Enfin, la lumière perça l’obscurité, découvrant une cavité au fond de la grotte, mais l’éclat n’apportait aucun réconfort. Au contraire, il accentuait la sensation de malaise, dévoilant un espace qui pulsait d’une énergie étrange et inconnue. C’était comme si cette lumière était attirée, irrésistiblement, vers un point central, une force qui échappait à notre compréhension. La curiosité, pourtant mêlée de peur, s’imposait en nous. Nous étions comme attirés par un aimant invisible, ne pouvant faire autrement que de nous rapprocher, à chaque pas un peu plus captivé par cette promesse d’inconnu.
Puis, dans un éclat d’ombre, une silhouette se forma, surgissant des ténèbres comme une apparition déformée. Une créature, ni tout à fait monstre ni tout à fait ombre, dont le corps se tordait et se mouvait de façon impossible. Elle changeait, se métamorphosait sous nos yeux, se nourrissant de nos craintes, les nourrissant en retour, comme un miroir déformé de notre propre terreur. Ses contours flottaient dans un halo noir, distordant la lumière qui la frôlait, projetant des ombres mouvantes, inquiétantes, qui dansaient autour d’elle.
Je me figeai sur place, chaque muscle de mon corps verrouillé, comme si l’air lui-même s’était figé autour de moi. Mon cœur battait si fort que j’en sentais chaque vibration dans mes mains tremblantes. La respiration m’était devenue étrangère, un poids sur ma poitrine, me coupant presque du monde extérieur. La créature, immobile mais omniprésente, nous fixait. Ses yeux, deux puits noirs sans fond, nous scrutaient avec une intensité glaciale, pénétrant chaque pensée, chaque peur enfouie. Ils étaient vides, sans pitié, et à cet instant, je crus que nous n’étions rien de plus que des ombres, des spectres, devant son regard.
Une vague de terreur m’envahit, glacée, viscérale, comme un poison se répandant dans mes veines, m’emprisonnant sur place. Mon corps refusait de bouger, de crier, de réagir. L’angoisse, froide et implacable, m’enveloppa, étouffant mes pensées, m’enfermant dans ce moment d’horrible immobilité. C’était comme si le temps s’était suspendu, comme si le monde tout entier retenait son souffle. Une certitude m’envahit alors : nous venions de franchir une limite, un seuil au-delà duquel rien ne serait jamais plus comme avant. Le passé n’avait plus de place ici.
— Que faisiez-vous ici ? Résonna une voix gutturale dans ma tête, comme un écho de mille cris.
— Nous... nous venons chercher Tom, articulai-je, ma voix tremblante.
La créature éclata de rire, un son déchirant, comme si des milliers de voix se mêlaient en un seul chœur de désespoir.
— Il est à moi, maintenant. Ses peurs m’appartiennent. Tout comme les vôtres.
Je reculai, le cœur battant, me rendant compte que nous étions piégés. La terreur s’insinuait en moi, alimentant la force de cette entité.
— Qu’est-ce que tu veux ? Demandai-je, luttant pour garder mon calme.
La créature se rapprocha, s’avançant dans la lumière vacillante.
— Je veux ce que vous refusez d’affronter, vos peurs, vos secrets. Laissez-vous aller, et vous pourrez le retrouver.
Megan, à mes côtés, était paralysée. Son regard était fixé sur l’entité, une expression de compréhension mêlée de terreur.
— Ne l’écoute pas, lançai-je, la voix pleine de désespoir. Nous ne te donnerons rien !
À ce moment-là, un éclair de lucidité me traversa l’esprit. Les gravures, les histoires des âmes piégées, tout cela n’était pas juste une légende. C’était une réalité, un avertissement.
— Tom n’est pas mort, criai-je, luttant contre la peur qui m’étreignait. Il est en vie et nous le ramènerons, quoi qu'il arrive !
La créature gronda, son ombre vacillant sous la lumière de nos lampes.
— Vous n’êtes pas prêts à faire face à ce que vous cachez.
Une pulsation profonde résonna à travers la grotte, une vibration sourde qui se propagea dans les parois, s’imprégnant de notre angoisse comme si elle en était le reflet. L’air était lourd, saturé d'une tension presque palpable, chaque souffle un effort contre cette oppression invisible qui nous entourait. C'était comme si le cœur de la créature battait en synchronie avec le nôtre, une cadence effrayante, résonnant dans nos poitrines, nourrissant la peur qui montait en nous.
Elle se tenait là, figée dans l’obscurité, imposante, presque irréelle. Sa silhouette se découpait dans les ténèbres, chaque contour flou et menaçant, comme une ombre faite de chair. L’effroi m’étreignait, paralysant mes membres, mais dans cette même étouffante immobilité, une lueur d’espoir naquit en moi. Un frisson d’intuition m’envahit, un murmure intérieur qui me disait qu’il existait une faille, un point de faiblesse dans cette créature, quelque chose à saisir, à exploiter.
Je savais que chaque mot, chaque geste que nous faisions n’était pas inutile. C’était comme si chaque défi, chaque provocation, devenait une clé, une chance de briser les chaînes invisibles qui nous retenaient, de réduire l'emprise de cette entité sur nous. Je pouvais presque percevoir la créature vaciller, hésiter, comme si notre détermination agissait sur elle, fragilisant son pouvoir. Cette prise de conscience se transforma en un souffle nouveau, un courage qui se déversa en moi, chauffant mes muscles, ravivant chaque fibre de mon être. C’était une force insoupçonnée, prête à éclater. L’envie de résister grandissait en moi, plus forte que l’angoisse, plus forte que la terreur qui m’avait foudroyé quelques instants plus tôt.
Je n’étais plus une proie. Je devenais, à cet instant précis, un adversaire. Une flamme d'espoir brûlait maintenant en moi, prête à défier l’ombre, à affronter l’inconnu.
— Si tu veux Tom, montre-nous où il est ! Défiai-je, ma voix pleine de défi.
La créature vacilla un instant, comme si mes paroles avaient trouvé écho dans son essence même.
— Très bien, mais souvenez-vous... il y a un prix à payer.
Dans une explosion de lumière, la créature se volatilisa, disparaissant dans un tourbillon d’ombres qui s’enroulèrent autour d’elle, comme pour l’engloutir dans l’abîme de la nuit. Le silence retomba sur la grotte avec une brutalité presque irréelle, un calme si soudain qu’il en devenait presque surréaliste. L’air, auparavant lourd et vibrant de menace, se fit étrangement tranquille, comme si le monde autour de nous avait cessé de respirer. C'était comme si notre affrontement avait déchiré le tissu même du temps, brisant un sortilège vieux de plusieurs siècles. Les échos de notre lutte, bien que lointains, restaient suspendus, résonnant faiblement dans l’espace, comme un dernier murmure d’un passé oublié.
Pourtant, au fond de moi, une certitude persistait, inébranlable et menaçante : ce n’était qu’un prélude. Même si la créature avait disparu, tout n’était pas terminé. Nous n’avions fait qu’éveiller une force que nous ne pouvions entièrement saisir, une présence tapie dans les ombres, prête à ressurgir. L’atmosphère demeurait chargée d’une tension lourde, d’une attente qui vibrait dans l’air, comme un orage suspendu au-dessus de nous. Une angoisse sourde m'envahit, remontant lentement le long de ma nuque, chaque battement de mon cœur amplifiant cette sensation, me rappelant que l'épreuve que nous venions de traverser n’était que l'ombre de ce qui allait arriver.
Chaque seconde qui passait me rapprochait d’un destin incertain, et la vérité, pourtant si proche, m’échappait encore, tapie dans les ténèbres qui nous entouraient. La quête qui nous avait guidés ici, dans cet endroit oublié, ne faisait que commencer. Je pouvais sentir la présence de l’inconnu, prête à s’abattre sur nous, une promesse de défis à venir. Mon cœur battait avec une intensité qui me coupait le souffle, une mélodie entre la peur et l’adrénaline. Mes yeux scrutaient l’obscurité, attendant que quelque chose, ou quelqu’un, vienne briser ce silence glacé.
L’horizon était flou, incertain, mais une chose était sûre : rien ne serait jamais plus comme avant. Nous avions franchi un seuil, et il n’y avait pas de retour en arrière.