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DevotNeedler
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Chapitre 16

Combien d’échecs pour reconnaitre son erreur ?

Mona était à bout. Lucie qui s’était installé à l’extérieur de la voiture à même le sol pour manger son sandwich, partageait sa déception. Elle l’engloutissait sans réel plaisir, les yeux dans le vide, observant l’herbe. Elle s’en voulait de lui faire subir ça.

La carte, gribouillait de part et d’autre au feutre rouge, la narguait. « Ne pas s’y attarder » se convainquait-elle. Ne pas se focaliser sur les croix saillantes, comme des écorchures sur le papier. Autant d’échec qui lui poignardait le cœur de ne pas réussir. Et les autres points, encore trop nombreux, autant de promesse de nouvelles déceptions. « Ne pas y penser, pas pour l’instant. ».

Elle augmenta le volume de la radio, mais ne fit pas attention à la musique qui s’y jouait. Son regard se perdit dans le paysage. Et la douleur dans le creux de son ventre revint. Ses poumons se tordirent et ses yeux s’inondèrent. 

—      Ça ne finira donc jamais ? sanglota-t-elle.

Il y avait toujours cette carte qui se moquait d’elle. L’objet la fixait de ses yeux barrés. Dans les points qui restaient, elle pouvait imaginer un sourire méprisant. On se moquait d’elle. On jouait avec elle. Il se trouvait quelque part, là-haut ou en bas, un être qui prenait un malin plaisir à la faire souffrir. Un forain qui lui tendrait le pompon pour lui retirer aussitôt. Impossible pour elle de s’extraire du manège, condamnée à tourner encore et encore jusqu’à s’en rendre malade. Jusqu’à ce que le mal-être devienne une habitude. Jusqu’à ce qu’elle n’ait plus rien à vomir, plus rien à pleurer, essoré jusqu’aux tripes. Plus qu’une coquille vide. Désespérée.

Si elle était bloquée dans ce manège malsain, elle regrettait d’avoir conduit Lucie avec elle. Elle n’avait rien à voir avec son histoire. Une jeune femme innocente qui voulait seulement faire le bien. Qui voulait seulement aider…

L’envie lui prit, comme un murmure soufflé par la carte et son sourire d’espoir futile, d’abandonner son amie ici, au milieu du gazon avec son sandwich sec. De partir avec la voiture, pied au planché. D’aller aussi vite que le vieux moteur le permettrait, et de tout lâcher. Lâcher le volant, lâcher le manège et s’enfoncer dans l’étang pour l’éternité.

  Au fond, elle pourrait s’oublier. Laisser la vie suivre son cours sans se sentir responsable de quoi que ce soit. Elle reverrait sa grand-mère. Peut-être lui expliquera-t-elle la but de son apparition ? Elle découvrirait enfin là où elle avait échoué. Ce sera trop tard, mais au moins, elle saurait, elle connaitrait ses erreurs.

La carte vola sur ses genoux, Lucie venait d’ouvrir la portière.

—      Alors ? La prochaine ?

—      Un peu plus loin. Tu es sûre de vouloir continuer. On en a déjà fait tellement.

Elle réfléchissait.

—      Encore une dernière ?

Elle annonçait ça comme un compromis, sans savoir qu’elle aussi voulait arrêter.

—      Une dernière.

Les routes étroites les menèrent jusqu’à une petite maison seule sur la gauche. Derrière une butte se trouvait l’étang. Devant, une grande forêt. Elle gara la voiture sur le bas-côté et sortirent pour atteindre le portail fermé par une chaine. Une pancarte avertissait : « Propriété privée ».

Leur méthode consistait à se faire passer pour deux envoyés en rénovation énergétique. Cela leur permettait de faire le tour de la maison. Parfois visiter l’intérieur, sans attirer les soupçons. Si la maison semblait vide, elles escaladaient alors le grillage ou la barrière pour fouiller. Ici, ce n’était pas le cas. Un SUV patientait près de l’étang. Pourtant, personne en vue.

—      On fait quoi ?

—      Pas le choix.

Tel une pro du parkour, Mona sauta par-dessus la barrière. Lucie suivit plus maladroite.

—      Depuis quand tu sais faire ça ?

—      Je commence à avoir l’habitude.

Aucun bruit. Aucune trace d’une quelconque présence. Dans le doute et pour assurer ses arrières, Mona frappa à la porte. Rien. Lucie la rejoignit, un haussement d’épaule indiquait qu’elle n’avait rien trouvé.

Aucun bateau sur l’étang. Peut-être dormait-il dans un coin tranquille ? Alors qu’elle s’apprêtait à toquer une nouvelle fois, le vent agita les feuillages et la porte grinça. Une odeur d’humidité s’échappa à l’extérieur. Les deux femmes se regardèrent. Le premier pas de Mona à l’intérieur répondit à leur interrogation. Il n’y avait qu’une seule pièce. Une sorte de grande cuisine poussiéreuse et décrépie. Une vulgaire cuisinière à gaz de camping trônait sur un meuble bancal, dont le bois rongé par les mites était soutenu par des cales dépareillées.

Elles firent vite le tour de la pièce sans rien trouver de suspect. L’instinct de Mona s’éveilla de même que son médaillon. Sous une étagère se trouvait une trappe. Par chance, le bois rongé était suffisamment léger pour coulisser sans trop d’effort. Un escalier, vieux et fatigué, descendait dans l’obscurité. Dans n’importe quel film d’horreur, descendre serait la pire idée. Cependant, ce n’était pas un film, mais la réalité et la vie d’une enfant était en jeu. Mona se risqua à appeler, mais seul l’écho lui répondit.

—      Je descends et tu montes la garde ? proposa-t-elle à Lucie.

—      On ne devrait pas appeler la police ?

—      Et leur dire quoi ? On a trouvé une cave ? Si je fais un coup comme ça, c’est certain que Laurent m’embarque.

—      Fais attention.

Son portable comme torche, elle descendit en assurant chacun de ses pas. Dire qu’elle n’était pas sereine serait un euphémisme. Ses jambes étaient aussi branlantes que l’escalier. En bas, le sol en terre battue dégageait une odeur d’humidité, mais autre chose puait quelque part. Une odeur de merde qui venait d’un coin de la pièce. Le nez dans son pull, Mona s’approcha de ce qui s’avéra être un seau de merde.

—      Oh putain !

—      Mona ? Ça va ?

—      Oui Lucie ce n’est rien.

Pourquoi un seau de merde ? Quel fou vivait dans ce dépotoir ? En reculant, ses pieds frappèrent du métal. Ce qu’elle éclaira, la fit frissonner. Des chaines fixées sur le mur. Quatre. Au bout des menottes comme dans un cachot médiéval. C'en était assez. Elle espérait que ce soit juste un délire sexuel et alors qu’elle s’apprêtait à s’enfuir, son portable éclaira des bottes. Des bottes pleines de boue. Des bottes de petite fille.

—      Mona remonte, hurla Lucie.

Trop tard, en haut, elle entendit la porte claquer puis un grognement. Un hoqueté de surprise de Lucie qui se changea en cri quand de lourds pas battirent le parquet. Le corps de son amie dévala l’escalier, d’abord ponctué par des cris de douleur, puis en silence. Mona se jeta sur le corps de son amie. Elle ne voyait rien mais sentait très bien un liquide chaud sur ses doigts poussiéreux.

En haut de l’escalier entredécoupé dans la clarté de l’étage, un homme massif à la petite tête. Il la regarda, elle le fixa.

« Alors voilà mon ultime erreurs, l’échec final »

Entre ses doigts, le sang ne cessait de couler. Le sang de son amie qui se mêlait à la poussière. Elle s’attendait à qu’il descende pour finir le travail, qu’il supprime les seuls témoins. Mais il n’en fit rien. La porte se referma, laissant Mona seul avec les conséquences de son échec.

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