dans la pièce. Je pouvais presque goûter la tension, elle m'enserrait, m'étouffait. Je savais que ce qu’il allait dire changerait notre regard sur tout ce que nous pensions savoir. Une anxiété sourde m’envahit alors que je me préparais à entendre des mots qui pourraient tout bouleverser, tout réécrire.
— Assieds-toi, Ethan. Il est temps que tu saches la vérité.
Ethan hésita un instant, ses yeux parcourant la pièce avec une intensité presque désespérée, comme s’il cherchait une échappatoire, un moyen de repousser l’inévitable. Mais le silence qui pesait sur lui l’enfermait davantage, et, finalement, avec un soupir lourd de résignation, il tira une chaise en bois. Le son du grincement de l’assise résonna dans la pièce, un bruit sec et pénétrant, comme un écho de la tension qui s’était installée entre nous. Lentement, il s’assit, son corps se repliant sous le poids de la décision qu’il savait devoir prendre. Chaque geste, même le plus simple, trahissait l’agitation intérieure qui le submergeait, et je pouvais presque sentir la lutte qui déchirait son esprit. La tension dans ses muscles, le léger tremblement de ses mains, tout portait la marque de l’angoisse qui le rongeait.