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DevotNeedler
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Chapitre 19

Il y avait un quelque chose d’hypnotisant à la ronde des gyrophares. Ses collègues s’agitaient autour de lui. Naila était là. Elle s’entretenait avec un haut gradé qu’il n’avait jamais vu.

Son arme n’était plus dans son étui et il se rappela l’avoir eu en main, il n’y a pas si longtemps. Il y avait eu un hurlement, un cri rauque et puissant comme celui d’une bête sauvage, puis un coup de feu, rapide et précis. Enfin, après un écho trop long, le silence.

Il ignorait quand il l’avait armé et enlevé la sécurité. Tout était flou dans son esprit. Il se concentra sur les gyrophares et la sensation de la couverture sur son dos. Naila se posa près de lui.

—      Je vais te ramener chez toi. Antoine, tu m’entends ? Je vais rester pour la nuit si tu veux bien. Je suis là. On est une équipe. Tu comprends ?

Il sentit sa main serrer la sienne.

—      Je ne t’abandonne pas. On est ensemble. Demain, tu verras plus clair.

***

Mona se réveilla dans un lit d’hôpital. Au premier mouvement, la douleur irradia son corps en entier.

—      Ne bouge pas trop ma chérie. C’est fini.

Elle reconnut son père.

—      Qu’est-ce que…

Les souvenirs remontaient petit à petit, comme un rêve ou plutôt un cauchemar.

—      Ils l’ont tué. Tu ne risques plus rien.

Elle revit l’officier Laurent soulever son arme, puis l’ogre et son couteau. Un bang et un corps qui s’effondre. Le visage de l’homme fut son dernier souvenir avant le noir, un visage livide.

—      Lucie !

En se relevant de nouveau, il y eut encore la douleur mais elle était prête à marcher pour son amie.

—      Elle va bien. Elle est dans une salle à côté. Elle ne s’est pas encore réveillée, mais son état est stable.

Les larmes coulèrent le long de ses joues et pour la première fois, son père prit sa main. Elle ne l’avait jamais connu aussi attentionné. Pas depuis que l’internement de sa mère.

—      Et Ambre ? Ils l’ont retrouvé ?

Son père tourna la tête pour vérifier l’écran éteint. Éviter les réponses, voilà qui lui ressemblait davantage.

—      Tu dois te reposer ma chérie. Tout va bientôt revenir à la normale. Je vais chercher le médecin.

Il l’embrassa sur le front puis sortit de la pièce. La télécommande se trouvait trop loin pour qu’elle puisse aller la chercher. L’odeur de l’hôpital et les souvenirs qu’il stimulait l’assommaient. Elle ferma les yeux juste un instant et quand elle les rouvrit, la lumière traversant la fenêtre était différente.

Les douleurs aussi. Les radiations qui lui parcouraient le corps s’étaient amenuisées. Prenant une grande respiration, elle se risqua à se dégager de son lit. Le contact de ses pieds sur le carrelage froid la fit frissonner. La sensation n’était pas agréable, mais pas suffisamment pour contrer son envie de savoir.

Elle attrapa la télécommande et la dissimula sous sa blouse comme une voleuse. Qu’est-ce qu’elle détestait cet accoutrement. Elle savait ne ressembler à rien. Heureusement que personne n’était présent pour la voir.  

Sa couverture l’engloba et elle profita de la sensation de la chaleur qui ressuscitait ses orteils. La télé s’alluma et elle mit les informations. Sur l’une des chaines, des pubs, sur l'autre, un sujet qui l’indifférait. Elle zappa entre les chaines, espérant tomber sur le sujet qui la concernait : Ambre.

Enfin : « Affaire Ambre Dubois ». Mona se crispa sur son lit. Et le couperet : « Le corps de la jeune fille retrouvée dans un étang ».

***

Naila se jeta sur la télécommande pour éteindre le poste. La couverture pendait sur le canapé et les oreillers trainaient sur le sol. Il mit un certain temps à comprendre ce qu’elle faisait ici, portant un de ses tee-shirts et son jogging. Puis les souvenirs revinrent et avec l’angoisse. Il prit sur lui et demanda :

—      Tu veux un café ?

—      Oui, merci.

Elle le rejoignit dans la cuisine.

—      Ça va ? Et sois honnête, je te connais.

—      J’ai encore du mal à réaliser. Tout ça s’est produit tellement vite. J’essaie de ne pas y penser pour l’instant.

—      Accorde-toi une journée. Respire, repose-toi. Détends-toi. Tu en auras besoin.

—      Et après ?

—      Demain, je repasse pour t’aider à te préparer pour ton entretien. Ne t’en fais pas ça va bien se passer.

Elle souriait et pourtant il sentait son inquiétude. Il ne pouvait espérer meilleure collègue. Maintenant, il s’en voulait de l’avoir fait dormir sur son canapé. Il lui servit son café et discutèrent un moment.

Lors des rondes, ils passaient la journée ensemble à surveiller et à parler. Le silence n’était jamais gênant entre eux et les conversations toujours intéressantes. Pourtant aujourd’hui, il y avait un quelque chose de différent. Chacun souhaitait parler de la veille, mais tous deux évitaient. Le sujet sera abordé, certainement, mais pas aujourd’hui. Aujourd’hui, il se devait de mettre de l’ordre dans ses pensées, de récupérer après le choc émotionnel. Seulement une question lui brulait les lèvres et hantait son esprit l’empêchant de réellement écouter son amie. Alors, il cracha :

—      Ambre ? Ils l’ont retrouvé ?

Naila grimaça.

—      C’est sans doute préférable que tu l’apprennes par moi. Ils ont retrouvé son corps dans l’étang. Je suis désolée.

De nouveau le choc. Bien sûr, il se doutait qu’elle était morte. Une disparition de cette nature sur un temps aussi long, il ne pouvait y avoir qu’un cadavre au bout. Mais il espérait se tromper et il avait mis tout son cœur à se donner tort.

—      La famille Dubois. Je dois leur annoncer.

Il se jeta sur son manteau. La main de Naila interrompit son geste.

—      Tu penses faire quoi là ?

—      Je leur avais promis de la ramener…

—      Ils sont déjà au courant du décès de leur fille et je pense aussi qu’ils t’ont excusé auprès des parents. Vu la raison qui t’a empêché de venir les voir, je ne crois pas qu’ils t’en voudront. Et de toute manière, tu n’es pas en service alors ne vas pas les voir. On ira ensemble quand tout ça sera fini. 

Ils échangèrent encore un moment puis Naila se décida à partir. Dès que la porte se ferma, le silence et la solitude se densifièrent autour de lui. D’un côté sa culpabilité de la mort d’Ambre, de l’autre celle d’avoir tué un homme.

Le tic-tac de son horloge résonnait et s'amplifiait. Puis, des voix, partout, « Tu nous as tués ! »

***

« Je suis désolée. Je sais que ces mots ne veulent rien dire. Ce ne sont que des mots, des sons qui se dissipent aussitôt prononcé. Les mots ont besoin d’un esprit pour les entendre et les interpréter. Oh mon Dieu ! Je ne suis même pas certaine que tu m’entendes.

Lucie… Je suis tellement désolée. Tout ceci est ma faute. C’est moi qui devrais me trouver dans ce lit dans le coma. Pas toi. Toi, tu devrais créer tes bijoux et autres créations de pierre chez toi avec tes amies. Elles sont passées tout à l’heure. Principalement pour te voir. J’ai ressenti une distance entre elles et moi. J’ai l’impression qu’elles m’en veulent et je les comprends. Je t’ai embarqué dans cette histoire loufoque et tu en as payé le prix. De plus, Ambre est morte. J’ai tellement l’impression que tout ceci n’a servi à rien. Que si je m’étais abstenue, tu pourrais au moins continuer ta vie sans problème. Je n’aperçois plus son esprit. Je suis seule avec moi-même et j’ai peur.

Lucie, je t’en supplie, réveille-toi. »

***

Antoine Laurent errait dans la rue, essoufflé. Comment était-il arrivé là ? Il se souvenait d’avoir saccagé son frigo à la recherche d’alcool, sans rien trouver. Qu’est-ce qui l’avait incité à vouloir boire ? L’alcool n’avait jamais été son truc. Il buvait au restaurant, lors de fêtes, et quelques fois lors des apéros, mais toujours avec raison. Il consommait de l'alcool de qualité avec modération sans rechercher l’ivresse. Au contraire, la perte de contrôle le terrorisait. Il connaissait très bien les ravages que produisait cette boisson pour en avoir trop souvent ramasser les débris.

L’alcool n’était pas seulement un poison qui détruisait le consommateur petit à petit mais un danger pour tout l’entourage lorsque l’ivresse prenait le dessus. En creusant son trou pour se souler, il risquait d’entrainer avec lui ses amis qui tentaient de l’en extraire.

Une dette trop grosse, des gros bras, deux personnes méconnaissables dans une ruelle.

 En se désinhibant, il priorisait son bien-être aux dégâts qu’il pourrait causer autour de lui, tant verbalement, que physiquement.

Des bouts de verre sur le visage. Des dents sanglantes sur le sol du bar. Un couple brisé.

En conduisant, il pouvait faucher la vie d’une famille.

Le bord d’une route. Une voiture fumante. Un corps à la lueur des phares.

La clochette de l’épicerie sonna. Il se précipita au rayon alcool pour échapper au souvenir que réveillait ce bruit. Il prit la première bouteille qu’il trouva et alla payer. Le son de la caisse…

Un braquage qui a mal tourné. Une flaque de sang derrière le comptoir. Des billets éparpillés.

Partout, trainaient des souvenirs. Des drames dissimulés derrière chaque objet anodin. Des lieux pervertis par la sauvagerie humaine. L’alcool brouillait sa vision, réduisait ses sens, mais l’enfermait aussi dans son esprit. Et à l’intérieur de sa tête, les démons étaient pires qu’à l’extérieur. Les battements de son cœur comme des coups de feu. Bam bam bam.

A côté de lui, sa victime ou le coupable. Le kidnappeur comme une statue, assis immobile à le fixer en souriant. Antoine bût pour espérer noyer cette vision. Le monde voguait dans une mer agitée et des relents les perturbaient les entrailles, mais l’homme le fixait toujours. Lui était nette. Lui était belle et bien là alors que tout le reste lui échappait. Son démon.

S’il se trouvait dans son esprit, alors, il pouvait peut-être le noyer s’il submergeait son cerveau. Alors il but au goulot, en marchant. La présence était toujours là. Dans son ombre.

Une voiture pila et Antoine lui fit un doigt d’honneur ou plutôt essaya. Puis, il entendit une sirène et vit des gyrophares.

Assis dans une ambulance. Une couverture sur lui. Il se demande où se trouve son arme.

—      Antoine ! Qu’est-ce que tu fais là ? cria Naila.

***

Il y avait un côté rassurant à enfiler ses propres vêtements. Soudain la vie retrouva un peu de sa normalité. Les douleurs étaient toujours présentes, mais les médecins semblaient confiant sur son état. Elle pouvait rentrer chez elle. Son père tenait dans sa main le sac de ses affaires lors du drame, des vêtements qu’elle ne pourrait sans doute plus porter, car les taches ne se limitaient pas seulement à la boue et le sang mais ils étaient imprégnés par ces souvenirs. Et peu importe la lessive, ça ne partirait jamais à la machine. Elle demanda malgré tout à fouiller pour récupérer le pendentif.

L’avoir de nouveau autour du cou, lui procura une sensation de bien-être. Elle avait oublié la chaleur que la pierre dégageait sur sa poitrine et la force qu’elle lui conférait. Son père fixait le collier.

—      Il vient de ta grand-mère ?

Elle acquiesça.

—      Autrefois, elle le portait souvent. Puis, après la maladie de ta mère, elle a cessé de le mettre. J’ai cru qu’elle l’avait jeté.

L’idée de tout lui raconter lui traversa l’esprit. L’ouverture de la boite et l’apparition de l’esprit, mais elle se ravisa. Son père ne la croirait pas. Même si jamais il n’avait été aussi gentil et au petit soin avec elle, elle le connaissait suffisamment pour savoir qu’une fois son histoire racontée, il s’empresserait de chercher les docteurs pour des examens plus minutieux. Alors elle se contenta de lui dire :

—      C’était dans la boite. Elle voulait que je l’aie.

—      Il te va bien.

Après une autre visite du médecin qui se renseigna pour être certain qu’elle pouvait sortir et qui l’encouragea à l’appeler en cas de problème, elle quitta enfin sa chambre.

—      Je vais dire au revoir à Lucie.

—      Attends !

Mais elle n’entendit et n’attendit pas. Elle frappa trois coups à la porte et entendant un « oui ? », entra. Elle trouva la famille de son amie, assis autour d’une Lucie, réveillée.

—      Lucie !

Les yeux paniqués de son amie se tournèrent auprès de ses proches et avant qu’aucun ne puisse parler, ni faire quoi que ce soit, elle sentit le bras de son père la tirer en arrière puis fermer la porte avec un « Désolé » plein de sens.

—      Avant que tu dises quoi que ce soit, Mona s’est réveillée hier soir. Je ne t’en ai pas parlé car ses parents m’ont demandé de ne pas le faire.

—      Pourquoi ?

—      Pour l’instant Lucie ne souhaite plus te revoir.

« Comme si je ‘n’avais pas assez souffert » pensa-t-elle.

—      Laisse-lui le temps. Elle sort d’un gros choc alors il lui faut du temps pour digérer tout ça.

Amorphe, elle se laissa guider jusqu’à la voiture.

***

Son crâne donnait l’impression d’être passé dans un étau durant un séisme. En sortant de sa chambre, il trouva Naila sur le canapé et une désagréable impression de déjà-vu accentua ses nausées.

—      Ça va ? Bien dormi ?

—      Je… Qu’est-ce que tu fais là ?

—      C’était quoi hier ? Estime-toi heureux que ce soit moi qui t’ai ramassé et que je me trouvais avec David en qui on peut avoir confiance, sinon une histoire ainsi qui s’ébruite ça peut rendre ton entretien de demain difficile.

Les souvenirs lui revinrent.

—      Je suis désolé. C’est que…

Non, il ne pouvait se résoudre à lui dire. Naila était une policière avant tout et une très bonne. Passer l’éponge sur un état d’ivresse sur la voie public ne lui posait aucun problème mais si jamais il venait à lui raconter ses visions alors, elle n’aurait pas d’autres choix que d’en informer ses supérieurs.

—      J’ai merdé, avoua-t-il.

Elle se leva et le prit dans ses bras.

—      Je comprends que ce soit difficile. Tu as fait une erreur et ce n’est pas grave. On fera en sorte que ça ne recommence pas.

Ensemble, ils préparèrent l’entretien du lendemain. Auprès de son amie, les visions s’atténuèrent et malgré sa vie brisée par un coup de feu malheureux, il percevait un début de lumière dans un tunnel qui s’annonçait long et laborieux.

Sa fille vint lui rendre visite. Lui qui craignait leur prochaine rencontre après l’avoir laissé en plan, fut surpris de l’accueil. Sa fille le prit dans ses bras et le pardon ne vint jamais, car inutile. Elle le comprenait et l’admirait. Surtout le soutenait. Quand Naila partit, elle resta. Et les démons effrayés par la compagnie s’éloignèrent dans les tréfonds de son esprit, sortant de ses souvenirs, la laissant profiter de son plus grand amour.

La béatitude resta un moment avec lui partageant une pizza et un moment de calme solitaire après le départ de sa fille. Il se prépara pour une dernière fois au lendemain qui sera éprouvant puis alla se coucher. Mais seul dans le noir, dans ce lit trop grand pour lui. Dans cette chambre obscure où le vide de la pénombre diffusait les images de ses drames, les démons revinrent de sous le lit. La couette et l’oreiller sur sa tête n’était que peu de choses face à la tempête dans sa tête. Et sous ses yeux de plus en plus lourds, il observa la nuit durant la fuite de la Lune au travers du ciel aux côtés de ses cauchemars. 

***

David parlait, mais elle ne l’écoutait pas. Pourquoi faire ? Ses paroles étaient vides de sens. Il était venu pour lui remonter le moral, pour lui démontrer qu’elle n’était pas seule dans cette épreuve, cependant aussi éloigné de la vérité qu’il l’était, son absence aurait été pareille. Les seules amies qui l’auraient comprise ne lui parlaient plus. De nouveau, elle était seule. Son père avait retrouvé l’indifférence qui le caractérisait. 

David rentra chez lui, non sans lui laisser le numéro de plusieurs experts à qui parler. Une fâcheuse habitude. À la vue de ce bout de papier et de ses nombres écrit dessus, son pendentif chauffa. Mona comprit.

Elle retourna chez elle au plus vite. Fouilla tiroirs et vêtements sales. On ne lui avait pas rendu son portable et si son père lui en avait acheté un autre, il ne possédait pas ce qu’elle désirait.

Elle était prête maintenant à stopper la menace qui pesait sur le monde. Lutter comme sa grand-mère le voulait. Le bout de papier trônait sur son bureau alors, elle composa le numéro et dit :

—      Ian ? C’est Mona. Je suis prête.

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