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Chapitre 3 - Kieran

J'observe la bruine tombée sur la ville au travers des vitres teintées du van qui nous conduira partout tout le week-end. Si ça n'avait tenu qu'à moi, on aurait fait un partenariat avec des loueurs de véhicules électriques pour sillonner la ville. Malheureusement, les célébrités américaines aiment rouler en van. Ne me demandez pas pourquoi, on m'a toujours imposé ce choix, alors j'exécute.

Le temps ne va pas être clément aujourd'hui, mais je ne suis pas réellement surpris. Et puis, j'aime la pluie. J'ai toujours eu une affection particulière pour l'automne et l'hiver. J'aime les étendues de campagne pleines de neige, j'aime rester sous la pluie pour la laisser s'imprégner en moi. Je suis bizarre, je sais. On me l'a dit, souvent. Et je ne laisse plus vraiment le terme m'atteindre : j'aime ce que j'aime et si ça n'est pas du goût des autres alors qu'ils aillent se faire voir. Voilà.

Mon regard se perd un instant sur les chevilles d'Aubrey, observant sa posture détendue. Mon regard passe de ses jambes fines à son visage. Ses yeux sont clos et je me demande à quoi il pense. Il ne dort pas, on vient à peine de partir. Il doit sentir mon regard car il ouvre les paupières et ses pupilles s'ancrent dans les miennes. Je détourne le regard et je me replonge dans mes notes, je les connais par cœur mais ça me semble plus juste. Je sens ses yeux sur moi encore quelques secondes et j'attends le commentaire tranchant.

Ça me fait mal au cœur de constater de mes propres yeux que les rumeurs sont vraies, qu'il est imbuvable et qu'il a pris la grosse tête. C'est douloureux pour moi mais je m'y étais préparé. Et puis, il n'a plus rien à voir avec la personne que je côtoyais sur les réseaux sociaux. Alors, je me plonge dans mes feuillets pour les quelques minutes restantes qui nous séparent du centre de convention. Quand on arrive, le chauffeur contourne le bâtiment pour passer par l'entrée dédiée aux artistes, celle qu'on a créée afin qu'ils évitent à la fois la foule mais aussi la pluie. Quand le véhicule s'immobilise, je m'avance pour ouvrir la porte et descend le premier, laissant le passage libre à Aubrey.

— Nous sommes arrivés, suivez-moi je vais vous guider jusqu'à la green room.

Je referme la portière derrière lui et me mets en marche jusqu'à l'espace VIP dédiée aux acteurs, une pièce construite entièrement pour être insonorisée et agréable. Un catering les attends, composé des meilleures pâtisseries sucrées et snacks salés qu'on a pu trouver. Je sais qu'ils sont toujours très sensibles à ce genre d'attention, même si la plupart du temps les acteurs n'y touchent pas, ce sont les agents qui dévorent les différentes pâtisseries.

— Et voilà, vous avez une interview dans 20 minutes donc vous avez le temps de vous installer avant que nous nous rendions en salle de presse.

Je vois son regard se lever vers moi. Ses yeux me sondent et il finit par observer avec une moue de dégoût la table où sont disposés les différents choix pour grignoter.

— J'ai besoin d'un Starbucks.
— Pardon ?
— Avant l'interview, je veux un Latte Macchiato au lait d'avoine avec deux shots de vanille.
— Je suis navré mais nous n'avons pas de Starbucks, je peux vous proposer du café, du thé, des jus de fruits ou...

Je ne finis pas ma phrase parce que je suis interrompu par un profond soupir alors qu'il lève les yeux au ciel. Il enfouit les mains dans les poches de son jean et finit par s'avancer, il est si près que je peux sentir son parfum et son souffle sur mon visage.

— Dépêchez vous, je pense qu'il ne vous reste que 18 minutes avant l'interview, et je ne la ferai pas si je n'ai pas eu mon Latte Macchiato au lait d'avoine avec deux shots de vanille.

Un frisson me parcourt l'échine. Je dépose ma sacoche dans un coin de la pièce avant d'en sortir, le nez sur mon téléphone. Je parcours google Maps à la recherche du coffee shop le plus proche, qui est à sept minutes de voiture. Quel enfer. J'attrape à la volée le chauffeur qui nous est dédié, il m'observe d'un air désolé.

— On m'a demandé d'aller chercher des artistes dans le second hôtel...
— Stop, vous montez en voiture, on va appeler le QG pour prévenir d'envoyer quelqu'un d'autre mais ça, c'est une priorité.

Je ne suis pas sûre que le latte de Môssieur Tucker soit une réelle priorité mais on va faire comme si. Je n'ai pas le temps de faire envoyer quelqu'un d'autre, ce que je ferai habituellement vu que ça n'est pas mon travail de courir après les baristas du coin. Pendant la course, je télécharge l'application de la chaîne de café pour voir si ce serait plus rapide de commander en amont, malheureusement je ne peux pas choisir toutes les options que je veux. Alors je patiente, ma jambe s'agite sous l'effet du stress alors que je fixe les minutes qui s'égrènent sur le tableau de bord. Bree ne peut pas être en retard, pas dès le premier jour, pas pour une histoire de café. Et puis, il ne pouvait pas le dire dans la voiture ? Il a reçu la feuille de route, je me suis assuré que son manager la lui donne. Alors pourquoi Diable n'a-t-il pas précisé son envie de Latte avant qu'on soit sur place. Je sens que ce week-end va me faire perdre au moins dix ans d'espérance de vie et ça m'agace d'avance. A peine la voiture est-elle arrivée devant le café que je déboule à l'intérieur, hurlant presque ma commande à la serveuse. J'ai de la chance que la seule personne dans le café soit une personne qui attend déjà sa commande, alors je détaille ce que je veux et je paie. J'attends plusieurs minutes qui me semblent durer des heures avant de récupérer la boisson fumante. Je profite de cette attente pour prévenir la jeune femme qui m'a servi qu'elle va probablement me revoir et si c'est possible d'avoir le numéro du café pour anticiper les commandes. Elle me confirme qu'elle préviendra également ses collègues de la situation avant de me confier le précieux sésame. Je la salue et me dépêche de remonter dans le van qui reprend sa route. On va être en retard, je le sais. C'est impossible de faire ce qu'il m'a demandé dans le temps imparti. Alors j'essaie de réfléchir à la manière dont je vais rattraper ce retard. J'arrive finalement dans la green room quelques instants après, en sueur et les cheveux à moitié emmêlés, essoufflé comme un bœuf. Je ne suis pas beau à voir mais, ça encore, j'en ai l'habitude. Je cherche Bree des yeux et je ne le trouve pas, j'interpelle Aldo qui sort des sanitaires et il m'informe que Bree est en interview depuis dix minutes.

— Je ne sais pas où vous étiez, Monsieur Parker, mais c'est vous qui devriez savoir où est mon acteur.
— Il m'a demandé d'aller lui chercher...
— Un latte, oui je sais. Vous n'avez pas de personnel pour ça ? Moi qui pensais que nous étions dans un événement de qualité...

L'homme s'éloigne en ayant récupéré la boisson dans mes mains, lorsqu'il ouvre la porte de la salle de presse, je croise le regard satisfait de Bree et je sais que ça n'est que le début. Je serre les poings et entre à la suite de l'agent avant de donner son café à Bree. Je m'installe ensuite dans un coin, observant le visage de l'américain. Il est charmant avec la presse, ça me tue. Pourquoi joue-t-il les tyrans avec les réalisateurs et les salons alors qu'il peut être un parfait gentleman avec n'importe qui d'autre. Mon regard se pose sur Aldo qui observe la scène avec attention, n'hésitant pas à répondre à la place de Bree lorsqu'il estime que la question n'est pas appropriée. Il ne devait pas être là ce matin, c'était l'une des raisons de ma présence à l'hôtel. Alors je me demande comment il se fait qu'il nous ait finalement rejoint plus qu'à l'heure ?

Je prends le temps des interviews pour me calmer et reprendre un peu contenance. Je me lisse les cheveux du plat de la main discrètement et essuie la sueur qui coulait encore de mon front avec un mouchoir en papier. Je ne peux pas louper cette mission, je n'ai pas envie qu'on me tombe dessus parce que rien ne va. Je suis d'ailleurs ravi que Graham soit occupé à l'extérieur et qu'il n'ait pas encore eu d'échos de ma mésaventure - et j'espère qu'il n'en aura jamais. Je me rapproche d'un autre homme qui attend dans le coin de la pièce, attentif à ce qui se dit, prêt à rebondir en cas de souci. Félix est un homme qui donne l'impression qu'on pourrait le briser d'une seule main, mais quand on le voit à l'œuvre, il est capable de recadrer le plus vindicatif des journalistes.

— Comment ça se passe ? me demande-t-il sans quitter la scène des yeux.

Je lui répond d'un lourd soupir et d'un haussement d'épaule, glissant mes mains dans mes poches.

— Aussi bien que possible, pour l'instant il joue la starlette mais si ça n'est que ça on devrait pouvoir gérer.
— Il est adorable avec les journalistes en attendant, c'est tout ce qui m'importe.
— Ouais, j'aimerais bien qu'il soit un peu plus respectueux mais bon, je ne suis que son baby-sitter.
— Tu sais que tu es bien plus que ça.
— Alors pourquoi Graham m'a collé là !
— Parce que c'est un con qui ne voulait pas payer quelqu'un pour lui courir après à temps plein. Ton téléphone va sonner comme si tu bossais au même endroit que d'habitude.
— Ouais j'ai vu, j'ai au moins eu une vingtaine d'appels ce matin... J'ai géré comme j'ai pu mais s'il me prend pour son larbin je vais vite être injoignable.
— Fais de ton mieux, et emmerde Graham et ses missions à la con.

Un léger sourire étire le coin de mes lèvres, Félix est un type bien, j'adore l'écouter parler parce qu'il a toujours raison, et j'aimerais être un peu plus comme lui. Notre discussion s'arrête là lorsque je vois Bree et Aldo se lever et avancer vers la sortie. Je me mets en route en faisant un léger signe de la main à mon collègue. Je suis à peine revenu près d'eux que cet enfoiré d'acteur à la noix me colle son gobelet vide de café dans les mains.

— C'était froid.

Et puis, il s'en va. Juste comme ça. Je garde mon calme de l'extérieur, mais à l'intérieur je suis furieux. Parce qu'il ne me respecte pas. Et si j'en ai l'habitude, venant de lui j'en suis passablement irrité. Je sais qu'il ne peut pas savoir qui je suis, mais ça n'empêche pas d'être agréable avec les gens qu'il croise. Je le regarde entrer dans les toilettes et me dirige vers la poubelle pour y mettre le gobelet lorsqu'Aldo m'interpelle.

— Si vous le laissez faire, il ne va pas s'en priver vous savez.
— Pardon ?
— Vous n'êtes pas là pour jouer les subalternes mais, si vous-même vous voyez ainsi, il ne faut pas vous étonner qu'il vous traite comme ça.

Je reste muet alors que l'agent quitte la pièce à son tour pour se rendre aux toilettes. Je dois bien avouer que je ne m'attendais pas à ça, alors je médite quelques secondes sur ses mots. S'il n'a pas tort dans le fond, j'ai été désigné pour m'occuper de lui alors je ne comprends pas bien pourquoi il ne me verrait pas pour un assistant.

Je n'ai pas le temps de m'étendre beaucoup plus lorsqu'ils sortent tous les deux des toilettes. Je prends les devants et les guides jusqu'à l'espace où Bree va partir pour deux heures de dédicaces non-stop. Je dois bien avouer que je ne sais pas vraiment si je l'envie, ce n'est pas l'exercice le plus amusant du monde.

Quand je tire le rideau pour le laisser passer, des sifflements et des hurlements nous accueillent. J'ai l'habitude de ce genre de comportement, ça n'est pas la première fois que je fais un salon. Sa file d'attente est pleine de jeunes qui trépignent d'impatience à l'idée de rencontrer leur acteur favoris du moment. Je m'adosse à la cloison, bras croisés sur mon torse, un fin sourire aux lèvres. La scène pourrait en dépiter plus d'un, mais ça me fait plaisir. Parce que j'ai moi aussi été de ces jeunes qui rêvaient de rencontrer leur idole, parce que je trouve ça tellement plus sain que des dizaines d'autres occupations, parce que ça permet à des personnes de s'évader et de trouver un peu de quiétude et de douceur loin de ce foutu monde. Alors oui, je trouve ça doux de voir toutes ces personnes se précipiter les uns après les autres auprès de Bree pour échanger quelques mots avec lui et une petite dédicace. Même si tout ça n'est pas bénévole, loin de là, on permet cet accès à ces fans. On leur donne cette possibilité.

J'étais dans mes pensées, alors je n'ai pas vu tout de suite Bree m'observer. C'est lorsqu'il s'est agacé en claquant des doigts sous mon nez que ma bulle a explosé.

— Oui ?
— Enfin revenu sur terre, parfait. Je veux un plaid.
— Un plaid ? demandai-je, perplexe.
— Ouais, un truc chaud. Il caille dans votre pays.
— Un plaid.
— C'est ça, dépêche toi.

Ou est-ce que je vais trouver un foutu plaid ? J'inspire longuement en passant à nouveau dans les backstages et je regarde autour de moi pour essayer de trouver une solution. Félix discute, plus loin, avec un journaliste. Lorsque je m'approche, le journaliste s'éloigne et j'alpague mon collègue. pour paniquer auprès de lui. Félix m'observe avec un sourcil en l'air, comme s'il pouvait grand chose à mon malheur. Je sais que j'ai juste besoin de vomir ma panique après quoi je serais tout à fait efficace pour trouver une solution. Solution qui n'est pas très dure à trouver : il faut passer dans n'importe quelle boutique du coin pour trouver un foutu plaid. J'appelle Sage qui gère notre quartier général pendant le salon, c'est un peu le centre névralgique de l'événement. La tour de contrôle. J'ai besoin de quelqu'un pour aller faire cette course là, très vite, avant que je ne panique encore et que je m'y colle moi-même. Sauf qu'elle ne répond pas. Une fois. Deux fois. Au troisième appel, elle me répond, à bout de nerf. Je lui demande de m'envoyer quelqu'un et elle me répond qu'elle n'a personne à m'octroyer, que tout le monde est en poste.

La panique s'insinue peu à peu dans mes veines et je me force à prendre une longue inspiration. C'est Cat qui m'a appris ça, et j'avoue que ça m'aide parfois de me concentrer quelques minutes sur autre chose. J'insiste, je lui explique que Bree a besoin d'un plaid, mais Sage ne veut rien savoir, elle ne peut pas m'aider. Excédé, je lui raccroche au nez et je fonce vers le chauffeur. Il écrase sa clope en me voyant arriver et grimpe en voiture. L'odeur de la cigarette me fait grimacer et je lui dis de se mettre en route pendant que je cherche une adresse de Tesco ou autre enseigne du même genre qui pourra nous dépanner. Je vous jure que si je pouvais le tuer sur place, je le ferais. Il est 10h30 et la circulation est bien plus dense que quand nous sommes partis ce matin.

J'espère être revenu avant 11h30, histoire que Monsieur ne passe pas une heure à se plaindre de tout et de rien pour avoir son plaid. Quel enfer sérieux. 

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