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DevotNeedler
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Chapitre 3

Elle se concentra sur son gobelet de café où comme d’habitude le serveur s’était trompé sur l’orthographe. Mona avec un « o » pas un « au ». Dans le doute, ne devrait-il pas écrire avec l’orthographe la plus simple au lieu de l’écrire de manière farfelue ? Il devait certainement le faire exprès. Une blague entre collègue. Son portable vibra. Son père. Elle hésita. À tout moment, l’appel peut se finir avant qu’elle ne réponde et dans ce cas, elle ne rappellerait pas. Mais son téléphone hurlait alors, elle décrocha.

—      Quoi ?

—      C’est ton père. Tu vas bien ?

Les vieux et la technologie. À chaque fois, il se sentait obligé de préciser qui il était sans prendre conscience que son nom s’affichait lorsqu’il appelait.

—      Ça va. Tu veux quoi ?

Elle n’avait pas la tête à discuter avec lui et souhaitait seulement que l’appel se termine.

—      De mon côté, ça va aussi. Tu as trouvé un boulot ?

Voilà la question qu’elle voulait éviter. Elle souffla pour éviter de piquer une scène dans le café.

—      J’ai d'autres problèmes en ce moment ! Non ! Je n’ai toujours pas de travail ! Mais ne t’inquiète pas pour moi, j’ai de l’argent ! Grâce à Mamie.

Un long blanc suivit.

—      En parlant de Mamie, c’est pour ça que je t’appelle. J’ai retrouvé une boite avec ton nom dessus. Je me suis dit que ça devait être des affaires qu’elle voulait te donner avant sa… enfin voilà, je te l’ai déposé à ton appartement. Je pensais pouvoir te voir. Ça fait longtemps…

Elle ne l’écoutait plus. Qu’est-ce qu’il pouvait y avoir dans cette boite ? Son père ne parlait plus.

—      Merci de m’avoir prévenu. Je dois te laisser, là, je suis au café et mon ami arrive. À plus.

Elle n’attendit pas sa réponse pour raccrocher. Elle salua David qui se joint à elle. Lors de la discussion, elle raconta sa nuit de la veille.

—      Tu ne me crois pas ?

Elle lui racontait tout et voilà que David la regardait avec son petit sourire en coin.

—      Si si je te crois. Je t’assure.

Elle et David étaient amis depuis l’enfance. Ensemble de la maternelle jusqu’au collège avec des parents très proches. À l’époque, ils passaient leur week-end ensemble dans l’insouciance de l’enfance à chasser les fées dans la forêt et à se raconter secret et histoires de fantôme la nuit tombée à la lueur de la lune, chuchotant pour que les parents ne les entendent pas. Ils avaient été très complices comme une seule âme. Puis le lycée les avait séparés. Chacun de leur côté, ils s’étaient faits de nouveau ami et les après-midis ensemble s’était fait de plus en plus rare. Quand David partit dans une autre ville pour ses études, le fossé s’était encore plus creusé. Ils ne se voyaient plus que deux fois par an et quand c’était le cas, elle avait l’impression que ce n’était plus vraiment lui qui était à ses côtés. Progressivement, il avait changé. Ils ne discutaient plus comme avant, ne riaient plus des mêmes choses. Puis il avait fini récemment par revenir dans sa ville natale et ils s’étaient alors rapprochés. Ce n’était toujours pas comme dans les souvenirs de son enfance, mais il restait son meilleur ami.

Elle croisa son regard. Il avait toujours cette étincelle. La seule chose qui n’avait jamais changé. Cet amour qu’il ressentait pour elle et qui, malheureusement, n’était pas partagé. Elle l’appréciait, elle ne l’aimait pas.

—      Non, tu ne me crois pas.

—      Si je te crois. Je n’ai aucun doute sur le fait que tu as vu ce que tu m’as décrit. Mais un démon ? Vraiment ?

—      Quoi !? C’est ce que j’ai vu. Si tu avais été là, tu ne ferais pas le malin.

David pianota sur son portable. Il semblait lire un moment puis lui montra son écran.

—      État hypnagogique. Plus précisément, paralysie du sommeil.

—      Tu crois tout ce que tu vois sur internet ?

—      Je crois en Wikipédia.

Mona soupira. Depuis ses études de science, David a cloisonné son esprit à tout ce qui ne rentrait pas dans les cases prédéterminées par de grands scientifiques à la blouse immaculée. Autrefois, elle pouvait lui parler librement, maintenant si jamais ses paroles contredisaient les écrits de ses bouquins, il prenait un malin plaisir à lui faire remarquer.

Pourtant, son ami avait aussi des bons côtés et surtout, il était le seul à toujours lui accorder son attention, là où d’autre ont détourné rapidement le regard au moindre problème.

—      Je vais pas tout lire, dit-elle après avoir scrollé la longue page. C’est quoi le traitement ?

—      Il y en a pas. Il faut se reposer et se relaxer.

—      Ah bah oui, c’est facile. J’ai un démon qui me réveille dans la nuit, normale que je sois stressée et fatiguée. Tu as vu ma tête. J’ai tellement honte.

David regarda autour de lui. Les autres consommateurs discutaient tranquillement.

—      J’ai l’impression que les autres s’en foutent de ton apparence et pour moi, tu es toujours aussi belle.

—      Ouais, mais toi, ça ne compte pas.

La phrase était sortie toute seule et elle s’en voulue immédiatement. Un blanc gênant suivit.

—      Ce n’est pas ça, conclu­­t-elle. Ce que j’ai vu était réel. Si tu avais été là.

—      Viens, j’aimerais te montrer une exposition qu’il y a en ce moment.

David se leva. Mona resta assise.

—      J’ai pas d’argent pour tes expositions ennuyantes.

—      Je t’invite.

Elle hésitait. Se faire payer des trucs lui donnait l’impression d’être assistée, de ne pas être capable de se débrouiller toute seule. Comme son père aimait lui répéter. Pour l’instant, sans travail, elle vivait sur l’argent reçu à la mort de sa grand-mère mais celui-ci n’est pas éternelle et son loyer s’occupait déjà à le faire fondre.

—      Allez ça te changera les idées. Et j’ai pas envie d’y aller seul.

Elle accepta et ils sortirent du bar.

Une affiche à l’entrée annonçait : « Le monde de l’illusion ». Elle passa la porte. Elle se sentait comme Alice passant de l’autre côté du miroir, perdu dans un monde étrange où les choses n’était pas ce qu’elles paraissaient.

Elle entendit des rires, des exclamations. Aussitôt son humeur changea, elle se sentit un peu plus heureuse. David sourit à ses côtés et l’entraina devant un damier avec des cases gris clair et gris foncé. Proche d’un coin, un cylindre noir éclairé par l’arrière ombrageait certaines cases. Suivant le conseil de l’écriteau, Mona fit glisser la case B gris clair or de l’ombre pour la placer sur la case A. Sous ses yeux, la case changea de couleur pour devenir foncé. L’instant d’avant, elle aurait parié que les deux cases étaient de différentes couleurs alors que maintenant, elle avait sous les yeux la preuve que les deux cases avaient la même couleur. Surprise, elle reproduisit le mouvement inverse. Elle redevint claire.

—      C’est à cause d’un produit chimique photosensible ou un truc du genre ?

—      Plus simple.

David s’approcha du texte explicatif et entama la lecture.

—      Il s’agit de l’échiquier d’Adelson. L’ombre a été peinte sur le damier et le cerveau modifie la couleur de la case B, car il pense que l’ombre est réel. La couleur que tu vois n’est pas la couleur brute que tu perçois, mais une déformation de ton cerveau par rapport à ce qu’il s’attend.

—      Elle est quelle couleur alors ?

—      Clair.

Elle déplaça la case dans l’ombre et tenta de la voir de sa vraie couleur sans succès. « Cette exposition était peut-être intéressante », pensa Mona. Ils passèrent devant un mur blanc avec, dans les quatre coins, des cercles avec un quartier en moins. Au centre, un carré blanc. Elle s’arrêta. Comment pouvait-elle voir un carré alors qu’il était de la même couleur que le mur ? Le panneau lui apprit qu’elle se trompait. Le carré n’existait pas, elle imaginait seulement les formes en extrapolant les contours des coins. Elle passa son chemin. Dans une autre salle où elle ne s’attarda pas, une œuvre change de visage en fonction du point de vue.

—      Un peu comme les pensées, dit-elle à David. La vérité dépend du point de vue.

David grimace.

—      En toute rigueur, la vérité est la forme complète de l’œuvre, la seule qui est compatible avec les deux points de vue. Notre perception de la vérité dépend de notre point de vue mais, pas la vérité en elle-même.

—      C’est ce que j’ai dit. Tu joues sur les mots.

Elle ne le laissa pas répondre et poursuivit la visite. Si elle le laissait parler, le musée fermerait avant qu’il ait fini de lui expliquer. De toute manière, quand il pensait avoir raison, rien ne servait de le contredire.

Elle devait maintenant choisir entre deux boues de métal, laquelle était la plus lourde. La première chose qui la frappa était l’écart de température entre les deux. La première était gelée. Après plusieurs pesées, elle choisit la plus froide et elle fut heureuse de voir que la majorité était d’accord avec elle. Pourtant l’écran lui indiqua que les deux faisait le même poids et que la température avait influencé son choix.

Vexée, elle s’éloigna pour passer ses nerfs sur un bâton fait de deux longs triangles reliés par leurs fins sommets en un angle qu’elle sentait au bout de ses doigts. Ça s’appelait l’illusion de Boudon et le panneau lui indiqua le contraire. Elle avait l’impression que le monde entier voulait, en ce jour, lui donner tort. Elle rejoint David partit dans son coin.

Enfin un stand qui lui plaisait ! Des boissons offertes. Malheureusement impossible de choisir ce qu’elle voulait, on lui tendit un verre remplit d’un liquide de couleur verte. Dommage, elle qui détestait le sirop de menthe. Elle fit un effort, peut-être que ses gouts avaient changé. Elle but une gorgée et non, elle n’aimait toujours pas. Elle tendit son verre à son ami. David huma le verre puis, regardant ailleurs, le but. Il aurait pu s’agir de tabasco qu’il l’aurait avalé de la même manière.

—      Du sirop de citron. Tu n’aimes pas ? s’exclama-t-il.

—      C’est de la menthe.

—      Non du citron.

Elle reprit le verre et gouta de nouveau. Elle trouva des arômes de citron pourtant, elle ne parierait pas que ça en était. Peut-être un mélange des deux ? Le serveur trancha la question, annonçant qu’il s’agissait de citron. L’illusion étant que la couleur d’une nourriture ou d’une boisson conditionnait le gout auquel on s’attendait. Cela impressionna David. De son côté, passé la joie de la découverte, elle avait juste l’impression d’être prise pour une conne. Elle n’aimait pas les menteurs. Mentir était la manière la plus hypocrite de vivre sa vie. Pourtant dans cette exposition, le mensonge était glorifié, la manipulation magnifiée.

Rapidement, ils finirent l’exposition par la partie sur les illusions auditives. Elle écouta divers extraits. Sa perception affectée par le mot qui était alors affiché. Puis, elle entendit des sons abstraits afin de montrer sa capacité à remplir les vides ou de s’imaginer que l’intensité augmentait.

Enfin, elle se dirigeait vers la sortie quand David l’arrêta. Il devait pisser. Elle l’attendait dans le hall. Sur les murs, des affiches sur les hallucinations. Beaucoup de textes, elle n’avait pas envie de les lire.

Un homme surgit brusquement. Brun, plutôt beau gosse malgré son aspect débraillé. Il était essoufflé, regarda dans toutes les directions comme si un fantôme pouvait surgir à n’importe quel moment.

Leurs regards se croisèrent. Elle se plongea dans ses yeux bleus, lui, semblait voir plus loin, jusqu’au plus profond de son âme.

—      Ce n’est pas encore trop tard. Je peux t’aider.

Il se tint la tête, il grimaça de douleur.

—      C’est encore trop tôt.

Il lui tend un morceau de papier. Un numéro de téléphone.

—      Tu sauras quand appeler. N’oublie jamais : ta vie t’appartient, tu es libre.

Aucun mot ne pût sortir de sa bouche avant que le mystérieux homme ne sorte, laissant entrer à sa suite un vent de renouveau.

David sortit des toilettes. Elle enfouit le papier dans sa poche et partent ensemble. Constatant son silence, David lui demanda :

—      Alors, tu as compris pourquoi je t’ai emmené ici ?

—      Oui.

Le papier. Si cette exposition lui avait appris quelque chose, c’était que la réalité n’était pas ce que nous percevons. Il existait des choses ailleurs qui échappaient à notre compréhension mais qui pouvaient être découverte, si seulement nous ouvrions nos perceptions à d’autres sens. Le numéro de téléphone était un signe. Pourquoi ? Elle l’ignorait encore. Seul l’avenir lui dira.

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