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Chapitre 22 - Aubrey

Une journée. Pendant une journée, je veux être juste Bree. Pas Aubrey, pas Tucker, pas l'artiste, l'acteur, la célébrité. Juste Bree. Et je pense qu'au fond de moi, je savais que la seule personne capable de m'offrir cet élan de liberté était Kieran.

C'est fou à quel point les choses peuvent changer en si peu de temps. Il y a à peine quarante-huit heures, je lui en voulais du plus profond de mon âme et je n'avais même pas envie de voir sa tête. Et aujourd'hui, il est la seule personne avec qui je voudrai passer ce temps. Aldo m'agace, et je pense que c'est parce que ces histoires d'auditions m'ont mis dans une mauvaise disposition envers lui. Néanmoins, je vais le subir pendant les onze heures et trente minutes qui nous séparent de Los Angeles.

Je suis un garçon de la campagne, on a grandi en banlieue de Phoenix avec mon frère et ma sœur ainsi que mes parents, mais j'ai besoin de ce retour aux sources parfois. Je ne vais pas les voir aussi souvent que je le souhaiterai, je me cache derrière le manque de temps pour aller les voir mais, c'est aussi parce que je ne m'y sens pas vraiment le bienvenu. Alors prendre ce temps parfois en dehors de la vie active que je mène, ça me fait un bien fou.

Je m'avance vers le belvédère pour découvrir la vue qu'il dissimule pendant que Kieran avance un peu. Il m'a dit qu'il y avait un coin plus loin où on pourrait poser des couvertures au sol pour s'installer confortablement et manger un morceau. Je le laisse faire, par habitude. J'aurais pu aller l'aider – j'aurais dû aller l'aider – mais je suis obnubilé par le paysage. Le ciel est d'un bleu très clair, un bleu glacial confirmé par la buée qui quitte mes lèvres dès que j'expire. Aucun nuage n'assombrit le spectacle et je peux profiter de la vue de la ville en contrebas. Ce n'est pas la plus belle vue du monde, je mentirais à tout le monde si je disais ça. Mais elle a son charme, et on sent que la vie est plus douce ici qu'à Londres.

Je fini par rejoindre Kieran un peu plus loin. Quand j'arrive, les couvertures sont déjà installées au sol, il a même pensé à prendre des petits coussins. Je suppose que l'hôtel n'y est pas étranger et qu'il devra passer rendre tout ça avant de rentrer chez lui ce soir.

— Alors, et maintenant on fait quoi ?
— On profite. J'ai pris ton bouquin, qui traînait et j'ai ma liseuse, on peut lire tranquillement en profitant de la chaleur des plaids. On peut aussi discuter, il y a des jeux pour enfants par là-bas si on s'ennuie à un moment. Et si on meurt de froid, on n'aura qu'à retourner en ville, on trouvera bien un Nero1 ou un Starbucks pour se réchauffer.
— Je ne pouvais pas espérer mieux. T'as vraiment un don.
— Pour organiser des journées à ne rien faire ?
— Pour cerner les gens et leur donner ce qu'ils veulent.
— Ah, ça. Je ne sais pas si c'est un don, je pense plutôt qu'on est de l'ordre de la malédiction.
— Pourquoi tu penses ça ?

Il soupire lourdement avant de glisser ses jambes sous un plaid.

— Parce que ça ne m'a pas toujours bien servi par le passé. Lorsqu'on donne aux gens exactement ce qu'ils veulent, ils se retrouvent souvent à avoir des attentes exagérées sur ce qu'on est capable de faire.
— On t'a beaucoup mit la pression ?
— Même maintenant. Je ne sais pas vraiment dire non, d'autant plus si je comprends que ça dépanne la personne ou que ça lui fait plaisir. Alors, au travail notamment, le contenu de mon métier est un bordel sans nom parce que j'accepte tout. Dans tous les sens. Et comme les gens ont compris que j'étais rapide à la détente, ils m'en rajoutent.
— Et dans ta vie perso ?
— Eh bien, quand je commence à sortir avec quelqu'un, je donne beaucoup de moi. Je fais beaucoup de choses pour leur faire plaisir. Et du coup je fini inlassablement par les décevoir lorsque je reviens à un rythme plus logique. C'est pareil en amitié, on se repose énormément sur moi alors qu'on pourrait se débrouiller pour la plupart des choses.
— Mais tu ne dis jamais stop ?
— Il faudrait que je le fasse. J'essaie de plus en plus, surtout au travail. Mais, c'est difficile quand tu aimes ou apprécies quelqu'un, de lui dire non.
— C'est pas sain tu sais.
— Je sais, j'y travaille. Mais un pas après l'autre, n'est-ce pas ?
— C'est pour ça que tu t'es éloigné de moi ?
— Pardon ?
— Peut-être que tu avais peur de ce que je pourrais te faire faire ?

Il semble y réfléchir longuement avant de se passer une main dans les cheveux, dévoilant quelques instants son front en plaquant ses cheveux en arrière.

— Peut-être... Je n'y avais jamais réfléchi sous cet angle, je dois bien l'avouer. Mais il y a tellement de choses que l'on fait sans en avoir conscience que ça pourrait être un élément qui m'y aura pousser.
— Et ça se comprend.
— Enfin bref, on ne va pas faire ma psychothérapie.

J'hoche la tête doucement alors qu'il s'allonge en position fœtale, face à moi, sa liseuse à la main. Je suis admiratif des personnes qui lisent sur ce genre d'appareil. Il a une espère de poignée à l'arrière pour qu'elle ne lui glisse pas des mains, et je prends le temps d'observer ses yeux se remettre sur sa lecture. J'attrape mon exemplaire de Robsinson Crusoë et m'allonge face à lui pour essayer de me plonger dans mon propre ouvrage. En règle générale, je ne suis pas le genre d'homme qui lit énormément. Je suis vite dissipé et j'ai besoin de faire quelque chose de mes jambes, de mes mains, de mon corps. Et ce jour-là n'échappe pas à la règle, au bout d'une bonne heure de lecture, je me retrouve bloqué sur la même phrase. Je n'avance plus et je fini par soupirer un peu. Je me redresse, observant les alentours, avant de me lever complètement pour m'étirer.

— Un souci ?
— Non, je vais aller voir les jeux pour enfants ! Un peu de balançoire, ça ne peut pas me faire de mal.

Il hoche la tête, Kieran n'a pas décrocher le regard de sa liseuse une seule fois depuis que je me suis mis en mouvement. Ca m'arrache un sourire, je trouve ça mignon qu'il soit à ce point pris par l'histoire de son livre qu'il ne se rende pas compte de ce qu'il se passe autour de lui.

Je me mets en direction de la balançoire et fini par m'y installer. C'est le genre d'endroit qui ramène immédiatement des dizaines et des dizaines de souvenir de l'enfance. Comment on tournait sur nous même si fort qu'on s'en rendait malade lorsque la balançoire reprenait sa position initiale, la sensation de chute libre lorsqu'on se balançait si haut qu'on pensait pouvoir atteindre les étoiles. Alors doucement, je me mets à bouger les jambes. Je me laisse aller, pliant les jambes pour ramener l'élan en arrière, les dépliants de toutes mes forces pour aller encore plus haut. Je retrouve assez rapidement cette atmosphère de liberté, l'impression de savoir voler et de pouvoir se balader dans les nuages. Je sursaute presque lorsque la voix de Kieran parvient à mes oreilles.

— Tu es retombé en enfance ?
— Absolument. J'ai toujours adoré la balançoire.
— Moi elle me faisait un peu peur mais j'aimais y aller.
— Tu avais peur de tomber ?
— Entre autre oui. Que la corde lâche sous mon poids, que la structure ne soit pas bien dans le sol et que je l'entraîne avec moi, ce genre de choses.
— Tu sais qu'elles sont prévues pour supporter un certain poids quand même ?
— Ouais, mais je n'étais pas sûr que ce soit vrai. Et puis, les gens le disaient aussi alors ça me confortait là-dedans.
— Les gens ?
— Bah quand tu es gros, tout le monde y trouve son mot à dire. Et le fait de pas supporter mon poids, j'ai du l'entendre dans la bouche de quelqu'un.
— Les gens feraient mieux de se taire quand ils n'ont rien à dire.

Il hausse les épaules d'un air las, comme si c'était quelque chose qui ne l'atteignait pas. Qui ne l'atteignait plus. Pourtant je n'ai aucun doute sur le fait que ce soit le genre de réflexion qu'il garde en lui, qu'il assimile et qui fait de lui la personne pleine de doutes qu'il est la plupart du temps.

— Tu veux essayer ?

Je me lève pour lui laisser la place, tenant l'une des chaînes par la main pour stabiliser l'assise. Je le vois hésiter, observer la balançoire et moi. Une bataille interne résonne au fond de ses yeux. Il a envie d'essayer, de voir ce que ça fait. Mais l'idée que le jeu pour enfant cède sous son poids l'effraie. Alors je lui tends la main pour l'encourager. Je ne veux pas le forcer, s'il refuse je ne l'embêterais pas, mais ça me tue qu'il n'ait jamais pu jouer comme il le souhaitait parce que des imbéciles étaient persuadés qu'il n'avait pas le bon poids.

Il fini par saisir ma main d'un geste hésitant et je l'aide à enjambé une zone boueuse avant qu'il ne s'asseye sur le morceau de plastique. Je vois aux jointures de ses mains qu'il ne se laisse pas vraiment aller et, je fini par sourire doucement.

— Fais moi confiance, ça tiendra. Je te pousse ?
— Allez, amuse-toi donc à mes dépends.
— Jamais.

Je me place derrière lui, pose mes mains sur son dos, prends le temps de quelques secondes pour apprécier la chaleur qui irradie de sa personne avant de le pousser doucement. Il se redresse et je hausse un sourcil.

— Kieran, laisse toi reposer sur cette chaise et lâche le sol avec tes pieds.
— T'es drôle toi, c'est pas facile.
— Mais si. Allez.

Il se réinstalle et je pose mes mains sur ses épaules pour l'ancrer dans la balançoire. Elle résiste parfaitement à la présence de Kieran et je fini par descendre dans un geste que je veux rassurant mes mains sur ses omoplates. Je le pousse doucement et cette fois il s'envole légèrement dans les airs, le vent faisant voler les quelques mèches brunes qui encadrent son visage. Lorsqu'il redescend vers moi, je réitère mon geste et envoie plus de pression pour qu'il aille plus haut.

— C'est top ! Maintenant, envoie tes jambes vers l'avant quand tu montes, et vers l'arrière quand tu redescends.
— Comme ça ? Me demanda-t-il en s'exécutant.
— Parfait.

Il prend de la vitesse, et je donne une dernière impulsion derrière lui avant de me décaler. Il réussi tout seul à monter encore plus haut et j'applaudi d'en bas, un sourire aux lèvres. Lui aussi goûte à la liberté, et c'est écrit en gros sur son visage. Il ferme même parfois les yeux, lâche prise et ressent tout beaucoup plus fort. Il y a quelque chose à cet instant précis qui me serre le cœur, qui me donnerait presque des frissons, mais ça n'est pas le vent frais sur notre peau. Non, c'est la vision de Kieran. Il rayonne et c'est tellement beau.

Je ne suis pas dupe, je sais ce que mon esprit est en train de tramer. Je n'ai pas envie de le voir mais c'est bien là, tout au fond. C'est présent et ça réchauffer doucement mon estomac, ça s'étend dans mon corps et j'ai envie de l'enlacer pour lui montrer qu'il n'est pas seul. Ou pour me montrer que je ne le suis pas ?

— Et comment on s'arrête ?
— Ne bouge plus les jambes, garde les pliées sous le siège. Tu vas perdre de la vitesse et tu pourras t'arrêter.

Je le vois appliquer mes conseils à la lettre et je reste là à l'observer de mon côté. Lorsqu'il s'imobilise complètement, la première chose qui me frappe en plein cœur c'est son sourire. Comme si j'avais réussi à lui faire accomplir un rêve d'enfant. Je suis tellement content pour lui que je me dirige vers lui en lui proposant mon poing afin qu'il cogne dedans.

— Bien joué !
— Merci, répondit-il en cognant son poing contre le mien.
— Tu vois, elles sont faites pour nous tous.
— Ouais, je n'aurais pas dû écouter les gens.

Un léger silence s'installe entre nous lorsque nous rejoignons l'emplacement où sont disposées nos affaires, je m'assieds sur les couvertures et m'enroule dans un des plaids, par réflexe. J'ai toujours trop chaud pour l'instant.

— Tu as faim ?
— Pas spécialement, mais si tu veux manger vas-y.
— Bree, je peux te poser une question délicate ? Tu as le droit de ne pas vouloir répondre.
— Tu m'inquiètes, ris-je doucement, mais oui.

Je sens qu'il n'ose pas trop, qu'il ne sait pas si ma réponse est véridique ou non. J'ai un peu peur de la question qu'il va me poser, et lorsque les mots quittent ses lèvres, je perds légèrement mon sourire.

— Est-ce que tu as un souci avec la nourriture ?

Je déglutis et mon esprit tourne à toute vitesse pour essayer de garder la face.

— Mais non, pourquoi aurais-je des soucis avec la nourriture ?
— Je... j'ai remarqué des choses. Tu joues beaucoup avec le contenu de ton assiette pour éviter de manger, tu ne finis jamais tes plats, tu ne fais pas de doggy bags quand tu vas au restaurant, tu choisis des plats qui ont peu de calories...
— Tu te fais des idées, je fais attention à mon alimentation mais voilà tout, lui rétorquai-je plus sèchement que je ne l'aurais voulu.

Je ne pensais pas que mon manège était visible, j'avais besoin de ces moments pour éviter de trop manger et de manger n'importe comment. Parce que si je prenais un gramme qui n'était pas du muscle, les magazines n'hésitaient pas à me le faire remarquer dès que je posais dans une tenue un peu légère. Kieran m'observe et je refuse de lire la pitié dans son regard alors je me concentre sur son panier, comme pour lui prouver le contraire.

— Allez mangeons.

Je sors plusieurs boîtes en carton dans lesquelles on retrouve plusieurs salades différentes, des légumes à croquer, de la sauce à part et des mini sandwichs au pain complet et garnis de fromage et de poisson. J'observe le menu et ne peux que remarquer qu'il s'agit de nourriture saine. Comme si Kieran avait utiliser ses craintes pour me proposer quelque chose que je pourrais manger. Mon cœur se serre et je soupire.

— Je ne dupe personne, c'est ça ?

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