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Hanae_Ecriture
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Chapitre 6 - Le sacrifice de Tom (2/2)

Puis, un grondement sourd fendit le silence. Il venait de loin, du fond du lac, et se propagea en une vibration grave qui fit trembler la terre sous nos pieds. Le cercle de bougies vacilla, la lumière vacillante peignant les arbres de silhouettes titubantes. La surface de l’eau s’anima alors, d’abord par de légers frissons, puis par des ondes de plus en plus agitées, comme si le cœur du lac s’éveillait. Mes jambes devinrent lourdes, mon souffle court, et une sueur froide glissa le long de ma nuque.

Les vagues, à présent, montaient haut, déformant le reflet du ciel. Une force que nous ne pouvions voir faisait plier l’eau, soulevait sa surface comme on soulève un drap. Mes mains tremblaient, mais je les gardais tendues vers le sol, refusant de rompre le cercle. Mon cœur battait à un rythme effréné, comme un tambour de guerre appelant à la vigilance. La peur, vive et tranchante, s’entrelaçait à une énergie étrange, presque grisante. Une part de moi avait envie de fuir. L’autre restait figée, captivée par l’instant, par ce moment suspendu entre deux mondes, entre le connu et l’indicible. Nous étions au seuil d’un mystère prêt à se dévoiler, et rien, plus rien, ne pourrait nous ramener en arrière.

— Restez unis, criai-je, le cœur battant à tout rompre.

Puis le lac s’illumina soudainement, comme frappé d’une clarté surnaturelle jaillissant des entrailles de ses eaux sombres. Une lumière vive, presque aveuglante, s’élevait des profondeurs, transperçant l’obscurité avec la force brutale d’un éclair déchirant la nuit. À la surface, des reflets mouvants s'étiraient en arabesques étincelantes, dessinant des formes fluides qui glissaient sur les vaguelettes agitées. L’air se chargeait d’une énergie vibrante, si intense que chaque respiration me brûlait la gorge. C’était comme si le monde retenait son souffle.

Lentement, une masse imposante et obscure émergea des flots, d’abord floue, presque irréelle, puis de plus en plus distincte à mesure qu’elle traversait le voile liquide. Le halo de lumière l’enveloppait d’une aura incandescente, créant un contraste saisissant entre l’éclat doré de l’eau et l’opacité menaçante de cette silhouette surgie d’un cauchemar ancien. Ce qui, un instant plus tôt, évoquait la beauté fascinante d’un phénomène mystique, se métamorphosait en une scène de tension brute. Les reflets scintillants prenaient des allures de griffes acérées, découpant l’obscurité avec la promesse d’un danger imminent.

Je restais figé, les pieds enracinés dans la terre, comme incapable de reculer ou de m’avancer. Autour de moi, mes amis, silencieux, retenaient leur souffle. Leurs regards étaient rivés à cette forme gigantesque, qui progressait vers nous avec une lenteur calculée, presque solennelle. Chacun de ses mouvements dégageait une puissance maîtrisée, comme si la créature répondait à notre appel, mais imposait ses propres règles.

Une peur sourde enserrait ma poitrine, plus profonde que toutes celles que j’avais connues jusque-là. Elle venait de l’intérieur, une peur ancienne, instinctive, celle que l’on ressent face à l’inexplicable. Mon cœur battait à tout rompre, cognant dans ma poitrine comme pour me rappeler que j’étais encore vivant, ici, dans ce moment suspendu entre la réalité et l’irréel. L’idée du sacrifice flottait au-dessus de nous, invisible mais présente, telle une lame suspendue prête à s’abattre. Était-ce la clé de la délivrance de Tom ? Ou le prix ultime que nous allions devoir payer ?

Les visages autour de moi se figeaient, leurs traits déformés par la terreur. Les yeux agrandis par l’incompréhension reflétaient cette lumière irréelle qui continuait d’embraser la surface du lac. Un silence pesant, plus lourd que tous les cris, s’était abattu sur nous. Même les feuilles des arbres, autrefois agitées par la brise nocturne, restaient immobiles.

Une chaleur étrange émanait de l’eau, presque agréable, troublante dans ce contexte. Elle me caressait le visage, comme une invitation tentatrice à approcher, à franchir le dernier seuil. Mon esprit vacillait entre fascination et lucidité. Une détermination furtive m’effleura — l’envie de croire que nous pouvions réussir, que notre foi en ce rituel n’était pas vaine. Mais cette conviction fut vite balayée par la réalité brutale de notre situation. Le danger était là, tangible, prêt à se refermer sur nous.

Et dans ce maelström de sensations, d’émotions contraires, une seule certitude me transperça : nous étions au point de rupture. Au bord d’un basculement irréversible. Une vérité attendait d’être révélée… mais peut-être au prix de tout ce que nous avions encore à perdre.

— On est avec toi, Tom, chuchotai-je, luttant contre les larmes qui menaçaient de jaillir. Nous allons te ramener.

Le moment tant redouté était arrivé, inévitable, comme un compte à rebours parvenu à son terme. L’espace entre notre monde et celui de la créature se dissolvait peu à peu, comme si la réalité elle-même perdait ses contours, glissant vers quelque chose de plus vaste, de plus ancien. Un frisson parcourut mon échine, glaçant ma peau malgré la chaleur des bougies, dont la lumière vacillante projetait sur nous des lueurs fuyantes et incertaines.

L’air vibrait d’une tension étrange, presque électrique, lourde comme avant une tempête. Chaque inspiration me demandait un effort, chaque souffle portait le poids du choix que nous avions fait. Il n’y avait plus de place pour le doute. Ce que nous avions réveillé approchait, et il ne nous serait plus possible de fuir. Mon cœur cognait avec violence, comme s’il voulait s’échapper de ma poitrine. L’adrénaline, brûlante, se répandait dans mon corps, me laissant à la fois prêt à me battre et pétrifié. Une peur tenace, viscérale, serpentait en moi, s’insinuant dans mes pensées, rongeant mes certitudes.

Je jetai un regard autour de moi. Les visages de mes amis étaient tendus, marqués par l’attente et l’angoisse. Leurs traits, éclairés par la lumière vacillante, paraissaient presque irréels, comme figés dans un instant suspendu entre deux mondes. Dans leurs yeux, je lisais à la fois la crainte de l’échec et le courage de continuer, même lorsque tout était perdu. Le silence était devenu un langage à part entière, un échange muet d’émotions brutes, d’espoirs ténus et de promesses tacites. Chacun de nous comprenait qu’il n’y aurait pas d’issue facile.

L’inquiétude se glissait dans chaque recoin de notre cercle, tissant autour de nous une toile invisible faite d’attente et de tension. Pourtant, aucun de nous ne recula. Ce que nous faisions là dépassait la peur. Il s’agissait d’un acte de foi, un geste guidé par l’amour, la loyauté, et cette force étrange qui lie ceux qui ont traversé ensemble l’incompréhensible.

Alors que nous nous préparions à franchir cette frontière invisible, je pris conscience que cette épreuve allait bien au-delà de notre simple survie. C’était aussi une mise à l’épreuve de notre lien, de tout ce qui nous avait unis jusqu’ici. Nous portions ensemble le poids de cette décision, et chacun le faisait avec le souvenir des instants partagés — les rires, les disputes, les silences qui avaient forgé notre histoire commune. Dans ce chaos, cette cohésion silencieuse était notre seule arme réelle.

Une étincelle vacilla en moi, fragile mais tenace. Ce n’était pas de la certitude, ni même du courage, mais un souffle d’espoir. Une conviction discrète que, quoi qu’il advienne, nous ne serions pas seuls. Face à ce qui approchait, nous serions unis. Et parfois, cela suffisait à faire reculer l’obscurité.

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