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Chapitre 11 - Kieran

Inspiration.
Expiration.
Inspiration.
Expiration.

Je grimpe dans la voiture après avoir échangé avec Aldo. L'agent s'est excusé du comportement de son acteur, mais ça ne m'empêche pas de me poser des questions et d'être particulièrement agacé. Bree bat le chaud et le froid et je sens que la tension grimpe petit à petit. Franchement, des sushi ? Sur un salon ? Il pouvait pas demander ça pour le repas du soir ou même demain ? C'est pas comme si on allait passer encore trois jours à visiter Londres après l'événement donc, il aurait pu les manger à un autre moment ses foutus sushi.

Ian se marre gentiment en voyant mon air renfrogné et se met en route. Aldo m'a donné la commande habituelle de Bree : assortiment de sashimi, soupe miso et edamame. Et attention, il va falloir trouver un bon restaurant pour que le poisson soit bien frais. L'ongle de mon pouce entre les dents, je pianote sur mon téléphone pour trouver la bonne adresse.

— Je vais où ?
— Vers le centre-ville, tu connais pas le meilleur restaurant japonais de Londres par hasard ?
— J'en connais un pas mauvais, un peu cher, mais le poisson est une tuerie.
— Il est loin ?
— Vingt-cinq minutes ?
— Allez, go.

Je lance mon téléphone sur le tableau de bord dans un soupir, mi-agacé, mi-stressé. Ian conduit de manière très fluide et ça pourrait presque m'endormir. La nuit a été courte pour moi, et les simagrées de Bree Tucker n'arrangent rien à ma fatigue. C'est la voix basse de Ian qui me sort de mon endormissement.

— Il a l'air spécial, cet acteur.
— Bree ?
— Je le connais pas, mais il a l'air de faire la diva.

Un rire jaune lui répondit, me passant une main sur le visage. Diva est un petit mot à côté des qualificatifs qui me viennent en tête quand je pense à lui depuis ce matin.

— Je sais pas ce qui lui arrive, il s'était un peu calmé, mais là... Il est redevenu insupportable.
— La célébrité leur monte à la tête.
— Il t'a rien dit quand je suis reparti chercher mon ordi ?
— Non, me lance-t-il avec une œillade surprise. Après, je suis juste chauffeur. En général, ils m'ignorent.
— J'ai du mal à comprendre pourquoi son comportement s'est envenimé comme ça. Je suis désolée que tu te tapes des allers-retours parce qu'il a envie de nous faire payer quelque chose.
— T'en fais pas pour moi va, c'est le lot du boulot, on va réussir à le gérer ensemble.

C'est vrai que Ian est plutôt un bon camarade. J'ai eu mon lot de chauffeur à gérer en tant que chargé de projet événementiel et malgré qu'il soit un nouvel élément dans notre équipe, il assure. Il est toujours de bonne humeur, au taquet et efficace. Sa conduite est irréprochable et je suis rassuré de pouvoir me reposer sur lui pour gérer cette partie-là. Parce que c'est pas sur l'autre tâche que je pourrais m'appuyer.

Franchement. On était en avance sur le planning, il avait fini un peu avant l'heure, il avait le temps de se poser pour manger tranquillement, sans être pris dans le rush des séances. J'avais fait faire les modifications sur le menu pour qu'il puisse manger et puis même en allant au pub, on aurait été à l'heure. Mais là, vingt-cinq minutes aller, la commande, et vingt-cinq minutes retour, ça allait mettre une heure dans la vue du planning. Graham allait me tuer si on était obligé de rembourser des visiteurs à la fin de la journée. J'essayai de penser à un moyen de perdre le moins de temps possible en profitant du trajet pour appeler le restaurant et passer la commande. Et Ian, sentant probablement mon angoisse envahir l'habitacle, roula un tout petit peu au-dessus des limites de vitesses, si bien qu'on aura gagné dix minutes.

Alors, quarante-cinq minutes après mon départ, me voilà de retour sur le salon avec la commande de Monsieur. Après m'être renseigné pour savoir où il pouvait bien être, je l'ai rejoint dans la green room où il s'était isolé avec des écouteurs dans les oreilles. Il avait les yeux fermés et avait presque l'air paisible. J'ai pris un instant pour le scruter, parce que malgré son foutu caractère, à cet instant précis, il avait encore l'air abattu. Et je ne comprends pas pourquoi. Ses sourcils étaient toujours froncés, sa mâchoire serrée et ses épaules tendues. Je posais une main sur son épaule pour lui signifier ma présence et il ouvrit les yeux. Un soupir quitta ses lèvres alors qu'il retirait un écouteur.

— Quoi ?
— J'ai votre commande pour le déjeuner.
— Je n'ai plus faim.

Un silence suspendu envahit la pièce.

— Pardon ? soufflai-je, estomaqué.
— Ça fait une heure que j'ai demandé à ce que tu m'apportes à manger, l'heure, c'est l'heure. Je n'ai plus faim. T'as qu'à les donner à quelqu'un d'autre.

Je serai mon poing sur le sac en prenant la direction de la sortie, retenant la centaine d'insultes qui se bousculaient à mes lèvres. Je percutai Aldo en passant, m'excusant dans ma barbe d'un air acerbe. Il haussa un sourcil, les mains sur mes épaules après m'avoir évité de tomber.

— Que se passe-t-il ?
— Monsieur Tucker n'a plus faim. Si vous voulez des sashimi, je vous en prie, servez-vous. Je vous le laisse, j'ai besoin d'une pause.

Je lui collais le sac contre son torse avant de m'éclipser vers notre quartier général. J'entendis mon prénom clairement derrière moi, mais je ne me retournai pas, j'en avais déjà ma claque.

Je claquai la porte du QG derrière moi, isolant ainsi la pièce du brouhaha incessant qui résonnait dans le hall des expositions. Je m'adossai à l'entrée, respirant longuement pour tenter de calmer mon cœur. Je sais que ce métier est éreintant, qu'il met les nerfs à rude épreuve et que mon anxiété serait plus à l'aise avec un boulot administratif. Mais j'aime ce que je fais, la plupart du temps. Sage sort du petit bureau dans lequel nous rangeons les différentes dotations, un carton dans les mains. Elle me fixa un instant et je crut que son sourcil allait s'envoler, tant elle l'avait haussé.

— Qu'est-ce que tu fais là ?
— J'avais besoin d'une minute.
— Qu'est-ce qu'il a encore fait ?

Je détestais qu'elle aie compris si vite, mais je ne pouvais pas lui en vouloir. Sage et moi ne sommes pas amis à proprement parler, nous sommes collègues. Des collègues qui passent huit heures par jour, parfois plus, face à face dans un box à travailler sur des dossiers similaires et à s'entraider. On a fini par tisser un drôle de lien. Je pense que dans le fond, on s'apprécie. Et malgré son cynisme et son ironie constante, je sais qu'elle lit assez bien les gens. Et je suis plutôt du genre livre ouvert.

— Il m'a fait tourner en bourrique toute la matinée.
— Sérieux ? Franchement Kieran, t'as bien dû faire un truc pour l'énerver comme ça. Hier, il t'invite à dîner et en vingt minutes, tu deviens l'ennemi numéro un et il te chie à la face ?
— J'ai rien fait putain, je suis juste revenu ici chercher ce foutu ordinateur.
— Bon bah alors c'est juste un connard qui s'amuse à tes dépens. Fais comme si ça ne t'atteignait pas et tout ira bien.
— Comment n'y ai-je pas pensé avant, merci Sage, ironisai-je les dents serrées.
— Oh, va te faire foutre hein, j'essaie de t'aider.
— J'ai pas besoin d'aide, j'ai besoin de calme.
— Très bien, démerde-toi.

Elle retourna dans le bureau qu'elle venait de quitter et j'en déduisis qu'elle répartissait les dotations qu'on devait distribuer. Nos partenaires donnaient beaucoup de lots à offrir aux visiteurs en échange d'un petit peu de visibilité, et ça nous donnait du matériel pour animer les scènes. J'avançais dans le QG pour aller attraper une canette de coca zéro et m'assis en tailleur au sol, mon téléphone posé devant moi. Il avait cessé de vibrer lorsque j'avais passé les portes du QG, j'en déduisis qu'Aldo avait arrêté d'essayer de me joindre. J'espérais, tout au fond de moi, qu'il ait flippé que j'aille dire à Graham que Bree avait été trop loin. Qu'il lui passe le savon de sa vie pour avoir foutu le bordel aujourd'hui. Mais j'en doutais, les agents se montraient rarement très compréhensifs avec les organisateurs, nous étions là pour subvenir aux besoins de leur star, pas pour nous plaindre.

J'ai pris le temps de boire ma canette, de respirer et de me calmer. J'ai compté mes respirations dans ma tête. Inspirer. 1, 2, 3, 4. Expirer. 5, 6, 7, 8, 9, 10. Et recommencer. Je suis resté ainsi une dizaine de minutes avant que mon téléphone ne sonne à nouveau. J'ai décroché, écoutant la voix du manager de Bree s'excuser tout en me promettant que Bree allait se calmer. Je le remercie et lui indique que je serai là dans dix minutes avant de raccrocher et de me lever. Je passe une tête dans le bureau, un sourire péteux aux lèvres, et je m'excuse à mon tour auprès de Sage. Elle secoue la main en l'air pour me dire de dégager et je sais que c'est sa manière de me dire que tout va bien.

Le reste de l'après-midi eut un goût amer. Je ne sais pas trop comment expliquer cette sensation. Quand vous savez qu'un orage va éclater, vous le sentez. La chaleur est moite, la sueur vous colle à la peau, la tension est présente dans l'air et les nuages sont menaçants. À tout moment, le tonnerre peut gronder et faire trembler la terre. C'est exactement la situation dans laquelle nous nous trouvons. Parce que j'ai son comportement en travers de la gorge et qu'il fait toujours la gueule. Il a dû se faire remonter les bretelles parce que depuis mon retour, dès que son regard se pose sur moi, il s'assombrit. L'un de ses yeux crie à la colère et l'autre à l'amertume. Mais il ne demande plus rien, et je ne vais pas me plier en quatre pour aller chercher son Refresha à ce cher Monsieur s'il ne le demande pas. Et il ne le demande pas.

Le planning est strictement identique à celui de la veille, dédicaces, photoshoots, conférences, meet & greet, tout y passe. Sauf le moment de confiance qu'on a partagé hier. Tant pis, j'ai cru un instant qu'il se donnait un mauvais rôle pour être tranquille, mais j'ai l'impression que c'est ancré en lui. Ian nous attend à la voiture et nous y arrivons à 19h30. Je n'ai aucune envie de m'infliger un trajet silencieux et désagréable alors je monte à l'avant, au moins Ian ne ressemble pas à une porte de prison. Pourtant, je l'entends m'interpeller. Il n'utilise pas mon prénom alors je l'ignore, j'en ai ma claque qu'il s'adresse à moi comme un moins-que-rien. Ian me coule un regard interrogateur jusqu'à ce que mon prénom claque dans l'air, agacé. Je me retourne pour trouver un Aubrey furieux sur le siège arrière.

— Un souci, Monsieur Tucker ?
— Quand j'te parle, tu pourrais réagir.
— Je n'avais pas compris que c'était à moi que vous vous adressiez, veuillez m'excuser. Que puis-je faire pour vous ?
— Je sors, ce soir.

Eh merde.

— Vous sortez ? Où donc ?
— À vous de me le dire. Je veux un endroit discret mais populaire pour aller boire et danser.
— Je ne pense pas que ce soit une bonne idée.
— On ne te paie pas pour penser, je crois. Mais pour me suivre. Je pars d'ici à 21h, si tu n'es pas là, je pars sans toi, et l'incident sera rapporté à ton patron.
— Très bien.

Moi qui ne rêvais que d'une bonne douche et de mon lit, ça va être compliqué. Je soupire discrètement et Ian me demande si tout va bien. Je hoche la tête en lui indiquant qu'il peut rentrer chez lui après, il faut juste qu'il laisse le van à l'hôtel pour que je puisse nous conduire où cet acteur l'aura décidé. 

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