— 𝑋𝐼𝐼 —
Electric Sunset
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Les guirlandes lumineuses suspendues aux branches des arbres projètent une lumière aussi douce que celle de ma bougie aromatique à la vanille, sauf qu'ici, c'est pas pour apaiser mes nerfs, mais pour transformer l'endroit en un espèce de parc d'attraction pour campeurs. Les petits éclats dorés, caressés par la brise, ressemblent à ces paillettes qu'on colle partout pendant les fêtes, sauf qu'on oublie que ça reste collé sur la peau et dans les cheveux pendant trois jours. La musique, un savant mélange de riffs électriques des années 80 et des rythmes plus modernes, flotte dans l'air, s'accordant parfaitement avec l'ambiance détendue de la soirée. Pour l'heure, c'est Dancing Queen d'ABBA, l'emblème national de mon cher pays, qui emplie l'espace.
L'odeur enivrante des cocktails sucrés se mêle aux effluves des grillades qui crépitent un peu plus loin, tandis que la douce brise qui se faufile entre les arbres, me rappelle l'été qui bat son plein. Il y a quelque chose de magique dans ce moment, une impression de suspendre le temps, de ne plus se soucier de rien.
Je marche aux côtés d'Ørjan, sa main enveloppant toujours la mienne. Ce simple contact me réchauffe, m'ancre dans le présent, et pourtant... mon cœur bat un peu plus vite que d'habitude. Un mélange d'excitation et d'appréhension fourmille dans ma poitrine, une sensation que je ne parviens pas tout à fait à définir. Il y a une douce fébrilité en moi, ce frisson propre aux moments où tout semble possible.
— Tu viens souvent à ce genre de soirées ici ? demandé-je d'une voix légère.
Ørjan jette un regard circulaire autour de lui, comme s'il redécouvrait l'endroit.
— Non, pas vraiment, avoue-t-il avec un sourire en coin. Ça demande d'être un peu trop sociable.
— Et pourtant, tu es là, observé-je, amusée.
Il hausse les épaules, son pouce effleurant distraitement ma peau.
— Je suis plus intéressé par la compagnie que par les cocktails, confesse-t-il dans un murmure. D'autant que je ne suis pas fan de ça.
— Alors pourquoi aller à une soirée cocktail si t'aimes pas ça ? demandé-je en fronçant légèrement les sourcils, mon sourire s'élargissant.
Il éclate de rire, ce rire si particulier qui réchauffe instantanément mon ventre.
— J'en sais rien, rigole-t-il. Peut-être parce que je suis un mec plein de contradictions.
J'allais répondre, mais à peine avons-nous franchi l'entrée de l'espace aménagé que nous sommes repérés. Un brouhaha résonne sur notre gauche, et je n'ai même pas le temps de m'adapter à l'ambiance qu'une voix féminine s'élève.
— Ah-ah, regardez qui voilà !
Je tourne la tête et aperçois Astrid, un sourire malicieux accroché aux lèvres, ses yeux pétillant d'amusement. Elle sait. Et moi, je sais qu'elle sait. Et plus encore, je vois qu'elle est heureuse pour nous. Elle essaie de ne pas trop montrer qu'elle savait depuis le début comment lui et moi allions finir.
— Le roi des Carpates, commence-t-elle d'une voix théâtrale. Accompagné d'une très belle demoiselle à son bras. Hi, Je suis trop contente pour vous !
Son cri de souris sous hélium me fait sourire et mon ventre se contracte légèrement à l'entente de ses mots. Ce n'est pas une mauvaise sensation, non. Mais quelque chose dans cette annonce publique me fait rougir malgré moi. Elle aurait presque pu ajouter un effet sonore de trompettes.
— Franchement, Ørjan, intervient Magnus en éclatant de rire, comment t'as fait ? demande-t-il en jetant un regard faussement suspicieux à son ami avant de poursuivre, un sourire en coin. Tu devais être sacrément persuasif pour la faire craquer. Enfin, j'veux dire, un 10 comme elle...
Je cligne des yeux, surprise par l'ampleur du compliment. Il y a quelque chose d'intense dans cette façon qu'ils ont tous de me regarder, comme si ma présence aux côtés d'Ørjan était un événement à part entière. Un peu comme si j'étais la cerise sur le gâteau, l'élément inattendu qui rend tout encore plus spécial.
— C'est clair, renchérit Nils en haussant les sourcils. C'est quoi ton secret ? Un marathon de compliments ?
Je me tourne vers Ørjan, qui semble tout aussi détendu qu'un gamin surprit en pleine bêtise, mais tout de même diverti par leur petite scène.
— Oh, je ne sais pas, ça doit être mon charme naturel... Ou peut-être le pouvoir de la tresse bien exécutée, plaisante-t-il en lançant un regard complice à Henrik.
Cette fois, je ne peux retenir mon rire. Je me souviens parfaitement de cette blague, le jour où j'ai rencontré ses amis sur la plage du lac, et du ton dramatique qu'avait utilisé Henrik pour parler de la fameuse tresse d'Ørjan.
L'ambiance est légère, joyeuse même. Pourtant, au fond de moi, un léger malaise s'installe. Comme si je devais être à la hauteur de cette image qu'ils projettent sur moi. Comme si, en un instant, je m'étais retrouvée sur un piédestal un peu trop élevé pour mes propres pieds. Je prends une grande inspiration et me force à sourire. Ils ne pensent pas à mal, je le sais. Mais une part de moi se sent vulnérable sous leurs regards bienveillants. Ørjan serre un peu plus ma main, comme s'il avait deviné ce qui se passe dans ma tête.
— Avec ta gueule de Dracula / Viking gringalet ? Wow, j'suis choqué et terriblement envieux, plaisante le pseudo-surfeur, un sourire moqueur étirant ses lèvres alors qu'il secoue la tête d'un air faussement incrédule, comme un personnage secondaire qui a toujours la réplique qui tue.
Quelques rires éclatent autour de nous, légers, complices. L'ambiance est taquine, familière, et pourtant, je ressens encore cette pointe de fébrilité au creux du ventre. Une sensation étrange, mélange d'euphorie et d'un certain vertige. Comme si, en m'ouvrant à ce groupe, je plongeais tête la première dans quelque chose de plus grand que moi. J'essaie de me convaincre que ce n'est pas si grave, que c'est même plutôt agréable, mais c'est un peu comme sauter dans le vide, sans être sur que le parachute va s'ouvrir.
— Non, mais sérieusement, je suis contente pour vous, commence Astrid avec une sincérité désarmante. Une vraie histoire d'amour en perspective, n'est-ce pas, les tourtereaux ? ajoute-t-elle en croisant les bras et nous observant, ses yeux pétillant, mi-amusés, mi-tendres, accompagné d'un sourire en coin.
Son ton est léger, mais il résonne différemment en moi. Ce mot. Amour. Je n'y avais pas encore vraiment pensé, du moins, pas aussi frontalement. Un frisson parcourt ma peau, non pas de malaise, mais d'une prise de conscience soudaine. Quelque chose est en train de naître entre Ørjan et moi, quelque chose que je n'ai pas encore totalement défini, et entendre Astrid le formuler à voix haute me fait l'effet d'un électrochoc.
Derrière nous, un rire sonore retentit.
— Un vrai roman à l'eau de rose ! s'exclame Magnus, moqueur. C'est à la fois répugnant et terriblement cute.
Cette fois, je ne peux retenir mon rire. Un éclat sincère, spontané, qui dissipe en partie ma nervosité. Ce rire, c'est celui du soulagement, de la légèreté. Comme un fil invisible qui me lie un peu plus à eux, à cette bande un brin chaotique mais terriblement attachante. Mon regard glisse vers Ørjan, et pendant une fraction de seconde, je croise le sien. Il me sourit, un sourire en coin, subtil mais plein de douceur, et je ressens cette chaleur diffuse dans ma poitrine.
Je suis à ma place ici.
Dans son groupe d'amis. Avec lui.
Celui auquel j'appartiens un peu plus chaque jour depuis cette fameuse rencontre sur la plage du lac, ce moment presque irréel où mon paréo psychédélique avait été l'élément déclencheur de cette dynamique étrange entre nous. Je me demande, un peu moqueuse, si c'est le paréo ou la tresse d'Ørjan qui a d'ailleurs fait toute la différence.
Ce denier secoue la tête, faussement exaspéré, avant de lever les mains en l'air en signe de reddition.
— Bon, allez, je vais commander avant que vous racontiez encore plus de conneries, lâche-t-il avec un sourire.
— Attends, je viens avec toi ! m'exclamé-je en faisant un pas dans sa direction, afin d'échapper à d'autre taquinerie.
— Oh, regardez-moi ça, ils ne se lâchent déjà plus d'une semelle... C'est donc ça ton fameux charme naturel, lance Astrid d'un clin d'œil appuyé.
L'air est saturé d'effluves d'alcool, de parfums sucrés et d'une chaleur moite qui colle aux vêtements – probablement un mélange de sueur, de cocktails renversés et d'espoir mal placé. Ajoutez à ça la rumeur des conversations, entrecoupée de basses qui font vibrer les verres, et on obtient une ambiance oscillant entre euphorie et légère suffocation. L'ambiance est électrique, presque étourdissante, et pourtant, à ses côtés, je me sens curieusement bien.
Nous nous frayons un chemin tant bien que mal, slalomant entre les groupes agglutinés avec la grâce d'un caddie à trois roues. J'évite de justesse un mec qui s'agite comme s'il essayait d'expliquer la théorie de la relativité avec ses bras et un peu plus loin, un couple qui s'embrasse à coeur joie. À ce stade, je ne serais pas surprise qu'ils fusionnent d'ici la fin de la soirée . Enfin, nous atteignons le bar, où les barmen virevoltent entre les commandes, enchaînant cocktails et pintes avec une précision presque chorégraphiée. Ils rient avec les clients, échangent des plaisanteries, tout en maintenant une cadence effrénée, comme s'ils s'entraînaient pour les Jeux Olympiques du service rapide.
Je plisse les yeux devant la carte des cocktails, tentant de trouver une option qui ne sonne ni comme une menace ni comme une mauvaise décision en devenir. Entre un Sex on the Beach trop suggestif, un Kamikaze moyennement rassurant et un Zombie Killer qui donne l'impression qu'on ne survivra pas à la soirée, rien ne me tente vraiment. Ce n'est pas comme si j'étais une grande amatrice de cocktail, et à en juger par la moue perplexe d'Ørjan – quelque part entre « je suis coincé avec une assiette de choux de Bruxelles et un plat de lentilles froids » – il ne semble pas plus emballé que moi. Ce qui, à vrai dire, ne me surprend même pas.
Un des barmen finit par se tourner vers nous, affichant un sourire commercialement parfait – un peu trop large pour être honnête. Un sourire de mec qui a déjà vu défiler trop de gens indécis et qui sait d'avance qu'il va falloir nous aider à choisir.
— J'vous sers quoi ?
Je jette un dernier coup d'œil à la carte, avec l'intensité d'une meuf qui essaie de décrypter un menu en grec ancien. Autant prendre un truc au pif et espérer ne pas finir avec un cocktail goût liquide vaisselle.
— Un Electric Sunset, pour moi, dis-je sans grande conviction.
— Une bière, répond Ørjan avec la rapidité et l'assurance d'un mec qui a déjà vu des gens faire de mauvais choix et refuse d'en être témoin encore une fois.
Je pivote vers lui, un sourire amusé sur les lèvres.
— Je pense que t'as fait un meilleur choix que moi.
— J'ai pas envie de tenter une expérience foireuse, lâche-t-il en haussant les épaules, l'ombre d'un sourire en coin.
Nos rires s'entremêlent alors que le barman pose nos verres devant nous. Ørjan attrape sa bière avec l'aisance d'un homme en paix avec ses décisions. Moi, je me retrouve face à mon cocktail, un machin d'une couleur indécente, quelque part entre le Stabilo fluo et un jus de licorne radioactive. Ce truc devrait venir avec un avertissement médical.
Je prends une gorgée. Erreur monumentale. C'est comme si une cargaison entière de bonbons chimiques venait de s'écraser sur ma langue. Je fronce immédiatement le nez, comme si j'avais croqué dans un fruit trop mûr (mais sans la satisfaction de l'instant). Une grimace bien ancrée se dessine sur mon visage, et je me retrouve à secouer la tête, comme si ça allait pouvoir effacer l'overdose de sucre qui m'attaque les papilles.
— La vache ! Je crois que je viens de choper le diabète... soufflé-je, un air mi-désespéré, mi-horrifié.
Je fixe mon verre comme si j'y voyais l'incarnation du mal absolu, la mine aussi catastrophée qu'un médecin venant de m'annoncer que j'avais trois jours à vivre.
Ørjan éclate de rire, visiblement ravi de ma réaction. Ses yeux pétillent de malice pendant qu'il porte sa bière à ses lèvres, savourant probablement encore plus le contraste entre nos boissons respectives, comme un scientifique découvrant une nouvelle espèce.
— Je savais même pas que les cocktails pouvaient être aussi sucrés ! m'exclamé-je, secouant mon verre comme si un miracle pouvait se produire et atténuer ce goût de bonbon fondu.
Je lâche un soupir dramatique, et lui se contente de me regarder avec ce petit sourire en coin qui lui donne un air encore plus insolent.
— Je t'avais dit que la bière, c'était plus safe, plaisante-t-il, enfonçant le clou comme un comique sur scène qui attend sa dose de rire.
Je hausse les sourcils et prends un air faussement vexé, prête à lui rendre la monnaie de sa pièce.
— Tu m'as rien dit du tout, Dracula... répliqué-je en insistant sur son surnom, un brin exagéré.
Ørjan se marre de plus belle, le son grave de son rire vibrant encore à mes oreilles alors qu'on fait demi-tour, réalisant qu'on s'est instinctivement remis en route vers les autres. L'ivresse légère de l'instant me fait oublier tout le reste : la foule, la musique qui pulse en arrière-plan, et surtout cette abomination sucrée que j'ai osé appeler « cocktail ». Il y a juste lui, son regard brillant sous les lumières tamisées, son sourire toujours un peu moqueur.
Alors qu'on approche du groupe, il me jette un regard taquin et porte sa bière à ses lèvres, prenant une longue gorgée avant de lancer d'un ton faussement innocent :
— C'est toi qui as décidé de prendre un cocktail, j'y suis pour rien, moi.
Le culot. Le mépris voilé. L'arrogance du type qui sait qu'il a raison et qui boit sa bière avec la satisfaction tranquille du roi des Carpates sur son trône en crâne massif. Je roule des yeux en souriant, mais au fond, je sens mon estomac se tordre d'une sensation étrange. Il a cette façon d'être à la fois détendu et joueur, de me faire sentir à l'aise sans que j'aie besoin de surjouer quoi que ce soit. Avec lui, je me sens... plus moi-même. Ce soir, tout semble plus simple, comme si rien ne pouvait être réellement compliqué tant qu'il est là, à mes côtés.
Lorsque nous retrouvons la bande, des regards en coin et des sourires malicieux nous accueillent, comme si une mission venait d'être accomplie et qu'Ørjan en était le grand vainqueur. Je fronce légèrement les sourcils, intriguée, mais leur énergie est tellement légère, tellement vibrante, que je ne peux m'empêcher de sourire encore plus. On s'installe sur une grande couverture jetée sur l'herbe, entre deux rires et quelques regards complices, tandis que la nuit, elle, se la joue diva, vibrante de mille couleurs et de promesses d'histoires à raconter le lendemain — à condition qu'on s'en souvienne.
L'air est chargé d'odeurs mêlées : la fumée d'un feu de camp non loin, les grillades qui crépitent quelque part, la fraîcheur légèrement boisée portée par la brise. La musique tourne en arrière-plan, les basses résonnant sous nos corps, installés en tailleur sur l'herbe, comme des philosophes des temps modernes, mais avec plus de bière et moins de réflexion. L'atmosphère est à la fois vivante et intime, un cocktail parfait entre euphorie et ce calme étrange qui nous fait sentir plus vivants que jamais.
— Alors, comment ça va se passer ? Une petite danse pour célébrer tout ça ? demande alors Astrid, un sourire malicieux aux lèvres.
Je tourne la tête vers Ørjan, qui semble se figer, sa mâchoire se crispant légèrement. Son regard oscille entre scepticisme et légère panique, et cette simple réaction m'amuse bien plus que je ne veux l'admettre. Un sourire espiègle se dessine lentement sur mes lèvres.
— Pourquoi pas ? Si Dracula veut nous faire une démonstration... dis-je en riant, savourant l'occasion de le taquiner.
Il me fusille du regard, une expression qui oscille entre l'exaspération et l'amusement.
— Je passe mon tour, merci, lâche-t-il avec un sérieux feint.
L'éclat de rire général fuse aussitôt, et même lui finit par secouer la tête, un sourire en coin. Je me laisse emporter par l'énergie, un peu comme un ballon de baudruche qu'on laisse s'envoler, réalisant à quel point tout semble fluide ce soir. Il y a une alchimie entre nous tous, une sorte de bulle dans laquelle je me surprends à me sentir bien.
Et pourtant, au fond de moi, une infime réserve persiste. Pas une peur, ni un doute concret, mais cette sensation étrange d'être à la lisière de quelque chose d'important. Comme si cette soirée, ces échanges, ce sentiment grandissant, marquaient un tournant. Un pas de plus vers une complicité que l'on tisse sans vraiment en parler.
La musique continue de flotter autour de nous, les rires se mêlent aux voix, et je me surprends à espérer que la nuit s'étire encore un peu. Juste un peu.
La chanson Slow, Love, Slow de Nightwish emplie soudainement l'atmosphère, les premières notes flottant doucement dans l'air, comme un voile subtil qui se déploie autour de nous. La mélodie langoureuse et douce, portée par la voix envoûtante d'Anette Olzon, semble s'étirer dans l'espace, touchant chaque recoin du moment, l'entrelacement parfait entre le monde extérieur et celui, plus intime, de la bande qui s'est formée autour de nous.
Come and share this painting with me
Unveiling of me, the magician that never failed.
Mon regard se tourne immédiatement vers Ørjan, comme un aimant, et je remarque qu'il a fait de même. Nos yeux se croisent et, dans cette fraction de seconde, quelque chose d'inexplicable passe entre nous. C'est un moment suspendu, une respiration partagée, comme si la musique, tout à coup, nous liait d'une manière encore plus profonde. Il n'y a pas de mots, seulement cette connexion, cet instant où tout semble se fondre autour de nous. C'est une harmonie qui me fait presque oublier où nous sommes, au milieu de la rumeur de la soirée, des voix qui s'élèvent et des éclats de rire autour de nous.
Sa main vient chercher la mienne, effleurant mes doigts avec une délicatesse presque irréelle. Mon cœur rate un battement, et je me sens prise au piège de cette douceur, de cette évidence silencieuse. Il y a quelque chose de tendre dans ce geste, mais aussi d'intensément fragile. Un simple contact, mais qui fait tout basculer.
I wonder
Do I love you or the thought of you?
Je n'ose bouger, un instant d'incertitude traversant mon esprit. Mais lui, sans un mot, serre doucement ma main, comme une promesse silencieuse. C'est une chaleur douce qui se propage dans mon poignet, dans mes veines, une chaleur qui me fait oublier la soirée, oublier tout sauf lui, là, à mes côtés.
La voix d'Anette s'élève dans un crescendo, pleine de cette intensité mélancolique qui semble dire tout ce qu'on ne peut pas dire avec des mots. C'est comme si elle chantait pour nous, pour ce moment précis où nos vies, en pleine effervescence, se croisent et se tissent sans qu'on puisse en prévoir l'issue.
Slow, love, slow
Mon souffle se fait plus court, un frisson m'envahit. J'ai l'impression que la chanson, comme un écho, fait naître des émotions enfouies, des choses que je n'ai jamais su nommer. Il me regarde, un petit sourire en coin, mais ses yeux, eux, sont sérieux. Il y a une douceur dans son regard, une profondeur qui me déstabilise un peu. Ses doigts effleurent les miens, chaque mouvement presque hypnotique, comme une danse lente, bien que nous restions là, immobiles, sous la lueur des lumières et des étoiles.
Je pourrais rester là, figée, à m'imprégner de cette connexion silencieuse, mais au fond de moi, un doute léger flotte. Ce moment est-il réel ? Est-ce que je suis prête à le laisser m'atteindre, à accepter cette proximité qu'il m'offre ? Mais avant que je ne puisse me poser plus de questions, un éclat de rire éclate derrière nous, brisant la magie du moment. Nos regards se détournent lentement, et je suis soudainement consciente du bruit autour de nous, des conversations, des mouvements, de la vie qui continue à tourner malgré ce qui vient de se passer.
Southern blue, morning dew
Let-down-your guards, I-love-you's
Il me lâche la main un instant pour se relever, et je le regarde, perdue dans un mélange de confusion et de désir.
— On danse ? dit-il, sa voix basse, avec une pointe d'humour, comme pour me ramener dans le monde réel. La musique continue de s'épanouir autour de nous, lente et envoûtante.
Je me sens un peu perdue, mais je me lève quand même, mon corps réagissant plus vite que mes pensées. Il tend la main vers moi, et sans hésiter, je la prends. Ce n'est plus une question. C'est un appel. Une invitation silencieuse à vivre l'instant, à me laisser emporter par cette folie douce qui nous enrobe. Alors, je le suis.
A slumber deeper than time
Slow, love, slow
Only the weak are not lonely
La danse n'est pas fluide, pas parfaite. Nos pieds se frôlent, nos mouvements sont hésitants, maladroits presque, mais dans cette lenteur, dans cette simplicité des gestes, je sens quelque chose de plus fort que tout le reste. Nous ne sommes pas en train de danser, mais de nous découvrir, lentement, morceau par morceau, dans une chorégraphie qui n'a besoin d'aucun rythme établi.
La chanson se déploie autour de nous, elle nous enveloppe de son souffle, et je me sens comme en dehors du temps, hors de portée de tout ce qui pourrait m'atteindre. Il y a juste nous deux, la musique, et cette étrange alchimie qui semble se créer entre nos corps, entre nos âmes.
Un moment fragile, suspendu, un pas de plus dans ce lien naissant, invisible mais présent. C'est étrange comme l'on peut se sentir si vivant dans une telle lenteur, comme si le monde entier se rétrécissait autour de nous, devenant soudainement plus intime, plus doux, plus intime encore.
La dernière note de Slow, Love, Slow se meurt doucement dans l'air, et Ørjan en profite pour me voler un baiser. Puis, dans un instant de flottement, l'atmosphère change de ton. Le tempo se fait plus rapide, l'ambiance plus énergique. La chanson Hurtless Madness de Dynazty prend le relais, une explosion de vivacité et de puissance qui fait vibrer l'air autour de nous. Les premières notes envahissent l'espace, et, dans une synchronisation parfaite, tout le monde autour de nous semble s'éveiller.
J'ai toujours trouvé ça fascinant, ce truc de metalhead qui te lance un regard presque compatissant quand tu avoues que tu connais pas tel ou tel groupe. Comme si tu venais de dire que tu préférais les ballades de Céline Dion, ou pire, de la pop commercial. Et pourtant, là, dans cette atmosphère chargée de musique et d'énergie, je peux comprendre l'attachement. La chaleur de la musique, la passion qui se dégage, c'est presque contagieux. Et je me surprends à apprécier chaque note.
Je le remarque alors, la façon dont Ørjan réagit à cette chanson. Il se redresse, ses yeux pétillent, comme s'il retrouvait une partie de lui-même dans les riffs puissants et la voix incomparable de Nils Molin. Un sourire se dessine sur ses lèvres, et un éclat de fierté s'allume dans ses yeux. C'est comme si, à cet instant précis, il se reconnectait à quelque chose de fondamental, de profondément ancré en lui. Et moi, je suis là, en train de le regarder, un peu comme une étrangère dans un monde qu'il connaît par cœur. Je lui fais un sourire un peu timide, mais il semble tout aussi heureux que moi de me voir entrer dans son univers.
Je dois avouer que, niveau métal, je suis un peu comme un touriste perdu au sommet d'une montagne enneigée : je regarde autour de moi, je vois les pistes, mais je n'ai aucune idée de comment descendre sans me prendre une gamelle. Mais ce morceau... cette musique. Il y a quelque chose dans la puissance des accords, cette voix qui semble venir des profondeurs de la terre, qui me fait presque oublier que je suis une novice totale dans ce domaine. Les guitares, les percussions qui frappent presque le sol, et l'air lui-même semble bouger avec nous, comme si chaque battement de musique secouait la nuit autour de nous.
— Tu connais ce morceau ? demande Ørjan, le sourire en coin.
Il me lance un regard amusé, mais il y a dans ses yeux une douceur qui me fait comprendre qu'il est plus là pour m'accompagner que pour me juger. C'est comme s'il avait envie de partager un secret avec moi, un secret que lui seul connaît, et qu'il m'invite à le découvrir à travers ce morceau. Un peu comme un guide qui me montre une nouvelle porte dans un monde que je ne connais pas encore.
— Pas vraiment... mais je crois que ça va bientôt changer.
Je tente de garder mon calme, mais je sens bien qu'il est là, à me juger secrètement, me regardant comme si je venais de dire que je n'avais jamais goûté au chocolat. C'est mignon, dans un sens. Je lui fais un sourire en coin, du genre « je vais jouer à ton petit jeu, mais j'ai mes propres cartes ». Et je m'y plonge, tentant de laisser la musique m'envahir. La magie de ce moment me frappe de plein fouet. Cette chanson, l'atmosphère qui se crée autour de nous, devient soudainement plus intense. Et voilà, je suis là, en train de devenir une spectatrice enthousiaste dans ce monde qui m'échappe encore un peu, mais dans lequel j'ai envie de me perdre. Juste un peu. Avec lui.
Ørjan, semble parfaitement dans son élément. Il m'attrape la main, m'entraînant dans le tourbillon de cette énergie collective. C'est un peu comme si, sans le vouloir, il m'avait embarquée dans un vortex de métal où chaque mouvement doit être épique, chaque geste important. Et moi, je fais de mon mieux pour ne pas ressembler à un poisson hors de l'eau.
Les autres autour de nous se mettent à bouger aussi, certains en mode « je suis un pro, je m'éclate », d'autres qui, comme moi, se demandent dans quel univers ils viennent de débarquer. L'air est électrifié, la musique monte d'un cran et, soudainement, on se retrouve dans une sorte de transe collective, comme si tout le monde avait trouvé une façon différente de se libérer, de s'exprimer.
C'est là qu'Ørjan me regarde à nouveau, un éclat malicieux dans les yeux, comme s'il attendait la réponse à la question qu'il n'a même pas posée.
— Alors, tu en penses quoi ? demande-t-il son visage tout près du mien, son regard brillant de curiosité.
Je souris, mon cœur battant un peu plus fort.
— C'est... incroyable, dis-je, ma voix portant la vérité de mon ressenti.
Et pour la première fois, je me laisse emporter, je me laisse guider par la musique, par Ørjan, par cette énergie que je découvre et qui, pour une fois, me semble parfaitement naturelle. Même si, soyons honnêtes, un petit sourire s'impose quand je me rends compte que je suis à peu près aussi coordonnée qu'un chaton sur des patins à roulettes.
La chanson poursuit sa course effervescente, le rythme de la batterie battant plus fort, plus fort encore, comme une pulsation, une invitation à se perdre dans le mouvement. L'atmosphère est électrisée, chaque vibration résonnant dans mon corps. Et plus je danse, plus je sens la connexion grandir, comme si chaque pas nous rapprochait un peu plus, sans même qu'il soit nécessaire de s'en rendre compte.
Nous rions, nous bougeons, et dans ce tourbillon de musique, de rires et de mouvement, il y a un instant où tout semble se fondre, se fondre dans une chaleur douce, une chaleur qui fait disparaître les doutes, les peurs, et qui ne laisse plus place qu'à l'instant présent. Celui où la musique fait de nous des êtres en harmonie, avec tout ce qui nous entoure, avec nous-mêmes, et, surtout, avec cette complicité qui semble ne plus nous quitter.
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Chers lecteurs, chères lectrices,
J'espère que vous allez bien et que ce chapitre vous a bien secoués ! ☀️ Entre fous rires, révélations inattendues et émotions aussi sucrées qu'un cocktail étrange, je suis sûre que vous n'êtes pas au bout de vos surprises ! 😅 De l'humour, des moments tendres, un peu de malaise, et cette touche de folie qui rend tout plus intéressant... Vous avez aimé cette ambiance décalée ? 😜 Et dites-moi, qui aurait pris un cocktail fluo à votre place ? 🍹
P.-S : Vous trouvez pas qu'Amalie et Ørjan sont trognons ? 🦇🌼🥹
❓Et dites-moi, vous aussi, vous avez eu un moment où vous vous êtes dit "Pourquoi j'ai fait ça ?" 🤦♀️ Un choix un peu trop audacieux ou une situation qui vous a bien fait rire après coup ? Ou sinon, quel a été votre premier contact avec la musique métal ? 🖤 Le genre de morceau qui fait frissonner, celui qui vous donne envie de secouer la tête jusqu'à en perdre l'équilibre ? Ou partir en courant ? 😆 Partagez vos anecdotes, je suis toujours curieuse ! 📖💬
On se retrouve la semaine prochaine pour plus de surprises ! 🔥👀
A.E 💖